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La Corée du Nord, comment la géopolitique occidentale a conduit à une impasse nucléaire

Alain Corvez

7 novembre 2017

Alain Corvez, consultant en géopolitique internationale

M. Corvez ayant été empêché d’être présent à la conférence, il nous a fait parvenir le texte de son intervention que nous publions ici.

L’avenir de l’humanité, si elle ne se détruit pas elle-même dans un cataclysme nucléaire par la folle décision que prendrait un dirigeant irrationnel ou poussé au désespoir, est dans la recherche permanente de la paix en réglant les conflits d’intérêts par le dialogue et la négociation, dans la poursuite du développement économique au moyen de projets de coopération entre les nations où chacune y trouve son compte, les plus puissantes et les plus riches aidant les plus faibles et moins bien loties ; car ce qui importe en fin de compte c’est l’homme, qui doit être respecté dans la diversité de ses cultures et croyances, les unes et les autres s’enrichissant d’ailleurs des échanges entre elles.
C’est, en substance, ce que disait le Général de Gaulle aux universitaires mexicains lors de son voyage au Mexique en 1966. Cet homme d’état exceptionnel que la France a eu la chance d’avoir engendré dans des circonstances dramatiques était avant tout profondément philosophe, ce qui lui permettait de dépasser les conjonctures provisoires des évènements pour avoir les visions qui lui permettaient de conseiller les grands de ce monde qui venaient le consulter- et d’ulcérer ceux dont les mauvaises politiques étaient dénoncées-, mettant au cœur de sa réflexion géopolitique le destin de l’homme sur la terre , dans une conception humaniste et chrétienne qui lui faisait respecter les autres croyances et autres civilisations, rejoignant ainsi Malraux dont l’athéisme était en quête permanente de transcendance et qui proclamait que la seule chose dont nous soyons certains était que l’essence des civilisations résidait dans l’enracinement dans une valeur suprême, qu’aucune ne s’était construite sans s’agréger sur une religion et que ce qu’on pouvait dire sans prendre le risque de se tromper de la nôtre, la première qui ait rejetée Dieu pour la machine et soit dépourvue de cette valeur suprême indispensable à la survie, était qu’elle devrait trouver sa spiritualité ou disparaître.
Ce qui est une claire indication que Malraux avait lu Dostoïevski qui disait à peu près la même chose un siècle plutôt, sous d’autre formes.
Le projet de la « Nouvelle route de la soie » que proposent les BRICS sous l’impulsion de la Chine est la matérialisation de cette vision humaniste de l’avenir de l’humanité : des projets « gagnant-gagnant » où chacun trouvera son compte à la mesure de sa participation qui peut prendre des formes très différentes. Les pays puissants financièrement peuvent investir leur argent dans les projets où d’autres apporteront leurs richesses énergétiques, d’autres encore leurs compétences technologiques, d’autres encore leur situation géographique vitale pour le succès des transports et des flux. Pas de droit de veto d’un puissant, donc pas d’impérialisme, qu’il soit idéologique, militaire économique ou financier, mais un retour sur investissement proportionnel au niveau de l’engagement quel qu’il soit.
Ce monde harmonieux qu’il faut souhaiter, nous le voyons hélas s’éloigner depuis l’écroulement de l’URSS et les interventions militaires des Etats-Unis, tout particulièrement au Moyen-Orient, où leurs guerres successives au nom du droit d’ingérence ou de toute autre raison humanitaire se sont toutes soldées par des échecs stratégiques, laissant les pays en plein chaos. On se souvient que le général de Gaulle avait prédit aux différents Présidents américains leur échec inéluctable au Vietnam, de façon très claire dans son discours de Phnom-Penh.
Depuis l’élection de Donald Trump, contre la volonté des structures qui dirigent en fait les Etats-Unis, nous le voyons repris en mains par ces dernières pour mener une politique impérialiste et coercitive partout dans le monde, alors qu’il avait clairement indiqué pendant sa campagne que cette politique interventionniste était une erreur coûteuse, qu’il fallait se concentrer sur l’économie américaine et parler avec tout le monde, en premier lieu avec la Russie.
Le drame de notre époque est là : la première puissance militaire mondiale (bien qu’elle soit dépassée technologiquement dans de nombreux domaines) n’est pas dirigée par son gouvernement mais par des puissances occultes qui rivalisent même entre elles pour pérenniser une économie et une monnaie qui sont cependant vouées inéluctablement à perdre leur exclusivité et leur domination. Mais les néoconservateurs américains sont prêts à tout, y compris aux guerres conventionnelles, et même nucléaires, pour favoriser leur industrie et maintenir leur suprématie pourtant défaillante désormais.
On le voit avec une politique anti-iranienne obsessionnelle que les divers dirigeants des Etats-Unis menacent des foudres de la guerre, aux applaudissements d’Israël, et avec la manière dont ils traitent la Corée du Nord dont tous les experts militaires savent qu’elle ne peut plus désormais être détruite comme ils le promettent sans prendre le risque de représailles nucléaires insupportables.
La Corée du Nord, malgré un ostracisme qui dure depuis des années, a pu rejoindre le club encore relativement restreint des nations invulnérables détentrices de l’arme qui menace tout attaquant éventuel de disparaître dans l’apocalypse qu’il déclencherait. Comme le disait le général de Gaulle, la bombe est l’arme suprême de l’indépendance. Kim Jong Il manie très bien le concept de la dissuasion, et il est sans doute très éloigné des caricatures qu’en font les médias occidentaux. La Russie et la Chine ont toutes les deux une diplomatie équilibrée et sage qui consiste à ne pas humilier la grande Amérique mais ne peuvent manquer d’utiliser discrètement les erreurs qu’elle commet envers la Corée. Là encore, la bonne attitude était celle de Trump quand il proposait de discuter avec son homologue Nord-Coréen, de même que celle du Président Moon, en premier lieu intéressé par un règlement négocié de cette crise avec son homologue du Nord, et par des négociations pour la normalisation des relations entre les deux parties de la péninsule qui déboucheront fatalement un jour-mais quand ? - sur la réunification d’un vieux pays et d’un même peuple.
Peut-être cette crise provoquée par une politique exacerbée des Etats-Unis pourra-t-elle se conclure par une issue heureuse pour tout le monde, mais nous sommes aujourd’hui menacés par la folie de ceux qui n’hésiteraient pas à déclencher l’apocalypse nucléaire dans l’espoir utopique de l’emporter.
Les BRICS et leur approche des projets de Nouvelle Route de la Soie, sous l’influence décisive des trois puissances nucléaires, Russie-Chine-Inde, pourraient aider avec leur approche modérée des problèmes de la planète à établir enfin un monde sans violence et sans terrorisme quel qu’il soit, comme le Président iranien Rouhani l’avait proposé à l’ONU en 2013.

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