« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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10 février 2014
Cette déclaration vise à offrir la base conceptuelle permettant de mobiliser toutes les forces qui, à cette heure grave de l’histoire, souhaitent réorienter l’avenir de l’Europe vers une communauté de principes entre républiques souveraines, engagées à coopérer au service des objectifs communs de l’humanité.
Alors que non seulement la zone euro mais tout le système transatlantique sont au bord de la désintégration, la seule question qui demeure est de savoir si nous sombrerons dans le chaos ou si nous serons capables d’opérer une sortie ordonnée de l’Union européenne et de la monnaie unique, permettant enfin de prendre les mesures nécessaires pour surmonter la crise.
Il devrait être clair, pour quiconque réfléchit un tant soit peu, que nous sommes face à une catastrophe civilisationnelle d’une ampleur sans précédent, et il est absolument terrifiant que seuls quelques individus courageux osent dire ouvertement quel danger nous menace : celui de basculer dans une crise d’effondrement systémique, pouvant nous conduire à une nouvelle guerre mondiale, thermonucléaire cette fois-ci, capable de provoquer l’extinction de l’humanité. L’échiquier d’une troisième guerre mondiale est en place, et si nous sombrons dans le chaos économique, cela provoquera sans doute une réaction en chaîne impliquant le déploiement de forces militaires capables d’annihiler toute vie sur Terre.
L’aspect le plus préoccupant est le gouffre qui existe entre le danger évident pour la vie et les biens des populations, et l’incapacité de l’éviter.
A l’heure actuelle, les pays européens sont prisonniers d’une structure supranationale clairement opposée à leurs intérêts existentiels, qui nie l’essentiel de leur héritage culturel et leur vole leur avenir. Ce type de structure représente, avec un habillage moderne, l’un des deux courants de l’histoire européenne qui se disputent le pouvoir depuis plus de trois mille ans. Le premier courant est le système oligarchique, où une petite classe dirigeante élitiste s’efforce d’imposer ses privilèges à la majorité de la population. Le deuxième, c’est-à-dire le courant républicain visant au développement optimal des capacités créatrices des citoyens (celui qu’incarne Solon, le législateur d’Athènes), a été entièrement expurgé de la politique actuelle de l’UE et la moindre tentative d’aller dans cette direction est immédiatement réprimée.
La métaphore qui décrit le mieux ces deux courants, c’est le mythe grec de Zeus et Prométhée. Zeus, le Dieu suprême qui règne sur l’Olympe et déteste les humains, incarne le modèle oligarchique, où seuls comptent les privilèges de l’élite et où le peuple n’a aucun droit. Dans La législation de Lycurgue et Solon, le poète allemand Friedrich Schiller décrit la Sparte de Lycurgue comme le prototype d’un Etat oligarchique où tout est subordonné à l’intérêt d’une élite dirigeante qui dispose, comme bon lui semble, de la vie de ses esclaves, les Hilotes.
Prométhée, l’ami de l’homme auquel il apporte le feu, se bat jusqu’au bout pour permettre à l’humanité d’accéder aux fruits du progrès et d’améliorer ses moyens de subsistance. Ce qui est prométhéen dans l’homme est son pouvoir créateur, « l’étincelle divine » de connaissance humaine qui rend l’homme véritablement libre et le libère de l’oppression du système oligarchique. De la même façon que dans la tragédie d’Eschyle, Prométhée enchaîné, Zeus punit Prométhée d’avoir apporté le feu à l’homme en l’enchaînant éternellement à un rocher, l’oligarchie déteste et redoute les capacités cognitives créatrices d’individus libres, car elles signifient la fin de son joug.
Avec le combat des chrétiens contre l’Empire romain, le droit et le potentiel de l’homme au développement illimité, en tant qu’individu fait à l’image du Créateur, accèdent à un niveau supérieur. Depuis, l’Empire romain et ses empereurs arbitraires restent le modèle des structures impériales oligarchiques, dont les protagonistes veulent empêcher le citoyen ordinaire de penser en lui donnant « du pain et des jeux de cirque » afin de le maintenir dans un état où il accepte sa condition d’esclave.
L’importance historique du christianisme est d’avoir su surmonter, en principe, le système impérial. [Théologiquement], en la personne du Christ, la participation de l’humanité à la capacité créatrice infinie de Dieu (capax dei) fut établie, marquant une rupture radicale avec les mythes préchrétiens et leur conception cyclique de la nature comme apparition et disparition, comme retour éternel du même, comme une « Mère Gaia » pour qui naissance et mort ne sont que des éléments immuables de la nature. Le Christ et le christianisme rendirent possibles l’émergence d’au moins une liberté intérieure et le développement de la personnalité créatrice. Reconnaissant immédiatement en quoi cette conception menaçait leur système, l’Empire romain répondit en persécutant les chrétiens.
