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IV - Pillage ou développement mutuel ? Les pionniers du rapprochement continental »

8 décembre 2024

Premier jalon d’une nouvelle ère de paix par le développement, l’initiative Belt and Road (BRI) est la dernière manifestation d’un désir séculaire de rapprochement entre les deux extrémités du continent.

par Christophe Lavernhe

I. Relations eurasiennes et eurafricaines : pillage ou développement mutuel ?

Durant le dernier quart du 19e siècle, la jeunesse européenne s’intéresse aux récits des explorateurs qui parcourent les dernières ’Terra incognita’ du globe, suscitant de nombreuses vocations. Le parcours de Pierre Savorgnan de Brazza est emblématique à cet égard. Ses expéditions en Afrique centrale (à partir des années 1870), dans un esprit de paix et de négociation avec les populations visitées, ainsi que sa volonté de préserver les cultures locales, le distinguent de ses contemporains.

Cet élan vers les terres lointaines inspire les personnalités françaises les plus enclines à aller à la rencontre des autres. Il s’agit tout d’abord de responsables politiques comme le ministre des Affaires étrangères Gabriel Hanotaux (voir IV-II) ou le député Jean Jaurès, de religieux comme le cardinal de la Vigerie, l’abbé Grégoire qui fut également député à l’Assemblée nationale, d’économistes favorables au développement comme Paul Cauwès, lui-même inspiré par le père de la théorie nationaliste de l’économie politique, l’Allemand Friedrich List.

Toutes voient dans les nouveaux moyens de transport la possibilité de rapprocher les peuples d’ouest en Est (Eurasie, Afrique) et du Nord au Sud (Afrique). Sur le plan européen, les mêmes s’opposent à la politique de libre échange des Britanniques qui consacre un rapport du fort au faible. Ils se prononcent pour une entente continentale entre la France, l’Allemagne et la Russie [1].

Le géographe Elisée Reclus (1830-1905) résume ainsi cet état d’esprit :

« Une chose est certaine, c’est que les nations de l’Orient et de l’Occident sont désormais solidaires (…) ; le monde est devenu trop étroit pour que les civilisations puissent se développer isolément, en des bassins géographiques distincts, sans se mêler en une civilisation supérieure (…) un courant continu se meut de peuple à peuple sur toute la rondeur de la planète, à travers les continents et les mers ». [2]

Durant cette période pourtant propice, et malgré les efforts des personnalités que nous venons d’évoquer pour ce qui concerne la France, le cynisme et la petitesse de la majorité des politiques l’ont malheureusement emporté, ce qui aboutira à l’entente cordiale entre la France et l’ Angleterre.

Dès le premier quart du 19e siècle, les Britanniques prennent l’initiative d’ouvrir le marché chinois, de force, non seulement pour écouler les stocks d’opium produit en Inde, mais aussi pour imposer leur libéralisme économique. A partir de 1840 les autorités de Beijing sont mises en demeure, sous la contrainte, de signer des traités commerciaux plus tard désignés comme traités inégaux (avec l’Angleterre mais aussi la France, l’Allemagne, la Russie, les Etats-Unis et le Japon).

Ce type de politique fait dire à Jean Jaurès :

« Il paraît que les petits Japonais et les Chinois studieux et subtils sont une sorte de bétail innombrable et inférieur, que les races blanches peuvent exploiter, utiliser, décimer, asservir. C’est un préjugé barbare, c’est un préjugé d’ignorance, de sauvagerie et de rapine. Ces races jaunes sont composées d’hommes et cela devrait suffire ; mais elles sont composées d’hommes qui pensent, qui travaillent, qui échangent et qui ne paraissent pas résignés à subir indéfiniment les violences d’une Europe qui abusait de leur apparente faiblesse. »(…)
 
« Est-ce parce que la couleur de la peau asiatique n’est pas la même que la couleur de la peau européenne qu’il faudra refuser à ces 500 millions d’hommes le droit à la sécurité, le droit à la dignité, le droit à la vie ? Non, certes. Pour nous, socialistes, pour nous hommes, il n’y a ni opposition de races ni opposition de continents  ; mais partout, sous les climats divers, avec des nuances diverses, des tempéraments physiques différents, partout la même humanité qui monte, qui grandit et qui a le droit de monter et de grandir. » [3]

 

Pour Elisée Reclus :

« L’ Asie orientale fait désormais part du monde ouvert. Quels seront pour l’humanité toute entière les résultats de cette annexion d’un demi-milliard d’hommes au mouvement général de l’histoire ? Il n’est pas de question plus grave. On ne saurait donc accorder trop d’importance à l’étude de l’Orient asiatique et de ces peuples ‘jaunes’ qui auront à jouer un rôle si considérable dans le développement de la civilisation future ». [4]

Les traités inégaux préfiguraient la mise sous tutelle des colonies et protectorats africains et asiatiques. C’est en 1885, lors de la conférence de Berlin, que les capitales européennes se partagent l’Afrique.

