« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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19 juin 2023
Voici le discours sur la paix de John F. Kennedy, le 10 juin 1963, à l’Université Américaine. Ce discours exemplaire a été présenté en ouverture de la conférence de l’Institut Schiller sur la paix par le développement économique mutuel entre Etats-nations souverains.
Président John F. Kennedy Washington, D.C. Le 10 juin 1963
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Président Anderson, membres de la faculté, conseil d’administration, invités de marque, mon ancien collègue, le sénateur Bob Byrd, qui a obtenu son diplôme après avoir suivi pendant de nombreuses années des cours du soir en droit, tandis que j’obtiendrai le mien dans les 30 prochaines minutes, invités de marque, mesdames et messieurs : C’est avec une grande fierté que je participe à cette cérémonie de l’Université américaine, parrainée par l’Église méthodiste, fondée par l’évêque John Fletcher Hurst et inaugurée par le président Woodrow Wilson en 1914. Cette université jeune et dynamique a déjà exaucé les voeux de l’évêque Hurst en ce qui concerne l’étude de l’Histoire et de l’administration publique, dans une ville vouée à façonner l’une et à diriger l’autre. En parrainant cet établissement d’enseignement supérieur dédié à ceux qui souhaitent apprendre, quelle que soit leur couleur ou leur croyance, les méthodistes de cette région et de l’ensemble du pays méritent la reconnaissance de la nation, et je tiens à féliciter tous ceux qui obtiennent leur diplôme aujourd’hui. Le professeur Woodrow Wilson a dit un jour que chaque homme sortant d’ une université devrait être un homme dévoué à sa nation aussi bien qu’un homme de son temps, et je suis certain que les hommes et les femmes qui ont l’honneur d’être diplômés de cette institution continueront à mettre leur personne et leurs talents au service de l’administration et de l’intérêt général. « Peu de choses en ce monde sont plus belles qu’une université », écrivait John Masefield dans l’hommage qu’il rendait aux universités anglaises, et ses paroles sont tout aussi vraies aujourd’hui. Il ne parlait pas de flèches et de tours, de campus verdoyants et de murs recouverts de lierre. Il admirait la splendide beauté de l’université, disait-il, parce qu’elle était « un lieu où ceux qui haïssent l’ignorance peuvent s’efforcer de s’instruire, où ceux qui perçoivent la vérité peuvent s’efforcer de la faire comprendre aux autres ». J’ai donc choisi ce moment et ce lieu pour discuter d’un sujet sur lequel l’ignorance est trop souvent associée et pour lequel la vérité est trop rarement perçue, alors qu’il s’agit du sujet le plus important sur terre : la paix dans le monde. De quelle paix s’agit-il ? Quel type de paix recherchons-nous ? Pas une Pax Americana imposée au monde par les armes de guerre américaines. Pas la paix de la tombe ni celle de la sécurité garantie par l’esclavage. Je parle d’une paix authentique, le genre de paix qui fait que la vie sur terre vaut la peine d’être vécue, le genre de paix qui permet aux hommes et aux nations de se développer, d’espérer et de construire une vie meilleure pour leurs enfants - non seulement la paix pour les Américains, mais aussi la paix pour tous les hommes et toutes les femmes - non seulement la paix pour notre époque, mais la paix pour tous les temps. Je parle de paix à cause du nouveau visage de la guerre. La guerre totale est absurde à une époque où les grandes puissances peuvent maintenir des forces nucléaires importantes et relativement invulnérables et refuser de se rendre sans recourir à ces forces. Elle est absurde à une époque où une seule arme nucléaire contient près de dix fois la force explosive délivrée par toutes les forces aériennes alliées au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle est absurde à une époque où les poisons mortels produits par un échange nucléaire seraient transportés par le vent, l’eau, le sol et les semences jusqu’aux confins du globe et contamineraient jusqu’aux générations à naître. Aujourd’hui, la dépense de milliards de dollars chaque année pour des armes acquises dans le but de s’assurer que nous n’aurons jamais besoin de les utiliser est essentielle au maintien de la paix. Mais l’acquisition de ces stocks inutiles - qui ne peuvent que détruire et jamais créer - n’est certainement pas le seul moyen, et encore moins le plus efficace, d’assurer la paix. Je parle donc de la paix comme un aboutissement nécessaire et rationnel que doivent envisager des hommes rationnels. J’ai conscience que cette quête n’est pas aussi spectaculaire que la démarche guerrière et que souvent, les défenseurs de la paix ne sont pas entendus. Pourtant nous n’avons pas de tâche plus urgente devant