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Visioconférence des 7 et 8 décembre 2024

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Session 1

2 janvier 2025

Retenu à Washington le 7 décembre pour une réunion qu’il avait organisée au National Press Club, sobrement intitulée « Non à la guerre nucléaire », l’ancien inspecteur en désarmement de l’ONU en Irak, a néanmoins tenu à enregistrer une déclaration vidéo dont les propos sont rapportés dans le texte qui suit :

[voir la vidéo]

Bonjour, je m’appelle Scott Ritter. Helga Zepp-LaRouche m’a demandé de préparer une déclaration vidéo pour pallier mon empêchement à participer directement à cette conférence très importante sur la sécurité internationale.

Aujourd’hui, j’aborderai la question de l’éventualité d’un conflit nucléaire entre la Russie et les États-Unis. Depuis quelque temps, j’en suis venu à la conviction qu’il ne s’agit pas seulement d’une possibilité, mais que cela devient de plus en plus une probabilité, compte tenu de la trajectoire prise par les relations entre les États-Unis et la Russie, de leur détérioration, en particulier sur la question de l’Ukraine. Je pense également que la situation mérite d’être décrite comme une menace existentielle pour la survie non seulement des États-Unis et de la Russie, mais aussi du monde entier.

Contrairement à certaines spéculations ou déclarations publiques de responsables américains, en particulier du contre-amiral Thomas Buchanan, le J5 ou directeur des plans du commandement stratégique (STRATCOM), qui est le commandement de combat responsable des arsenaux nucléaires stratégiques des États-Unis et de la préparation de leur utilisation en temps de guerre, je pense qu’il existe une menace existentielle pour la survie des États-Unis et de la Russie.

Or, une guerre nucléaire entraînerait la fin de l’humanité telle que nous la connaissons aujourd’hui et rendrait impossible l’existence d’États-nations modernes tels que les États-Unis et la Russie. Il est donc responsable de dire que la situation à laquelle nous sommes confrontés est peut-être la plus dangereuse que le monde ait jamais connue dans l’ère nucléaire.

Certains diront peut-être : « Attendez un peu, nous ne sommes pas dans la crise des missiles de Cuba ! » J’aimerais souligner deux choses. Premièrement, la crise des missiles de Cuba était une situation très dangereuse, et l’histoire a raison de la juger comme telle. Mais la taille des arsenaux nucléaires respectifs des États-Unis et de l’Union soviétique de l’époque, comparée à ceux d’aujourd’hui, fait pâle figure.

La puissance destructrice d’aujourd’hui est bien plus grande, et la capacité de déclencher cette puissance destructrice contre des cibles dans le monde entier, avec une grande précision, est inégalée.

De plus, à l’époque, il y avait une communication directe entre les États-Unis et l’Union soviétique. Le président John F. Kennedy a pu communiquer directement et indirectement avec Nikita Khrouchtchev, premier secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique. En outre, les ambassadeurs de l’Union soviétique rencontraient les dirigeants américains et les ambassadeurs des États-Unis rencontraient les dirigeants soviétiques. Il existait une voie de retour viable et significative qui jouait un rôle important pour faciliter les communications. C’est grâce à cela qu’une solution de compromis a pu être trouvée, mettant fin à la menace d’une guerre nucléaire.

Aujourd’hui, il n’y a aucune communication significative entre l’administration Biden et le gouvernement du président Vladimir Poutine. Non pas parce que la Russie ne le veut pas, mais parce que le secrétaire d’État Antony Blinken a ordonné au Département d’État de n’avoir aucune communication avec ses homologues russes.

Le ministère de la Défense a également donné des instructions similaires à ses attachés et militaires professionnels. Il existe quelques exceptions : des canaux de désamorçage de conflit concernant la situation en Syrie et, à l’occasion, des conversations directes entre de hauts responsables militaires américains et leurs homologues russes. Mais il ne s’agit pas d’un niveau de coordination comparable à celui qui existait lors de la crise des missiles de Cuba. En l’absence de toute contact rapproché, de toute communication, la possibilité d’une solution de compromis diminue alors que la probabilité de malentendus, d’erreurs d’appréciation, de jugements erronés ou simplement d’un geste malheureux, à l’inverse, s’accroit. Et quand on se trompe, en parlant de guerre nucléaire, c’est du risque de mettre fin à la civilisation dont il s’agit !

Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation où le comportement des États-Unis, associé à l’objectif stratégique déclaré d’obtenir la défaite stratégique de la Russie, reste l’objectif politique officiel des États-Unis vis-à-vis de la Russie, en particulier en ce qui concerne l’Ukraine. Les mots « défaite stratégique » ont un sens. Cela signifie l’effondrement du gouvernement russe, l’effondrement de son économie, de la société russe, le démembrement de la Russie, sa disparition en tant qu’État unifié sous la forme de la Fédération de Russie.

Si les Russes inversaient les rôles et disaient qu’ils cherchent à obtenir la défaite stratégique des États-Unis, en leur appliquant les mêmes termes, non seulement la population et le corps politique américain exprimeraient leur opposition, mais nous considérerions cela comme une menace existentielle et nous réagirions en conséquence, à juste titre.

La Russie a également déclaré que c’était inacceptable. A cela s’ajoute que les États-Unis sont engagés dans des opérations de combat directes contre la Russie.

