« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Conférence du 19 février 2022 - 100 secondes avant minuit

Helga Zepp LaRouche : la survie à long terme, une nouvelle architecture de sécurité internationale

2ème session

5 mars 2022

Helga Zepp-LaRouche, fondatrice et présidente de l’Institut Schiller, a prononcé un discours à propos des bases sur lesquelles doit reposer le nouvel ordre mondial post-géopolitique.

L’accord russo-chinois du 4 février, la perspective de développement économique du Pont terrestre mondial

Dennis Small (modérateur) : La deuxième session de cette conférence a été conçue pour répondre à ce besoin, avec une discussion animée par Helga Zepp-LaRouche autour de sa proposition de nouvelle architecture de sécurité internationale.

[...] Bien des choses ont eu lieu, en ce mois de février 2022, pour faire avancer l’humanité vers un nouveau paradigme fondé sur l’identité créatrice de l’homme, à commencer par la déclaration commune du 4 février entre la Fédération de Russie et de la République populaire de Chine, qui a inauguré une nouvelle ère de relations internationales dans laquelle, je cite, tous les États doivent avoir un accès égal au développement. La paix, le développement et la coopération sont au cœur du système international moderne.

Cet accord a été consolidé par deux autres visites clés à Beijing : celle du Premier ministre pakistanais Imran Khan, dont l’importance a été évoquée plus tôt dans la journée, et celle du président argentin Alberto Fernández, dont nous parlera le prochain intervenant.

Et qui, mieux que Lyndon LaRouche, peut poser cette question stratégique de bonnes relations diplomatiques ? L’extrait suivant est tiré d’un dialogue entre Lyndon LaRouche et des économistes russes, le 4 mai 2001, puis de commentaires de M. LaRouche lors de la conférence de l’Institut Schiller pour « l’année de saint Augustin », du 1er au 3 novembre 1985.

[Vidéo : 4 mai 2001 : https://larouchepub.com/lar/2001/2819badschwalbach.html]

LYNDON LAROUCHE : Il y a là des considérations pratiques, stratégiques. Et vous verrez que les deux points centraux de cette conférence, du début à la fin, seront la question du redressement de l’Eurasie et de son développement, en tant que pivot pour le redressement du monde, notamment du rôle bien particulier de la Russie dans cet effort de redressement, et le lien entre cet engagement eurasien et la situation contrastée de l’Afrique.

Autrement dit, pour comprendre le monde dans son ensemble, il faut examiner la possibilité de ce qu’on peut faire en Eurasie, puis examiner les besoins de l’Afrique, de façon à voir l’humanité dans son intégralité. [...] Car l’idée du bien-être général, tout en étant une notion relevant du gouvernement de chaque nation, doit aussi s’appliquer aux relations entre les nations du monde. Nous devons trouver une communauté de principe dans cette notion d’intérêt général, afin d’unir les nations pour le bien commun. Le bien commun est l’intérêt général des nations, de chaque peuple et de la communauté des nations en tant que groupe. [...]

[Transcription vidéo : novembre 1985]

LYNDON LAROUCHE : Qu’est-ce que le Bien ? Le Bien est le pouvoir qui est donné à l’esprit de reconnaître un principe de raison, tel que le principe d’ordonnancement légitime de l’univers. Reconnaître qu’un processus de développement y est associé, et que poursuivre et accélérer la formation de la personnalité par la raison élaborée, c’est le Bien. Elever la condition morale de l’humanité en correspondance avec ce principe, et dans des actions conformes à ce principe, c’est le Bien.

C’était le principe de Solon d’Athènes, c’était le principe de l’Académie platonicienne, le concept de la République, et ce sont les principes de la fondation des républiques européennes modernes selon les écrits de saint Augustin. C’est cela, le Bien. La République est la seule condition naturelle de l’humanité. Et il a été prouvé par Dante et ses disciples que la seule forme naturelle de République était un État-nation parfaitement souverain. C’est donc le parfait contraire des états modernes, soumis au FMI, à la Banque mondiale ou à l’ONU.

