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Cui Hongjian : Confucius et la Chine d’aujourd’hui

10 mai 2013

Présentation du Dr Cui Hongjian, directeur des études européennes à l’Institut chinois des études internationales, à la conférence internationale de l’Institut Schiller les 13 et 14 avril 2013 à Flörsheim, Allemagne.

Je me sens sous pression, en raison des applaudissements que vous avez offerts à mon voisin d’Asie (M. Kotegawa du Japon), mais je vais faire de mon mieux pour être à la hauteur.

Lorsqu’on m’a demandé de faire cette présentation sur « Confucius en Chine aujourd’hui », j’ai pensé que cela constituerait en quelque sorte une pause (sans café) entre toutes les questions soulevées au cours de cette conférence concernant la géopolitique, la crise financière, etc.

Maintenant que j’y suis, toutefois, je me rends compte que c’est une mission quasiment impossible, car même en tant que Chinois, il est très difficile d’exposer en quelques minutes, en termes clairs, ce qu’il en est de Confucius (VI-Ve siècle av. JC) en Chine aujourd’hui.

Il y a deux questions clés à traiter : d’abord, qui est Confucius et qu’est-ce que le confucianisme ? Ensuite, quel est le problème de la Chine d’aujourd’hui ?

Confucius est assez connu en Occident mais d’autres penseurs comme Lao-tseu (Ve siècle av. JC) le sont davantage, particulièrement en Allemagne. Selon certains philosophes allemands, Lao-tseu est plus philosophe, du moins de leur point de vue. Mais j’aimerais dire que comparé à lui, en Asie et en Chine, Confucius est le penseur qui a le plus développé la question du droit, la manière dont les êtres humains peuvent travailler et vivre. Je pense qu’il est très inspirant pour notre époque, par rapport aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Confucius est aujourd’hui très réputé dans le monde. Depuis 1998, plus de 35 récipiendaires du Prix Nobel de la paix ont appelé à ce que l’humanité s’inspire de la sagesse de Confucius pour assurer sa survie. Le penseur américain Ralph Wado Emerson (1803–82) a également dit qu’il devrait être regardé comme un trésor pour tout ce qui concerne les relations dans le monde. Je me réfère maintenant au philosophe allemand Karl Jaspers (1883-1969) qui a, dans son livre L’origine et l’objectif de l’histoire, développé le concept d’âge axial (800-200 av. J-C.), une période de l’histoire où plusieurs grands sages ont vécu presque simultanément, en Orient et en Occident. En Occident, il y a eu Aristote et Platon, en Chine Confucius et en Inde Bouddha. Il y a un dicton en Chine qui dit que si Confucius n’était pas né, l’humanité ramperait encore dans le noir.

Il est considéré aujourd’hui comme l’un des grands penseurs, éducateurs, hommes d’Etat et moralistes, tant en Chine que dans le reste du monde. Ses contributions ont servi de fondement au système politique, philosophique, éducatif et éthique de la Chine.

Confucius est né il y a plus de 2500 ans. Bien entendu, sa pensée a été reprise et transmise par bien d’autres Chinois depuis, des penseurs et citoyens ordinaires, et forme en quelque sorte un système théorique, aujourd’hui appelé confucianisme. Parmi les héritiers de sa pensée, figurent Mengzi, Xunzi, Zhuxi, etc.

Au cours des périodes ultérieures, ils ont développé la théorie confucéenne ainsi que les règles de comportement et autres choses de ce genre. Dans ce système de théories très complet, je veux souligner quelques points principaux.

Le cœur du confucianisme est ce qu’on peut appeler je crois l’« esprit du rationalisme ». Qu’est-ce le rationalisme ? Confucius croyait que l’existence de l’homme et son évolution doivent être guidées par des règles, non pas des règles de la nature [« la loi de la jungle », ndt], mais des règles établies par l’homme. Ensuite, pour être noble, tout le monde devrait, selon lui, être éduqué.

Et puis, il y a la méthodologie de la dialectique : il a conclu que, peut-être, le plus grand bien pour la vie, pour l’humanité, est l’équilibre. L’équilibre est bon. Ainsi, entre deux extrêmes, par exemple la gauche et la droite, le meilleur et le pire, nous devons garder le milieu.

Ensuite il y a son activisme pragmatique. Lorsque nous parlons des Chinois, de leur comportement, je pense que le pragmatisme est ce qui permet le mieux de le décrire. C’est le résultat d’une influence très profonde du confucianisme. Confucius n’a jamais écrit de livres ni d’articles. Ce que nous savons de lui et de sa pensée vient des notes écrites par ses élèves. Toute sa vie, il a voyagé dans plusieurs pays, car la Chine n’était pas unifiée, il y avait plein de petits pays comme en Europe aujourd’hui. Il a donc voyagé pour promouvoir ses théories et convaincre les rois, afin qu’ils fassent quelque chose de meilleur pour leur peuple, mais on peut dire qu’il a failli, car presque personne n’a accepté ou compris ce qu’il voulait.

Enfin, je pense que la caractéristique la plus importante du confucianisme est l’humanisme.

Selon Confucius, une règle, loi ou théorie doit être regardée comme juste uniquement si elle est utile au peuple. Sinon elle ne sert à rien. Je crois que ceci illustre bien son humanisme. Confucius demandait aux politiques et aux rois de son époque de pratiquer le rénzhèng, la bénévolence des gouvernants. Il est difficile de traduire ce terme en d’autres langues. Ce concept n’est pas si évident. Alors que ses élèves lui demandaient ce que cela signifiait, il répondit finalement : « C’est l’amour de l’autre. » On peut donc trouver une similitude entre confucianisme et christianisme.