Théophile Delcassé, successeur de Gabriel Hanotaux aux affaires étrangères, fut l’artisan côté français de l’entente cordiale (1904) avec l’Angleterre. Cela consistait d’abord à se répartir les zones respectives de domination coloniale. Le but des Britanniques sous le règne du roi Edouard VII était également d’isoler l’Allemagne à n’importe quel prix. Il fallait selon eux éviter coûte que coûte la formation d’une coalition Allemagne/France/Russie qui pouvait - à travers cette triple coopération continentale - remettre en cause la domination par les mers des Britanniques. Aussi Londres se rapprocha de la Russie, et l’Entente cordiale devint avec l’appui de Théophile Delcassé la « Triple entente », faisant peser sur l’Allemagne une menace existentielle. Les conditions se trouvaient réunies pour enclencher la Première guerre mondiale, et en conséquence la deuxième, scellant la fin de toute coopération entre pays européens puis, avec l’édification du rideau de fer, de toute entente continentale. Jacques Cheminade a bien décrit dans son ouvrage Regard sur la France républicaine (1996) l’ambiance délétère au sein des élites française, qui a préparé le terrain des conflits meurtriers du 20ème siècles et du pillage colonial :

« C’est surtout, dans l’ordre économique et culturel, l’immense ignorance de tous, portant sur les conceptions fondamentales de la science, de la morale et de la philosophie, et l’absence de compassion quasi-absolue des »élites" vis-à-vis des conditions de vie des populations : Clemenceau, supposé progressiste, faisant tirer sur les viticulteurs et les petits fonctionnaires du Languedoc, les travailleurs outragés de Chalon-sur-Saône, de Courrières ou de Fourmies sont autant de symboles.
 
C’est enfin la rupture totale qui est faite entre la politique intérieure, le « bourrage de crâne » du peuple par la grande presse et la politique radicale (…) et la politique extérieure, livrée aux affairistes, aux banques et aux Delcassés." [5]

Reflet de cette dérive morale, l’exploitation coloniale s’illustre par la construction de réseaux ferrés squelettiques, allant des mines vers la mer, pour extraire et expédier les richesses du sol et du sous-sol. Jean Jaurès décrit comment :

"En Tunisie, comme en Algérie, comme au Congo, comme au Maroc, c’est en les pillant que des milliers d’aventuriers s’enrichissent. Monopoles et emprunts marocains, expropriation brutale des Kabyles d’Algérie, grandes concessions congolaises, immenses domaines tunisiens : autant de griffes que le colonialisme rapace a enfoncées dans la chair des vaincus. [6]

Aujourd’hui encore, du côté occidental du continent, nous en sommes largement restés à un modèle d’extraction sans véritable contrepartie, même après que les États colonisés ont obtenu leur indépendance (indépendance plus formelle que réelle il est vrai). Ce n’est pas le cas du côté oriental.

Encadré 1

Pierre Savorgnan de Brazza, un explorateur contre les exploiteurs

En 1897, Pierre Savorgnan de Brazza sert encore dans la Marine nationale après s’être vu attribuer le titre de commissaire général du Congo . Il s’oppose à ce que les territoires qu’il a explorés sous l’égide du drapeau tricolore, soient soumis au régime de la concession, déjà en vigueur au Congo belge. Ce régime livrait les populations à la cupidité des sociétés capitalistes privées chargées de « mettre en valeur » le territoire composé du Gabon, du Congo et de l’Oubangui-Chari. Il s’est par ailleurs toujours opposé à la politique de la canonnière, qui consiste imposer sa volonté par la force. Tout cela lui vaut d’être dégagé des cadres de la marine, mis à la retraite d’office alors qu’on lui retirait son titre de Commissaire général.

Le territoire de l’Afrique équatoriale française est à partir de là l’objet de la rapacité d’une quarantaine de compagnies concessionnaires qui déciment les populations, soumises aux violences et aux brutalités.

Cinq années plus tard, suite au scandale provoqué par l’assassinat barbare d’un responsable indigène, il est demandé à Brazza de se rendre sur place et de faire enquête (1905). Le rapport Brazza [7] qui en résulte porte sur les conditions de vie au Congo français. Il vaut à l’auteur plusieurs menaces de mort. Dénonçant la collusion des intérêts de compagnies privées et de l’administration coloniale, et les sévices que subissent les indigènes, le rapport pourtant édulcoré et rédigé par une commission officielle reste suffisamment explosif pour être enterré. Le 27 février 1906, en l’absence des membres de la mission de 1905, monsieur de Lanessan, qui préside la commission parlementaire, expose en petit comité les conclusions permettant au ministre des Colonies d’étouffer l’affaire. Le rapport n’est rendu public qu’en 2014 après avoir été exhumé des archives en 1960 alors qu’on le croyait perdu. Il y est pourtant question d’enlèvements, de séquestrations, de mises à mort infâmes, et en conclusion de « la continuation pure et simple de la destruction des populations sous forme de réquisitions ».