Un État-nation souverain, une République fondée sur l’usage d’une langue commune à tous ses citoyens. Une forme de langage littéraire qui leur confère, selon les mots de Shelley, la capacité de transmettre et d’assimiler des conceptions profondes et passionnées concernant l’homme et la nature. Des conceptions organisées par la raison, comme l’illustre le Socrate des dialogues de Platon. C’est la condition naturelle de l’humanité. Tous les autres aspects d’une condition naturelle de l’Homme se rapportent au développement de la République et du citoyen, plutôt qu’à sa forme.

DENNIS SMALL : Et qui, mieux que Lyndon LaRouche, pourrait présenter ainsi son épouse et sa plus proche collaboratrice politique depuis des décennies, Helga Zepp-LaRouche ?

Helga est connue de la plupart d’entre vous en tant que fondatrice et présidente de l’Institut Schiller, spécialiste de Nicolas de Cues et de Friedrich Schiller, à l’origine d’initiatives récentes telles que l’Opération Ibn Sina et le Comité pour la coïncidence des opposés. Elle est également connue sous le nom de « Silk Road Lady » (La dame de la Route de la soie). Et, bien sûr, elle est la veuve du grand homme d’État américain et citoyen du monde, Lyndon LaRouche.

Avec son mari, elle s’est rendue dans plus de 40 nations à travers le monde, rencontrant d’éminents dirigeants et penseurs, et avec lui, elle a partagé un engagement profond pour la pleine souveraineté et le développement de chaque nation, sur chaque continent. Helga nous parlera aujourd’hui de la survie à long terme : [d’]une nouvelle architecture de sécurité internationale.

HELGA ZEPP-LAROUCHE

Bonjour, ou bonsoir, selon l’endroit de la planète où vous vous trouvez.

Si l’on regarde de plus haut la situation stratégique, du point de vue du long cours de l’histoire, en voyant comment l’humanité s’est dotée d’institutions garantissant sa survie à long terme, autant que du point de vue de la dynamique actuelle, opposant une Chine montante, et l’Asie en général, à un système libéral occidental déclinant, il semble évident que cette ère historique doit déboucher sur un nouveau paradigme dans les relations internationales. La poursuite de la géopolitique, qui nous a conduits au bord de la guerre nucléaire, et la folie qui ne se manifeste nulle part plus clairement que dans la doctrine militaire [américaine] « Global Lightning » (entrainements militaires de haute intensité afin d’améliorer l’état de préparation et de créer les conditions d’une dissuasion stratégique efficace contre une variété de menaces comme le rapporte le site du STRATCOM, responsable des armes nucléaires américaines.)

Cette doctrine suppose un conflit nucléaire prolongé. C’est pourquoi la géopolitique doit être remplacée par une architecture de sécurité internationale qui garantisse les intérêts de sécurité de chaque nation sur la planète, y compris la Russie et la Chine, ainsi que des pays en développement.

L’idée est attribuée à Confucius, que la première chose à faire pour résoudre un problème est de mettre de l’ordre dans les concepts, car si les notions sont en désordre, cela conduit à des malentendus, entraînant des querelles, qui finissent par ébranler les fondations de l’État, et il ne peut y avoir, alors, d’harmonie dans le monde. C’est pourquoi l’une des tâches les plus urgentes serait de clarifier les différences entre la vérité historique sur ce qui s’est passé au cours des trente dernières années, au moins, depuis la désintégration de l’URSS, et le « récit » officiel mis en avant par les grands médias occidentaux et repris ces jours-ci à la Conférence de Munich sur la sécurité, où l’élite de la faction de l’OTAN était largement représentée, et où le secrétaire d’État Antony Blinken et la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock sont apparus proches comme cul et chemise - ce qui est un spectacle étonnant.

La ligne officielle de ces forces est que Poutine est « l’agresseur », que la Russie est le seul pays à avoir modifié par la force les frontières en Europe dans l’après-guerre, à savoir en Crimée, et que le seul combat à mener est celui opposant les démocraties libérales aux États agressifs et autocratiques ; que l’OTAN n’a jamais rien fait de mal et que la Russie refuse à des pays souverains comme l’Ukraine le droit de choisir l’alliance dont ils veulent faire partie. Or, la dernière chose que voudraient ces médias et ces politiciens, c’est que l’on décrive précisément la façon dont la situation actuelle a pris forme.

