« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Visio-conférence internationale 25-26 avril 2020
Session 4
5 mai 2020
discours de Sébastien Périnmony, responsable Afrique Institut Schiller France
. Quand l’Afrique se tourne vers les étoiles
Les derniers mots que j’ai entendus de Lyndon LaRouche étaient : « Faites-le ! »
Nous ne sommes pas ici, comme trop de gens pourraient l’être, pour regarder et commenter le monde comme nous le ferions avec une série Netflix. Nous sommes ici pour le changer. C’est la vraie nature d’un être humain.
Et ce que je voudrais vous présenter aujourd’hui, ce sont les gens qui « le font ». Les gens qui préparent déjà la prochaine ère pour l’humanité. Les gens qui ont, ce que nous pouvons appeler « un sens galactique du progrès humain ».
La première réaction qui nous revient, dans notre société occidentale décadente moderne, quand nous parlons de politique spatiale, est : « Pourquoi dépenser de l’argent pour l’exploration spatiale alors que nous avons tant de problèmes ici sur Terre ? »
Alors imaginez le genre de réponse que vous obtenez lorsque vous êtes associez « politique spatiale » et « Afrique » ! Les gens paniquent vraiment dans notre côté occidental du monde !
Un de mes amis, ingénieur spatial à l’Agence nationale de recherche et de développement spatial du Nigeria, s’amuse beaucoup avec ça. Quand il étudiait en Europe, m’a-t-il dit, les gens étaient totalement surpris de découvrir qu’il y avait une agence spatiale au Nigeria, même si la NASRDA existe depuis 20 ans.
Aujourd’hui, la politique spatiale est l’un des facteurs scientifiques les plus importants, avec le développement de l’énergie nucléaire dans un proche avenir, pour vraiment industrialiser le continent africain et le sortir des politiques néocoloniales et néo-malthusiennes qui ont tué des millions de personnes sous la dictature du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que de celle que nous appelons la Françafrique, ici en France.
Il est temps de voir l’Afrique avec les yeux du futur, et avec des étoiles dans les yeux !
Ainsi, début 2017, les ministres de la Science et de l’Éducation des 55 pays de l’Union africaine (UA) ont adopté pour la première fois une politique spatiale pour toute l’Afrique, afin de « promouvoir la science, la technologie et l’innovation », une initiative qui a été considérée comme « décisive pour le développement économique du continent ».
En janvier 2019, l’Union africaine ratifia la création d’une véritable Agence spatiale africaine, choisissant l’Égypte pour accueillir son siège officiel.
Selon Sékou Ouédraogo, chef de projet aéronautique chez Safran Aircraft Engines et auteur du livre Agence spatiale africaine, vecteur de développement (publié en 2015), « Pour un euro dépensé dans l’industrie spatiale, 100 euros seront redistribués à l’économie du pays ». En d’autres termes, le développement du continent passe par l’espace.
Comme nous le verrons, la politique spatiale des États africains est exactement le contraire de ce que nous pouvons voir dans les films hollywoodiens ou dans les arrière-pensées de ceux qui veulent utiliser l’espace comme moyen de domination géopolitique.
Aujourd’hui, seuls neuf pays d’Afrique (sur 54) disposent de leurs propres satellites d’observation de la Terre : l’Algérie, le Maroc, l’Angola, le Ghana, l’Égypte, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Rwanda.
Au cours des deux dernières décennies, 41 satellites ont été lancés par l’Afrique. Le premier en 1998 et 21 autres au cours des cinq dernières années. Ce chiffre montre clairement le dynamisme africain dans le secteur, avec une augmentation de 100 % en cinq ans.
On entend tous les jours : penser local, penser petit, small is beautiful. A cela, nous ne pouvons que répondre : il n’y a pas plus local que le spatial !
A partir d’aujourd’hui, alors que les pays africains sont confrontés à de très graves menaces de famine en raison d’invasions acridiennes, par exemple, nous entrons dans le vif du sujet pour les applications de la technologie spatiale sur le continent.
Vous êtes contre la maladie en Afrique ? Vous devez utiliser la technologie spatiale.
Le cas le plus palpable dans ce domaine a été la capacité de prédire les épidémies de paludisme : nous savons qu’il existe une corrélation entre les larves de moustiques qui propagent le paludisme et les concentrations d’humidité. Merci aux satellites ! Une forte humidité quelque part révèle où les moustiques vont se propager. Les pouvoirs publics peuvent donc anticiper.
Les satellites d’observation de la Terre de la NASA peuvent ainsi suivre les facteurs responsables des flambées de paludisme, et leurs données peuvent aider les communautés locales à y faire face par anticipation.
Le projet de la NASA, Land Data Assimilation System (LDAS), permet aux satellites de suivre, loin au-dessus de la forêt tropicale amazonienne en Amérique du Sud, les facteurs environnementaux (tels que les précipitations) et les activités humaines (comme l’exploitation forestière) qui peuvent attirer les moustiques, le vecteur du paludisme dans la région, etc.
