« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Le bon gouvernement de Louis XI – La Renaissance européenne

3 décembre 2021

Par Stephanie Ezrol


Le roi de France Louis XI, qui a régné de 1461 à 1483, a créé la forme moderne d’État-nation, correspondant au commonwealth anglo-saxon. La richesse de la nation est alors considérée comme la propriété commune de la nation et de l’ensemble de son peuple ; cette richesse est fonction de l’augmentation de l’énergie libre de l’économie dans son ensemble.

Dans la France de Louis XI, pour la première fois dans l’histoire, la notion de profit, ou de surplus, a reçu une expression politico-économique cohérente. La France, au cours de cette période, a connu une augmentation réelle du taux de croissance de la composante « énergie libre » de la production par rapport à « l’énergie du système » [1], ce qui a créé la base pour son développement continu au XVIIIe siècle. Louis XI a généré cette richesse à partir de ce qu’offrait les activités de la vie rurale, alors largement prédominante : agriculture, horticulture, construction d’infrastructures et d’industries avec une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée, dont la composition reflétait les efforts entrepris pour recruter des travailleurs qualifiés en France et dans d’autres nations. Il a su vaincre de façon magistrale les obstacles politiques que constituaient le système féodal en tant que tel, qui était la forme de société prédominante dans toute l’Europe, et une aristocratie féodale bien ancrée dans son propre pays. Ce système féodal était dominé par l’attachement à l’usure, tant sous la forme de la rente foncière que dans le domaine du prêt d’argent.

Le projet de créer l’État-nation moderne était très présent à l’esprit des grands humanistes européens qui donnèrent le jour à la Renaissance, à commencer par Dante Alighieri (1265 - 1321), dont la volonté de s’attaquer aux questions relatives à la science, l’État et la culture linguistique, considérées comme au cœur de la création républicaine de gouvernement, est clairement exprimée dans la Divina Commedia, le De Monarchia et De Vulgari Eloquentia. L’œuvre de Dante a été poursuivie par son élève Francesco Pétrarque (1304 - 1374), à la fois à la cour papale d’Avignon et à travers son réseau européen de correspondants et de collaborateurs. Le concept d’un tel État - où le gouvernement serait dirigé « par et pour le peuple », comme le décrira plus tard Abraham Lincoln pour les Etats-Unis - a été présenté comme document de travail par le scientifique, historien et humaniste chrétien, le cardinal Nicolas de Cues (1401 - 1464), au Conseil de Bâle en 1434, dans un traité intitulé « La concordance catholique ».

Nicolas de Cues [2] avait été initié aux écrits de Platon à la fin des années 1420 par l’étude en France des œuvres de l’Espagnol Raymond Lulle (1235 ? - 1315), qui étaient conservées dans un monastère à Chartres près de Paris. C’est Lulle, avec son contemporain Dante Alighieri, qui avait mené l’offensive platonicienne contre l’aristotélisme médiéval. Les collaborateurs de Nicolas de Cues ont tous participé à l’effort visant à assurer la réalisation de cette idée qui a vu le jour dans la France de Louis XI. Parmi eux, le Florentin Paolo Toscanelli, médecin et cartographe qui rendit possible le voyage de Christophe Colomb ; Ambrogio Traversari, qui gagna le pape Eugène IV à la perspective de ce qui deviendrait le Concile de Florence de 1439, lequel a vu l’unification des Églises d’Orient et d’Occident ; Aeneas Sylvius Piccolomini, le futur pape Pie II, qui aida Nicolas de Cues à rallier l’Allemagne lors de l’unification de l’Église ; et le cardinal Giuliano Cesarini, qui, avec Nicolas de Cues, rompit avec le tournant schismatique du concile de Bâle en 1437.

Raymond Lulle

La composante nord-européenne de cet effort était centrée sur le mouvement de réforme de l’Église connu sous le nom de « Fraternité de la vie commune », ou « Dévotion moderne », qui avait été lancé par l’érudit néerlandais Gerhard Groote.
Ce dernier avait étudié à Paris et entretenait une correspondance avec son collaborateur Guillaume de Salvarvilla, le chanoine de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Salvarvilla, qui devait plus tard défendre officiellement les efforts de Groote pour réformer l’Église, a plaidé sa cause avec succès à Rome en 1384 - une décision favorable qui est malheureusement intervenue après la mort prématurée de Groote de la peste en 1384, à l’âge de quarante-quatre ans.

La bataille politique de ces humanistes chrétiens était dirigée contre le mal oligarchique de Venise et de ses prédécesseurs, dont la capacité à gouverner dépendait du maintien de la grande majorité de la population dans l’ignorance et dans des conditions de vie misérables. La méthode mécaniste d’Aristote a toujours été une arme clé de ces oligarques. Comme l’écrit Pétrarque dans son essai de 1368 : De sa propre ignorance et de celle de beaucoup d’autres : « aucun chrétien, et surtout aucun lecteur fidèle des livres d’Augustin, n’hésitera à le confirmer, et les Grecs ne le nient pas non plus : ‘[...]. Ils appellent Platon ‘divin’ et Aristote ‘demonius’.’ »

La réintroduction par Fulbert de la méthode d’enseignement platonicienne se répandit dans les écoles de la cathédrale dans toute la France, à Orléans, Angers, Tours, Poitiers, Paris, Mantes, Beauvais, Rouen, Saint-Riquier, Besançon, et même hors de France, à Cologne et à Liège. La construction de la magnifique cathédrale de Chartres, des années 1194 à 1260, ainsi que d’autres cathédrales similaires construites dans toute la France, représente le couronnement de ce mouvement.
La France était un terrain fertile pour un tel projet, avec l’héritage politique de Charlemagne (724 - 814), et un riche héritage platonicien remontant à Gerbert d’Aurillac, le futur pape Sylvestre II (942 - 1003), et son élève Fulbert (960 - 1028), qui fut connu comme le « Vénérable Socrate » de l’Académie de Chartres.

