« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Coalition internationale pour la paix
5 mars 2025
Comprendre les bases philosophiques de la paix pour comprendre comment agir.
La réunion de la CIP de ce vendredi 28 février a donné lieu à une discussion philosophique en profondeur sur le véritable sens de la politique et de la diplomatie tel qu’elles doivent être appliquées si l’on veut éviter une troisième guerre mondiale, et sur la dynamique de transformation qui se déroule actuellement suite à l’élection de Trump et à ses actions pour mettre fin à la guerre de substitution contre la Russie en Ukraine.
Helga Zepp-LaRouche a ouvert la séance en soulignant le changement tectonique en cours, avec l’effondrement de l’Occident collectif. Le monde unipolaire, dirigé par l’Occident depuis la fin de l’Union soviétique, se désintègre et « ne sera plus jamais restauré ».
La guerre en Ukraine est perdue, mais les Européens refusent de l’admettre. Ils se préparent donc à une guerre qu’ils n’ont pas les moyens de mener et encore moins de gagner. Dans leur déni de réalité, leurs « envoyés spéciaux » - Emmanuel Macron, Keir Starmer, Kaja Kallas et Volodymyr Zelensky - se sont succédés à Washington pour inciter Trump à poursuivre la guerre, chaque visite se soldant par un échec. C’est l’exemple de l’« arrogance du pouvoir », a expliqué Helga Zepp-LaRouche, dérivée de l’adoption du traité de Lisbonne de 2007. Ce traité a été utilisé par les dirigeants de l’UE pour créer une constitution européenne (incluant des dispositifs pour une guerre collective) sans le consentement des peuples européens - en bafouant les résultats sans équivoque des référendums de 2005 que les citoyens français et hollandais avaient rejetés.
Mme Zepp-LaRouche a également souligné l’importance de la déclaration du président russe Vladimir Poutine, le 27 février, selon laquelle les pourparlers avec l’administration Trump se déroulent bien et que l’intention est de créer les conditions visant à garantir une sécurité mondiale pour tous les pays - à l’instar de la CIP et de l’Institut Schiller qui se mobilisent pour créer une nouvelle architecture pour la sécurité et le développement de toutes les nations. Elle a rappelé que la situation au Moyen-Orient était toujours dangereuse et que notre combat pour la paix restait fondamentalement d’actualité.
Ray McGovern est intervenu sur la question de savoir si les Européens seront en mesure d’arrêter l’effort de paix de Trump, et a dénoncé le rôle crucial des médias comme instrument de promotion de la guerre, car la « la paix est mauvaise pour les affaires »... Il a notamment parlé d’un article écrit par l’ancien candidat à la présidence Dennis Kucinich et sa femme montrant qu’avec l’ouverture des négociations de paix aux États-Unis, la valeur des actions des entreprises militaro-industrielles avait commencé à baisser fortement, alors qu’en Europe, où les dirigeants militarisent leurs pays, les actions des entreprises militaro-industrielles sont en plein essor. Il a ridiculisé l’hystérie anti-russe qui perdure et précisé que Trump ne veut pas seulement « arrêter la guerre en Ukraine », il veut aussi « en finir avec l’OTAN ». L’Europe ne peut plus dépendre des États-Unis, a-t-il déclaré. Néanmoins, le danger au Moyen-Orient reste important, et nous devrions nous rappeler ce que son ami, le défunt militant pour la paix Daniel Berrigan, a déclaré : « La différence entre faire quelque chose et ne rien faire est énorme. »
Jérôme Ravenet, docteur en Philosophie de Paris VII et Paris X, spécialiste de la Chine et auteur d’une thèse sur le président chinois Xi Jinping, a tout d’abord rappelé le discours répugnant prononcé par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair à Chicago en 1999, dans lequel il encourageait ouvertement les interventions impériales anglo-américaines dans les pays tiers, ce qui a servi de base et de justification aux nombreuses guerres de changement de régime menées par le Royaume-Uni et les États-Unis dans les années qui ont suivi. Les sanctions et les interventions militaires ne font qu’aggraver les conflits, au lieu de les résoudre, a déclaré M. Ravenet. Sont-ils fous, a-t-il demandé, ou sont-ils convaincus qu’une intervention militaire est nécessaire pour contrer un mal perçu ? L’Occident a désormais épuisé son pouvoir, avec ses révolutions de couleur et son orgueil démesuré. Il a ensuite évoqué les grands esprits philosophiques de la civilisation occidentale, puisant dans chacun d’eux un sens de la justice à l’exemple d’un Baruch Spinoza, qui a fait la distinction entre la puissance et l’inclusivité, montrant que la puissance s’avère impuissante (comme le prouve l’échec des sanctions, ainsi que le fait que les guerres de changement de régime ne font qu’engendrer le chaos), alors que la politique chinoise de l’initiative « la Ceinture et la Route » montre l’avantage de l’inclusivité.
