« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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21 décembre 2024
La pétition « Les Mathématiciens contre le génocide à Gaza » a été lancée par un groupe de mathématiciens, en France, et c’est rapidement répandue dans le monde entier. Elle comptait, à la clôture du recueil de signatures, le 4 décembre, 1078 signataires.
Le 7 octobre 2023, le Hamas a mené une attaque terroriste en Israël, tuant plus de 1 200 personnes sur une population de 9,5 millions d’habitants, dont plus de 800 civils et au moins 33 enfants, et en blessant 5 400 autres. L’attaque a également permis la capture de 248 otages, dont une centaine sont toujours détenus à Gaza.
Depuis lors, le gouvernement israélien a lancé une réponse d’une violence génocidaire contre la population palestinienne de Gaza, sous les yeux de la communauté internationale. Fin octobre 2024, le nombre de victimes identifiées s’élevait à 43 061, dont plus de 13 735 enfants, 7 216 femmes et 3 447 personnes âgées, avec plus de 100 000 blessés, pour une population de 2,3 millions d’habitants. Des milliers d’autres victimes restent enfouies sous les décombres, sans être dénombrées. L’armée israélienne inflige désormais aux civils palestiniens au moins l’équivalent d’un 7 octobre tous les dix jours, et ce depuis plus d’un an.
Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a qualifié la situation à Gaza de « crise de l’humanité ». Outre le lourd tribut payé par les civils, cette guerre a entraîné la destruction massive des infrastructures civiles palestiniennes et a contraint 90 % de la population de Gaza à des déplacements répétés. La plupart des hôpitaux ont été bombardés et détruits, et de nombreuses équipes médicales ont été tuées. Les attaques constantes et les blocages [contre l’approvisionnement] en nourriture, eau, carburant, médicaments et aide humanitaire causent des souffrances insupportables à la population de Gaza, qui est confrontée à la famine et aux maladies infectieuses. Les enfants, ainsi que d’autres groupes vulnérables, sont particulièrement touchés.
Fin octobre 2024, le ministère palestinien de l’éducation, basé à Ramallah, a indiqué qu’Israël avait tué plus de 11 057 écoliers et 681 étudiants à Gaza depuis le 7 octobre 2023, et blessé plus de 16 897 écoliers et 1 468 étudiants. Au total, 441 enseignants et membres du personnel éducatif ont été tués et 2 491 blessés. Au moins 117 universitaires de Gaza ont été tués, dont Sufyan Tayeh, mathématicien, physicien théoricien et président de l’Université islamique de Gaza, tué avec sa famille par un bombardement israélien dans le camp de réfugiés de Jabaliya le 2 décembre 2023.
En outre, 406 écoles de Gaza ont été endommagées, dont 77 complètement détruites. Les universités de Gaza ont été gravement touchées, avec 20 institutions endommagées, 51 bâtiments complètement démolis et 57 partiellement détruits. En conséquence, près de 88 000 étudiants et 700 000 écoliers de Gaza ont été privés d’éducation pendant plus d’un an.
Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a estimé qu’il y avait un risque de génocide et a ordonné à Israël de prendre des mesures pour l’éviter. Le 28 mars, la CIJ a réitéré cette ordonnance, exigeant la mise en œuvre de ces mesures préventives. Puis, le 24 mai, la CIJ a ordonné à Israël d’arrêter immédiatement son offensive militaire à Rafah et d’ouvrir le point de passage de Rafah pour permettre un accès sans entrave aux services humanitaires et à l’aide aux civils.
Ces ordres semblent avoir été totalement ignorés et les attaques contre les civils de Gaza se sont intensifiées, en particulier dans le nord, dans le but évident de dépeupler cette région des Palestiniens. Le 30 septembre 2024, après plusieurs jours de bombardements aériens, l’armée israélienne a également envahi le Liban, tuant au moins 1 600 personnes et en déplaçant 1,2 million.
Les violations des droits de l’homme commises par le gouvernement israélien s’étendent au-delà de la bande de Gaza et ne commencent pas en représailles à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. En Cisjordanie, depuis le 7 octobre 2023, 79 écoliers et 35 étudiants ont été tués, et des centaines d’autres ont été blessés ou arrêtés. Pourtant, les violations systématiques et généralisées des droits de l’homme, telles que la confiscation des terres, le pillage des ressources et la discrimination raciale, ont été bien documentées au cours des 57 années d’occupation des territoires palestiniens et des 17 années de blocus de Gaza.