Brazza décède à Dakar au retour de sa mission au Congo, à 53 ans. On se méfiera des grandes envolées de la Troisième République à son sujet, qui, semblant oublier sa mise à pied, décide alors de faire de Brazza le héros de la « mission civilisatrice » de la France en Afrique. Jusqu’à la fin de ses jours, sa veuve, qui l’a accompagné au Congo, ne cessera d’affirmer qu’il a été empoisonné. Le doute s’épaissit par le fait que l’on ne retrouvera jamais les notes de voyage de Brazza. Indépendamment des éloges officiels, l’explorateur a été reconnu pour ce qu’il était par beaucoup de ses contemporains, à commencer par Gabriel Hanotaux qui a pu s’exclamer à son propos : « Quel homme ! et comme nous l’admirions et comme nous l’aimions ! » [8]

Le Général de Gaulle, touché par « la dimension profondément évangélique de Pierre Savorgnan de Brazza » le tenait également en haute estime. [9]


II. Les pionniers du rapprochement continental

Quel sont les inspirateurs du grand dessein eurasiatique qui prend corps en ce moment même avec les Nouvelles routes de la soie ? Le philosophe et scientifique allemand Gottfried Wilhelm Leibniz est au 18ème siècle le premier en Europe à développer l’idée d’un rapprochement entre les deux extrémités de l’Eurasie.

Fasciné par la civilisation chinoise, Leibniz envisage la géopolitique eurasienne comme un élan réciproque des deux civilisations - européenne et chinoise - qui bordent le continent. Ecoutons le plutôt :

« Je considère qu’il s’agit là d’un phénomène singulier du destin : la culture et le raffinement humain se trouvent concentrés, en quelque sorte, entre les deux extrêmes de notre continent. (...) La Providence a-t-elle commandé un tel ordonnancement afin que les peuples les plus cultivés et distants étendent leurs bras l’un vers l’autre, pour que ceux qui se trouvent entre les deux puissent graduellement être amenés à une meilleure vie ? Je pense que ce n’est pas par chance que les Russes, qui à travers leur immense empire connectent la Chine à l’Europe (…) suivront, avec l’aide et l’engagement de leur dirigeant actuel [Pierre le Grand], les pas de nos découvertes. »

Il se trouve qu’au même moment le Tsar Pierre le Grand et l’Empereur de Chine Kangxi s’ouvrent à l’Europe et montrent tous deux « un grand zèle pour porter, dans leur pays, la connaissance des sciences et des mœurs de l’Europe » relate Leibniz.

Presque deux cent ans plus tard, à la toute fin du 19e siècle, le progrès technologique offre la possibilité physique de réaliser ce grand dessein. Le ministre des Finances de Russie Sergueï Witte (qui fut auparavant ministre des Transports), est totalement mobilisé pour la construction de la ligne de chemin de fer transsibérienne, dont l’édification s’est étalée de 1890 à 1916. Il est aidé par son compatriote Dmitri Mendeleïev, l’auteur de la Table périodique des éléments, et inspiré par les écrits de l’économiste allemand Friedrich List, partisan et théoricien du protectionisme éducateur. Dmitri Mendeleïev intervient notamment pour que l’industrie russe sécurise l’approvisionnement en métaux. Appuyé par le ministre des Affaires Etrangères français Gabriel Hanotaux, Witte élabore une stratégie de coopération continentale entre la France, l’Allemagne, la Russie et la Chine. Dans ce cadre, Hanotaux veut relancer le dialogue entre la Chine et le Japon en conflit à l’époque. Il plaide aussi pour une politique de développement en Afrique, avec la réalisation d’un chemin de fer transafricain. [10]

Witte décrit ainsi en 1902 le premier « pont continental » de l’histoire :

« L’importance mondiale de la route de Sibérie ne peut plus être niée par personne. Elle est également reconnue, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. En reliant l’Europe et l’Asie par une liaison ferroviaire continue, cette route devient un moyen de transit mondial, sur lequel l’échange de marchandises entre l’Ouest et l’Est devra s’effectuer ».