Il a également montré comment l’Occident a diabolisé la Chine, niant que le concept de démocratie socialiste puisse même exister. Contrairement à la doctrine Wolfowitz de la supériorité et de l’hégémonie de l’Occident, les grands philosophes ont rappelé le bon sens et un monde multipolaire ; que les contradictions ne signifient pas qu’il faille déclarer les autres comme des ennemis - rappelant le concept de Nicolas de Cuse de la « coïncidence des opposés ». L’idée chinoise d’une politique « gagnant-gagnant » et la notion de Charles de Gaulle d’une « troisième voie » entre le communisme et le capitalisme sont de meilleures approches.
Mme Zepp-LaRouche a rebondi sur la présentation « éclairée » du Dr Ravenet et a reconnu que le concept chinois de « démocratie consultative » était une meilleure approche. Après tout, a-t-elle noté, « la démocratie est morte en Europe », comme en témoigne l’annulation des élections en Roumanie parce que le vainqueur était opposé à la guerre en Ukraine, puis son arrestation pour l’empêcher de se présenter à nouveau. L’Europe est liée à l’« État profond » des États-Unis. Elle a évoqué la notion de synarchie - l’idée que l’oligarchie et les intérêts bancaires doivent avoir le pouvoir sur la volonté des masses, en citant l’exemple de l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton qui a dénoncé les « déplorables ».
Ray McGovern a remercié Jérôme Ravenet, disant qu’il avait l’impression d’être « de retour à l’école supérieure, en train de prendre des notes ». Il a ajouté que nous devions également prendre en compte le rôle du racisme dans la pensée de l’oligarchie. Il a rappelé qu’il avait étudié les classiques et appris le grec, découvrant qu’il existait deux mots pour désigner le pouvoir, l’un signifiant Kratos désignant hégémonie, l’autre Dynamis désignant - selon le contexte - la potentialité, la puissance ou encore l’énergie, et prenant en compte la dimension de « l’autre ».
Ravenet a ajouté qu’en ce qui concerne le racisme anti-chinois, c’est le philosophe français Montesquieu qui avait introduit la notion de « despotisme oriental », bien qu’il ne connaissait pas la Chine, un jugement principalement motivé par son animosité envers les Jésuites qu’il considérait comme constituant une vaste machine de prise de pouvoir et qu’il estimait avoir trop d’ascendant sur Louis XIV. Les Jésuites (avec lesquels le philosophe Gottfried Leibniz entretenait une correspondance suivie) étant au coeur des échanges entre l’Europe et la Chine, il convenait de présenter cette dernière sous un jour défavorable. A l’opposé de cette conception politiquement motivée, Jérôme Ravenet a montré comment Montaigne « avait mis en garde contre ce qu’il appelait dans Les Essais : la ’présomption’, c’est-à-dire la tentation d’absolutiser notre point de vue particulier, la prétention d’avoir le monopole de la vérité. A l’aube de cette longue crise de la culture européenne qu’inauguraient les fanatismes du XVIe siècle - une crise qui n’en finit manifestement pas - Montaigne alertait sur la tentation d’absolutiser son point de vue, de combattre la différence comme une erreur et l’erreur comme un crime : quand cette ’présomption’ embrase le personnel intellectuel et politique, sa contagion fanatique enflamme le corps social de fantasmes mortels ».