Ce fut la contribution fondamentale de Nicolas de Cues au XVe siècle, qui, avec sa nouvelle méthode scientifique, permit de surmonter la pensée déductive des péripatéticiens et des scolastiques. Cette méthode supérieure de pensée créatrice lui permit de poser les fondements de la science moderne et du système représentatif des Etats-Nations souverains. Ainsi, la possibilité de participer à un gouvernement souverain devenait pour la première fois explicite et donnait une forme concrète, en termes politiques, aux droits humains déjà définis par le christianisme mais politiquement opprimés jusque-là par les structures oligarchiques dominantes.
Il est littéralement captivant, au regard de la liberté et de la nécessité de l’histoire, d’examiner comment les idées de Nicolas de Cues – républicaines en leur essence – ont contribué à l’avènement du Nouveau monde en Amérique et ce, à deux titres. D’un côté, par l’intermédiaire de Paolo Toscanelli, elles ont influencé le choix des routes maritimes empruntées par Christophe Colomb, contribuant ainsi à la découverte de cette « île nouvelle » qui s’avérera être le continent américain. Mais ces idées furent également mises en œuvre pour la première fois au XVIIe siècle dans la colonie de la baie du Massachussetts, et évidemment plus tard, lors de la guerre d’Indépendance des Etats-Unis contre l’Empire britannique, lorsqu’elles inspirèrent la Constitution américaine. Schiller, dans son magnifique poème Colomb, commémore ainsi cette préscience :
« Au génie est alliée la nature par un pacte éternel ; Ce que l’un promet, l’autre le réalise à coup sûr. »
Aujourd’hui encore, la Constitution américaine représente une rupture majeure dans l’histoire humaine, et cela reste vrai en dépit des tentatives constantes menées par l’Empire britannique pour revenir sur l’indépendance des Etats-Unis, en convaincant l’establishment américain d’adopter le modèle de gouvernance impériale, dans le cadre de la relation « spéciale » entre les deux pays. A diverses époques, de grands présidents américains tels que John Quincy Adams, Abraham Lincoln, Franklin D. Roosevelt et John F. Kennedy ont, quant à eux, fait revivre l’esprit de l’Indépendance américaine. A l’opposé, l’Europe n’est jamais parvenue à se libérer du joug du système oligarchique. L’espérance cultivée par les forces républicaines autour de Friedrich Schiller, que la Révolution française aurait pu conduire à une généralisation du paradigme américain sur le continent européen, ne fut jamais comblée. La terreur jacobine et la politique impériale de Napoléon qui s’ensuivit aboutirent explicitement à une nouvelle mouture d’Empire romain.
La Restauration, imposée par le Congrès de Vienne, étouffa pendant longtemps la brève victoire de l’esprit républicain des réformateurs prussiens, qui animait les guerres allemandes de libération contre Napoléon. Après le tournant décisif de la Révolution américaine, plusieurs nations européennes connurent de brèves périodes historiques où dominaient les vertus républicaines et l’attachement au bien commun : par exemple, les réformes économiques du roi Charles III d’Espagne, inspirées par cet attachement, qui ont promu le travail productif, l’éducation pour tous, le développement industriel et la recherche scientifique ; ou en Allemagne, lorsque les réformateurs prussiens prirent part au gouvernement et que Guillaume de Humboldt, entre autres, introduisit ce qui demeure le curriculum idéal dans l’enseignement ; ou encore les réformes industrielles et sociales de Bismarck qui permirent à l’Allemagne de se transformer d’Etat féodal en nation industrielle moderne, dotée d’un remarquable système de protection sociale.
On en a d’autres exemples avec la tentative héroïque de Jean Jaurès d’empêcher la Première Guerre mondiale ou, en Italie, avec l’industrialisation du Piémont et la libération de l’Italie du nord de l’occupation habsbourgeoise par Camillo Cavour, ainsi que le « miracle économique » d’après-guerre incarné par Enrico Mattei. Citons enfin la Ve République de De Gaulle, définissant simultanément le principe de souveraineté nationale et celui de patries unies autour d’une mission commune, et l’administration Adenauer en Allemagne, réaffirmant les principes chrétiens après la barbarie nazie. Pourtant, jamais l’Europe n’est parvenue à se libérer du joug oligarchique, comme en témoignent la présence de huit monarchies et familles royales et le rôle plus ou moins secret joué par les institutions supranationales.