Cependant, clarifier les choses est la condition sine qua non pour résoudre positivement la situation. L’effondrement de l’URSS n’a pas démontré la supériorité du modèle néo-libéral occidental. Elle s’est effondrée précisément pour les raisons identifiées par Lyndon LaRouche en 1984 : son adhésion à la doctrine Ogarkov, qui lui fit rejeter l’offre du président Reagan de coopérer à ce qui sera appelé plus tard l’Initiative de défense stratégique (IDS), dont mon défunt mari Lyndon LaRouche était le concepteur, et son attachement aux principes de ce que l’économiste soviétique Preobrajensky appelait l’accumulation sociale primitive. À l’époque, le pape Jean-Paul II avait mis solennellement en garde l’Occident de ne pas en tirer la conclusion de sa supériorité morale, invoquant pour preuve la pauvreté et le sous-développement régnant dans le secteur émergent à cause du système néo-libéral occidental.

Dans cette période, entre la chute du mur de Berlin (1989) et la désintégration du Pacte de Varsovie (1991), il y avait une réelle chance de voir émerger quelque chose de complètement nouveau : le communisme avait disparu, l’Occident n’avait plus d’ennemi, et Lyndon LaRouche et son mouvement avaient proposé, d’abord, le [plan de relance par l’investissement infrastructurel], le Triangle productif Paris-Berlin-Vienne, puis, après l’effondrement de l’Union soviétique, le Pont terrestre eurasiatique, comme base pour la création d’un ordre de paix pour le XXIe siècle.

L’ancien ambassadeur des États-Unis à Moscou, Jack Matlock, n’a cessé de répéter, avec insistance, que dans ses dernières années d’existence, l’URSS ne représentait pas une menace et que la guerre froide ne s’était pas terminée avec l’URSS, mais qu’elle avait en fait pris fin deux ans plus tôt, parce que Gorbatchev avait accepté la démocratisation de l’Europe de l’Est et diverses réformes internes. C’est pourquoi une grande partie de la population russe le détestait et le considérait comme un traître, contrairement aux Occidentaux, en particulier aux Allemands, qui scandaient « Gorby ! Gorby ! Gorby ! »

L’argument selon lequel aucune promesse n’a jamais été faite à la Russie que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est, est un mensonge éhonté, qui a été dénoncé par des témoins directs tels que Matlock. Ainsi, le 9 février 1990, le secrétaire d’État américain de l’époque, James Baker III, avait affirmé à Gorbatchev que l’OTAN ne bougerait pas d’un pouce vers l’Est. Et tout récemment, Roland Dumas, alors ministre français des Affaires étrangères, l’a confirmé de façon spectaculaire. La gravité du danger de guerre actuel l’a sans doute décidé à rompre le silence, après de si longues années. Il y a cinq jours, lors d’un long entretien avec le site internet français les-crises.fr : « comment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est, par Roland Dumas, ex-ministre des affaires étrangères », il a confirmé ce qu’il avait confié, il y a trois ans, à Jacques Cheminade : qu’à l’époque (1989-1991), une négociation très importante sur le désarmement et la démilitarisation du Pacte de Varsovie avait eu lieu, dans laquelle l’OTAN s’engageait à ne pas s’étendre vers l’Est.

La discussion a démarré de la façon suivante, a rapporté M. Dumas. C’est la diplomatie russe, par Gorbatchev, mais aussi le ministre des Affaires étrangères Chevardnadze, qui a demandé la parole et qui a dit : nous, la délégation russe, voulons savoir ce que vont devenir les armements de l’OTAN dans le cadre du désarmement. Et nous exigeons – je me rappelle très bien, il était formel – que les troupes alliées observent deux obligations. La première – c’était très sentimental – est celle relative à l’entretien, dans tous les pays soviétiques, des monuments à la gloire de l’Armée russe. La deuxième, qu’il y ait un engagement des troupes du Pacte de Varsovie et de l’OTAN qu’il n’y ait pas de déplacement des troupes de l’OTAN dans les régions du pacte soviétique qui vont être désarmées.

