« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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31 janvier 2022
. Entre le 10 et le 14 janvier, le conseiller d’État et ministre des affaires étrangères chinois Wang Yi a rencontré ses collègues d’Arabie saoudite, du Bahreïn, du Koweït et d’Oman, ainsi que le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe.
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Les réunions ont eu lieu à Wuxi, dans la province de Jiangsu, et ont été suivies par deux autres réunions avec les ministres des affaires étrangères de la Turquie et de l’Iran. En examinant les résultats avec les médias le 15 janvier, Wang a déclaré qu’il avait constaté une grande unité sur l’idée qu’aucune forme unique de « démocratie » ou de modèle économique devrait être imposée aux autres, dans une référence évidente à l’approche anglo-américaine.
En particulier, lors des entretiens avec les ministres saoudiens et iraniens, il a été souligné que Pékin - qui jouit d’une bonne entente avec les pays du Golfe et Téhéran - jouera un rôle plus actif dans la promotion des pourparlers de paix dans la région. En outre, à l’ordre du jour de toutes les réunions figuraient l’intensification des échanges commerciaux et l’amélioration des investissements, la Chine étant déjà devenue le plus grand partenaire commercial et investisseur étranger en Asie du Sud-Ouest. Ce sujet a été abordé par Chas Freeman, un ancien responsable américain de longue date (il a été l’interprète de Nixon lors de la visite historique en Chine et l’ambassadeur en Arabie saoudite).
Dans un entretien avec The Schiller Institute, le 3 décembre 2021, il souligne que les pays du Moyen-Orient veulent « plus, et non moins, d’engagement de la Chine » pour défendre leurs propres intérêts et ce, indépendamment du conflit croissant entre les États-Unis et la Chine. Les raisons sont évidentes : « la Chine est maintenant si importante économiquement qu’elle ne peut s’empêcher d’être un acteur de plus en plus important dans le paysage régional. »
Entre 2000 et 2020, le PIB de la Chine a été multiplié par cinq. L’économie industrielle chinoise est désormais deux fois plus importante que celle des États-Unis. Même le secteur américain des services reste beaucoup plus petit. La Chine est devenue le plus grand marché de consommation du monde et le plus grand importateur d’hydrocarbures. Un tiers de ses importations énergétiques, comme l’explique Freeman, provient des pays du Golfe, principalement d’Arabie Saoudite. « Les entreprises chinoises achètent un sixième des exportations de pétrole du (cycle combiné gaz) CCG, un cinquième de celles de l’Iran et la moitié de celles de l’Irak. » En outre, Pékin est une puissance technologique dans de nombreux domaines.
En quoi la politique de la Chine à l’égard du Moyen-Orient diffère-t-elle de celle des États-Unis ? Freeman répond : « comme l’Amérique il y a un siècle, la Chine n’a pas d’agenda impérial ou idéologique apparent au Moyen-Orient. Contrairement aux États-Unis aujourd’hui, Pékin ne demande pas aux pays de la région de changer de système politique et de valeurs, et ne les punit pas s’ils ne le font pas. Elle n’exige pas non plus de relations exclusives avec eux. Elle n’a pas encore exprimé son opposition à la poursuite de l’engagement américain dans la région. Au contraire, elle a suggéré la formation d’un dialogue sur les questions de sécurité et, le moment venu, un mécanisme de sécurité collectif géré au niveau régional pour le Golfe. Si Washington s’accroche à la politique actuelle au lieu d’opter pour la coopération avec la Chine, conclut Freeman, les États-Unis ne l’emporteront pas. L’Europe, quant à elle, devrait suivre un peu moins son tonton américain et initier un rapprochement économique avec la Chine, cela lui serait salutaire.