Il ajoute :

« Le chemin de fer sibérien peut être d’un grand secours à l’industrie chinoise du thé, en éliminant le concurrent le plus dangereux de la Chine, la Grande-Bretagne, de la position d’intermédiaire dans le commerce chinois avec les pays européens, et en assurant aux thés chinois des livraisons beaucoup plus rapides vers l’Europe. »

En plus de la Grande guerre, deux révolutions viennent changer la donne continentale au début du 20e siècle. La première en Chine découle de l’effondrement en 1911 de la dynastie Qing devenue économiquement tributaire de l’Occident suite aux traités inégaux. Le pays subit un appauvrissement général et des révoltes sociales récurrentes qui s’étendent vers les territoires extérieurs. La deuxième, en Russie, fait suite à la Grande guerre et au discrédit du pouvoir tsariste, c’est la révolution de 1917.
 
Plus d’un siècle s’est écoulé depuis, le Mur de Berlin est tombé et le continent s’est à nouveau ouvert. Avec Internet, les populations sont beaucoup mieux informées, où qu’elles se trouvent. L’essor remarquable d’une Chine pauvre parmi les pauvres il y a 50 ans, montre qu’il n’y a pas de fatalité. Et ce d’autant plus que Beijing se propose de coopérer avec qui veut pour éradiquer la pauvreté. Le basculement du monde est en marche. Cela prendra encore du temps, mais un retour en arrière n’est plus envisageable. [11]

Encadré 2

**La ligue continentale, préfiguration du pont terrestre eurasiatique

Se référant à la ligne ferroviaire continue reliant l’Europe à l’Asie pour laquelle le comte Witte s’est battu avec Gabriel Hanotaux, Helga Zepp LaRouche, présidente de l’Institut Schiller, décrit ici le rapport de force qui s’est mis en place au tournant du 20e siècle.

Nous avons ici l’essentiel des raisons géopolitiques pour lesquelles la Grande-Bretagne détestait tant ce projet. Car il est évident que l’intégration des infrastructures représentait une menace pour la domination du commerce maritime. On retrouve ici tous les fantasmes diaboliques des géopoliticiens britanniques - Mackinder, Milner, mais aussi naturellement Haushofer - et leur doctrine idiote, selon laquelle chaque fois qu’il y a développement de l’Eurasie, le contrôle du cœur de l’Eurasie viole la domination des pays riverains, c’est-à-dire l’Angleterre et les États-Unis.

Or, Witte a proposé que la dernière partie de la route passe directement par la Mandchourie, intégrant ainsi la Chine dans ce développement eurasien.

En 1895, Witte et Hanotaux, réunissent une coalition de la Russie, de l’Allemagne et de la France, qui empêche la prise de la péninsule de Liaotung par les Japonais. Et le Japon, face à cette démonstration d’unité, accepte de négocier un traité avec la Chine, au lieu d’annexer ce territoire chinois. Grâce à la collaboration de Witte et Hanotaux, et à l’aide des capitaux français, la Chine obtient un prêt important qu’elle utilise pour payer, entre autres, les indemnités au Japon causées par la guerre sino-japonaise de 1895, ce qui calme le Japon.

La Russie signe alors un traité de défense mutuelle avec la Chine, ce qui facilite la construction de la partie mandchoue du chemin de fer transsibérien.

Ainsi, cette Ligue continentale, comme l’appelle Witte, a empêché l’annexion d’une partie de la Chine par le Japon, Witte veut en faire un bloc permanent contre les manipulations de la Grande-Bretagne. En somme, dit-il, « nos hommes d’État doivent comprendre la nécessité d’un bloc d’Europe centrale, composé de la Russie, de l’Allemagne et de la France. Ce serait le rempart de la paix, car personne ne pourrait le violer ».


Notes

[1The Triple Entente : the British-led conspiracy that sparked World War I
https://larouchepub.com/eiw/public/1996/eirv23n17-19960419/eirv23n17-19960419_042-the_triple_entente_the_british_l.pdf

[2Reclus Élisée, 1882, Nouvelle Géographie universelle, vol. VII, l’Asie orientale, Paris, Hachette.

[4Ibid, 1882 p. 18

[5L’économie nationale de Paul Cauwès, article de Jacques Cheminade — https://solidariteetprogres.fr/spip.php?article4463

[7Le Rapport Brazza – Congo 1905. Tristan Thil (scénario). Vincent Bailly (dessin). Futuropolis. 136 pages. 20 €

[8G. Hanotaux, Introduction à L’Empire colonial français, p. x.

[9Pierre Savorgnan de Brazza, conquérant pacifique et « père des esclaves » (1852-1905) Isabelle Dion,
Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques Année 2011 134-4 pp. 235-260

[10L’alliance France-Allemagne-Russie qui aurait pu empêcher la Première Guerre mondiale, par Christine Bierre
https://solidariteetprogres.fr/spip.php?article15370

[11Lire à ce sujet : BRICS, la contribution de Lyndon LaRouche à un processus historique, par Odile Mojon-Cheminade
https://www.odilemojon.com/?p=3365

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