« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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8 février 2018
Alors que les signes de l’effondrement financier se multiplient, la Banque centrale européenne s’apprête à jeter de l’huile sur le feu. Dans un discours prononcé à Ljubljana le 3 février, Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE, a déclaré qu’en cas de nouvelle crise, la banque pourrait encore diminuer les taux, racheter des actifs encore plus risqués ou financer directement les Etats, dans une ultime tentative pour sauver le système. Citation :
« Faute de réformes supplémentaires, la prochaine crise pourrait bien forcer la BCE à tester les limites de son mandat. En fonction de la nature de la prochaine crise, les mesures à mettre en œuvre pourraient requérir de pousser les taux d’intérêt à court terme bien plus profondément en territoire négatif. Cela pourrait aussi nécessiter des achats d’actifs plus risqués que la dette publique ou les obligations d’entreprises, ou encore nous rapprocher dangereusement d’un financement plus direct des gouvernements. »
Coeuré s’est ensuite fait l’apôtre de trois « lignes de défense » : 1) achever la mise en place de l’Union des marchés de capitaux et de l’Union bancaire européenne ; 2) forcer les gouvernements à adopter une politique fiscale plus rigoureuse ; 3) instaurer un Fonds monétaire européen, servant à la fois de police budgétaire et d’outil d’investissement.
En cas de crise financière, ces lignes de défense seraient, bien entendu, enfoncées plus rapidement encore que la Ligne Maginot. La probabilité qu’elles soient opérationnelles à temps est par ailleurs pratiquement nulle.
De la même manière, le Groupe de réflexion sur l’avenir de la BCE (ESRB), dirigé par le directeur de la banque centrale irlandaise Philip Lane, propose de fournir plus de liquidités et de recettes au système bancaire, en titrisant les obligations des Etats membres de la zone euro, qui deviendraient ainsi des Sovereign Backed Bond Securities (SBBS). Les obligations souveraines seraient rachetées par une entité ad hoc en fonction du PIB du pays concerné (et non de sa dette), puis titrisées en SBBS réparties en trois catégories : senior, mezzanine et junior (la dernière comportant le plus haut risque), avant d’être vendues sur le marché… par la porte de devant. La BCE les rachèterait ensuite par la porte de derrière, dans le cadre de son Programme d’achat d’actifs.
L’idée a été accueillie favorablement par la City de Londres, mais fortement critiquée en Allemagne. Le vice-président du groupe libéral au Bundestag, Christian Dürr, a appelé la CDU-CSU et le SPD à « faire preuve de raison et rejeter la proposition dès que possible ». Une telle « super obligation », selon Dürr, reviendrait à une autre version des actifs adossés aux actifs (ABS) ayant entraîné la crise de 2008, mais garantie cette fois par les Etats. « Même sous un autre nom, elles n’en restent pas moins des obligations de pacotille. Ce serait non seulement le premier pas vers une union de la dette, mais aussi un risque élevé pour la zone euro. »
Entre-temps, l’annonce par la Deutsche Bank de résultats négatifs pour la troisième année consécutive met bien en lumière le problème que l’UE ne veut pas voir. La première banque allemande, qui trône sur une montagne de 45 000 milliards d’euros de produits dérivés, a annoncé des pertes s’élevant à un demi-milliard d’euros en 2017, principalement dans ses activités de banque d’affaires. Le cours de son action a plongé, rappelant la crise de 2016, où elle avait frôlé l’insolvabilité. La conclusion devrait être évidente : il faut séparer d’urgence le secteur bancaire à haut risque du secteur d’activité commerciale, et ce, non seulement pour la Deutsche Bank, mais pour toutes les institutions bancaires. Seule une telle mesure serait susceptible de protéger contribuables et épargnants du nouvel effondrement.