Vous êtes contre le terrorisme ? Utilisez la technologie spatiale.
Créée en 2001, l’Agence spatiale nigériane a déjà produit ses propres satellites. En 2003, elle lançait NigeriaSat-1, qui surveille l’activité pétrolière dans le delta du Niger. En 2011, NigeriaSat-2 et NigeriaSat-X ont été lancés depuis la base de Yasny en Russie. Leur travail consiste à surveiller les catastrophes naturelles et à fournir de précieuses données de sécurité.
Le plus important est l’utilisation de satellites dans la guerre contre le terrorisme. La surveillance du ciel devrait permettre de localiser les groupes armés tels que Boko Haram et leurs otages. À l’Institut Schiller, cependant, nous avons répété à maintes reprises que sans le lancement immédiat du projet Transaqua pour sauver le lac Tchad, la misère et le terrorisme resteront pour toujours.
Les chiffres publiés en mai 2019 par l’Agence des Nations unies pour les réfugiés montrent que la région du lac Tchad est aux prises avec une urgence humanitaire complexe. Plus de 3,3 millions de personnes ont été déplacées, dont plus de 2,5 millions de personnes à l’intérieur du pays (PDI) dans le nord-est du Nigeria, plus de 550 000 personnes déplacées au Cameroun, au Tchad et au Niger et 240 000 réfugiés dans les quatre pays. Cela a également un grand impact en Europe, avec des milliers de personnes qui essaient de venir ici, dont beaucoup meurent en Méditerranée.
Donc, pour arrêter le terrorisme, nous devons utiliser la technologie spatiale.
Vous aimez les animaux ? Utilisez la technologie spatiale.
Le Kenya est l’un des pays qui a construit son premier satellite sur son propre territoire (à l’Université de Nairobi). Il fut ensuite lancé au Japon en mai 2018. Appelé CubSat, c’est un nanosatellite de10 cm2 qui pèse 1,2 kg !
L’objectif est de recueillir des informations pour les prévisions météorologiques, la cartographie de la sécurité alimentaire, la surveillance des frontières ou la gestion des catastrophes, mais aussi pour la surveillance de la faune.
On estime que toutes les 26 minutes, un éléphant est tué pour son ivoire en Afrique. Soit environ 20 000 par an. Ainsi, le Kenya a lancé son « programme Teboma », qui tire son nom d’une philosophie kényane disant qu’une communauté devient plus sûre quand dix maisons s’unissent pour regarder au dehors dans l’intérêt les uns des autres. Ce programme utilisera les données envoyées par le satellite pour lutter contre le braconnage.
Donc, pour ceux qui aiment les animaux, la politique spatiale est tout aussi naturelle !
Pensez-vous que tous doivent accès à l’éducation, même dans des endroits éloignés ? Utilisez la technologie spatiale.
Pour le Rwanda, c’est le satellite « Icyerekezo » (Vision), lancé en février 2019 depuis Kourou, en France – je veux dire en Guyane – en partenariat avec OneWeb, une société britannique.
Comme a déclaré la ministre rwandaise des TIC et de l’Innovation, Paula Ingabire : « Le lancement de ce satellite est un symbole de la détermination du Rwanda à développer l’industrie spatiale, à renforcer les capacités locales et à inspirer la nouvelle génération. »
Comme vous le savez, la population africaine doublera d’ici 2050, passant d’un milliard à plus de 2 milliards. Et la bonne nouvelle, c’est que les moins de 25 ans représenteront 65 % de la population
Quels projets ces enfants choisiront-ils, et dans quel monde ? Est-ce la vision apocalyptique de Greta Thunberg, ou celle d’un avenir d’exploration et de découverte ?
Le plus intéressant, c’est le but d’Icyerekezo. Ce satellite fournira une connexion internet aux étudiants de l’île de Nkombo, sur le lac Kivu, au Rwanda. Comme toutes les écoles rurales du pays, celle-ci ne possède aucun réseau de connexion.
Il existe tant d’exemples de la façon dont les Africains utilisent la technologie spatiale pour résoudre les problèmes locaux. Je répète qu’il n’y a rien de plus local qu’un programme de politique spatiale !
Comme nous le savons, penser à l’avenir et le faire est toujours la responsabilité d’un petit groupe d’individus déterminés. Un groupe de personnes qui aime « faire des choses », indépendamment de la pensée de groupe ou de l’esprit de l’époque. Comme l’a déclaré Friedrich Schiller : « Vis avec ton siècle, mais n’en sois pas la créature ; dispense à tes contemporains, non les choses qu’ils vantent, mais ce dont ils ont besoin. »
Prenons un dernier exemple, je vais vous parler brièvement du « club des fous »
En décembre 2019, le premier satellite éthiopien a été lancé à l’aide d’une fusée chinoise. Il servira à surveiller les secteurs de l’eau, de l’agriculture, du climat, de l’environnement et des mines. Il servira également de soutien à la formation des ingénieurs du pays.