Dans son traité intitulé Le rosier des guerres, Louis XI écrit : « les cités furent dès l’origine le nom du bien commun ou du bien public ». Ce que Louis XI a fait, c’est appliquer avec succès ces idées de construction de villes, à l’œuvre d’une nation entière. Comme il l’écrit dans Le rosier : « le Prince doit pourvoir à l’entretien des ouvrages et édifices publics, et faire des améliorations et réparations sur les routes, les ponts, les ports, les murs, les fossés, et les autres choses nécessaires dans ses villes et châteaux ». Si des historiens tels que Paul Murray Kendall lui ont attribué le mérite de protéger la Renaissance italienne en empêchant la guerre entre les villes italiennes, l’accomplissement de Louis XI va bien au-delà d’une telle entreprise défensive. En effet, il a permis la concrétisation politique des idées de la Renaissance italienne, qui n’ont pu être réalisées en Italie-même, en raison de l’intervention constante des Vénitiens. La création d’une nation, dotée d’une puissance économique et politique telle que celle de la France, et la promotion d’autres États-nations de ce type, était le seul moyen de garantir que l’humanité ne serait plus jamais confrontée au type de dévastation qu’elle avait subie pendant la Peste noire, dévastation causée par le système d’usure des banques lombardes, dominé par les Vénitiens, dont le pillage avait provoqué l’effondrement économique de l’Europe ayant préludé et créé les conditions à la propagation de la peste.
L’historien Kendall rapporte l’anecdote suivante dans une note de bas de page deson étude de 1971, « Louis XI » : « lors du premier Noël de Louis XI en tant que roi, il invita le plus grand nombre d’ambassades italiennes probablement jamais vu en France, y compris des délégations du pape, de Venise, de Florence, de Milan, de Rimini et de nombreuses villes plus petites. Louis XI fait connaître sa grande admiration pour Cosme de Medicis et la puissance de la République florentine. Cependant, il repousse une alliance avec les Vénitiens, qui écourtent leur visite et retournent dans leur ville natale. Après leur départ, Louis XI ne cache pas que, pour lui, ‘Vénitien’ est synonyme de ‘méchant’. »

Admirateur de la civilisation italienne, le roi de France partageait le préjugé italien général à l’égard de Venise, qui n’est nulle part aussi vivement exprimé que dans les « Commentaires » de Pie II :comme parmi les bêtes brutes, les créatures aquatiques ont le moins d’intelligence, ainsi parmi les êtres humains, les Vénitiens sont les moins justes et les moins capables d’humanité. Ils ne font plaisir qu’à eux-mêmes, et pendant qu’ils parlent, ils s’écoutent et s’admirent. Quand ils parlent, ils se prennent pour des Sirènes. Ils veulent paraître chrétiens devant le monde, mais en réalité ils ne pensent jamais à Dieu et, à part l’État qu’ils considèrent comme une divinité, ils ne tiennent rien de sacré. Les Vénitiens visent la domination de l’Italie, et aspirent tous à la maîtrise du monde.

À bien des égards, le modèle de Louis XI pour le « bon gouvernement » était la cité-État de Florence au XVe siècle. Le réseau bancaire des Médicis, présent dans toute l’Europe, était destiné à fournir des crédits pour l’industrie et les infrastructures. Florence avait une forme de gouvernement républicaine dont la richesse, contrairement à celle de sa rivale Venise, était basée sur la fabrication. Cosme de Medicis (1389 - 1464) fait partie du cercle des héritiers de Pétrarque, notamment Ambrogio Traversari, qui forge une « conspiration » internationale humaniste depuis sa cellule du monastère de Santa Maria degli Angeli à Florence, alors capitale économique de l’Europe. C’est d’ailleurs à Florence, en 1440, que la renaissance du savoir platonicien s’est institutionnalisée avec la fondation de l’Académie platonicienne de Cosme de Medicis.

Malheureusement, la primauté de cette tradition platonicienne a été perdue avec les Croisades orchestrées par Venise et, notamment, le parrainage vénitien d’Aristote à l’Université de Paris, en vue d’assurer le soutien de l’oligarchie féodale à ces Croisades. La dépopulation de l’Europe lors de la grande peste noire qui se répandit de Marseille et de la Corse en 1346, à l’Italie, à la France, à l’Espagne, à l’Angleterre amena la question brûlante de quelle forme politique garantissant la survie et la reproduction réussie devait être créée. On estime qu’entre 1347 et 1351, vingt millions de personnes, soit un quart de la population européenne, périrent. Dans les régions les plus densément peuplées - Italie, France, Pays-Bas, Angleterre - la proportion de la population ayant succombé à la peste se situe entre un tiers et la moitié.