nous. Certains disent qu’il est inutile de parler de paix mondiale, de droit mondial ou de désarmement mondial, et que cela restera inutile tant que les dirigeants de l’Union Soviétique n’adopteront pas une attitude plus réfléchie. J’espère qu’ils le feront. Je crois que nous pouvons les y aider. Mais je crois aussi que nous devons réexaminer notre propre attitude - en tant qu’individus et en tant que nation - car notre attitude est aussi essentielle que la leur. Et chaque diplômé de cette école, chaque citoyen réfléchi que la guerre désespère et qui souhaite apporter la paix, devrait commencer par regarder en lui-même - en examinant sa propre attitude à l’égard des possibilités de paix, à l’égard de l’Union soviétique, à l’égard du déroulement de la guerre froide et à l’égard de la liberté et de la paix ici, dans notre pays. Tout d’abord commençons par examiner notre attitude à l’égard de la paix elle-même. Trop d’entre nous pensent qu’elle est impossible. Trop nombreux sont ceux qui pensent qu’elle est irréelle. Mais c’est là un point de vue dangereux et défaitiste risquant de conduire à la conclusion que la guerre est inévitable, que l’humanité est condamnée, que nous sommes sous l’emprise de forces que nous ne pouvons pas contrôler. Nous ne devons pas accepter ce point de vue. Nos problèmes sont le fait de l’homme - ils peuvent donc être résolus par l’homme, qui peut faire preuve de grandeur lorsqu’il le décide. Aucun problème lié au destin de l’humanité n’est hors de notre portée. La raison et l’esprit de l’homme ont souvent résolu des problèmes apparemment insurmontables, et nous pensons que c’est à nouveau possible. Je ne fais pas référence au concept absolu et infini de paix et de bonne volonté dont rêvent certains esprits tentés par les chimères et fanatiques. Je ne nie pas l’importance des espoirs et des rêves, mais en faisant de cela notre seul objectif immédiat, nous ouvrons la porte au découragement et à l’incrédulité. Concentrons-nous plutôt sur une paix plus pratique, plus accessible, fondée non pas sur une révolution soudaine de la nature humaine mais sur une évolution graduelle des institutions humaines, sur une série d’actions concrètes et d’accords effectifs dans l’intérêt de toutes les parties concernées. Il n’y a pas de clef unique et simple pour cette paix, pas de formule grandiose ou magique à adopter par une ou deux puissances. La paix véritable doit être le produit de nombreuses nations, la somme de nombreux actes. Elle doit être dynamique, et non statique, et évoluer pour relever le défi de chaque nouvelle génération. Car c’est avant tout un processus, une manière de résoudre les problèmes. Avec une telle paix, il y aura toujours des querelles et des intérêts contradictoires, comme il en existe au sein des familles et des nations. La paix dans le monde, comme la paix dans la collectivité, n’exige pas que chaque homme aime son voisin ; elle exige seulement qu’ils vivent ensemble dans la tolérance mutuelle, en soumettant leurs différends à un mode d’arbitrage juste et pacifique. L’histoire nous enseigne que les inimitiés entre nations, comme entre individus, ne durent pas éternellement. Aussi fixes que puissent paraître nos goûts et nos aversions, le cours du temps et des événements permet souvent des changements surprenants dans les relations entre les nations. Persévérons donc. La paix n’est pas nécessairement irréalisable, et la guerre n’est pas nécessairement inévitable. En définissant plus clairement notre objectif, en le rendant plus raisonnable et plus accessible, nous pouvons aider tous les peuples à le voir, à en tirer source d’espoir et à avancer irrésistiblement vers lui. Ensuite, réexaminons notre attitude à l’égard de l’Union soviétique. Il est décourageant de penser que ses dirigeants peuvent réellement croire ce que leurs organes de propagande écrivent. Il est décourageant de lire un récent texte soviétique faisant autorité en matière de stratégie militaire et d’y trouver, page après page, des allégations totalement infondées et incroyables, comme par exemple l’allégation selon laquelle « les cercles impérialistes américains se préparent à déclencher différents types de guerres ... qu’il existe une menace très réelle de guerre préventive déclenchée par les impérialistes américains contre l’Union soviétique ... » et que « les objectifs politiques des impérialistes américains sont d’asservir l’Union soviétique ». [et que] les objectifs politiques des impérialistes américains sont d’asservir économiquement et politiquement les pays européens et les autres pays capitalistes .... pour finir par dominer le monde ... au moyen de guerres agressives", fin de citation. En vérité, comme il écrit dans la Bible : « Le méchant s’enfuit quand nul ne le poursuit ». Pourtant, il est triste