Mubarak Awad, qui dirige Non-Violence International, a participé à une discussion vidéo avec Gerald Belsky, de l’Institut Schiller, au cours de laquelle il a fermement soutenu le plan Oasis de LaRouche. Tout en dénonçant la politisation de l’eau, comme le prouve la coupure par Israël de l’approvisionnement en eau dans le cadre de sa guerre contre Gaza, il estime que les Palestiniens sont « moins intéressés par un État ou deux États, mais par le fait que les gens ne peuvent pas vivre sans eau ». Il a ajouté que les Palestiniens ne font pas confiance à l’Occident, puisque ses dirigeants ne cessent de parler de « paix » et de « solution à deux États », mais qu’aucun président américain n’a appliqué cette politique, tous disant que « c’est à Israël de décider ». D’autres pays doivent être associés à la planification, comme la Turquie, l’Inde et les pays africains, et pas seulement les Européens, qui ont colonisé la région.
En réponse à une question sur le type de dirigeants dont l’Europe a besoin, Mme Zepp-LaRouche a déclaré : « Pas ceux qui rejettent le bien commun ». Elle a évoqué la notion chinoise de « communauté partagée de l’humanité ». En France, cette notion se reflète dans une certains mesure dans la notion « d’intérêt général ». De tels leaders ont existé dans le passé, comme Charles de Gaulle, les réformateurs prussiens qui ont suivi Friedrich Schiller et les Humboldt, les dirigeants des pays non-alignés lors de la conférence de Bandung de 1955, ou des personnages historiques comme Confucius, Guillaume Tell ou Jeanne d’Arc. « Nous avons besoin de débats sur ces idées », plutôt que de l’utilisation courante de "slogans et de messages textuels”.
M. Ravenet s’est réjoui de l’existence de l’Institut Schiller pour débattre de ces questions. Il a indiqué qu’il avait enseigné le chinois pendant des années, mais qu’en France, il y avait un effort pour marginaliser l’enseignement du chinois et d’autres langues. Helga Zepp-LaRouche a répondu que la connaissance d’autres langues et d’autres cultures est cruciale si nous voulons créer un monde digne de toutes les nations et de tous les peuples. Jacques Cheminade, président du parti Solidarité et Progrès, a déclaré que les dirigeants devaient être prêts à rompre avec les « règles du discours » pour rechercher la vérité.
La question a été posée de savoir si Donald Trump avait le courage de contrer l’ incontournable « État profond ». Le co-modérateur de la réunion, Dennis Speed, a répondu que le nouveau procureur général des États-Unis, Pam Bondi, avait exigé la publication de certains dossiers, avant de découvrir que des milliers de pages avaient été retenues. Elle a maintenant demandé qu’ils soient tous rendus publics immédiatement et que soit révélé qui les avait retenus. Tulsi Gabbard, aujourd’hui directrice du renseignement national, s’est opposée à la demande britannique d’Apple de créer une « porte dérobée » sur tous les téléphones afin que les services de renseignement britanniques puissent espionner tout le monde [1] C’est le sérieux et le soin apportés à ces enquêtes qui déterminera si nous pouvons sortir vainqueur de l’État profond.
[1] Ces demandes ne se limitent pas aux seuls Britanniques. En mars 2023, la Commission européenne a présenté une nouvelle proposition législative visant à renforcer les capacités des autorités pour accéder aux communications cryptées dans « certaines circonstances ». Or, il n’y a strictement aucune garantie que ces « certains cironstances » ne dérapent rapidement vers des écoutes en toutes circonstances.