« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Conférence internationale de Berlin - 12 et 13 juillet 2025
Session 1
8 septembre 2025
Prof. Zhang Weiwei, université de Fudan, Chine
Tout d’abord, merci à Madame Zepp-LaRouche. C’est un discours très inspirant que nous venons d’entendre. Le thème de la conférence est la coopération entre les BRICS et l’Europe pour mettre en œuvre le Plan Oasis et l’Agenda 2063 pour l’Afrique.
Comme nous le savons tous, le monde de la multipolarité est déjà là : c’est un monde multipolaire. Si nous prenons l’exemple des BRICS, leur PIB global en parité de pouvoir d’achat est déjà beaucoup plus important que celui du G7. Il représente environ 40 % du PIB mondial, contre 33 % pour le G7. Mais nous devons travailler dur pour créer réellement cet ordre mondial multipolaire. Je pense que notre discussion d’aujourd’hui sur ce sujet fait partie de cet effort pour construire une sorte d’infrastructure pour ce monde multipolaire. Ce n’est pas facile mais nous devons faire cet effort.
En ce qui concerne les BRICS et l’Europe, je pourrais peut-être me concentrer sur les difficiles relations entre la Chine et l’Europe. Mais il existe des projets trilatéraux impliquant la Chine, l’Europe et l’Afrique, dont certains ont déjà été menés à bien. Par exemple, Mme Zepp-LaRouche a mentionné le projet de barrage d’Inga, c’est un projet énorme, et c’est une réussite. Mais dans l’ensemble, nous ne sommes pas très optimistes.
Jusqu’à présent, ce que nous voyons du côté de l’UE, c’est une méfiance profondément enracinée. Pour toutes sortes de raisons, du point de vue chinois, l’Europe d’aujourd’hui n’est plus aussi autonome, pour ne pas dire indépendante. Comme l’a admis le président Macron, elle est devenue une sorte d’État vassal des États-Unis. Elle s’efforce donc de servir les intérêts américains plutôt qu’européens. Pour les personnes extérieures à l’Europe, c’est tellement clair, tellement évident, c’est le bon sens : vous n’êtes pas indépendants, vous nuisez à vos propres intérêts.
Je vais vous donner un exemple. Grâce à ses efforts pour assurer sa propre sécurité, la Chine a atteint un taux d’autosuffisance énergétique de 85 %. Mais en Europe, ce taux est toujours de l’ordre de 40 %, et en Allemagne, il est même inférieur. Donc, avec un tel niveau d’autosuffisance énergétique, on ne peut pas tolérer le bombardement et la destruction d’un gazoduc comme Nord Stream, puis lancer une enquête ; ce n’est qu’un simulacre. C’est inacceptable. Bien entendu, cela nuit à l’industrie allemande, à son secteur manufacturier et à l’Europe dans son ensemble.
Mais si vous regardez l’initiative chinoise « Ceinture et route », elle représente déjà un investissement de plus de 1000 milliards de dollars, dont un tiers pour l’Afrique. La Chine a construit ou modernisé plus de 10 000 km de voies ferrées, et construit plus de 100 ports en Afrique. Il s’agit d’infrastructures et pourtant, du point de vue de l’UE, il s’agit d’une rivalité géopolitique : la Chine contre l’Europe. Du point de vue chinois, c’est très simple : il existe un énorme indice d’infrastructure pour le développement de l’Afrique, et la Chine avait cet avantage concurrentiel. Parlons donc de ce que nous appelons les « trois totems » : discuter ensemble, construire ensemble, profiter ensemble. Cette idée est bien accueillie en Afrique.
Du point de vue chinois, en ce qui concerne l’Europe, au moins deux erreurs graves ont été commises par l’UE dans son ensemble. La première a eu lieu en 2011, lorsqu’a éclaté le printemps arabe. Nous avions prédit qu’il deviendrait l’hiver arabe, qu’il saperait les intérêts européens et occidentaux. C’est ainsi que le printemps arabe est devenu l’hiver arabe et la crise des réfugiés a suscité un vif intérêt en Europe. En ce qui concerne l’avenir, le deuxième cas est l’essor de l’économie africaine : c’est une bonne chose, une chose positive, dans l’ensemble. Mais l’autre aspect que nous ne pouvons ignorer est le taux élevé de croissance démographique. Dans les années 1950, la population européenne était deux fois plus importante que la population africaine. Aujourd’hui, la population africaine est deux fois plus importante que la population européenne. Dans les années à venir, elle continuera à croître. Il faut donc créer des emplois en Afrique et l’aider à développer ses propres industries nationales. C’est ce que fait la Chine. Nous sommes en train d’y construire des systèmes régionaux aériens, terrestres et autres. Jadis, pour voyager depuis l’Afrique de l’Ouest, par exemple du Ghana, au Kenya, en Afrique de l’Est, il fallait passer par Londres, parce que le système colonial décidait de tout. Mais la philosophie chinoise est « unir et prospérer », pas « diviser et ruiner ». Construisons donc ce réseau de transport régional sur la base du principe « discuter ensemble, construire ensemble et profiter ensemble ». Cela fonctionne bien, c’est en bonne voie.