Bien pire, avec le traité de Maastricht et l’Union économique et monétaire (UEM) imposée à l’Allemagne comme prix à payer pour sa réunification, suivis du Traité de Lisbonne et de l’intégration complète prévue au sein de l’UE, on vise à effacer les progrès timides et temporaires des périodes précédentes. L’UE issue du Traité de Lisbonne est devenue un exemple parfait de système oligarchique où le principe de Zeus règne sans contrepouvoir.
L’acceptation par les gouvernements européens (hormis quelques protestations symboliques) du principe de la surveillance totale des citoyens par la NSA américaine et le GCHQ britannique, l’intensification de la politique impériale par la création du grand marché transatlantique (Transatlantic Trade and Investment Partnership ou TTIP), la politique annoncée de confiscation des dépôts des citoyens en vertu du procédé de renflouement interne (bail-in) des banques, ainsi que l’absence totale d’engagement de l’UE à maintenir la paix mondiale font qu’il est devenu impossible, si l’on souhaite en préserver l’existence, de rester dans l’UE telle qu’elle est devenue.
A aucun moment, les peuples d’Europe n’ont été réellement consultés pour savoir s’ils étaient prêts à concéder de nouveaux abandons de souveraineté. Au lieu d’informer les gens en profondeur pour leur permettre de comprendre les implications et objectifs d’une intégration européenne plus poussée, la mise en place de l’UEM se caractérisa par des mensonges, des menaces et même des comportements criminels. Les seuls pays autorisés à s’exprimer sur la Constitution européenne lors de référendums, à savoir la France et les Pays-Bas, ont voté contre. Mais cela n’affecta nullement le cours des choses. Par la suite, avec seulement 5 % de son contenu modifié, c’est le même texte qui fut adopté par les chefs d’Etat et de gouvernements, cette fois sous l’appellation de « Traité de Lisbonne ». Ce traité fut approuvé sans consultation populaire et tout débat sur les modifications législatives induites fut, de fait, interdit.
Bien conscients des blessures laissées par les guerres du XXe siècle, les partisans de l’intégration européenne ont invoqué comme principal argument l’idée qu’elle était nécessaire pour garantir la paix en Europe.
Cependant, les intentions des architectes de l’UEM étaient bien différentes. Longtemps à l’avance, on a planifié (et on peut le démontrer) d’éliminer la participation des peuples souverains à leurs gouvernements, pour les remplacer par des structures néo-féodales au sein desquelles on ferait fi des droits inaliénables de l’homme, les sacrifiant au profit d’une petite élite oligarchique. De plus, il est incontestable que cette tromperie a forcément détruit la paix elle-même et engendré entre les peuples d’Europe une animosité plus grande qu’à toute autre époque depuis 1945.
Autre argument massue en faveur du système existant, il n’existerait aucune alternative à l’UE dans le cadre de la mondialisation, car seule l’Europe serait assez forte pour affronter les tempêtes à venir. Cependant, avec une tout autre intention, un des stratèges de l’UE, Robert Cooper, écrivait : « La forme la plus poussée d’expansion impériale est celle de l’Union européenne (…) La réponse européenne postmoderne aux menaces est d’étendre encore plus le système d’Empire co-opératif. »
C’est précisément l’expansion géopolitique, impériale, de l’UE à l’Est qui menace la paix en Europe et au-delà, et engendre des tempêtes. Cette expansion n’a pas renforcé l’Europe mais l’a seulement militarisée et la forte proximité des structures de l’UE avec une OTAN elle-même en expansion est vue de plus en plus par les autres grandes puissances comme une menace ajoutant au danger de guerre.
Au nom de « la stabilité du système financier », les citoyens européens ont été forcés de faire toujours plus de sacrifices, à tel point que cette subordination permanente aux structures supranationales de l’UE n’est plus tolérable. L’histoire de la politique de la Troïka (BCE-UE-FMI) n’est qu’une suite de violations des droits de l’homme, d’atteintes à la démocratie, de dénis de liberté d’opinion et d’attaques violentes contre les peuples, en vue d’imposer une tyrannie absolue sur les Etats. Mais le pire est que cette politique viole le cinquième commandement : « Tu ne tueras point », puisqu’elle conduit intentionnellement à une hausse du taux de mortalité. Il existe un mot pour cela, que nous connaissons tous très bien en Europe : « génocide ».
L’UE a détourné les prérogatives de ses institutions en les mettant au service d’un système financier global qui a accumulé des montagnes de dettes virtuelles et irrécouvrables, d’un niveau dépassant de loin celui de la production des biens requis pour l’existence de l’ensemble de l’humanité, et ceci uniquement pour enrichir sans limites une poignée d’individus triés sur le volet, tout en sachant qu’un nombre croissant d’êtres humains allaient le payer de leur vie.