Confucius aujourd’hui

Où en est le confucianisme en Chine aujourd’hui, 2500 ans plus tard ? Dans ce que nous pourrions appeler la Chine moderne, nous avons assisté à plusieurs chocs entre le confucianisme et une autre théorie.

Il y a eu, au début du XVIIIe siècle, un premier choc, entre le confucianisme et le capitalisme, venu d’Europe. Nous avons été vaincus et sommes devenus une colonie des puissances européennes. Les intellectuels traditionnels chinois éprouvèrent un sentiment de profonde déception à l’égard du confucianisme, car même s’il était juste, pensaient-ils, il n’avait pu éviter au peuple chinois d’être conquis.

Le deuxième choc eut lieu au cours des années 60 et 70, avec le maoïsme et en particulier la révolution culturelle, qui a eu pour effet de détruire le confucianisme, une grande tragédie pour la Chine.

Le troisième choc est celui de la modernisation, avec l’introduction de l’économie de marché. Le mode de vie traditionnel des Chinois a été bousculé, ainsi que leur manière de penser, et ce processus est encore en cours.

Pour vous le dire franchement, avec la croissance très rapide de ces trente dernières années, le pays se trouve confronté à d’immenses défis. Il y a un prix à payer pour cette croissance rapide. La structure sociale traditionnelle a été cassée et les gens se sentent mal à l’aise. Le résultat est que le système moral traditionnel en Chine doit être reconstruit.

Le pire aujourd’hui en Chine est que les gens ne croient en rien, hormis le besoin de faire de l’argent le plus rapidement possible. Je me sens honteux, en tant que Chinois, d’entendre que mon pays est devenu l’an dernier le plus grand acheteur de produits de luxe. Cela montre que les Chinois deviennent de plus en plus riches, mais il ne s’agit en réalité que d’une faible minorité. Du point de vue du revenu par habitant, la Chine reste un pays pauvre. Il est inacceptable dans un pays pauvre de voir que certains puissent consommer autant.

Ce problème vient du fait que le gouvernement a manqué l’occasion d’équilibrer la croissance économique avec la justice sociale, ainsi que celle de renforcer l’industrie et l’infrastructure. Ceci a conduit au développement d’une bulle financière, notamment dans l’immobilier. Le pays commence à payer le prix de ces erreurs. Par exemple, la Chine doit maintenant ajuster son modèle économique et réduire sa vitesse de croissance.

Avec l’impact de la crise en Amérique et en Europe, le gouvernement chinois a l’occasion de réévaluer les gains et les pertes des trente dernières années, et devra faire appel à de nouvelles idées, trouver un nouveau modèle de développement. L’accent devrait être mis sur les industries, en investissant plus dans l’économie réelle et non pas dans le domaine financier, comme la bulle immobilière. Et peut-être s’inspirer davantage de la pensée de [l’économiste américain] Lyndon LaRouche, en développant l’économie nationale et non en se soumettant aux marchés internationaux.

Les réserves en devises étrangères du pays atteignent désormais les 3500 milliards de dollars, l’équivalent du PNB allemand. Ce n’est pas, pour moi, une très bonne nouvelle. La pression devient maintenant très forte sur le gouvernement chinois pour qu’il maintienne un certain équilibre, car il y a de plus en plus de critiques de la part des Chinois, qui se demandent pourquoi il faut donner autant d’argent à Wall Street ou à d’autres marchés spéculatifs, plutôt qu’aux Chinois, puisque c’est l’argent de l’Etat.

Le plus important est de revenir à la pensée de Confucius, car même 2500 ans plus tard, ses théories sont très instructives pour la Chine et les autres pays. Selon le confucianisme, il faut respecter l’ordre, il faut que toutes les parties de la société soient en phase avec le même objectif. Il faut donc un nouveau consensus, entre l’Etat, le peuple et les entrepreneurs, et définir un objectif commun. Il faut également, non seulement pour la Chine mais pour toute l’humanité, arriver à un nouveau consensus. Une entente mutuelle entre la Chine et l’Europe, la Chine et la Russie, la Chine et d’autres parties du monde.

C’est ici que Confucius doit rencontrer Goethe, Schiller, car le confucianisme doit demeurer un guide pour la Chine, tout en développant une meilleure entente, sur le plan culturel, avec le reste du monde. Il faut plus d’échanges interculturels, reconnaître la diversité et les différences, afin d’arriver à une entente mutuelle. C’est peut-être une dernière chance pour l’humanité.

Les relations des LaRouche avec la Chine

Avant de terminer, j’aimerais rappeler que les relations de M. LaRouche et son épouse avec la Chine remontent à plus de vingt ans, lorsqu’un grand quotidien chinois avait publié un article où M. LaRouche prédisait les problèmes liés à un développement limité aux régions côtières, et suggérait que le pays fasse en sorte de développer également l’intérieur.

La Chine doit revenir au principe d’économie nationale classique, à l’origine du succès de toutes les grandes puissances économiques antérieures. Un ami, M. Ding, qui avait interviewé M. LaRouche il y a dix ans, m’a dit qu’il l’admirait beaucoup, qu’il était presque une légende parmi les penseurs américains et autres penseurs occidentaux, pour son courage et ses tentatives de réformer la pensée occidentale.

Les Chinois ont toujours respecté ceux qui consacrent leur vie à un objectif, comme le fit Confucius. LaRouche peut être ainsi appelé un maître confucéen.

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