Le 19 juillet 2024, la CIJ a rendu un avis consultatif sur « les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé (TPO), y compris Jérusalem-Est et Gaza », déclarant sans équivoque que l’occupation israélienne est illégale et appelant à sa cessation immédiate. La CIJ a souligné que la responsabilité de ne pas soutenir cette pratique illégale incombe non seulement aux États tiers, mais aussi à toutes les institutions qui défendent le droit international, y compris les universités.
La communauté scientifique s’est souvent mobilisée dans le passé pour défendre les droits de l’homme et le droit international. Dans une lettre ouverte publiée dans le New York Times en décembre 1948, cosignée par Hannah Arendt et Albert Einstein, les auteurs dénonçaient en ces termes la visite de Menahem Begin, chef du parti Tnuat Haherut, précurseur du Likoud (le parti de l’actuel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou) : « Parmi les phénomènes politiques les plus inquiétants de notre époque figure l’émergence, dans le nouvel État d’Israël, du ‘Parti de la liberté’ (Tnuat Haherut), un parti politique dont l’organisation, les méthodes, la philosophie politique et l’attrait social sont très proches de ceux des partis nazis et fascistes. Il a été créé à partir des membres et des partisans de l’ancien Irgoun Zvai Leumi, une organisation terroriste, de droite et chauvine en Palestine.... C’est dans ses actions que le parti terroriste trahit sa véritable nature ; ses actions passées nous permettent de juger de ce que l’on peut attendre de lui à l’avenir. Leur comportement dans le village arabe de Deir Yassin en est un exemple choquant. Ce village, situé à l’écart des routes principales et entouré de terres juives, n’avait pris aucune part à la guerre et avait même combattu les bandes arabes qui voulaient l’utiliser comme base. Le 9 avril, des bandes terroristes ont attaqué ce village paisible, qui n’était pas un objectif militaire dans les combats, ont tué la plupart de ses habitants (240 hommes, femmes et enfants) et en ont gardé quelques-uns en vie pour les faire défiler comme captifs dans les rues de Jérusalem. La majorité de la communauté juive a été horrifiée par cet acte et l’Agence juive avait envoyé un télégramme d’excuses au roi Abdallah de Trans-Jordanie. Mais les terroristes, loin d’avoir honte de leur acte, étaient fiers de ce massacre, en firent une large publicité et invitèrent tous les correspondants étrangers présents dans le pays à voir les cadavres entassés et le chaos général à Deir Yassin ».
Depuis plus d’un an, le gouvernement israélien et ses forces militaires commettent chaque jour à Gaza l’équivalent d’un massacre de Deir Yassin, tandis que la communauté scientifique reste largement silencieuse. Pourtant, comme le montre la lettre ouverte ci-dessus, cette communauté s’est déjà fortement opposée aux attaques contre les civils, que ce soit pendant les guerres d’Algérie et du Vietnam ou, plus récemment, en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les scientifiques, et en particulier les mathématiciens, ne peuvent rester indifférents au génocide en cours à Gaza, d’autant plus que les puissances occidentales semblent soutenir politiquement, diplomatiquement et militairement ce crime contre l’humanité.
Trop c’est trop. Nous exhortons nos collègues à cesser toute collaboration scientifique avec les institutions israéliennes qui ne condamnent pas explicitement le génocide à Gaza et la colonisation illégale de la Palestine. Nous les encourageons également à faire pression sur nos propres institutions pour qu’elles mettent fin aux accords avec ces partenaires dans les mêmes conditions, conformément au droit international. Cette position n’inclut évidemment pas les collaborations individuelles avec des collègues israéliens, dont 3 400 ont courageusement signé un appel à la communauté internationale, que nous souhaitons soutenir, « pour qu’elle intervienne immédiatement en appliquant toutes les sanctions possibles contre Israël afin d’obtenir un cessez-le-feu immédiat entre Israël et ses voisins, pour l’avenir des populations vivant en Israël/Palestine et dans la région, et pour garantir leur droit à la sécurité et à la vie ». Enfin, nous exigeons de nos institutions qu’elles respectent scrupuleusement les libertés académiques et qu’elles défendent résolument la liberté d’expression dans le respect de la loi.