La peste noire : la France à la naissance de Louis XI

Dans la première moitié du XIVe siècle, la France avait été dévastée par la maladie et la guerre. Les rois anglais, de connivence avec les Vénitiens, avaient revendiqué la couronne de France, à commencer par Édouard III en 1337, entreprenant une série d’invasions militaires qui se sont produites par intermittence pendant 120 ans, la « guerre de Cent Ans ». Pendant ce temps, les seigneurs féodaux de France se battaient à la fois contre les Anglais et entre eux. Alors que l’économie productive, l’agriculture et l’industrie étaient à l’arrêt, et que la main-d’œuvre qualifiée était décimée par la peste, ces seigneurs féodaux formaient des armées privées qui se livraient au brigandage, parcouraient les campagnes, volant la nourriture et les biens qu’ils pouvaient trouver et massacrant les habitants ce qui entraîna la disparition de villes et de villages entiers. Dans les zones urbaines, la peste bubonique, transmise par les puces, céda rapidement la place à la peste pneumonique, se transmettant directement d’homme à homme.

Des bandes de maraudeurs, soutenues par la noblesse titrée, se nourrissaient en pillant ceux qui étaient épargnés par la maladie. Pie II rapporte dans ses Commentaires :

la France, ravagée par de tels désastres, présentait l’apparence d’un vaste désert plutôt que d’un royaume. Les villes étaient ruinées et dépouillées de leurs habitants ; les fermes étaient en cendres, le pays était partout dévasté ; nulle part un petit groupe ne pouvait voyager en sécurité ; si un homme échappait aux brigands, il tombait sur les bêtes sauvages.

La disparition potentielle de la France en tant que nation et culture a été évoquée par le traité de Troyes de 1420, qui avait rapidement suivi l’entrée des Anglais dans Paris en 1418 avec la complicité de la reine Isabeau de Bavière.
Ce traité cédait la souveraineté de la France au roi anglais Henri V, qui voyait dans la France de Charles VI une riche source de butin pour ses trésors en difficulté. Le père de Louis XI, Charles VII, en tant que Dauphin et héritier du trône de son propre père Charles VI, est officiellement déshérité. Le pays se divise en factions belligérantes, une grande partie de la France résistant à l’occupation étrangère et restant fidèle à Charles VII, qui, en 1422, à la mort de Charles VI et d’Henri V, avait été contraint de déplacer sa capitale de Paris à la ville de Bourges.

Pendant ce temps, la campagne française résonnait de rumeurs sur la reine Isabeau. Pendant les négociations du traité de Troyes, elle avait déclaré que son fils [Charles VII] n’était pas l’héritier légitime du trône, car son mari, le roi Charles VI, n’en était pas le père. Isabeau est alors connue comme la « putain » qui a ruiné la France, et le bruit court que la France ne peut être sauvée que par l’intercession d’une femme vertueuse.

Or, en 1429, la résistance qui couvait est justement libérée par une jeune femme vertueuse, dont les parents étaient des fermiers dans ce qui est aujourd’hui la Lorraine. Jeanne d’Arc, avec le soutien de son oncle, des moines augustins et des réseaux de résistance étendus dans la France non occupée - probablement associés au mouvement de réforme de la « Confrérie de la Vie Commune » - réussit à approcher le Dauphin, Charles VII, et à le convaincre de lui fournir les forces militaires nécessaires pour assurer son couronnement à Reims, lieu traditionnel du sacre des rois de France.

La « Confrérie de la vie commune »

Quarante-cinq ans avant l’entrée de Jeanne d’Arc sur la scène politique, une révolution politique et religieuse s’était déclenchée en Europe du Nord. Dans un effort pour reconstruire le bien-être moral, physique et spirituel des peuples européens à la suite de la peste noire, Gerhard Groote avait créé la « Confrérie de la vie commune » dans la ville côtière néerlandaise de Deventer. La Confrérie était un ordre d’enseignement, qui s’engageait à éduquer tout un chacun, quelle que soit sa richesse ou sa situation sociale.

Les propres parents de Groote étaient morts de la peste noire en dépit de leurs efforts pour convaincre la ville de Deventer d’adopter des mesures sanitaires et combattre la peste. Ils s’étaient retrouvés face à des dirigeants de la ville trop effrayés pour affronter la catastrophe à venir, et plus enclins à placer leurs espoirs dans les visites des flagellants. Ses propositions qui furent rejetées s’inscrivaient dans la résistance qui s’était levée dans toute l’Europe contre le pillage des oligarques, dont la survie reposait sur les quatre-vingt-quinze pour cent de la population appauvrie qui n’étaient pas mieux traitée que les vaches qui leur fournissaient du lait et de la viande.

Le travail de l’ordre enseignant soulignait le rôle de chaque individu, quelle que soit sa position dans la vie, pour assumer la responsabilité d’accomplir l’œuvre de Dieu sur terre. L’expression la plus célèbre et la plus influente de l’idéal de la Fraternité, le livre « L’Imitation du Christ », avait été écrit par Thomas à Kempis, disciple de Groote. Ce mouvement d’enseignants et de réformateurs de l’Église se répandit rapidement dans les années 1380 en Allemagne, en Suisse, en Bourgogne, en Flandre, dans les Pays-Bas et dans certaines régions de France. En 1429, un grand nombre de monastères augustiniens et de monastères d’autres ordres en Europe du Nord avaient rejoint le mouvement de la Fraternité de Groote.
Domrémy, le village natal de Jeanne d’Arc, se trouvait à la frontière de villes allemandes abritant des maisons, monastères et couvents de la Confrérie.