Quant à savoir pourquoi cela n’apparaît pas dans les traités actuels : cela n’a pas été mentionné.
C’est-à-dire que des gens aussi précautionneux que les Américains, et les gens de l’Alliance atlantique – nous – n’avons pas demandé que ce soit inscrit. C’est possible, mais par rapport au caractère de la discussion générale, c’est-à-dire une tentative de désarmement pour mettre fin au risque de guerre (parce que c’était cela qui comptait) et de préparer une autre période, dans le contexte de l’époque, qui était le désarmement, c’est logique. Cette discussion a donc eu lieu. D’abord parce que les Russes l’ont demandée, et parce que nous l’avons soutenue, moi le premier, et les Américains aussi. Et les Allemands, évidemment.

Jack Matlock souligne que même avant la fin de l’URSS, il était généralement admis que la sécurité devait être la sécurité pour tous, et qu’il y avait un argument selon lequel Gorbatchev justifiait la réduction de l’armement de l’armée soviétique. Matlock raconte également que dans l’un de ses derniers discours à Kiev, alors que l’Union soviétique existait encore, le président Bush-père avait conseillé aux Ukrainiens de rejoindre la fédération volontaire que proposait Gorbatchev, et qu’il les avait mis en garde contre un nationalisme suicidaire.

Regardons maintenant la vidéo du ministre allemand des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher, qui confirme très clairement cela.

[Transcription vidéo en allemand]

NARRATEUR : En échange de l’unité allemande, l’Occident a promis de ne pas laisser l’OTAN avancer plus à l’est. À Washington, le ministre des Affaires étrangères de l’époque fait des promesses de grande envergure.

HANS DIETRICH GENSCHER : Nous sommes convenus qu’il n’y a aucune intention d’étendre la zone de défense de l’OTAN à l’Est. Cela s’applique, d’ailleurs, non seulement à la RDA [Allemagne de l’Est] que nous ne voulons pas intégrer, mais aussi de manière assez générale.

[écran : « 1999 » La vidéo montre la secrétaire d’État Madeleine Albright et trois ministres des Affaires étrangères sur un podium. Derrière eux, on voit les drapeaux des États-Unis, de l’OTAN et d’autres pays].

NARRATEUR : Une promesse de courte durée. Les premiers pays d’Europe de l’Est sont admis dans l’OTAN. La secrétaire d’État Madeleine Albright (ici lors de la signature des accords d’adhésion à l’OTAN) est rayonnante et embrasse ses homologues de Pologne, de République tchèque et de Hongrie. Une mainmise menaçante du point de vue de Moscou. Mais les Russes sont trop faibles pour réagir. [Fin de la vidéo]

ZEPP-LAROUCHE : Vous avez donc Dumas, Genscher et Matlock qui confirment tous que ces promesses ont été faites, et qui contredisent clairement la ligne officielle selon laquelle elles n’ont jamais existé, ce que répète toujours le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.

Aujourd’hui même, l’hebdomadaire allemand Der Spiegel fait état d’un document secret, à présent déclassifié, récemment découvert dans les archives nationales britanniques par le politologue américain Joshua Shifrinson. Il concerne une réunion entre les hauts responsables des ministères des Affaires étrangères des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne à Bonn le 6 mars 1991. Selon ce document, tous sont convenus que l’adhésion à l’OTAN des pays d’Europe de l’Est serait inacceptable. Jürgen Chrobog, représentant de Bonn, est cité : un élargissement de l’OTAN au-delà de l’Elbe serait inacceptable. Par conséquent, l’adhésion à l’OTAN ne devrait pas être proposée à la Pologne et aux autres pays. Le représentant américain à cette réunion, Raymond Seitz, a admis qu’ils avaient promis aux Soviétiques, lors des pourparlers 2+4, que l’OTAN ne s’étendrait pas officiellement, ni officieusement à l’est.

Le Spiegel note que les Russes s’étaient déjà plaints en 1993, bien avant Poutine, que l’expansion de l’OTAN à l’Est violerait l’esprit des pourparlers 2+4. Ce n’était pas écrit, mais les deux parties ont agi de bonne foi en 1990, ce qui semble désormais appartenir au passé.

