« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Visioconférence internationale les 18 et 19 juin 2022

Une culture de la curiosité et de la persévérance pour explorer l’impossible

4ème session

21 juin 2022

par Jacques Cheminade

On ne sait pas très bien, aux États-Unis et encore moins à l’étranger, que les noms des astro-mobiles de la NASA destinés à explorer Mars ont été donnés par de jeunes Américains, à l’issue d’un concours national.

Le nom de Curiosity, lancé en 2011, a été donné par Clara Ma, 12 ans. Elle a commenté : « La curiosité est la passion qui anime notre vie quotidienne... Notre besoin de nous poser des questions et de nous étonner nous conduit à devenir des explorateurs. »

Le nom de Persévérance, lancé en 2020, a été donné par Alex Mather, 13 ans, qui a souligné : « Nous rencontrerons de nombreux revers sur le chemin vers Mars. Cependant, nous pouvons persévérer. »

J’ai choisi de relever ces deux beaux exemples d’optimisme américain pour deux raisons. D’abord parce qu’il y a un trésor sous-jacent d’optimisme positif et rationnel aux États-Unis, malgré le comportement criminel de la plupart de leurs fonctionnaires et la destruction des capacités créatrices de la majeure partie de leur population.

Ensuite, et surtout, parce que cette déclaration exprime quelque chose de fondamental dans la situation mondiale actuelle : pour parvenir à « la paix par la mise en faillite ordonnée tant attendue du système financier transatlantique moribond », il faut une inspiration intérieure et personnelle pour le bien et le beau.

Sans elle, impossible d’aller au-delà de ce qui oppose les organisations et les États en conflit, pour atteindre un stade humain, relativement plus élevé, de pensée et d’action. Lorsqu’il s’agit de guerre ou de paix, de vie ou de mort, on ne peut se soustraire à l’engagement conscient d’agir selon ce qu’il y a de plus humain en soi, d’avoir la curiosité de le découvrir et la persévérance d’agir selon lui.

Clara et Alex nous donnent une leçon essentielle sans le savoir, comme toujours quand on donne de bonnes leçons, non pas par des discours d’encouragement ou des formules toutes faites, mais en exposant naturellement la profondeur de leur engagement. C’est ce qui fait vibrer nos cœurs et crée ce que notre ancien président français Charles de Gaulle appelait « l’adhésion du sentiment et de la pensée comme un tout ».

C’est ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai entendu et vu Lyndon LaRouche parler : j’avais quelqu’un qui s’adressait à mon esprit.

C’est cette qualité que nous devrons rassembler en nous-mêmes, même imparfaitement, cette curiosité d’explorer l’inconnu, dans le monde extérieur et nécessairement à l’intérieur de nous-mêmes, et de maintenir cette curiosité pour le bien - la persévérance.

Il n’en faut pas moins pour accomplir l’impossible « coïncidence des contraires ». Car c’est ce qu’il y a de vraiment humain en chacun de nous qui, par nature, au-delà de l’état actuel et désastreux de l’univers physique, a la capacité d’accomplir ce qui semble impossible, d’être dedans et de pouvoir en sortir, et d’organiser les autres pour qu’ils le fassent aussi, en inspirant leurs capacités intérieures.

Un de mes cousins, qui s’était évadé d’un camp de prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale, m’en a donné un bel exemple. Ce n’était qu’un pauvre fermier, mais il se souciait du monde extérieur, de sa ferme et de sa famille, et il a décidé de s’évader. Seuls deux autres prisonniers ont décidé de le suivre. Il a commenté : « La chose la plus difficile n’a pas été de sortir pour retourner à ma ferme, ce fut le moment où j’ai pris la décision, où j’ai tenté de convaincre les autres que j’avais raison et où j’ai été si déçu de voir que seuls deux d’entre eux oseraient me suivre que je fus sur le point de renoncer. »

Le grand poète allemand et universel Friedrich Schiller nous met au défi d’être libres au moment de la décision, non pas libres de suivre le courant ou nos impulsions sensuelles, ou de nous adapter à la situation, mais libres lorsque nous ressentons le sublime, lorsque l’esprit indépendant se détache du filet de la sensualité pour atteindre un sens intérieur du bien commun. Ce n’est qu’alors que nous pouvons vraiment faire face au mal.