En 1418, alors que la reine de France collaborait avec les Anglais pour permettre leur occupation de Paris, les « Frères de la Vie Commune » furent officiellement accusés du crime d’hérésie par un moine dominicain, nommé Matthieu Grabow.
Ce dernier affirmait que seuls les moniales, les moines et les prêtres cloîtrés pouvaient espérer atteindre la perfection chrétienne et que, par conséquent, l’éducation de l’homme du peuple prônée par Groote et ses disciples était hérétique.

Il incomba à Jean Gerson, autrefois Chancelier de l’Université de Paris, mais exilé de la ville après la prise du pouvoir par les Bourguignons et les Anglais, de défendre la « Fraternité » contre l’accusation d’hérésie, en faisant appel à la foi chrétienne de l’Homme créé à l’image de Dieu (Imago Dei), et au devoir concomitant de tous les hommes d’agir à l’imitation du Christ (capax Dei), comme l’avaient enseigné les premiers pères de l’Église. Gerson rédigera plus tard le programme éducatif pour le jeune Louis XI, en insistant sur l’étude de « La Cité de Dieu » de Saint Augustin.
C’est Gerson, resté fidèle à Charles VII malgré son parrainage avec le Duc de Bourgogne, qui présenta à Charles VII la conclusion du comité de clercs lui recommandant Jeanne d’Arc en 1429.

La tâche de Jeanne d’Arc n’était pas uniquement de déclencher une résistance réussie à l’occupation anglaise de la France, mais aussi de vaincre l’oligarchie française dégénérée, qui menait le pays à l’autodestruction par la guerre civile. La série de victoires militaires rapides et apparemment miraculeuses de Jeanne d’Arc, commençant par la levée du siège d’Orléans en mai 1429, était le résultat de sa capacité à rallier des éléments de la population et du leadership français à son concept supérieur de la nation, basé sur la dignité de l’homme à l’image de Dieu.
Aeneas Sylvius Piccolomini, le futur pape Pie II, publie un long rapport sur les victoires militaires de Jeanne d’Arc et sur sa vertu chrétienne dans ses « Commentaires ». Il note que lorsque Charles VII s’est approché de la ville de Reims, qui maintenait à l’époque son allégeance aux forces anglaises d’occupation, pour être couronné, « [l]es nobles [de France] hésitaient ; la population était attirée par la perspective d’un changement de gouvernement. [Charles envoya des hérauts pour demander la reddition et annoncer son couronnement aux habitants de Reims. La ville envoya d’éminents citoyens pour demander un délai de réflexion, mais la Pucelle donna l’ordre que les envoyés ne reçoivent aucune réponse ; il ne fallait pas tarder ; tout devait être fait au moment que Dieu avait fixé. Le Dauphin obéit à la Pucelle. Il retint les envoyés, et envoyant en avant quelques compagnies de cavalerie, s’avança rapidement sur la ville. Il se passa alors une chose extraordinaire, que les générations suivantes ne croiront pas. Pas un seul homme armé ne fut trouvé à la porte ou dans la ville. Les citoyens, en tenue civile, les rencontrèrent hors des murs. Le Dauphin - sans conditions, sans modalités, sans la moindre opposition - passa par les portes grandes ouvertes. Personne n’a protesté, personne n’a montré le moindre signe de ressentiment. Après cela, la Pucelle escorta le nouveau roi jusqu’à Laon. Ici aussi, ils n’ont trouvé aucune résistance. La ville entière était ouverte au Roi. Il en fut de même dans toutes les villes entre Paris et Laon. Les citoyens et toute la population affluèrent à leur rencontre avec la plus grande joie. »
Que sa carrière soit un miracle du Ciel, ou un artifice des hommes, il serait difficile de trancher. Certains pensent que lorsque la cause anglaise était prospère, et que les nobles français, en désaccord entre eux, ne pensaient pas que quelqu’un fût apte à être commandant, un plus rusé que les autres élabora le plan astucieux de déclarer que la Pucelle avait été envoyée par le Ciel, et de lui donner le commandement qu’elle demandait, puisqu’il n’y avait aucun homme vivant qui refuserait d’avoir Dieu pour chef. C’est ainsi que la conduite de la guerre et le haut commandement furent confiés à une fille.
Cela, en tout cas, est incontestable : c’est la Pucelle, sous le commandement de laquelle le siège d’Orléans a été levé, par les armes de laquelle tout le pays entre Bourges et Paris a été soumis, par les conseils de laquelle Reims a été récupérée et le couronnement y a été célébré, par la charge de laquelle Talbot a été mis en déroute et son armée mise en pièces, par l’audace de laquelle la porte de Paris a été mise à feu, par l’esprit vif et l’effort inlassable de laquelle la cause française a été sauvée. C’est un phénomène qui mérite d’être enregistré, bien que les générations suivantes le considèrent avec plus d’étonnement que de crédulité.

Le travail de Jeanne continua pendant deux ans, jusqu’à ce qu’elle soit capturée par les forces bourguignonnes et livrée aux occupants anglais.
Les Anglais ont alors financé un procès de l’Eglise, pour le crime d’hérésie, présidé par l’Inquisiteur français et l’Université de Paris, à Rouen, où le roi anglais résidait.
Bien que Jeanne ait été brûlée sur le bûcher, le mouvement qu’elle avait dirigé ne pouvait être arrêté. Les Français occupés ont réagi avec dégoût à la torture et à l’exécution de la sainte fille par les Anglais. Même les Bourguignons n’allaient pas maintenir l’alliance bien longtemps.