Cette bonne foi n’était toutefois pas partagée par tous, même à l’époque. Au lieu d’un nouveau système qui assurerait la sécurité de tous, pouvant même impliquer l’adhésion de la Russie à l’OTAN, les néoconservateurs américains et leurs collègues britanniques ont lancé le Projet pour un nouveau siècle américain (PNAC), qui visait à construire un monde unipolaire. L’exubérance irrationnelle n’a pas seulement pris le contrôle des marchés, comme Alan Greenspan l’a noté à un certain moment dans les années 90, mais c’est l’euphorie de la « victoire » du système néo-libéral occidental dans la guerre froide qui est devenue le récit remplaçant la réalité historique.

L’argument stupide et totalement faux de Francis Fukuyama sur « la fin de l’histoire », qui sous-entendait que la démocratie libérale allait s’étendre à tous les pays de la planète, commença à enfumer l’esprit de l’élite occidental. Les moyens, c’est-à-dire la manière dont ce monde unipolaire était censé voir le jour, n’étaient pourtant pas si ragoûtants. Les « révolutions de couleur » (orange, rose, blanche, jaune, presque tout le spectre de l’arc-en-ciel), ou « arabe », ont été promues à coups de milliards de dollars : 5 milliards de dollars pour la seule Ukraine, distribués à des ONG avant 2014, comme Victoria Nuland s’en est ouvertement vantée. Ces fonds servirent notamment à soutenir le coup d’État de 2014 à Kiev, qui a catapulté au pouvoir des éléments nazis se revendiquant ouvertement de la tradition de Stepan Bandera, des réseaux qui avaient été entretenus après-guerre par les services de renseignement de l’OTAN, regroupés dans des organisations telles que le « Bloc des nations antibolchéviques », en vue d’un conflit potentiel avec l’URSS.

Ces services de renseignement savaient donc parfaitement qui était à l’œuvre dans le coup d’État sur le Maïdan. C’est en réaction au traitement infligé à la population russophone en Ukraine que la population de Crimée a voté, par référendum, son rattachement à la Russie. Il n’y a donc pas eu de changement arbitraire des frontières. Il s’agissait d’un référendum légitime de la population de Crimée.

Naturellement, dans ce processus, [dans la logique des mondialistes] la Charte des Nations unies et le droit international devaient être remplacés par « l’ordre fondé sur des règles ». Cela s’est fait avec le soutien actif de Tony Blair, qui a plaidé en 1999, à Chicago, pour des guerres interventionnistes humanitaires au nom de la « responsabilité à protéger » [responsability to protect - R2P] : il fallait mettre fin à l’esprit de l’ordre westphalien [qui mit fin à la guerre de Trente Ans en 1648, au nom de l’avantage d’autrui].

L’attentat du 11 septembre, contre lequel Lyndon LaRouche avait mis en garde neuf mois avant qu’il ne se produise, craignant un « incendie de Reichstag » [prétexte pour mettre en place un régime dictatorial], a jugulé une bonne partie des droits civiques aux États-Unis et a jeté les bases des guerres perpétuelles, à commencer par l’Afghanistan - la première guerre basée sur des mensonges.

Ont suivi les mensonges de Colin Powell devant l’ONU en 2003 sur les armes de destruction de masse en Irak, puis les guerres en Libye, l’assassinat de Kadhafi, la tentative de renverser le gouvernement Assad en Syrie et, directement et indirectement, de nombreuses autres opérations militaires, causant des millions de morts et de blessés, et des millions de réfugiés.

En quoi cela a-t-il servi les intérêts des États-Unis, ou de l’Occident en général ?

Le résultat en fut un gigantesque retour de bâton. Poutine, qui, dans les premières années de sa présidence, avait de nombreux admirateurs en Occident, devint de plus en plus impopulaire auprès des architectes du monde unipolaire, parce qu’il ne voulait pas se soumettre à « l’ordre fondé sur des règles ». Il commença à réaffirmer le rôle de la Russie en tant qu’acteur mondial. En 2008, en Géorgie, puis en 2015 en Syrie, et plus récemment, en exigeant que l’élargissement de l’OTAN vers l’Est soit non seulement arrêté, mais inversé pour revenir au statut de 1997, et en exigeant de la part des États-Unis et de l’OTAN, des garanties écrites, juridiquement contraignantes, que l’Ukraine n’en deviendrait jamais membre, qu’aucun système d’armes offensives ne serait déployé le long de la frontière russe et que l’OTAN ne s’avance pas plus loin vers l’Est.