Nous le faisons par procuration, par Ukraine interposée, mais l’arme (le système de roquettes d’artillerie ATACMS) ne peut être utilisée par l’Ukraine sans, d’abord, l’autorisation des États-Unis, et à partir de ce feu vert, sans une interaction approfondie entre les professionnels militaires américains et le système d’armes, avant sa mise en œuvre par l’Ukraine pour tirer contre des cibles sur le sol russe, tel que défini par les frontières d’avant 2014.

La Russie considère qu’il s’agit d’une attaque directe, littéralement d’une déclaration de guerre. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a atténué cette rhétorique lors d’une récente interview avec Tucker Carlson, déclarant que les Russes considéraient qu’il ne s’agissait pas d’une guerre directe entre la Russie et les États-Unis, mais plutôt d’un conflit par procuration. Mais avant cela, le président russe et d’autres avaient affirmé que les États-Unis étaient devenus directement partie prenante au conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Si l’on combine cela avec l’objectif de défaite stratégique de la Russie et les déclarations du contre-amiral Thomas Buchanan, directeur des plans du commandement stratégique, qui, dans un récent discours prononcé devant l’Institut international d’études stratégiques à Washington DC, a expliqué que l’administration Biden était prête à s’engager dans un conflit nucléaire avec la Russie, où les États-Unis l’emporteraient – donc à gagner la guerre – on peut comprendre que les Russes seraient amenés à répondre de manière à indiquer que leur dissuasion stratégique est en jeu. Cela signifie que leurs armes nucléaires sont désormais sur la table.

En effet, la Russie a récemment modifié sa doctrine nucléaire de façon à abaisser le seuil d’utilisation des armes nucléaires. L’une des conditions qui donnerait le feu vert à leur déclenchement est un scénario dans lequel une puissance nucléaire donnerait à une puissance non nucléaire la capacité de frapper la Russie de manière conventionnelle, d’une manière qui menacerait sa survie existentielle. Beaucoup pensent que la politique américaine, autorisant l’Ukraine à utiliser des missiles ATACMS contre la Russie, relève de ce scénario. Le Kremlin est certainement de cet avis. Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a tenu des propos allant dans ce sens.

Nous nous trouvons donc dans une situation très dangereuse, où le comportement des États-Unis en Ukraine contre la Russie a augmenté la possibilité réelle et la probabilité d’un conflit nucléaire. La bonne nouvelle, c’est que nous savons quel est le problème et comment le résoudre. Le problème, bien sûr, est l’utilisation de missiles ATACMS par l’Ukraine contre la Russie. Si vous retirez cette question de la table, vous aurez éliminé les aspects escalatoires de l’implication américaine en Ukraine susceptibles d’attirer les armes nucléaires russes, et dans ce cas le conflit serait désamorcé. Au contraire, en continuant à utiliser les ATACMS, nous créons les conditions nécessaires pour que des facteurs d’escalade entrent en jeu.

La Russie, par exemple, a décidé d’utiliser le missile à portée intermédiaire Orechnik. C’est la première fois dans l’histoire qu’un système d’armement de type stratégique est utilisé pour le combat. Heureusement, il s’agissait d’une charge utile non nucléaire, mais le point essentiel est que nous avons franchi un nouveau seuil dont la Russie a averti qu’elle le franchira à nouveau, si elle est appelée à répondre à de nouvelles attaques de l’Ukraine par des missiles ATACMS fournis par les Américains et avec leur assistance.

En ce moment même, le Congrès des États-Unis, la Chambre des représentants, ont pris plusieurs initiatives pour faire pression sur l’administration Biden afin qu’elle revienne sur cette décision. Bien que j’applaudisse cette action, la réalité est que, étant donné que nous sommes en plein mois de décembre, qu’il ne reste que deux semaines à ce Congrès avant que le nouveau entre en fonction début janvier, il est peu probable que l’on puisse faire autre chose que de sensibiliser les gens à la situation. Mais c’est, en soi, très utile. En effet, ce n’est pas l’annulation de la décision sur les ATACMS par l’administration Biden qui va sauver la situation, ce sont les actions de la future administration Trump. En attirant l’attention sur le danger d’une guerre nucléaire et sur l’existence d’une solution réaliste à ce problème - encore une fois, le refus d’autoriser l’Ukraine à utiliser les ATACMS américains contre le sol russe - on peut espérer que l’administration Trump fera les déclarations appropriées pour annoncer que cette politique ne sera pas poursuivie sous son mandat.

Dès lors, nous pourrions espérer que les responsables de la Fédération de Russie écoutent et comprennent que cela s’inscrit dans le cadre, ou devrais-je dire l’intention, équivalant à cette célèbre scène du film « Jerry Maguire », où Tom Cruise et Cuban Gooding Jr. parlent de coopération et où Tom Cruise lui dit : « Aidez-moi à vous aider ».

C’est en gros la situation dans laquelle nous nous trouvons. En insistant sur la nécessité de revenir sur la décision d’utiliser des missiles ATACMS, nous demandons aux Russes de nous aider à les aider en s’éloignant du seuil d’utilisation des armes nucléaires, en donnant une chance à la paix, en donnant à la future administration Trump l’opportunité d’agir de manière à renverser cette politique très dangereuse de l’administration Biden qui donne le feu vert à l’utilisation de missiles ATACMS contre les Russes.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de participer à votre conférence et vous souhaite bonne chance à tous.

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