Le congrès d’Arras

Les collaborateurs de Nicolas de Cues, centrés dans la cité-état de Florence, interviennent dans le conflit français en 1435 par le biais du Congrès d’Arras, dans le cadre du processus d’organisation du Concile de Florence de 1439 qui unit les Églises orientale et occidentale sur le principe du Filioque, une doctrine qui réaffirme pour le christianisme l’idée de la création de l’homme à l’image de Dieu. La période qui a précédé le Congrès d’Arras a été marquée par un énorme tumulte et des remous politiques. Le concile de Bâle de 1431, qui se réunissait encore en 1435, devait initialement résoudre bon nombre des problèmes de réforme non résolus lors du précédent concile de Constance. Mais il menaçait de se transformer en un forum politique qui rouvrirait le schisme qui avait secoué l’Église depuis 1378, et qui était à peine cicatrisé que deux des trois papes alors en exercice démissionnaient.
En 1433, Cosme de Medicis est expulsé de Florence mais y est ramené en 1434, avec l’aide d’Ambrogio Traversari. Entre-temps, le pape Eugène IV avait été chassé de Rome par les familles oligarchiques de la ville et avait trouvé refuge à Florence avec l’aide de Cosme.

Le pape Eugène IV organisa le Congrès d’Arras en Flandre (aujourd’hui en France) comme une énorme conférence internationale, à laquelle participèrent de nombreux princes de sang européens, de hauts fonctionnaires de l’Église, des chefs militaires et des députés de villes françaises et de l’Université de Paris. Les discussions, ainsi que les banquets et les tournois, se sont poursuivis tout au long du mois d’août, le vent tournant constamment contre les pressions anglaises en faveur de l’obéissance française. Finalement, le 1er septembre, les Anglais se retirent, et le 22, un traité est ratifié pour former une alliance franco-bourguignonne contre l’occupation anglaise.
La délégation papale à Arras était dirigée par l’ami de Nicolas de Cues, le grand cardinal humaniste Niccolò Albergati (1375 - 1443), qui était assisté de deux secrétaires, Tommaso Parentucelli, l’ami proche et le bibliothécaire de Cosme de Medicis. Albergati deviendrait le pape Nicolas V en 1447 à la mort d’Eugène IV. De la délégation faisait aussi partie Aeneas Piccolomini, le futur pape Pie II (1458).
Le cardinal Albergati, un moine chartreux, était une personne pieuse qui s’était entourée depuis le début des années 1400 de plusieurs des meilleurs jeunes érudits formés au nouvel art de la traduction grecque. Il était l’un des légats du pape au Conseil de Bâle et s’est battu sans relâche pour défendre les efforts d’Eugène IV en vue d’une union avec l’Église d’Orient. À la demande du pape, il a abandonné ces fonctions pour intervenir dans le conflit français. Albergati retourne à Bâle en janvier 1436.
Cette année-là, la lutte à Bâle ne portait plus sur la question de savoir s’il fallait tenir un congrès avec l’Église d’Orient, mais sur celle de savoir où tenir un tel congrès.
La délégation française, qui avait été hostile à la papauté, commence à changer d’avis. Lorsqu’un vote est organisé en décembre 1436, les Français votent pour le choix minoritaire, à savoir une conférence à Florence. Le cardinal Albergati présidera la séance d’ouverture de la réunion avec l’Église orientale le 8 janvier 1438 à Ferrare. Plus tard, le Conseil sera transféré à Florence.
Après le traité d’Arras, les Français remportent une série de victoires militaires, malgré l’hésitation persistante du père de Louis XI, Charles VII, à poursuivre activement une guerre de libération.
Louis XI reste en contact avec le mouvement croissant de la Renaissance italienne, alors qu’il se prépare impatiemment à prendre les rênes du pouvoir en France. En 1447, après l’un des nombreux affrontements avec son père le roi, il est exilé en Dauphiné, une région limitrophe de la Savoie et de la Suisse, qui était une possession héréditaire des Dauphins de France, bien qu’elle n’ait jamais été gouvernée par aucun d’entre eux.
C’est en Dauphiné que Louis XI commence ses expériences de réforme économique. Il mise sur l’initiative des entrepreneurs et des inventeurs, qu’il protège absolument, dans l’agriculture, l’industrie et le commerce. Il adopte des mesures protectionnistes et anti-dumping, dirait-on aujourd’hui, pour protéger les céréaliers et les liniers. Il exonère les commerçants des droits de douane provinciaux tout en imposant des droits de douane aux marchandises étrangères, encourage les ouvriers qualifiés d’autres pays à venir s’installer en Dauphiné avec leur famille, en leur garantissant des exonérations fiscales proportionnelles à leur productivité. Louis XI établit le premier système postal de toute l’Europe et négocie des traités indépendants entre le Dauphiné et les cités-États italiennes.
La reconstruction de la ville de Crémieu en Dauphiné est un bon exemple de la manière dont Louis XI intervient pour construire des villes et développer la croissance démographique. Cette petite ville avait été délabrée et dépeuplée lorsque le système fiscal féodal avait forcé les marchands juifs locaux à quitter la région. Louis XI les a donc fait revenir en les exemptant d’impôts pendant vingt ans. Cette politique est présentée à son cabinet et soumise au vote du gouvernement local, qui n’exige que le paiement d’une once d’argent de la part des Juifs qui décident de revenir et de participer au programme de construction de l’industrie et du commerce de la région.
Bien que la noblesse ait exigé que le gouvernement local demande à Louis XI d’expulser les Juifs, se plaignant qu’ils ruinaient le pays par l’usure - l’accusation courante de la noblesse contre l’activité commerciale – Louis XI et son conseil refusèrent la requête. Les Juifs sont autorisés à vivre là où ils le souhaitent en Dauphiné.