Schiller dit : « Que le mauvais destin se montre à nous face à face. Non pas dans l’ignorance du danger qui nous entoure - car cette ignorance doit finalement cesser - mais seulement dans la connaissance de ces dangers, il y a un salut pour nous ».

Dans cette perspective, pensez à notre intervention commune pour affronter les dangers auxquels nous sommes confrontés ici et maintenant, avec notre pouvoir autoproclamé de liberté et de raison.

Schiller :

« La liberté, avec toutes ses contradictions morales et ses maux physiques, est pour les âmes nobles un spectacle infiniment plus intéressant que la prospérité et l’ordre sans liberté, où les moutons suivent patiemment le berger et où la volonté qui se commande elle-même est dégradée au point de devenir la partie servile d’un mécanisme d’horlogerie. L’ordre fait de l’homme un simple produit de l’esprit et un citoyen plus fortuné de la nature ; la liberté en fait le citoyen et le cogérant d’un système supérieur, où il est infiniment plus honorable d’occuper la place la plus basse que de commander les rangs de l’ordre physique.
 
Considérée de ce point de vue, et seulement de ce point de vue, l’histoire du monde est pour moi un objet sublime. Le monde, comme objet historique, n’est au fond rien d’autre que le conflit des forces naturelles entre elles et avec la liberté de l’homme, et l’histoire nous rapporte le résultat de ce combat. »

C’est dans cet état d’esprit que nous pouvons explorer l’impossible et changer le cours de l’histoire, de son destin potentiellement fatal, déterminé par ceux qui commandent aujourd’hui l’ordre physique, les Biden et ceux qui sont derrière lui, nos dirigeants européens et ceux derrière eux, non pas un Deep State sans visage, mais l’univers pervers de l’argent et des armes, le monde de la City de Londres, Wall Street et les algorithmes de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft qui leur permettent d’opérer et de manipuler les esprits.
Notre défi est donc de sortir de leurs filets et d’apporter à nos concitoyens la vraie liberté, hors de leurs illusions sensuelles.

Cela me fait penser à une petite ville française appelée Montargis, dans le département du Loiret. On y rencontrait, juste après la Première Guerre mondiale, quelques ouvriers-étudiants chinois, pas plus de quelques dizaines. Du point de vue du début des années 1920, était-il possible de comprendre que leur liberté engagée pour le meilleur de la Chine allait changer le destin du monde ? Impossible, comme il était impossible de penser dans ces années-là qu’un astro-mobile construit par l’homme se déplacerait sur Mars. Peut-être aussi impossible qu’aujourd’hui, d’élever les populations américaines et transatlantiques à un âge de raison. Néanmoins, les deux premières choses se sont produites, et l’engagement de Diane Sare donne à penser que la troisième est sur le point de se produire.

On ne peut pas partir d’un esprit divisé entre le sensuel et la pensée dite conceptuelle, pour empêcher la division de notre monde en deux camps, amis et ennemis.

On ne peut pas lutter pour la coïncidence des opposés dans le monde actuel et jouer frénétiquement à des jeux vidéo « de tir à la première personne ». Rappelez-vous que c’est le juriste du régime nazi, Carl Schmitt (qui refusera toute tentative de dénazification), qui fut non seulement le théoricien de l’état d’exception, mais divisa les relations personnelles et internationales inévitablement entre amis et ennemis. Le fait d’accepter une division ainsi définie et d’en faire une théorie politique, conduit fatalement à essayer d’abord d’intimider et de soumettre l’autre, et finalement à l’éliminer.

