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Visio-conférence internationale 25-26 avril 2020

Du crédit productif, pas une dette prédatrice

Session 4

12 mai 2020

discours d’Ellen Brown, présidente du Public Banking Institute, États-Unis

Retrouver la présentation d’Ellen Brown dans la vidéo de la quatrième session, minutage à 2:25:17

Je m’appelle Ellen Brown. Je suis présidente de l’Institut bancaire public (Public Banking Institute). Je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole. Nous nous trouvons en pleine crise. D’un côté, des portes se ferment, tandis que de l’autre, des portes s’ouvrent. C’est l’occasion pour nous de réaliser cette réforme monétaire, dont les partisans parlent depuis des décennies. C’est-à-dire que le gouvernement devrait émettre directement l’argent pour financer la productivité.
Lyndon LaRouche a écrit à ce sujet il y a quarante ans : nous devons pouvoir créer tout le crédit dont nous avons besoin, pourvu qu’il soit destiné à des fins productives. C’est ce que font les Chinois, en quelque sorte. Leur gouvernement possède 80 % des actifs bancaires du pays, soit essentiellement des prêts. Ils peuvent donc emprunter directement auprès de leurs banques publiques, qui créent l’argent dans leurs livres de comptes, puis ils réalisent leur projet (des trains à grande vitesse, par exemple) et ensuite, ils remboursent le prêt avec les recettes engendrées par cette construction productive. Cela fonctionne très bien pour les Chinois, et nous pourrions en faire autant. C’est ce dont parlait LaRouche.

Benjamin Franklin et le crédit public aux Etats-Unis

En Amérique, les colonies anglaises les plus stables étaient les colonies centrales, dont la Pennsylvanie, qui était en quelque sorte l’étoile la plus brillante. C’était la colonie de Benjamin Franklin, qui la popularisa par ses écrits. En Pennsylvanie, ils imaginèrent un système où le gouvernement disposait d’une banque pouvant émettre l’argent. C’était la « Land Bank » (crédit foncier), dont les émissions étaient garanties par la terre. En réalité, jamais aucun fermier ne fut exproprié pour honorer une dette. La colonie imprimait l’argent et le prêtait aux agriculteurs à un taux d’intérêt de 5 %, ce qui était une bien meilleure affaire que ce qu’ils pouvaient obtenir ailleurs. De toutes façons, il n’y avait pas vraiment de banques dans les environs. La Banque d’Angleterre, quant à elle, prêtait à 8 %, mais on n’avait pas une succursale au coin de la rue, comme aujourd’hui : la Banque d’Angleterre se trouvait en Angleterre. L’argent était ainsi prêté aux agriculteurs et les agriculteurs remboursaient. C’était un système durable, basé sur le crédit et la dette. Le problème des intérêts était également résolu parce que le gouvernement étant l’émetteur de l’argent, il pouvait émettre un petit supplément permettant de dépenser pour construire des routes et tout ce dont les gens avaient besoin.

Le système fonctionna assez bien jusqu’au jour où le roi George d’Angleterre décréta que les colons ne pouvaient plus imprimer leur propre argent. Au début, il se contenta de faire arrêter quelques colons, dont l’argent perdait de sa valeur. Cependant, Benjamin Franklin et les habitants de Pennsylvanie poursuivirent cette politique. Mais Franklin fit l’erreur de se rendre en Angleterre pour plaider sa cause, déclarant que ce papier-monnaie était formidable, que c’était ainsi qu’ils avaient financé leur économie et que c’était pour cela qu’ils étaient si productifs. Tout le monde s’émerveillait. En Europe, on s’émerveillait de la façon dont ces colons s’étaient en quelque sorte mis à l’ouvrage. Ils s’en sortaient très bien au milieu de cette région sauvage, où il n’y avait pas grand-chose. Franklin attribuait ce succès à ce système monétaire. Mais il ne convainquit pas le roi, à l’oreille de qui chuchotait la Banque d’Angleterre, qui manifestement n’aimait pas cela. Le but des colonies n’était pas d’être autosuffisantes, mais de fournir des biens à la mère patrie. Le roi George interdit donc cette pratique dans toutes les colonies, et l’on dit que ce fut l’un des principaux déclencheurs de la Révolution.

Retour au crédit productif sous Lincoln

Pendant la Guerre civile, pour financer l’action gouvernementale, Lincoln fut confronté à des taux d’intérêt allant de 24 à 36 % pour les emprunts auprès des grandes banques anglaises. Pour éviter cela, il revint au système d’avant (dit « colonial »), qui consistait à imprimer sa propre monnaie. On les appelait les Greenbacks, émis par le Trésor américain. Au cours de cette période, il doubla la masse monétaire. Selon la théorie économique, cela aurait dû dévaluer la monnaie et provoquer une hyperinflation. Mais ce n’est pas du tout ce qui se passa. Grâce à cette monnaie, le Nord gagna la guerre. Après la guerre, l’économie était plus solide qu’avant, ce qui émerveilla également les gens. Ils disposaient de cet argent supplémentaire qu’ils pouvaient ensuite investir dans la productivité. C’est ainsi qu’ils construisirent le chemin de fer transcontinental, qui reliait les deux extrémités du pays, désenclavant l’intérieur du continent. C’est probablement l’une des infrastructures les plus productives qui ait été construite au XIXe siècle. Tout cela, avec de l’argent émis par le gouvernement sous forme de prêts, qui furent remboursés par la suite. Et le gouvernement a pu réaliser un joli profit en investissant cet argent qu’il venait de créer dans ses livres. Cela a donc très bien fonctionné.

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