John Wessel de Gansforth et la « Fraternité »

En 1456, alors que la résistance française était revigorée par l’exonération complète de Jeanne d’Arc, Louis XI fut contraint de fuir le Dauphiné et de chercher la protection de son oncle, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, sous la menace d’une armée d’invasion envoyée par son père Charles VII, qui désapprouvait le mariage de Louis XI avec Charlotte de Savoie. Louis XI reste en Bourgogne jusqu’à la mort de son père en 1461.
À cette époque, le territoire bourguignon comprenait ce qui est aujourd’hui la Belgique et les Pays-Bas. La cour bourguignonne résidait près de la magnifique ville Renaissance de Bruges.
Louis XI y aurait rencontré Nicholas Rolin, mécène des artistes Jan van Eyck et Rogier van der Weyden, et, en tant que chancelier de Bourgogne, avait été le principal négociateur bourguignon lors du congrès d’Arras en 1435.
La plupart des chapitres de la « Confrérie de la Vie Commune » se trouvaient en territoire bourguignon, et on raconte que c’est à l’Université de Louvain que Louis XI rencontra Jean Wessel de Gansforth (1426 - 1489), un ami personnel de Thomas à Kempis, l’auteur de L’ « Imitation du Christ ». Gansforth avait fait ses études à l’école de la Confrérie à Deventer, où il enseignait en tant que condisciple. Il s’est particulièrement impliqué dans le mouvement florentin visant à rechercher et à traduire les textes grecs originaux du Nouveau Testament et des maîtres grecs classiques, notamment Platon.
Entre 1454 et 1469, Gansforth étudie et enseigne à Paris, où il se lie d’amitié avec Francesco della Rovere (le futur pape Sixte IV, 1471 - 1484) et le cardinal John Bessarion.
Bessarion, l’archevêque de Nicée, avait été l’un des principaux porte-paroles grecs au Concile de Florence. C’est lui qui, en juillet 1439, avec Giuliano Cesarini pour les Latins, avait lu la bulle « Que les cieux se réjouissent », proclamant l’unité doctrinale des deux Églises sur le principe clé du Filioque.
Gansforth se rendit à Rome avec son ami della Rovere, et resta actif dans les cercles papaux tant à Rome qu’à Florence, jusqu’à ce qu’il soit rappelé en France par Louis XI en 1473. Louis XI avait demandé à des érudits invités, dont Gansforth, d’intervenir à l’Université de Paris contre les enseignements des doctrines anti platonistes enragées du nominaliste Guillaume d’Ockham.
Précurseur de l’empirisme britannique, la philosophie néo-aristotélicienne d’Ockham niait l’existence d’universaux, sauf en tant que noms donnés à des collections de choses particulières. Ainsi, des idées telles que celles de Dieu, de la Vérité, de la Justice, de la Beauté ou de la Loi naturelle n’ont plus aucun sens. Pour cette raison, la philosophie d’Ockham pouvait être utilisée avec succès pour justifier les machinations politiques de l’aristocratie féodale.

La construction de l’État-nation.

