« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Tribune

Israël a ouvert la voie à une guerre longue et intense.

Par Onur Sinan Güzaltan

24 juin 2025

Dans la nuit du 13 juin, Israël a lancé une vague de frappes aériennes contre l’Iran, visant des responsables militaires et des sites nucléaires et militaires.
Quelques heures après l’attaque israélienne, Onur Sinan Güzaltan, auteur et politologue à l’UWI, était l’invité de la chaîne turque Ulusal Kanal.
Nous vous présentons les questions qui lui ont été posées et ses réponses telles qu’elles reflètent la perception des changements en cours d’un point de vue turc.
L’Institut Schiller fait le pari qu’il existe la possibilité d’une entente et d’une paix par-dessus la logique des blocs, pour autant que les pays occidentaux reprennent leurs sens et retrouvent la raison. C’est à ce prix que la proposition de cessez-le-feu qui a été conclue entre l’Iran et Israël le 24 juin peut avoir une chance d’aboutir à un résultat positif et durable.

- Nous aimerions commencer par votre première évaluation de l’attaque israélienne...

Tout d’abord, j’exprime notre solidarité avec le peuple iranien, frère et voisin.
Il existe depuis longtemps des tensions et des frappes limitées entre Israël et l’Iran, mais cette fois-ci, Israël ayant pris pour cible les dirigeants militaires, les installations nucléaires et les zones civiles iraniennes, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. À mon avis, cela marque le début d’une guerre longue et étendue.
Deuxièmement, malgré les déclarations contraires des responsables américains, Israël n’aurait pas pu mener cette attaque sans le soutien des États-Unis. Israël n’a tout simplement pas la force et le courage nécessaires pour agir seul. Les déclarations de l’Iran vont également dans ce sens.
Je pense que cette guerre ne se limitera pas au seul territoire israélien et iranien. Ces deux puissances et leurs partisans s’affronteront sur plusieurs fronts : au Yémen, en Syrie, au Liban, en Irak et en Palestine. En tant que région, nous entrons donc dans une période très difficile et turbulente.

- Comment pensez-vous que l’Iran va réagir ?

Cette attaque a franchi toutes les lignes rouges de l’Iran. Elle exige donc une réponse d’une force équivalente. L’Iran pourrait frapper directement Israël ou cibler les positions américaines et israéliennes dans la région. À ce stade, nous pouvons dire que « le génie est sorti de la lampe ». L’ère des « frappes limitées » est révolue. Nous sommes désormais dans un processus sans fin. Ce qui importe le plus aujourd’hui, c’est la force avec laquelle les puissances qui soutiennent Israël, principalement les États-Unis, et celles qui soutiennent l’Iran, principalement la Chine et la Russie, se positionneront derrière eux.

L’histoire récente nous montre que lorsque vous reculez, l’impérialisme ne fait que vous acculer. Regardez l’Irak, la Libye et la Yougoslavie. Regardez l’Ukraine. La Russie trace des lignes rouges, et l’Occident les franchit. Aujourd’hui, ce sont les lignes rouges de l’Iran qui sont franchies. Ce n’est pas un problème qui peut être résolu simplement en traçant des lignes ou en reportant le conflit. Ce n’est qu’en ripostant, et ce à plusieurs endroits, que l’ennemi peut être repoussé.
Un autre facteur déterminant dans la réponse de l’Iran sera la position des pays de la région. S’ils ne se rangent pas aux côtés de l’Iran et tentent plutôt d’exploiter la situation – ce qui est malheureusement le cas jusqu’à présent –, l’impérialisme progressera plus rapidement et plus facilement. À cet égard, le renforcement des liens entre l’Iran et l’Égypte, ainsi qu’entre l’Iran et la Turquie, est très important. Ces liens doivent être consolidés.
Malheureusement, en Turquie, certaines personnes considèrent l’attaque d’Israël contre l’Iran comme une « opportunité » à saisir. Je ne pense pas que ces personnes agissent dans l’intérêt de la Turquie. Elles agissent dans l’intérêt d’autres pays. Quiconque se soucie véritablement de la souveraineté et de l’indépendance de la Turquie ne peut se ranger du côté d’Israël.

- Est-il possible que les États-Unis s’impliquent davantage dans le conflit ? La Russie a déclaré que la porte des négociations restait ouverte. Pensez-vous que cela soit encore réaliste ?

Les États-Unis sont déjà impliqués. Les déclarations des responsables américains affirmant le contraire ne veulent rien dire. Les États-Unis utilisent Israël comme un moyen de pression pour pousser l’Iran à conclure un accord qui va à l’encontre de ses intérêts. Les États-Unis pourraient-ils s’impliquer directement sur le terrain ? En termes de renseignement, ils sont impliqués depuis le début et soutiennent pleinement Israël. Malgré les récentes informations médiatiques faisant état de tensions entre Trump et Israël, nous continuons de voir ces deux forces agir de concert lorsque cela compte vraiment. Les États-Unis n’abandonneront pas Israël. Israël est l’avant-poste de Washington dans la région et revêt une importance stratégique pour les États-Unis.

- Dans quelle mesure la Russie et la Chine soutiendront-elles l’Iran ?

Comme je l’ai dit précédemment, la fermeté avec laquelle la Russie et la Chine soutiendront l’Iran revêt une importance cruciale. Si les attaques d’Israël se poursuivent et que l’Iran commence à s’affaiblir, ou dans le pire des cas, si l’Iran tombe complètement, cela déclenchera un tourbillon non seulement pour la région, mais aussi pour toute l’Eurasie et l’Asie. Je pense que la Russie et la Chine en sont conscientes et agiront en conséquence. Car si l’Iran est laissé seul face aux États-Unis et à Israël, certes, c’est un pays fort, doté d’une armée, d’une population et d’une économie importantes, ainsi que d’une tradition étatique profondément enracinée, mais les pays auxquels il est confronté sont des puissances majeures.
Dans ce scénario catastrophe, en particulier après le génocide à Gaza et la chute d’Assad en Syrie, qui ont déjà plongé la région dans le chaos, nous pourrions voir les conséquences s’étendre jusqu’à la région ouïghour du Xinjiang en Chine.
L’Iran et la Russie ont signé le « Traité de coopération stratégique globale » le 17 janvier 2025. Ce traité comporte certaines exigences. En ce qui concerne la Russie, l’intensité avec laquelle l’Occident poussera la guerre en Ukraine sera un facteur décisif. En effet, pour que la Russie soutienne pleinement l’Iran, elle doit d’abord prendre le dessus en Ukraine.

Tout cela nous indique une chose : des contradictions irréconciliables sont apparues entre l’Est et l’Ouest. Et ces contradictions ne seront pas résolues tant qu’un des deux camps n’aura pas été définitivement vaincu. Cette guerre est une question de survie tant pour Israël que pour l’Iran. Tout comme la guerre entre la Russie et l’Ukraine, il pourrait y avoir des compromis temporaires et partiels en cours de route, mais je ne pense pas qu’une paix durable soit possible.

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