Surnommé le « Crazy People Club » (club des fous) lors de sa création (!), l’ESSS (Société éthiopienne des sciences et de l’espace) a été fondée en 2004 par un petit groupe d’astronomes et d’astrophysiciens enthousiastes. Son objectif, au-delà de la plus immédiate, vise à développer des applications dans le secteur civil et à « contribuer au développement de l’astronomie, des sciences spatiales et des sciences qui lui sont associées et ce en dix ans ».
Depuis sa création en 2004, ce « club des fous » a recruté 10 000 membres et a récemment ouvert les portes, en Afrique de l’Est, du seul observatoire spatial, construit au sommet de 3200 mètres d’Entoto, surplombant Addis-Abeba. L’Observatoire et le centre de recherche Entoto, d’un montant de plusieurs millions de dollars, sont devenus un endroit privilégié pour voir la ceinture d’Orion, qui semble plus grande et plus prononcée ici que dans d’autres parties de l’hémisphère nord.
Aujourd’hui, l’ESSS réalise une étude de faisabilité pour un deuxième observatoire encore plus grand sur le site historique de Lalibela. Ce projet bénéficie du soutien de l’Union astronomique internationale, réunissant des astronomes professionnels de plus de 70 pays.
Le CNES (ou Centre national d’étude de l’espace), qui est l’agence gouvernementale chargée de façonner et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France dans le monde, est officiellement engagé dans une collaboration spatiale avec l’Éthiopie, et le président Macron lui-même s’est rendu à Lalibela en mars 2019 pour signer un accord. Classé parmi les sites les plus sacrés du pays, avec ses célèbres églises monolithiques taillées dans la roche, l’ensemble de Lalibela est un temple très ancien de la civilisation médiévale et post-médiévale de l’Éthiopie.
La magnifique ironie, c’est que ces temples étaient, à l’époque, un exploit d’ingénierie. Et là-bas, tout le monde sait qu’ils ont été construits par des anges !
Ainsi, ce site éthiopien accueillera les plus belles œuvres du passé et... de l’avenir, alliant contemplation intérieure et contemplation de l’Univers. Symbole de l’histoire universelle, une autre preuve que la créativité humaine est le principe qui permet aux sociétés de se projeter dans le temps et l’espace pour le bien-être des générations futures.
Il y a tellement de projets spatiaux en Afrique. L’année dernière, lorsque j’étais en Angola, j’ai eu la chance d’assister au lancement du tout premier satellite produit par ce pays. Vous ne pouvez pas imaginer l’excitation des étudiants qui avaient travaillé sur ce projet.
Vous avez aussi ce que Marie Korsaga a présenté hier, ces dizaines de jeunes d’Afrique du Sud qui travaillent sur « la distribution de matière sombre et visible dans des galaxies spirales et irrégulières » !
Vous avez également le Square Kilometer Array (SKA) en Afrique du Sud, un projet international pour construire le plus grand radiotélescope du monde, avec plus d’un kilomètre carré de zone de collecte. Alors que 14 pays membres sont la pierre angulaire du SKA, une centaine d’organisations d’une vingtaine de pays participent à la conception et au développement de ce radiotélescope. Des scientifiques et des ingénieurs de premier plan travaillent sur un système qui nécessitera des superordinateurs 25 % plus puissants que le meilleur supercalculateur au monde. Il peut totalement changer la vision de notre univers en remettant en question les axiomes scientifiques existants, les définitions et les postulats, dans des domaines comme l’évolution de la galaxie, la matière noire, le magnétisme cosmique, etc.
Il est fascinant de découvrir que nous avons encore tant de choses à découvrir. Et que nous avons, en Afrique, tant de jeunes scientifiques qui y travaillent. Mais je dois m’arrêter là.
Permettez-moi de conclure en réaffirmant l’objectif de cette conférence : « L’existence de l’humanité dépend maintenant de l’établissement d’un nouveau paradigme ! »
Dans les quelques exemples que j’ai présentés ici, vous avez vu qu’un pays africain travaille avec le Japon, un autre avec la Russie, la France, la Chine et d’autres. C’est la façon d’envisager l’avenir du monde, et cela a déjà commencé avec l’Initiative une ceinture, une route, et la coopération spatiale en Afrique.
Comme l’a dit la présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche : « Ce nouveau paradigme doit initier la réorganisation urgente du système financier en faillite par le biais d’un nouveau système de Bretton Woods, et établir un nouveau niveau de coopération internationale sur les questions stratégiques, les efforts scientifiques, l’économie physique et une renaissance culturelle. »
Joignez-vous à nous, il est temps de « le faire ». Je vous remercie.