Lorsque Louis XI prend le pouvoir, la France compte quatorze duchés féodaux et quatre-vingt-quatorze grandes villes, qu’il unifie sur la base du Bien commun et des possibilités de développement commun. Cette idée de Bien commun est véhiculée dans tout le pays par le slogan « une loi, un poids, une monnaie. »
L’objectif de Louis XI était de gagner les villes pour développer des centres culturels, construire des manufactures, établir des foires commerciales internationales, etc., afin d’attirer les talents des zones rurales, ainsi que des quartiers internationaux, pour former une nouvelle entité politique d’État-nation. Et de fait, les villes ont pleinement contribué à soutenir cette politique royale.
Pendant le règne de Louis XI, qui dura vingt-deux ans, de 1461 à 1483, le changement politique le plus significatif qu’il imposa en tant que roi fut la faillite de l’aristocratie foncière féodale par la création et la défense des industries, par l’ouverture d’un commerce réciproque avec l’Angleterre et par de nouveaux accords de traités avec Gênes, Florence, Naples, la Sicile et la Calabre.
Louis XI garantit le développement et l’expansion des industries en subventionnant les villes ; ces subventions proviennent des impôts (la taille), qui sont perçus en proportion inverse de la productivité du contribuable. Ainsi, les princes féodaux sont taxés à un taux plus élevé que la population urbaine. Donc, alors que les salaires doublent sous le règne de Louis XI, le produit des impôts triple pendant la même période de vingt ans : la taille représente 1 200 000 livres en 1462, et atteint le niveau de 3 900 000 livres en 1482. Ajoutons à cela d’autres formes d’impôts, les aides et la gabelle, qui atteignent un total de 655 000 livres, et le domaine royal, qui rapporte 100 000 livres, pour une somme totale de 4 655 000 livres par an.
Grâce donc à l’utilisation judicieuse de la politique fiscale, qui consiste à prélever et à exonérer selon les cas, Louis XI est en mesure de diriger la croissance et le développement économiques dans tout le royaume. Et, alors que la majorité des habitants des villes ne se plaignent jamais, les archives historiques sont remplies de plaintes de l’aristocratie, qui se voit privée de ses privilèges. En cinquante ans, aucune ville ne s’est jamais retournée contre le gouvernement central établi par Louis XI.
Les réformes de la politique fiscale, le monnayage universel, la réorganisation administrative et judiciaire, firent de Louis XI l’ennemi le plus détesté des seigneurs féodaux, qui ne pouvaient plus mener de guerres privées, ni exercer les privilèges des potentats.
La plupart des réformes, publiées sous forme d’ordonnances, sont affichées et lues sur les places publiques dans toute la France. Sous Louis XI, les membres de la noblesse, qui, dans la plupart des autres régions d’Europe, effectuaient un travail productif, sont en France récompensés pour ce travail. Louis XI proclame une qualification selon laquelle ils doivent rendre la terre productive (une politique répétée quatre cents ans plus tard par l’administration américaine d’Abraham Lincoln : « Quarante acres et une mule »). Les travailleurs étrangers bénéficiaient souvent d’une exonération fiscale de dix à vingt ans.
Dans une « Lettre de naturalisation » et une législation connexe, Louis XI abolit le droit de l’État de saisir les terres, les biens ou les manufactures des sujets nés à l’étranger, et leur permet de devenir des sujets libres de la France, s’ils le souhaitent.
Des centaines de règlements stricts sont publiés concernant les magasins d’alimentation, déterminant combien de temps la viande pouvait être conservée, dans quelles conditions de stockage et d’hygiène. Les lois sanitaires sont combinées avec l’introduction de services municipaux traitant de la question de l’eau ; l’ordonnance permettant aux nobles et aux hommes d’église de travailler : « Attendu que parmi toutes les choses nécessaires au Bien commun [...] l’occupation la plus honnête et la plus profitable est l’industrie des arts mécaniques. [...] Que l’on sache que nous désirons de tout notre cœur rechercher et pratiquer les moyens qui peuvent être tournés au profit et à l’utilité de nos sujets, et leur donner l’industrie dont ils pourraient profiter, s’enrichir et mieux vivre sous notre loi. » Un résumé des initiatives de Louis XI en matière de politique économique est publié.
Il a promulgué des lois sur le travail pour protéger les droits des travailleurs étrangers, et a fixé des normes de production. Il encourage l’immigration d’ingénieurs, d’imprimeurs, de musiciens, de mineurs, de fermiers, de fabricants d’armures, de spécialistes de l’artillerie, de fondeurs de fer, de travailleurs du cuivre, de chaudronniers, de tisserands, de teinturiers de soie et de fabricants de canons. On fournit aux immigrants des instruments de travail et des terres pour les exploitations agricoles, avec le logement et l’établissement de compagnies pour ceux qui serait aujourd’hui les pompiers. L’un des premiers actes de Louis XI en tant que roi fut d’établir un approvisionnement régulier en denrées et en logements pour l’armée, ce qui était le seul moyen d’assurer le développement d’une agriculture productive - car sinon, les fermes françaises étaient régulièrement pillées par l’armée, qui « pensait avec le ventre », pour ainsi dire.
Un recensement de toutes les terres potentiellement productives du pays est effectué et l’État s’empare de toutes les terres non réclamées afin de les remettre en production. Des édits interdisent la chasse sur les terres agricoles, qui était un privilège traditionnel de l’aristocratie féodale. Les marécages sont asséchés afin de mettre davantage de terres en culture. La production et la distribution du blé sont organisées afin de maintenir les prix bas et de garantir que les villes disposent toujours de blé pour la fabrication du pain. Un édit du 7 juin 1482 prescrit la libre circulation des grains dans tout le royaume, afin de garantir l’égalité à tous les sujets.
Les ordonnances de 1467, 1470 et 1479 protègent les agriculteurs contre la saisie de leurs outils et instruments nécessaires, au cas où ils ne seraient pas en mesure de payer leurs dettes. Des arsenaux militaires sont construits sur les voies navigables pour faciliter le transport des canons et de l’artillerie. Les rivières sont rendues navigables pour assurer l’acheminement des marchandises agricoles et militaires au moindre coût pour l’économie. Les ports de Rouen, Marseille, La Rochelle et Bordeaux sont physiquement améliorés. Paris, Tours et Rouen sont les principaux fabricants d’armement, ceux de Tours étant financés par l’État.
De même, Louis XI cherche à encourager la croissance économique de la nation par des politiques fiscales, monétaires et commerciales.
Là, sa relation avec les Florentins était un élément crucial dans sa conception de la création d’une France unifiée. Louis XI avait besoin d’une monnaie nationale unique et d’un plan d’investissement unifié, qui donnait la priorité à l’économie physique ; son programme dirigiste devait publier un programme d’incitation fiscale et, ce qui n’est pas moins important, il avait besoin d’une politique nationale de crédit qui encouragerait les investissements à forte intensité de capital.
À cette époque, il n’y avait qu’une seule maison de banque dans le monde qui était orientée vers ce type de programme de développement, et c’était la banque des Médicis à Florence.
Le point de vue général des Médicis et de Louis XI était que les banques devaient être au service de la nation, et non la nation au service des banques.
Louis XI gagne une importante guerre commerciale en faveur de la ville de Lyon, la deuxième plus grande ville de France, contre Gênes, contrôlée par les Vénitiens. Afin d’attirer les marchands internationaux, Louis XI organise de grandes foires internationales à Lyon, tout en organisant des opérations systématiques contre Gênes. Dans une célèbre ordonnance du 8 mars 1463, il établit les mesures les plus radicales en faveur des marchands qui « préfèrent » commercer avec la ville française : aucune restriction ne sera imposée aux transactions marchandes à la foire de Lyon.
L’éducation et les sciences
La conception de la République de Louis XI se fonde sur la contribution potentielle des sujets individuels au développement de la nation tout entière, s’ils en ont la possibilité. Il est utile de mentionner, même brièvement, les points saillants parmi ses initiatives politiques en matière d’éducation et de sciences.

