« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Visioconférence des 7 et 8 décembre 2024
Session 3
2 janvier 2025
par Naledi Pandor, ancienne ministre des Relations internationales et de la Coopération d’Afrique du Sud, membre du congrès national africain (ANC)
Je remercie infiniment l’Institut Schiller et en particulier le Dr Helga Zepp-LaRouche de m’avoir invitée à participer à cette importante conférence. J’aurais dû m’exprimer hier, lors du panel sur les questions mondiales, et je vais essayer de revenir aujourd’hui sur certaines des remarques de M. Cheminade.
Le monde d’aujourd’hui est aux prises avec une politique toxique, dominée par des intérêts personnels agressifs et la négligence de la valeur de la coopération mondiale. Les organismes multilatéraux comme l’ONU n’ont pas été en mesure de réagir de manière décisive, et l’organe le plus puissant de l’ONU, le Conseil de sécurité, est pris en otage par la concurrence entre les grandes puissances et l’utilisation inégale du droit de veto.
De nombreux commentateurs ont qualifié ces cinq dernières années d’environnement géopolitique extrêmement toxique, mettant à l’épreuve les relations internationales et effritant les liens établis de longue date qui ont contribué à éviter une guerre mondiale pendant plus de cinq décennies.
Cette période est également considérée par certains comme un point d’inflexion, une période offrant un espace à un nouveau collectif d’idées progressistes qui chercheront à placer au premier plan les personnes plutôt que les intérêts.
Il y a un espoir que le Sud prenne les choses en main. Le concept de « Sud » est controversé, car la région ne dispose pas d’un groupe cohérent de nations connectées partageant une hégémonie, comme c’est le cas pour les nations du Nord.
Nous sommes donc toujours aux prises avec ce problème qui consiste à donner une signification à l’unité du Sud. Il y a cependant des signes prometteurs de l’émergence de nouvelles formations et nouvelles perspectives politiques.
Par exemple, l’Afrique du Sud a montré un engagement positif envers le droit international et le système des Nations unies, en s’adressant à la Cour internationale de justice dans le cadre de ses efforts pour mettre fin à la guerre en cours contre les Palestiniens dans les territoires occupés. Ce faisant, l’Afrique du Sud a placé les droits de l’homme et la préoccupation pour ceux qui souffrent au premier plan de ses actions de politique étrangère.
Cette attitude rappelle celle de l’ancien président Nelson Mandela, qui a joué un rôle clef dans plusieurs initiatives de paix sur le continent africain et qui a façonné la politique étrangère de l’Afrique du Sud en la fondant sur le souci des autres, sur la promotion des droits de l’homme et sur la solidarité internationale. « Je me soucie de vous parce que vous vous souciez de moi », a-t-il déclaré. Cela renvoie à une philosophie africaine très ancienne, l’Ubuntu, qui signifie : « Je suis humain parce que vous reconnaissez dans l’action mon humanité ».
Le deuxième développement positif est la maturation du forum des BRICS, qui s’est transformé en organe élargi, cherchant à adopter une approche plus inclusive de la politique mondiale et des partenariats internationaux. Les BRICS sont apparus comme un forum positif dans la mesure où ils cherchent à discuter de nouvelles idées sur des questions clefs telles que la science, l’innovation, le commerce, le financement international et le développement du Sud. La création de la Nouvelle Banque de développement des BRICS et ses premiers succès laissent espérer la création de nouvelles institutions et de nouvelles pratiques.
L’une des réalités, même si nous sommes absolument d’accord avec M. Cheminade sur l’importance cruciale de la science et de l’innovation, est que les subventions accordées à l’Afrique incluent rarement un financement pour la recherche, pour la capacité d’innovation et pour l’avancement de la science sur le continent africain.
Nous pensons également que l’attention portée à la réforme des Nations unies et à la démocratisation du Conseil de sécurité constitue une autre occasion positive que nous devrions saisir pour remodeler les relations mondiales. L’Assemblée générale, réunie en septembre dernier, s’est engagée à faire avancer les processus de réforme et à rendre le Conseil de sécurité plus efficace, plus efficient, plus démocratique et plus représentatif.
Enfin, je crois que la tâche des cinq prochaines décennies sera certainement d’adopter des stratégies réalisables pour la transformation fondamentale de l’Afrique. Notre continent doit relever les défis difficiles que sont les inégalités, la pauvreté et le chômage. L’Afrique compte une importante population de jeunes, impatients, désireux de parvenir à une Afrique prospère et démocratique. La communauté internationale doit donc travailler en étroite collaboration avec l’Union africaine pour faire avancer la mise en œuvre de notre plan directeur pour le développement de l’Afrique, l’Agenda 2063 pour l’Afrique .
Dans ce plan directeur, nous avons défini les domaines critiques du développement, notamment l’eau, les ressources énergétiques renouvelables, les infrastructures et la logistique pour le commerce propre au continent africain, l’agriculture et la sécurité alimentaire. Et nous demandons à nos partenaires d’apporter leur soutien au continent pour renforcer sa capacité à mettre en œuvre ce programme de développement. Nous n’avons pas besoin de nouveaux plans ; nous devons nous assurer que les plans existants soient efficaces et fonctionnent pour le bien de l’Afrique, pour le bien de toute l’humanité du Sud.
Nous pensons que le Sud peut être une source de progrès, de paix et de sécurité. Les pays du Sud doivent adopter la démocratie, la pratique des droits de l’homme et le respect du droit international comme garanties essentielles pour mettre fin à la toxicité de la concurrence des puissances, qui a véritablement érodé les relations humaines. En fait, l’érosion du respect des droits de l’homme et du droit international constitue une menace très sérieuse pour la pratique de la science, car les gouvernements non démocratiques détestent l’honnêteté de la recherche scientifique et détestent l’opportunité de l’innovation.
Il nous incombe donc à tous d’adopter les idées énoncées dans le cadre de développement posé par l’Institut Schiller pour garantir que tous les aspects de l’activité humaine qui font progresser l’humanité soient réellement adoptés par les gouvernements du Sud comme par ceux du Nord.
Nous devons encourager une nouvelle relation humaine dans le monde, qui se consacre à l’autonomisation de tous les êtres humains et nous permette de développer une humanité plus prospère, plus engagée et plus compétente, capable de résoudre les problèmes fondamentaux auxquels nous sommes tous confrontés.
Car, parallèlement aux problèmes, nous avons la capacité humaine – de l’ingéniosité – pour faire face à l’adversité, et nous devons nous unir pour rassembler ces capacités et veiller à utiliser les relations internationales pour résoudre les problèmes du monde.
J’attends avec impatience les débats sur nos contributions. Merci beaucoup.