Ces institutions ont impudemment promu un système financier en faillite et comptent maintenant répondre à son effondrement systémique imminent par l’expropriation massive de la richesse des populations, en combinant une politique de « renflouement interne » mettant à contribution l’argent des contribuables, la création ex nihilo d’argent hyperinflationniste et la saisie directe des dépôts bancaires sous un régime de bail-in. Si elles parvenaient à leurs fins, cela engendrerait un chaos global et la mort de millions de personnes.
Déjà, des crimes contre les peuples d’Europe ont été commis et d’autres risquent de l’être à une échelle bien plus grande dans un avenir proche ; par conséquent, pour leur propre sécurité, les peuples d’Europe ne doivent plus rester dans ces institutions.
C’est pourquoi, nous, représentants d’organisations s’opposant à ce système dans diverses nations européennes, nous « en appelons au Juge suprême, au nom de la rectitude de nos intentions » [1] et de ce que Schiller appelle « nos droits inaliénables inscrits dans les étoiles ».
Nous déclarons solennellement que les nations d’Europe sont des États libres et indépendants, et le sont de plein droit, qu’elles sont donc affranchies de toute allégeance envers la bureaucratie de l’UE, et qu’en tant qu’États libres et indépendants, elles ont le plein pouvoir de refuser la guerre comme moyen de résoudre les conflits, de conclure la paix, contracter des alliances, établir le commerce et faire toute chose et conclure tout acte qu’un État indépendant est en droit de faire et de conclure. A l’appui de cette Déclaration et pour en affirmer le principe, nous invoquons les droits humains relevant de la loi naturelle et l’identité du genre humain en tant qu’unique espèce créative dans l’ordre de la Création.
Bien qu’en général, le principe juridique de pacta sunt servanda (les conventions doivent être respectées) doive prévaloir, cependant, à la lumière de la menace existentielle résultant des tromperies et intentions mentionnées ci-dessus, l’article 62 de la Convention de Vienne sur les traités s’applique, selon lequel on peut invalider un traité si des circonstances nouvelles apparaissent, imprévisibles lors de sa signature. De plus, l’article 50 du Traité de Lisbonne stipule également que « tout État membre peut décider, conformément à ses propres règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ».
Si tous les États membres de l’UE quittent cette Union et rétablissent leur pleine souveraineté, cela n’implique nullement une régression dans le chauvinisme, mais bien plutôt qu’ils devront s’unir dans une alliance d’États constitutionnellement souverains, engagés à œuvrer ensemble en faveur des objectifs communs de l’humanité.
A l’âge de l’arme thermonucléaire, la mission suprême est d’assurer la paix. Nous pouvons garantir que le recours à la guerre comme moyen de résoudre les conflits soit écarté à jamais, en fondant sans attendre une alliance d’Etats souverains unis autour d’un intérêt dépassant celui de chacun : le bien commun de tous nos citoyens. Le principe de la paix de Westphalie (non-ingérence et service de « l’avantage d’autrui »), du droit international et de la charte des Nations unies s’applique absolument.
Nous nous engageons à instaurer immédiatement un ordre économique et financier, ainsi qu’un système de crédit au service d’investissements à long terme, de nature à en finir avec les souffrances inutiles provoquées par la famine et les maladies pour lesquelles les remèdes existent. Nous vouerons tous nos efforts à créer des conditions de vie dignes pour tous les peuples de cette planète. Le premier pas dans cette direction consiste à adopter une loi de séparation stricte des banques, c’est-à-dire un Glass-Steagall global.
Nous nous engageons également à tout faire pour mettre en place une défense commune contre des dangers qui nous menacent collectivement, tels que les météorites, les astéroïdes et les comètes. De même, nous devons éradiquer le fléau du terrorisme, de la production et du trafic de drogue, ainsi que le commerce des êtres humains sous toutes ses formes.
Pour cela, priorité doit être accordée aux percées scientifiques dans les domaines qui promeuvent notre développement mutuel et permettent l’existence durable du genre humain à un niveau plus élevé, tels le recours à l’énergie de fusion thermonucléaire et l’essor de l’exploration et de la médecine spatiales.
Par ces améliorations, nous exprimons notre détermination à encourager l’émergence d’un paradigme plus humain, afin d’écrire une nouvelle page de notre histoire. Cette Renaissance insufflera un nouvelle vie dans la culture universelle de nos nations, inaugurant ainsi l’âge prométhéen de la Raison.
[1] Terme provenant du dernier paragraphe de la Constitution américaine.