« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
Accueil > Veille stratégique
Nouvelles Routes de la soie
28 mars 2019
Mardi 23 mars, l’Italie est devenue le premier grand pays industriel, le premier membre du G7 et le premier pays fondateur de l’Union européenne à rejoindre officiellement l’Initiative une ceinture, une route (ICR). Le protocole d’accord intitulé « Coopération dans le cadre de la Nouvelle Route de la soie économique et de l’Initiative pour une Route de la soie maritime du XXIe siècle » a été signé par le ministre italien du Développement économique Luigi Di Maio et son homologue chinois He Lifeng, président de la commission pour le Développement et la Réforme, en présence du Premier ministre italien Giuseppe Conte et du président chinois Xi Jinping, alors en visite en Italie, accompagné d’une importante délégation économique et institutionnelle.
L’annonce de la signature du protocole d’accord s’est heurtée à une forte opposition des cercles néoconservateurs aux Etats-Unis, de la City de Londres et même des partenaires de l’Italie au sein de l’Union européenne. Ainsi, à l’issue de sa rencontre avec le Premier ministre Conte et la chancelière allemande Angela Merkel, le 22 mars, le président Macron a déclaré que « des négociations bilatérales sur les textes d’accord concernant les Nouvelles Routes de la soie ne sont pas une bonne méthode ». Quant à Mme Merkel, bien que reconnaissant qu’il n’y avait rien à objecter au contenu du mémorandum présenté par Conte, elle a néanmoins exprimé son mécontentement à l’égard d’une Italie faisant cavalier seul et « brisant » ainsi l’unité européenne.
L’hostilité en Europe et aux Etats-Unis vient du fait que cet accord sino-italien, bien que n’affectant pas les alliances traditionnelles de l’Italie (OTAN, UE), ouvre une brèche dans les desseins géopolitiques occidentaux, en établissant un partenariat stratégique basé sur l’amitié entre les deux nations. Pour l’OTAN, en effet, la Chine est considérée comme un ennemi potentiel et pour l’UE, comme un « rival ».
L’architecte de l’accord italo-chinois est Michele Geraci, sous-secrétaire au Développement économique a vécu dix ans en Chine comme professeur d’économie et la connaît donc de l’intérieur. Il n’a cessé d’expliquer que l’ICR offre une opportunité en or aux entreprises industrielles italiennes, à la fois en Chine et le long des Routes de la soie, mais également au niveau de projets conjoints de développement en Afrique. Lors d’une conférence organisée par Movisol (le mouvement larouchiste italien) et la région de Lombardie, à peine dix jours avant la signature du protocole d’accord, Michele Geraci a répété que l’Italie entendait devenir le terminal de la Nouvelle Route de la soie maritime et faire du sud de la péninsule une plateforme pour les investissements en Afrique. Dans ce contexte, Geraci a accompagné le président Xi et son épouse à l’occasion d’une visite privée à Palerme, en Sicile, le 24 mars, où le couple présidentiel a visité la ville. Comme l’a souligné Geraci, la Sicile « est l’endroit d’Europe le plus proche de l’Afrique sans être l’Afrique ». Quelques jours plus tôt, une délégation d’acteurs économiques et d’institutionnels chinois s’était rendue à Palerme pour évoquer les options d’investissements dans les infrastructures portuaires, aéroportuaires et autres.
[Le protocole d’accord italo-chinois affirme d’emblée que les parties s’engagent à « promouvoir le partenariat bilatéral dans un esprit de respect mutuel, d’équité et de justice avec des modalités mutuellement avantageuses, dans l’optique d’une solidarité internationale renforcée ». (Voir ci-dessous le lien vers les textes officiels)
Le protocole d’accord a fixé des « Objectifs et Principes directeurs de la coopération » : « Les parties s’efforceront ensemble dans le cadre de l’Initiative la Ceinture et la Route de traduire les points forts complémentaires respectifs en des avantages réciproques pour une collaboration concrète et une croissance durable, soutenant les synergies entre l’ICR et les priorités identifiées dans le Plan d’investissement pour l’Europe et les Réseaux transeuropéens, compte tenu des discussions en cours au sein de la ‘Plateforme de connectivité UE-Chine’. Les Parties entendent aussi renforcer les rapports politiques, les liens économiques et les échanges directs entre les deux peuples. Les Parties renforceront la collaboration et favoriseront la connectivité régionale dans un contexte ouvert, inclusif et équilibré, avantageux pour tous, de manière à promouvoir la paix, la sécurité, la stabilité et le développement durable dans les régions. »
Ces objectifs se déclineront dans les domaines suivants : 1. Dialogue politique, 2. Transport, logistiques et infrastructures, 3.Commerce et investissements sans obstacle, 4. Coopération financière, 5. Connectivité people-to-people.
D’autre part, 10 autres accords économiques et 18 accords institutionnels ont été signés. Parmi les premiers : un partenariat stratégique entre la Caisse des dépôts et des prêts et la Banque populaire de Chine pour le financement d’entreprises italiennes en Chine ; un MOU entre le pétrolier ENI et la Banque populaire de Chine sur des sites d’exploration en Chine ; deux accords avec Ansaldo Energia, l’un pour le développement de turbines à gaz avec la société UGTC et l’autre pour la livraison d’une turbine à Shanghai Electric et Benxi Steel ; un accord entre les autorités portuaires de Trieste et de Gênes et le géant chinois du bâtiment CCCC ; et un contrat entre le groupe Danieli et la China Camc Engineering pour la construction d’une usine sidérurgique en Azerbaidjan. En outre, le gazier italien Snam et la caisse des dépôts ont signé un contrat avec le Fonds de la Route de la soie prévoyant des investissements le long de la route.
Les accords institutionnels couvrent la coopération au niveau de start-ups innovatrices, l’électronique, l’agriculture et la culture, la santé et la recherche spatiale.
Le texte est disponible en italien à l’adresse suivante : http://www.governo.it/sites/governo.it/files/documenti/documenti/Notizie-allegati/Italia-Cina_20190323/Memorandum_Italia-Cina_IT.pdf et en anglais à : http://www.governo.it/sites/governo.it/files/documenti/documenti/Notizie-allegati/Italia-Cina_20190323/Memorandum_Italia-Cina_EN.pdf.
L’Italie sur la Nouvelle Route de la Soie