« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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25 février 2017
Curieusement, bien qu’Angela Merkel et Mario Draghi se soient entretenus pendant deux heures et demie le 9 février, aucune information sur le contenu n’a filtré. Mais on peut supposer qu’ils ont discuté de l’attitude à adopter face aux bouleversements attendus de Washington. Le secrétaire américain du Commerce Peter Navarro a accusé la Banque centrale européenne, dirigée par Draghi, de manipuler les taux de change. Ensuite, on a appris la démission de Daniel Tarullo, chef de la supervision de la Réserve Fédérale, connu pour ses positions en faveur de Wall Street, alors qu’on parle de le remplacer par Thomas Hoenig, le vice-président de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et fervent partisan de Glass-Steagall.
Mais ce sont surtout les déclarations de Ted Malloch, pressenti pour être le prochain ambassadeur américain auprès de l’UE, qui ont semé la panique à Bruxelles et à Francfort. Alors que la crise grecque revient sur le devant de la scène et que le FMI critique la politique d’austérité de l’UE, Malloch estime que la Grèce aurait dû quitter l’euro il y a quatre ans. Dans un entretien avec la chaîne grecque Skai TV le 8 février, Malloch a déclaré :
La zone euro survivra-t-elle ou non ? Je pense que c’est une question tout à fait d’actualité. Nous avons eu la sortie de la Grande-Bretagne, des élections sont prévues dans d’autres pays européens. Je pense donc que c’est quelque chose qui sera déterminé au cours de l’année à venir, ou d’ici un an et demi.
Que Malloch soit nommé ou non à ce poste, ses opinions reflètent celles de nombreux collaborateurs de Trump, et de ce dernier lui-même. Que se passera-t-il lorsque le scénario que nous avons évoqué ici se concrétisera, avec la fin de la politique d’assouplissement quantitatif (QE) et la hausse des taux sur la dette italienne ? Alors que l’Italie se trouvait isolée et acculée en 2011, Rome pourrait avoir cette fois-ci le soutien de Washington.
Tel est le cauchemar qui fait peur aux eurocrates. Ainsi, Draghi a dû supplier Merkel de diminuer la pression allemande en faveur de la fin du QE, alors que lui-même venait d’annoncer la possible augmentation des achats mensuels d’actifs par la BCE de 60 à 80 milliards d’euros. (En janvier, elle en a même acheté pour 85 mds, portant le total de ses actifs à 1600 mds.) Merkel a probablement assuré Draghi de son soutien, à condition que la BCE impose à Rome la « rigueur » de l’UE.
La panique est particulièrement palpable à la City de Londres, réelle bénéficiaire du système euro. Le Financial Times s’inquiétait le 9 février de la position italienne vis-à-vis de Donald Trump, qui est différente de « celle plus ferme adoptée par la France et l’Allemagne ». Le quotidien de la City avance deux raisons principales poussant Rome à prendre ses distances par rapport à l’axe Paris-Berlin : les discussions américano-russes promettent de stabiliser la région méditerranéenne et la position de Trump sur l’Europe pourra conforter l’Italie en cas de conflit avec Bruxelles sur la question du budget.
Si l’Italie irrite certains dirigeants européens, poursuit le quotidien britannique, elle pourrait se voir marginalisée ou même « punie ». Mais ce sera plus probablement les dinosaures transatlantiques qui se feront punir pour leur refus d’évoluer.