Dans notre propre esprit et dans nos relations sociales, cela conduit à exclure tout changement de l’autre pour le meilleur et, inévitablement, à devenir un tueur, un assassin économique ou au mieux un misanthrope stupide. Pensons au sermon politique de Martin Luther King, Pourquoi nous devons aimer nos ennemis, pour avoir une idée du mode de pensée opposé, de la culture de la curiosité et de la persévérance nécessaires pour changer l’autre et le monde, ici et maintenant.

Dans les moments de doute vient le temps d’un humour dévastateur pour ridiculiser les autorités et les pouvoirs dominants, le temps des Rabelais, des Heine, des Cervantes, des Nasr Eddin Hodja et, je dois m’y risquer, des histoires hilarantes de Sun Wukong et des paradoxes d’un Zhuangzi. Ceux-là affrontent le mal avec humour et concentrent leurs attaques contre les personnages égoïstes et criminels qui prétendent contrôler le pouvoir, et ils racontent des histoires drôles montrant que c’est le pouvoir qui les contrôle, les transformant en marionnettes ridicules. « Le savant à l’esprit étroit, dit la tradition chinoise, est incapable de parler du Dao, car il est prisonnier de ce qu’il a appris. »

C’est ce que notre cher Nicolas de Cues appelait « la docte ignorance », la plus digne de toutes les ignorances. Cet humour engagé pour rire du respect accordé à ceux qui ne le méritent pas est une arme très puissante, si puissante qu’à certains moments de l’histoire, certains régimes anti-humains considéraient le sourire ou le rire comme un crime, un défi insupportable pour eux.

Ceci nous ouvre l’esprit à approfondir notre connaissance de Confucius et Mencius, Schiller et Dante, des Védas et des Evangiles, faisant d’eux nos amis proches et sages dans les moments de douleur ou de souffrance, comme une musique sublime de Bach ou Beethoven.

Ecoutons ce que Nicolas de Cues avait à dire dans son dernier écrit, « Le sommet de la contemplation ». Il s’agit d’un dialogue auto-réflexif sur ce qu’il appelle en latin posse ipsum, le pouvoir en soi comme métaphore approximative de Dieu, le pouvoir d’accomplir le meilleur.

Il dit : « Par le pouvoir lui-même est signifié le Dieu trine et unique, dont le nom est le Tout-Puissant ou la puissance de l’omnipotence, avec laquelle toutes choses sont possibles et rien n’est impossible, lui qui est la force des forts et la vertu de toutes les vertus. »

Je ne sors pas cela d’une bibliothèque secrète ! Nicolas lui-même était directement impliqué dans la vie diplomatique et politique de son époque. J’apporte ceci comme une référence de notre culture chrétienne, congruente avec d’autres cultures transmettant cette idée décisive que ce qui semble impossible à un certain niveau de pensée et d’action, devient possible à un niveau supérieur, définissant alors un autre « impossible ».

Mais un dernier avertissement partagé est qu’un tel engagement nécessairement impossible pour changer d’avis et modifier l’état actuel des relations internationales ne peut être pris de l’extérieur. Il n’est possible que de l’intérieur, en relevant le défi social de notre époque et en s’élevant au-dessus de la boîte grâce à notre engagement même à accomplir quelque chose, aidé par nos amis, parfois venus d’un passé lointain, qui changent l’avenir pour le mieux.

Cela signifie, en d’autres termes, que l’esprit humain peut concevoir l’incommensurable, au-delà des règles du jeu établies, pour découvrir de nouveaux principes physiques et agir afin de donner à l’aventure de notre espèce humaine une chance de se poursuivre, à condition de rester curieux et persévérants.

Essayons alors d’être sublimes et si, bien souvent, nous n’y parvenons pas, essayons et réessayons encore du mieux que nous pouvons, par de bonnes choses, de bonnes actions. C’est une question de guerre ou de paix, de vie ou de mort. Il ne nous reste plus qu’une seconde pour rire de ce qui est si pauvrement et dangereusement inhumain, alors que l’horloge de l’apocalypse des imbéciles continue de tourner.

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