Alors, pourquoi les entreprises européennes ne se joignent-elles pas à ces projets ? C’est une question de géopolitique. Nous sommes une seule et même humanité, et il n’y a rien de mal à faire des bénéfices ensemble. Il s’agit donc d’un véritable consensus. Il est dans votre intérêt, à vous Européens, d’adhérer à la BRI, plutôt que de vous forcer ou de vous obliger à adhérer à ce projet. Qu’il s’agisse d’entreprises européennes, russes, américaines ou africaines, l’adhésion est volontaire. C’est le problème actuel : tout est considéré sous l’angle de la rivalité géopolitique, de la démocratie contre l’autocratie. C’est totalement stupide, c’est déconnecté du monde réel.
Essayons d’être un peu optimistes lorsque nous regardons l’avenir, du moins ce à quoi je pense, ce que la Chine a fait et peut faire pour l’Afrique, et peut-être pour d’autres pays du Sud. La philosophie chinoise est très influencée par cette tradition que nous appelons l’esprit d’action. Faire bouger les choses. Je dirais donc que la Chine agit tandis que l’UE, ou l’Europe, parle. Par exemple, les Européens sont connus pour débattre, discuter et soulever l’idée du « Green New Deal », avec toute la fanfare que cela implique. Mais en Chine, c’est fait. C’est plus ou moins terminé. C’est une très bonne nouvelle pour le monde entier, pour ceux qui veulent faire face au changement climatique. En 2024, la Chine a atteint son objectif de réduction des émissions de carbone. Les émissions de CO₂ ont commencé à baisser de 1,6 %, alors que l’économie chinoise est la première en matière de pouvoir d’achat et qu’elle a maintenu un rythme de croissance d’environ 5 % par an. C’est la plus grande nation manufacturière et commerciale du monde. Pourtant, nous avons réussi à faire diminuer les émissions globales de CO₂. (…)
Mais le gouvernement chinois reste très prudent. Il n’a pas annoncé ce résultat, qui n’est encore que de 1,6 %. D’ici à 2030, nous renforcerons la tendance et d’ici à 2060, nous aurons atteint la neutralité carbone. Nous procédons donc de manière très honnête et terre-à-terre, un plan quinquennal après l’autre.
Aujourd’hui, la Chine produit environ deux tiers des panneaux solaires, des véhicules électriques et de l’énergie renouvelable pour elle-même et le monde entier. Elle est le plus grand exportateur de véhicules électriques. Par conséquent, la lutte contre le changement climatique, où que ce soit, pourrait être possible grâce au modèle chinois. Tout d’abord, les installations et les équipements requis sont fabriqués en Chine et sont abordables pour l’Afrique et beaucoup d’autres pays. Il s’agit donc d’une initiative transformatrice et révolutionnaire, et qui change la donne. Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’une volonté collective pour le faire.
Le deuxième bon exemple que je voudrais citer est l’effort global que Mme Zepp-LaRouche a mentionné à plusieurs reprises - le Plan Oasis que l’Institut Schiller avait déjà présenté dans les années 1970. Aujourd’hui, du point de vue des technologies et du financement vert pour ces efforts de lutte contre la désertification en Afrique ou au Moyen-Orient, il est réalisable.
Je vous donne un exemple. La Chine a mené à bien un vaste projet de réhabilitation du désert du Taklamakan. C’est l’un des plus grands déserts du monde, aussi grand que l’Allemagne. Il est entouré d’une ceinture verte. Ce fut un effort colossal qui a duré 46 ans.
Dans cette ceinture verte, nous avons des « fermes photovoltaïques », dotées de millions de panneaux solaires pour produire de l’énergie renouvelable. Et en dessous, il y a une végétation résistante à la sécheresse. Le Xinjiang est ainsi devenu l’un des plus gros producteurs de céréales (blé et maïs) de Chine. C’est une réussite incroyable. Or, ce que racontent les médias occidentaux, y compris allemands, sur le Xinjiang, est l’histoire la plus ridicule qui soit. C’est tellement ridicule que nous, les Chinois, ne pouvons qu’en rire. Ces médias sont en pleins ténèbres, quoi qu’ils fassent. Chaque année, au moins 200 millions de visiteurs chinois se rendent au Xinjiang. Dans l’ensemble, c’est donc une histoire très réussie.
Cela signifie également qu’à condition d’avoir une structure de sécurité en Afrique et au Moyen-Orient, les technologies et équipements chinois se portent tous très bien. Il s’agit du plus grand marché de financement vert au monde, et nous pouvons travailler ensemble pour concrétiser ce Plan Oasis.
Enfin, je voudrais juste dire que derrière tout cela, il y a des idées chinoises fondamentales. Bien sûr, la plus célèbre est l’idée de Xi Jinping de construire un avenir commun pour l’humanité. Nous rejetons catégoriquement la formule américaine, « être à table ou au menu ». Non, ça, c’est un monde de guerre, ce n’est pas un monde véritablement humain. Et aussi l’idée occidentale de « diviser pour régner », qui paraît parfaitement stupide. Nous devrions promouvoir l’union et la prospérité. C’est ce que nous avons fait chez nous, en Chine, au cours des dernières décennies, et c’est ce que nous promouvons à présent dans le monde entier. Je pense qu’avec toutes ces nouvelles positives, nous pouvons, je l’espère, faire de cette conférence un plus grand succès.
Je vous remercie de votre attention.