de lire ces déclarations soviétiques, de réaliser l’ampleur du fossé qui nous sépare. Mais c’est aussi un avertissement, un avertissement au peuple américain de ne pas tomber dans le même piège que les Soviétiques, de ne pas voir seulement une vision déformée et désespérée de l’autre camp, de ne pas considérer les conflits comme inéluctables, les compromis comme impossibles et les communications comme rien d’autre qu’un échange de menaces. Aucun gouvernement ou système social n’est si mauvais que ses membres doivent être considérés comme dépourvus de vertu. Nous, Américains, rejetons radicalement le communisme, car nous le considérons comme une négation de la liberté et de la dignité humaine. Nous pouvons néanmoins saluer le peuple russe pour ses nombreuses réalisations - dans les domaines de la science et de l’espace, de la croissance économique et industrielle, ainsi que pour sa culture et les actes de courage dont il fait preuve. Parmi les nombreux traits que les peuples de nos deux pays ont en commun, aucun n’est plus fort que notre aversion mutuelle pour la guerre. Fait presque unique parmi les grandes puissances mondiales, nous n’avons jamais été en guerre les uns contre les autres. Et aucune nation dans l’histoire de la guerre n’a jamais autant souffert que l’Union soviétique au cours de la Seconde Guerre mondiale. Au moins 20 millions de personnes ont perdu la vie. D’innombrables millions de maisons et de fermes ont été brûlées ou saccagées. Un tiers du territoire de la nation, dont près des deux tiers de ses infrastructures industrielles ont été dévastés - une perte équivalente à la destruction de tout ce qui se trouve à l’est de Chicago. Aujourd’hui, si une guerre totale devait à nouveau éclater, quelle qu’en soit la manière, nos deux pays en seraient les cibles principales. Il est ironique de constater que les deux puissances les plus fortes sont celles qui risquent le plus d’être dévastées. Tout ce que nous avons construit, tout ce pour quoi nous avons travaillé, serait détruit dans les premières 24 heures. Et même dans la guerre froide, qui fait peser des fardeaux et des dangers sur tant de nations, y compris les alliés les plus proches de cette nation, nos deux pays subissent la plus lourde charge. En effet, nous consacrons tous deux des sommes considérables à des armes qui pourraient être mieux utilisées pour lutter contre l’ignorance, la pauvreté et la maladie. Nous sommes tous deux pris dans un cercle vicieux et dangereux dans lequel la suspicion d’un côté engendre la suspicion de l’autre, et où le développement d’armes nouvelles entraîne le développement d’armes de riposte. En bref, les États-Unis et leurs alliés, tout comme l’Union soviétique et les siens, ont un intérêt mutuel profond à instaurer une paix juste et véritable, et à stopper la course aux armements. Les accords conclus à cette fin sont dans l’intérêt de l’Union soviétique comme dans le nôtre, et l’on peut croire que même la plus hostile des nations saura accepter et respecter les obligations d’un traité si elle y trouve avantage. Ne laissons pas nos divergences nous aveugler, mais concentrons notre attention sur nos intérêts communs et sur les moyens de résoudre ces divergences. Et si nous ne pouvons pas mettre fin à notre désaccord, nous pouvons au moins aider à préserver la diversité du monde dans lequel nous vivons. Car, en fin de compte, notre lien commun le plus fondamental est que nous habitons tous cette petite planète. Nous respirons tous le même air. Nous sommes tous attachés à l’avenir de nos enfants. Et nous sommes tous mortels. Enfin, réexaminons notre attitude à l’égard de la guerre froide, en nous rappelant que nous ne sommes pas engagés dans un débat où nous chercherions à multiplier les sujets de dissension. Nous ne sommes pas ici pour distribuer des blâmes ou pointer du doigt un coupable. Nous devons faire face au monde tel qu’il est, et non pas tel qu’il aurait pu être si l’histoire des 18 dernières années avait été différente. Nous devons donc persévérer dans la recherche de la paix dans l’espoir que des changements constructifs au sein du bloc communiste puissent mettre à notre portée des solutions qui nous semblent aujourd’hui hors d’atteinte. Nous devons conduire nos affaires de telle sorte qu’il devienne dans l’intérêt des communistes de s’entendre sur une paix véritable. Surtout, tout en défendant leurs intérêts vitaux, les puissances nucléaires doivent éviter les confrontations qui forcent l’adversaire à choisir entre une retraite humiliante et une guerre nucléaire. Adopter une telle attitude à l’ère nucléaire ne serait que la preuve de la faillite de notre politique ou d’une attitude suicidaire pour l’ensemble du monde. Pour atteindre ces objectifs, les armes de l’Amérique ne font pas dans la