« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Conférence internationale de Strasbourg - 8 et 9 juillet 2023
3ème session
9 août 2023
Alessia Ruggeri, syndicaliste, membre de la Coalition internationale pour la paix, Italie
« L’Italie répudie la guerre en tant qu’instrument d’atteinte à la liberté des autres peuples et comme mode de solution des conflits internationaux ; elle consent, dans des conditions de réciprocité avec les autres États, aux limitations de souveraineté nécessaires à un ordre qui assure la paix et la justice entre les Nations ; elle aide et favorise les organisations internationales poursuivant ce but. »
Je viens de vous lire l’article 11 de la Constitution italienne, sur lequel se fonde le référendum « Répudier la guerre » actuellement promu en Italie.
60 % de la population italienne, que je représente ici, est opposée à la décision de son gouvernement de fournir des armes à l’Ukraine et considère qu’il s’agit d’une servitude totale à l’égard de la Communauté européenne et de l’OTAN.
Notre Constitution stipule que si 500 000 citoyens sont en désaccord avec une loi du Parlement, cette loi peut être abrogée par référendum. C’est ce que propose, malgré de nombreuses difficultés, le comité « Répudier la guerre » du professeur Pennetta pour l’organisation d’un référendum. Ce comité a recueilli jusqu’à présent 150 000 signatures sur 500 000 (il lui reste deux mois pour les recueillir). Par cet instrument, les Italiens veulent faire savoir qu’ils n’approuvent pas une guerre contre la Russie.
D’aucuns diront que la décision adoptée par le Parlement italien est conforme aux traités internationaux et aux règles supranationales, qui imposent à l’Italie de se conformer aux choix des États avec lesquels elle a signé des contrats internationaux.
Il s’agit notamment de l’OTAN et de l’Union européenne. Voici quelques citations qui peuvent éclaircir ce point.
• 26/03/2023 Personne n’a jamais, à aucun moment ni en aucun lieu, promis que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’est de l’Allemagne. Ce sont les mots du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.
• 06/03/1991 « Nous avons clairement indiqué au cours des négociations que nous n’avions pas l’intention de faire progresser l’Alliance atlantique au-delà de l’Oder. C’est pourquoi nous ne pouvons pas permettre à la Pologne ou à d’autres pays d’Europe centrale et orientale d’y adhérer. » Je viens de vous lire le discours du diplomate allemand Juergen Chrobog.
• 05/09/2014 Le Groupe de contact trilatéral sur l’Ukraine, composé de représentants de l’Ukraine, de la Russie et des deux républiques séparatistes, a scellé un accord qui inclut une révision constitutionnelle par le gouvernement ukrainien, en plus du cessez-le-feu.
• Aucune révision n’a été faite pour protéger les républiques de Donetsk et de Lougansk et, en fait, nous pouvons dire que l’Ukraine n’a pas respecté ces accords.
Nous, Européens, qui étions les garants de cet accord, n’avons rien fait pour le faire respecter ou le mettre en œuvre.
Il est donc juste de dire que nous, Européens, n’avons ni intelligence politique ni mémoire historique, et que cette guerre dangereuse n’est que le résultat d’un manque de volonté politique de protéger les pays extérieurs à la Communauté européenne.
Voulons-nous vraiment mettre le sort du monde entre les mains de personnes qui représentent ces institutions et qui ne respectent aucun type d’accord ?
Avons-nous déjà oublié ce qu’il s’est passé il y a 20 ans en Irak ? 600 000 victimes civiles et tant de soldats qui y ont versé leur sang.
Nous devons comprendre que plus personne n’est à l’abri et que si ceux qui peuvent agir ne le font pas, la guerre nucléaire sera bientôt un danger imminent. Il y a quelques mois, l’Institut Schiller a lancé un appel à la paix mondiale en suggérant comme source d’inspiration la paix de Westphalie qui a permis de mettre fin à plus de 30 ans de guerres sanglantes.
Le fait d’avoir parlé en faveur de la paix m’a valu, ainsi qu’à certains collègues de l’Institut Schiller, de figurer sur une liste noire établie par le Centre national de sécurité et de défense ukrainien. Mais nous avons continué à y travailler en promouvant une nouvelle architecture pour la paix, ainsi que pour le développement de tous les pays. Il est important de comprendre qu’en plus de la sécurité militaire de son propre État, il est nécessaire de réfléchir à une nouvelle structure qui favorise le développement des États qui sont encore en train de se développer.
La présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, a lancé de nombreux appels à cet égard, inspirés par le philosophe Nicolas de Cues qui, dans l’une de ses œuvres, De Pace Fidei, présuppose que ses homologues reconnaissent l’existence de Dieu le Créateur et de la loi naturelle.
Un appel d’importance mondiale a été lancé par le pape François, qui s’est déclaré prêt à servir de médiateur pour la paix, mais malheureusement Kiev s’est opposé à cette proposition, alors qu’elle a été acceptée par le gouvernement de Moscou. « Au nom de Dieu, arrêtez la folie de la guerre ! » Tels sont les mots qu’il a prononcés.
Ces derniers jours, le cardinal Zuppi, envoyé par le pape, était à Moscou où il a rencontré Monseigneur Paolo Pezzi, archevêque de l’archidiocèse de la Mère de Dieu à Moscou.
Il a déclaré : « Il est essentiel de ne pas céder au préjugé selon lequel l’autre est et restera un ennemi. » Nous espérons que ces paroles seront prises en considération par les responsables afin que le danger de deux blocs mondiaux opposés ne soit plus qu’un pur fantasme.
C’est précisément notre tâche : essayer de faire asseoir à la même table ces deux mondes opposés et réussir à établir entre eux un dialogue qui ne peut que porter de bons fruits. Beaucoup d’Européens, comme nous les Italiens, sont opposés à l’envoi d’armes et ne se sentent ni représentés ni protégés par les choix de leurs gouvernements. Je voudrais leur rappeler que les hommes politiques sont au service du Peuple et non l’inverse, et que la souveraineté appartient au Peuple et non aux hommes politiques.
L’Europe a un précédent, celui de la Yougoslavie, qui est un point de départ nécessaire. Nous avons déjà vécu un conflit en Europe, nous nous sommes déjà interrogés sur ce qu’il convenait de faire pour le contenir, nous nous sommes interrogés sur l’importance de la paix. À l’époque, le choix a été fait de ne pas envoyer d’armes.
Cesser d’envoyer des armes en Ukraine, c’est affirmer les raisons de la vie contre les raisons de la mort, car dans les conflits armés, les plus grandes victimes sont les civils. L’envoi d’armes est une erreur tragique, car il expose l’humanité, y compris les Ukrainiens, à des dangers permanents. Lorsque le risque de guerre nucléaire devient réel, il n’y a plus de guerre juste ou injuste, puisque l’extinction de l’humanité est l’étalon de mesure de la justice ou de l’injustice.
J’exhorte nos gouvernants italiens et européens, les représentants des plus hautes institutions, à ne pas alimenter cette guerre et à tout faire pour éviter le risque de guerre nucléaire. Mettre un couteau dans la main d’un petit pour tenir tête à un grand, quel est l’intérêt ?
La véritable alternative à la guerre est la négociation d’où peut naître la paix.
Nous devons créer les conditions pour que les négociations de paix commencent le plus tôt possible et, en tant que représentants d’associations importantes, nous pouvons faire beaucoup pour accélérer ce processus. Faire passer le message et faire savoir au plus grand nombre que la paix est la seule solution, que chaque citoyen libre peut devenir la force de tout un peuple, comme nous qui sommes ici pour donner une voix à nos compatriotes.
Il faut aussi impliquer les jeunes, qui s’intéressent généralement peu à la politique, en les invitant à poster sur leur profil une phrase qui parle de paix et faire en sorte que cette initiative devienne virale. Même un petit geste peut changer les choses. Nous devons impliquer ceux qui se sentent éloignés de ces dynamiques mondiales et leur faire comprendre que c’est leur avenir qui est en jeu. Nous avons la chance de représenter des associations importantes. Nous pouvons interagir les uns avec les autres et penser à une action de paix forte qui puisse influencer ceux qui peuvent vraiment décider.
Je remercie l’Institut Schiller et sa présidente pour m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur ces questions fondamentales,
Je vous remercie.