  • Un changement crucial apporté par Louis XI fut la création de nouvelles écoles et universités humanistes directement sous l’autorité du roi. Louis XI préside à la création de deux nouvelles universités d’études humanistes de la Renaissance : en juillet 1452, il fonde une université à Valence, avec des facultés de théologie, de droit civil et canonique, de médecine et d’arts libéraux. En 1462, il crée une institution similaire avec l’Université de Bourges.
  • Sous la direction de Johannes van Ockeghem, maître de chapelle de Louis XI et le plus grand musicien de son temps, l’art et la science de la composition musicale sont enseignés aux enfants. Le développement des chorales d’enfants est encouragé par une aide de l’État aux garçons qui se consacrent au chant, assurant notamment le financement d’une formation universitaire.
    Des astronomes, dont Robert de Cazel, collaborent avec des membres de la Cour tels que le géomètre Jean Pelerin Viator et l’artiste Jean Fouquet, à l’élaboration de cartes pour la navigation et à des projets de construction de ports et de détournement de rivières.
    Ainsi, lorsque le « roi philosophe » de Platon, en la personne de Louis XI, s’empare des rênes du pouvoir en France, il démontre au monde entier ce qu’un tel philosophe peut accomplir en seulement vingt ans. Les fondements de la civilisation moderne - la science moderne, les idées modernes de liberté politique et de dignité humaine qui avaient été élaborées pour la première fois par Nicolas de Cues dans sa « Concordance catholique » - ont été construits sur le sol de la nation française par Louis XI, qui a collaboré avec les principaux intellectuels de toute l’Europe pour atteindre cet objectif.
    Le triomphe du Concile de Florence en 1439 a fait de ces idées les idées prédominantes de la chrétienté, quelle que soit la façon dont elles ont ensuite été perverties par les machinations vénitiennes de la Réforme et de la Contre-Réforme.
    Louis XI avait la particularité d’être un souverain qui dirigeait lui-même son royaume. Loin d’être le mégalomane dépeint par la plupart des historiens modernes, il explique dans son « Rosier des guerres » qu’un roi doit avoir de bons conseillers, sages et prudents. Cependant, Louis XI croit que le roi doit assumer la responsabilité ultime de toutes les décisions, car il doit rendre des comptes à un Dieu qui le jugera, tout comme Dieu jugera tous les êtres humains, quelle que soit leur condition sociale.
    En consolidant donc le pouvoir politique, Louis XI a créé la possibilité de briser la forme oligarchique de la société et du gouvernement. Cela a été presque entièrement accompli avec la Ligue de Cambrai de 1509, qui était une alliance de toute l’Europe contre Venise, le centre de l’oligarchie.
    Malheureusement, la guerre contre Venise a été arrêtée en cours de route. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à la tâche de terminer l’œuvre de Louis XI, car la coexistence de la communauté des États-nations, fondée sur les principes humanistes chrétiens de la Renaissance, et de l’oligarchie financière mondiale du pillage et du désespoir, a atteint ses limites. Soit le corps se débarrasse de ce cancer, soit il ne survivra pas.

Notes

[1Dans Alors, vous voulez tout savoir sur l’économie de Lyndon LaRouche ; annexe sur la Thermodynamique de l’économie politique.

Imaginons, pour les besoins de notre approximation initiale, que les processus économiques soient de l’ordre du groupe agro-industriel autonome décrit précédemment. Le genre de processus thermodynamique que nous devons envisager, pour examiner ce groupe agro-industriel d’un point de vue thermodynamique, est celui d’un processus thermodynamique fermé. Toutes les sources et les consommations d’énergie sont internes au processus examiné.

Dans un tel cas d’espèce, l’énergie du système correspond aux coûts et dépenses nécessaires à la production totale des biens physiques et des produits apparentés et l’énergie libre représente le bénéfice net de l’entreprise prise dans son ensemble. On parvient à la fonction mathématique voulue en examinant ce qui se passe lorsqu’on réinvestit l’énergie libre (bénéfice net) sous la forme d’un accroissement de l’énergie du système

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[2Le cardianal Nicolas de Cues (1401-1464), humaniste, théologien, philosophe, mathématicien. Auteur du célèbre ouvrage De la Docte ignorance, il fut l’un des acteurs clefs du Concile de Florence (1438–1445) et des efforts dans le sens de l’oecuménisme.
Nicolas de Cues a joué un rôle déterminant dans l’histoire de la pensée européenne, notamment en développant le concept de « coïncidence des opposés » selon lequel, dans l’absolu — c’est-à-dire en Dieu ou dans l’Un infini — les contraires ou les opposés coïncident, c’est-à-dire se rejoignent ou se fondent en une unité supérieure qui dépasse la logique humaine.

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