provocation, sont soigneusement contrôlées, conçues pour dissuader et capables d’un usage sélectif. Nos forces militaires sont engagées en faveur de la paix, avec discipline et retenue. Nos diplomates ont pour instruction d’éviter les risques de friction inutiles et l’hostilité purement rhétorique. Nous pouvons en effet chercher à faire baisser la tension sans relâcher notre vigilance. Et, pour notre part, nous n’avons pas besoin de recourir à des menaces pour prouver notre détermination. Nous n’avons pas besoin de brouiller les émissions étrangères par crainte de voir notre foi s’éroder. Nous ne voulons pas imposer notre système à des peuples qui ne le veulent pas, mais nous sommes prêts et capables de nous engager dans une compétition pacifique avec n’importe quel peuple de la planète. En attendant, nous cherchons à renforcer l’Organisation des Nations Unies, à contribuer à la résolution de ses problèmes financiers, à en faire un instrument de paix plus efficace, à la transformer en un véritable système de sécurité mondiale, capable de résoudre les différends sur la base du droit, d’assurer la sécurité des grands comme des petits, et de créer les conditions dans lesquelles il sera enfin possible d’abolir les armes. En même temps, nous cherchons à maintenir la paix à l’intérieur du monde non communiste, où de nombreuses nations, toutes nos amies, sont divisées sur des questions qui affaiblissent l’unité du bloc occidental, qui invitent l’intervention communiste ou qui menacent d’éclater en guerre. Nos efforts en Nouvelle-Guinée occidentale, au Congo, au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien ont été persistants et patients malgré les critiques des deux côtés. Nous avons également essayé de donner l’exemple à d’autres, en cherchant à ajuster des différences petites mais significatives avec nos voisins les plus proches, le Mexique et le Canada. En ce qui concerne les autres nations, je tiens à préciser un point. Nous sommes liés à de nombreuses nations par des alliances. Ces alliances existent parce que nos préoccupations et les leurs se recoupent en grande partie. Notre engagement à défendre l’Europe occidentale et Berlin-Ouest, par exemple, ne se dément pas en raison de l’identité de nos intérêts vitaux. Les États-Unis ne concluront aucun accord avec l’Union soviétique aux dépens d’autres nations et d’autres peuples, non seulement parce qu’ils sont nos partenaires, mais aussi parce que leurs intérêts et les nôtres convergent, non seulement dans la défense des frontières de la liberté, mais aussi dans la poursuite des chemins menant à la paix. Nous espérons - et c’est l’objectif des politiques alliées - convaincre l’Union soviétique qu’elle devrait, elle aussi, laisser chaque nation choisir son propre avenir, tant que ce choix n’empiète pas sur celui des autres. La volonté des communistes d’imposer leur système politique et économique aux autres est la première cause de tension dans le monde aujourd’hui. En effet, il ne fait aucun doute que si toutes les nations pouvaient s’abstenir d’intervenir dans le processus d’autodétermination des autres, la paix serait beaucoup plus garantie. Cela nécessitera un nouvel effort pour parvenir à un droit mondial - un nouveau contexte pour les discussions mondiales. Cela nécessitera une meilleure compréhension entre les Soviétiques et nous-mêmes. Et une meilleure compréhension passe par un renforcement des contacts et de la communication. Un pas dans cette direction est l’arrangement proposé pour une ligne directe entre Moscou et Washington, afin d’éviter de part et d’autre de dangereux retards, des malentendus et des interprétations erronées des actions de l’éventuel adversaire qui pourraient se produire en temps de crise. Nous avons également discuté à Genève des autres mesures de maîtrise des armements destinées à limiter l’intensité de la course aux armements et à réduire les risques de guerre accidentelle. Toutefois, notre principal intérêt à long terme à Genève est la réalisation d’un désarmement général et complet, conçu pour se dérouler par étapes, permettant à des avancées politiques parallèles d’établir les nouvelles institutions de paix qui se substitueraient aux conflits. La poursuite du désarmement est un effort de ce gouvernement depuis les années 1920. Elle a été recherchée de toute urgence par les trois derniers gouvernements. Et aussi sombres que soient les perspectives aujourd’hui, nous avons l’intention de poursuivre cet effort - de le poursuivre afin que tous les pays, y compris le nôtre, puissent mieux comprendre quels sont les problèmes et les possibilités du désarmement. Le seul domaine majeur de ces négociations où la fin est en vue, mais où un nouveau départ est absolument nécessaire, est celui d’un traité interdisant les