« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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24 octobre 2012
Plus de 80 000 syndicalistes et autres manifestants sont descendus encore une fois le 18 octobre dans les rues de toute la Grèce pour protester contre la destruction de leurs moyens d’existence imposée par l’UE et le FMI. En Espagne et au Portugal, des grèves générales sont prévues pour le 14 novembre, et en signe de solidarité, les fédérations syndicales grecques des secteurs public et privé ont annoncé une nouvelle grève générale le même jour.
Pour les manifestants, c’est, littéralement, une question vitale. Pire encore que la chute des salaires et des retraites et la hausse des impôts, est la destruction des systèmes nationaux de santé. Après le cas dramatique de la Grèce, que nous avons déjà présenté, les coupes prévues au Portugal sont également mortelles.
La plus grande fédération syndicale, la CGTP-IN, a publié une réponse cinglante à l’« opinion » récemment émise par le Conseil national d’éthique pour les sciences de la vie, estimant que le gouvernement « peut et doit rationner » l’accès à des traitements coûteux comme les rétro-viraux VIH, des médicaments contre le cancer et les agents biologiques pour les maladies rhumatoïdes au motif de la « crise financière mondiale » et du Protocole d’accord avec la Troïka (cf. SAS 40/12).
Pour la CGTP-IN, cette opinion est « inacceptable et totalement inhumaine ». Toute « analyse coût/bénéfice de la vie humaine qui ne prend pas en compte l’être humain même » est inacceptable et « doit être rejetée comme une attaque contre le droit inaliénable à la vie lui-même ». Et plus loin : « Comment considérer comme éthique une décision qui dit en gros : je ne vais pas vous donner ce traitement, parce que vous allez mourir et qu’il ne vaut pas la peine de dépenser de l’argent pour vous ? Ou bien que vous ne pouvez pas avoir accès à ce médicament parce qu’il coûte très cher, que vous êtes vieux et que vous n’en valez pas la peine ? »
Pour le Dr. Fernando Lopes Ribeiro Mendes, professeur à l’Université technique de Lisbonne, cité dans le journal allemand des médecins Ärzte Zeitung, les coupes budgétaires drastiques auront pour effet de réduire considérablement l’espérance de vie des groupes à haut risque. A titre d’exemple, le gouvernement a décidé de ne plus offrir une vaccination annuelle gratuite contre la grippe aux personnes âgées.
La levée de boucliers va au-delà des travailleurs. Le 17 octobre, les dirigeants militaires portugais ont annoncé une manifestation pour le 10 novembre à Lisbonne, pour protester contre l’inconstitutionnalité du budget d’austérité imposé par la Troïka et adopté par le gouvernement, et les syndicats de la police envisagent de les rejoindre. La résolution des associations militaires met en cause « l’attaque violente contre les conditions de vie des Portugais » et promet de prendre les mesures nécessaires pour « défendre la Patrie et la Constitution ».
Sur un autre front, le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe a récemment déclaré que deux des réformes du travail que la Grèce a appliquées à la demande de la Troïka constituent des violations de la charte sociale européenne. Le comité, qui avait été saisi par des syndicats grecs du secteur public, condamne deux mesures adoptées en 2010 : la prolongation à un an de la « période d’essai » où le licenciement peut intervenir sans préavis et la réduction du salaire minimum des moins de 25 ans aux deux tiers du niveau national, ce qui les fait passer sous le seuil de pauvreté.
« Cette décision établit l’illégalité des mesures concernées qui peut être invoquée devant les juridictions nationales », a déclaré le président du Comité, Luis Jimena Quesada. Bien que dépourvu du pouvoir d’appliquer ses conclusions, le Comité pourrait se tourner vers le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe, composé de 47 nations, qui lui peut alors inviter un Etat membre à prendre des mesures de correction.