Si l’on considère l’histoire des 30 dernières années, il s’agit en fait d’une exigence assez modeste, compte tenu également du fait que l’Ukraine ne remplit pas les exigences des articles 5 et 10 du traité de l’OTAN, comme le fait valoir à juste titre le général Kujat, ancien chef d’état-major de la Bundeswehr.

Entre-temps, un autre aspect a pris de l’importance. La Chine, qui avait sa propre conception d’un pont terrestre eurasiatique, a réagi positivement aux programmes proposés par l’Institut Schiller pour une Nouvelle Route de la soie, sans toutefois s’y engager dans un premier temps. Trop faible économiquement pour mener à bien ces plans, après la « crise asiatique » de 1997, au cours de laquelle les monnaies de certains pays asiatiques ont subi des attaques spéculatives de la part d’individus comme Georges Soros, les dépouillant en une semaine de la richesse que leurs populations avaient mis plusieurs décennies à engendrer.

La Chine répondit à cette expérience, ainsi qu’au défi plus vaste de réduire la pauvreté dans le monde, par le projet de Nouvelle Route de la soie, annoncé par le président Xi Jinping en 2013 au Kazakhstan. Ce projet d’infrastructure, le plus grand de l’histoire, a connu une immense réussite, avec la participation de près de 150 pays. Mais surtout, l’ascension économique continue de la Chine en tant que locomotive de l’initiative Belt and Road (Une Ceinture, une Route), a poussé les partisans du monde unipolaire et leurs financiers de la City de Londres, de Wall Street et de la Silicon Valley, à désigner la Russie et la Chine comme étant des régimes « autocratiques », « autoritaires » ou pire encore.

Comme on pouvait s’y attendre, ces attaques ont fait naître un partenariat sans précédent entre la Russie et la Chine, véritable cauchemar pour les Zbigniew Brzezinski, Dick Cheney et leurs comparses. Le 4 février, au début des Jeux olympiques d’hiver à Pékin, les présidents Poutine et Xi Jinping ont signé un protocole d’entente pour un partenariat stratégique global qui, selon leurs propres termes, peut servir de modèle pour les futures relations internationales entre les nations, car il est fondé sur la poursuite de l’intérêt mutuel, dans toute une gamme de domaines économiques, politiques, culturels et militaires.

Cet accord a formellement mis fin à l’idée d’un monde unipolaire. Il s’agit d’un fait historique, conçu pour durer, notamment parce qu’il associe l’avantage militaire marginal de la Russie à la puissance de l’économie chinoise.

Dans la pratique, cet accord rend inopérantes les menaces proférées par deux fonctionnaires anonymes de la Maison Blanche, affirmant qu’en cas d’invasion de l’Ukraine, les États-Unis empêcheraient la Russie de se diversifier en dehors du pétrole et du gaz, et lui refuseraient l’accès aux technologies avancées. L’accord Chine-Russie a rendu cette menace obsolète.

Il est temps maintenant pour les Occidentaux lucides et épris de paix, de revoir la situation stratégique et historique, sans préjugés ni parti pris idéologique. Si l’humanité peut espérer avoir un avenir sûr et heureux, on doit renoncer à penser en termes géopolitiques d’affrontement, au profit d’une approche de coopération entre nations pour un avenir partagé de l’humanité. Car c’est ce qui nous est dévolu, pour le meilleur ou pour le pire.

Il est grand temps de déclarer l’OTAN obsolète et de la remplacer par une architecture de sécurité internationale qui garantisse les intérêts de sécurité de tous les pays de la planète. Au lieu de considérer le nouveau partenariat global entre la Russie et la Chine comme une entité hostile qui doit être combattue par une nouvelle course aux armements, les nations d’Europe, des États-Unis et des autres continents devraient affirmer leur volonté d’entamer des négociations en vue d’une nouvelle paix de Westphalie, fondée sur l’avantage d’autrui et le bien commun de tous.

