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Visioconférence des 7 et 8 décembre 2024

Éléments de discussion

Session 1

28 décembre 2024

Par Dmitri Trenin, professeur, Institut de l’économie militaire mondiale, École supérieure d’économie

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Il est essentiel de comprendre où le monde en et à ce stade. La mondialisation dirigée par l’Ouest est finie ; le système mondial est devenu global, mais il ne tend plus vers l’uniformité sur le modèle occidental. Au contraire, le régionalisme est en marche. Nous sommes à une époque de transition, de fortes turbulences, de crises et de guerres.

Mais nous ne nous trouvons pas dans une seconde Guerre froide. Il s’agit d’un terme impropre. L’analogie est erronée, dans la mesure où le monde est très différent de ce qu’il était dans la seconde moitié du XXème siècle. Aujourd’hui, les dangers sont plus nombreux et pour la plupart, nouveaux.

La dissuasion dans le style de la Guerre froide, qui a assuré que celle-ci reste froide, ne permet plus d’empêcher que les conflits entre grandes puissances n’aboutissent à une collision directe. La crainte salutaire des armes nucléaires s’est en grande partie dissipée. L’équilibre des forces, autre pilier de la stabilité stratégique, a changé et est devenu inégal.

Un pouvoir incontrôlé et illimité, qui ne se reconnaît aucune limite, a conduit pour la première fois à l’hégémonie mondiale d’un seul pays. En l’espace d’une génération, cette hégémonie a commencé, comme il se doit, à se fissurer et à s’écrouler. Les tentatives de la sauver sont aussi dangereuses que futiles.

Nous en sommes témoins en Ukraine : dans l’effort désespéré de l’actuelle administration américaine pour infliger une défaite stratégique à une superpuissance nucléaire de son propre niveau. Incapable d’atteindre son objectif, la Maison Blanche de Joe Biden a fait monter les enchères de plus en plus haut, de peur que les lacunes de l’hégémonie américaine ne soient exposées et montrent qu’elle est loin d’être invincible.

L’Ukraine n’est ni un cas isolé, ni un cas unique. Une confrontation entre les États-Unis et la Chine, ostensiblement autour de Taïwan et/ou de la mer de Chine méridionale, se profile à l’horizon. Au Moyen-Orient, on craint à juste titre que l’administration Biden ne profite de la situation actuelle pour tenter de détruire l’infrastructure nucléaire iranienne. Il existe donc au moins trois grands foyers de conflit susceptibles de déboucher sur une guerre mondiale, chacun impliquant une puissance nucléaire.

Je ne me fais guère d’illusions sur la possibilité d’inverser complètement cette tendance. Les changements d’ordre mondial sont par nature chaotiques et généralement sanglants. Toutefois, il existe des moyens d’atténuer l’impact sur l’humanité de la crise mondiale actuelle.

Le plus important, c’est que les États-Unis se rendent compte des dangers de leur sur-extension impériale et qu’ils remplacent la sécurité hégémonique du système mondial sous domination américaine par la sécurité nationale des États-Unis propres.

Il est tout à fait intéressant et révélateur que les dirigeants russes – en dépit des appels bruyants au sein du pays à une mobilisation de toutes ses ressources pour la guerre en Ukraine, considérée comme une défense contre l’agression géopolitique des États-Unis et de l’OTAN – donnent la priorité au développement économique, social, technologique et intellectuel de leur pays, et se servent de la guerre comme vecteur majeur pour parvenir à cet objectif.

Les dirigeants russes se souviennent bien des leçons tirées du passé soviétique, lorsqu’ils consacraient tellement d’argent à leur empire lointain et à ses appareils militaires, idéologiques et de sécurité, qu’ils négligeaient des problèmes nationaux de plus en plus graves, et allouaient mal des des ressources considérables, mais limitées. Une leçon que d’autres feraient bien d’étudier.

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