essais nucléaires. La conclusion d’un tel traité, à la fois proche et pourtant si lointaine, mettrait un frein à la course aux armements dans l’un de ses aspects les plus dangereux. Il mettrait les puissances nucléaires en mesure de faire face plus efficacement à l’un des plus grands dangers auxquels l’homme est confronté en 1963, à savoir la prolifération des armes nucléaires. Cela renforcerait notre sécurité et réduirait les perspectives de conflit militaire. Cet objectif est certainement suffisamment important pour que nous le poursuivions sans relâche, sans céder à la tentation d’abandonner l’ensemble de l’effort ni à celle d’abandonner notre insistance sur des garanties vitales et responsables. Je saisis donc cette occasion pour annoncer deux décisions importantes à cet égard. La première : Le président Khrouchtchev, le premier ministre MacMillan et moi-même sommes convenus que des discussions de haut niveau s’engageraient prochainement à Moscou en vue d’un accord rapide sur un traité d’interdiction complète des essais. Nos attentes doivent être tempérés par le poids de l’histoire, mais nos espoirs vont de pair avec ceux de l’humanité tout entière. La seconde : pour exprimer clairement notre bonne foi et nos convictions solennelles en la matière, je déclare aujourd’hui que les États-Unis n’ont pas l’intention de procéder à des essais nucléaires dans l’atmosphère sous réserve que d’autres Etats s’y engagent également avec la ferme même intention. Nous ne serons pas les premiers à les reprendre. Cette déclaration ne remplace pas un traité formel contraignant, mais j’espère qu’elle nous permettra d’en ratifier un. Un tel traité ne saurait non plus se substituer au désarmement, mais j’espère qu’il nous aidera à y parvenir. Enfin, chers compatriotes américains, examinons notre attitude envers la paix et la liberté dans notre pays. La qualité et l’idéal de notre propre société doivent justifier et soutenir nos efforts à l’étranger. Nous devons en faire la preuve dans la façon de mener notre vie. Beaucoup d’entre vous, qui recevez votre diplôme aujourd’hui, auront une occasion unique de le faire, en servant bénévolement au sein du Corps de la Paix à l’étranger ou dans le Corps de Service National proposé ici au pays. Mais où que nous soyons, nous devons tous, dans notre vie quotidienne, être à la hauteur de la foi séculaire selon laquelle la paix et la liberté vont de pair. Dans trop de villes aujourd’hui, la paix n’est pas assurée parce que la liberté est incomplète. Il incombe au pouvoir exécutif à tous les niveaux de gouvernement - local, étatique et national - d’assurer et de protéger cette liberté pour tous nos citoyens par tous les moyens relevant de son autorité. Il est de la responsabilité du domaine législatif à tous les niveaux de rendre adéquat tout système qui ne l’est pas. Et il incombe à tous les citoyens, dans toutes les régions de ce pays, de respecter les droits d’autrui et les lois en vigueur. Tout cela n’est pas sans rapport avec la paix dans le monde. « Lorsque les voies d’un homme plaisent au Seigneur », nous disent les Écritures, « il fait en sorte que même ses ennemis soient en paix avec lui ». Et la paix, en dernière analyse, n’est-elle pas essentiellement une question de droits de l’homme - le droit de vivre notre vie sans craindre la dévastation - le droit de respirer l’air tel que la nature l’a fourni - le droit des générations futures à une existence saine ? Alors que nous nous efforçons de protéger nos intérêts nationaux, efforçons nous aussi de protéger ceux de l’ humanité car l’élimination de la guerre et des armes est clairement dans l’intérêt des uns et des autres. Aucun traité, même s’il est à l’avantage de tous, même s’il est rédigé avec précision, ne peut offrir une sécurité absolue contre les risques de supercherie et de dérobade. Mais il peut - s’il est suffisamment efficace dans son application et s’il est suffisamment dans l’intérêt de ses signataires - offrir beaucoup plus de sécurité et beaucoup moins de risques qu’une course aux armements effrénée, incontrôlée et imprévisible. Les États-Unis, comme le monde entier le sait, ne déclencheront jamais une guerre. Nous ne voulons pas la guerre. Nous ne nous attendons pas à une guerre. Cette génération d’américains en a déjà assez - plus qu’assez - de la guerre, de la haine et de l’oppression. Nous y serons préparés si d’autres la désirent. Nous serons vigilants pour tenter de l’arrêter. Mais nous ferons aussi notre part pour construire un monde de paix où le faible se sentira en sécurité et où les forts seront justes. Nous ne sommes ni sans ressources face à cette tâche, ni sans espoir quant à son succès. Confiants et sans crainte, nous travaillons, non pas à une stratégie d’anéantissement, mais à une stratégie de paix.