Pour ceux qui ont négocié ce traité, entre 1644 et 1648, il était clair qu’il ne pourrait y avoir de vainqueur en poursuivant cette guerre de Trente Ans, qui était en réalité le point culminant de 150 ans de guerre de religion en Europe, au cours desquels un tiers de sa population et de ses richesses avait déjà été détruit.

Que faut-il de plus pour que chacun comprenne que la poursuite de l’affrontement, incluant la menace d’une extinction nucléaire de toute l’espèce humaine, ne laissera aucun vainqueur.

Un nouveau traité de Westphalie doit être fondé sur des principes cohérents avec le droit naturel et l’ordonnancement de l’univers physique. Il doit refléter la beauté de l’espèce humaine, la seule espèce connue à ce jour dotée d’une raison créatrice, ce qui nous différencie de tous les animaux et autres formes de vie.

Naturellement, comme son prédécesseur de 1648, ce nouveau traité de Westphalie devra aborder tous les sujets spécifiques (accords de Minsk II et autres différends territoriaux), mais aussi les grands défis de notre époque, tels que la mise en place d’un système de santé mondial pour lutter contre les pandémies, la résolution de la famine mondiale de dimension biblique comme l’a dit David Beasley [directeur exécutif du Programme alimentaire mondial], la réduction de la pauvreté dans le monde et bien d’autres questions liées au bien commun de l’humanité.

La tâche immédiate qui nous attend est d’organiser la coopération de tous les pays avec les projets de l’initiative Une Ceinture, une Route, que nous avons présentés en grand détail dans notre rapport de 2014, La Nouvelle Route de la soie devient le Pont terrestre mondial, un plan global pour le développement et l’intégration de tous les continents de la planète.

Nous sommes confrontés au danger immédiat d’un effondrement systémique du système financier transatlantique, qu’on ne pourra résoudre qu’en appliquant les Quatre Principes ou Quatre lois identifiés par Lyndon LaRouche il y a de nombreuses années.

On devra définir les domaines de coopération internationale indispensables, par exemple, à la mise en place au plus vite d’une nouvelle plateforme économique basée sur l’énergie de fusion thermonucléaire, afin d’assurer la sécurité énergétique et d’approvisionnement en matières premières pour toutes les nations. Par ailleurs, on devra aussi définir le cadre d’une coopération pacifique dans le domaine des vols habités pour l’exploration spatiale.

Nous sommes la seule espèce créatrice, et c’est le moment historique pour le prouver.

Un dernier point : si l’on compare le succès de la paix de Westphalie à l’échec absolu du traité de Versailles (1920), qui, faute d’avoir pris en compte les intérêts de toutes les parties, ne fut que le prélude à la guerre mondiale suivante, il devrait être évident que le principe de la souveraineté de toutes les nations, unies par l’objectif supérieur d’une seule humanité, doit toujours être respecté.

Ainsi, nous devrions revenir à l’esprit qui marqua l’époque de la chute du mur de Berlin, qui aurait pu être, pour l’humanité, un moment d’« alignement des planètes » (en allemand, eine Sternstunde der Menschheit), et au potentiel de l’accord 2+4, qui n’était pas seulement un traité de paix de facto, mettant fin à la guerre froide et entérinant théoriquement la souveraineté allemande. Or en raison des événements qui suivirent, décrits ci-dessus, cette idée de souveraineté n’a jamais pénétré l’esprit des Allemands, car contrairement à la France, où les souverainistes sont majoritaires, le mot « souverainiste » n’est même pas connu du citoyen lambda en Allemagne. On doit y remédier sans tarder.

Faisons donc en sorte de transformer ce moment extrêmement dangereux en occasion de faire naître une nouvelle ère de l’humanité. Créons le meilleur alignement des planètes pour l’humanité, digne de l’espèce immortelle que nous sommes censés être.

Merci.

DENNIS SMALL : Merci Helga, de nous avoir ainsi donné le cadre le plus large possible pour trouver une issue pour l’humanité, qui est effectivement au bord du précipice de sa propre extinction. C’est, à cet égard, un véritable punctum saliens [point de dénouement d’une tragédie] pour l’humanité.


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