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Visioconférence internationale du 9 avril

L’ère des cartels est terminée - Plus d’agriculteurs souverains, de la nourriture pour tous

3ème session

10 mai 2022

M. Mike Callicrate (Etats-Unis), éleveur, Kansas, Etats-Unis, fondateur de Ranch Foods Direct

Bonjour, je suis Mike Callicrate, éleveur de Colorado Springs, Colorado. Je tiens à remercier l’Institut Schiller et Helga pour l’opportunité qui m’est donnée aujourd’hui de participer à ce panel.

Je pense que nous devons examiner les possibilités qui s’offrent à nous pour aborder ce système alimentaire mondialisé hautement concentré qui laisse un grand nombre de personnes affamées dans le monde, y compris les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs alimentaires.

Chez Ranch Foods Direct, où je passe le plus clair de mon temps, avec Callicrate Cattle Company à St. Francis, au Kansas, nous travaillons à la mise en place d’un système alimentaire plus résilient et durable depuis environ 22 ans.

Mais je pense qu’il est important de parler des raisons pour lesquelles nous nous sommes penchés sur la construction d’un système alimentaire alternatif. Nous avons toujours pensé que la concentration du pouvoir et de la richesse est l’une des plus grandes menaces pour la civilisation humaine à travers l’histoire.

Et le président James Madison a dit : « La concentration des richesses détruira notre nation à moins que les lois ne changent. Le jour viendra où dans notre république il sera impossible d’y vivre parce que la richesse sera concentrée dans les mains de quelques uns. Lorsque ce jour viendra, nous devrons nous en remettre à la sagesse des meilleurs éléments du pays pour réajuster les lois de la nation. »

Je pense que c’est là où nous en sommes aujourd’hui.

Le ministère de l’Agriculture des États-Unis a inscrit dans le marbre au-dessus du portique principal de son bâtiment - l’USDA a été créé dans les années 1860 sous la présidence de Lincoln - mais on peut lire sur la pierre la citation suivante :
« Le cultivateur qui travaille doit être le premier à participer aux fruits. — Saint Paul ».

Eh bien, c’est tout le contraire qui se produit aujourd’hui. Le vigneron, l’agriculteur, l’intendant de la terre, est le dernier à recevoir un quelconque retour des fruits de son travail. En fait, il est mis en faillite par ce système alimentaire contrôlé par un cartel. « Nous sommes dans le business de la dérégulation », a dit le président Reagan. Le gouvernement c’est le problème, aujourd’hui.

Ce que le président Reagan a fait à l’application de la loi anti-trust dans les années 1980 était l’équivalent des arbitres déclarant qu’il n’y avait pas de règles en quittant le terrain dans un match de football.

La tricherie n’était pas seulement autorisée, elle était requise et l’est toujours.

En 1996, US News and World Report a publié un article intitulé « Illegal in Iowa » Illégal dans l’Iowa.

Quatre-vingt-dix ans après La Jungle, le livre d’Upton Sinclair publié en 1906, nous voici à nouveau confrontés aux mêmes problèmes.

Même si des lois ont été votées pour empêcher ce genre de choses de se reproduire, elles n’ont pas été appliquées.

Quatre-vingt-dix ans après la publication par Upton Sinclair de cet exposé novateur sur l’industrie nationale de l’emballage de la viande, les immigrants illégaux affluent aux États-Unis pour occuper les emplois dangereux et mal payés que la plupart des Américains refusent. La différence entre aujourd’hui et alors ? Aujourd’hui, il existe un système qui maintient l’arrivée des clandestins et le fonctionnement de l’industrie, et les usines ont fini par s’y fier.

Bob Peterson, en 1996, a déclaré : « On ne peut pas l’arrêter la concentration. C’est une évolution qui va se produire en dépit de tous ceux qui se trouvent sur le chemin ».

Ceci venant du plus grand emballeur de viande du monde, Iowa Beef Processors, qui sera bientôt la propriété de Tyson Foods. En décembre 1998, mon seul acheteur, National Beef à St. Francis, Kansas, m’a annoncé qu’il n’achèterait plus mon bétail.

J’avais 14 000 bovins, dont 12 000 dans un parc d’engraissement parce que je ne pouvais pas les vendre. J’ai donc appelé le secrétaire à l’agriculture Dan Glickman à l’époque, qui était chargé de faire appliquer la loi sur les parcs à bestiaux, et qui m’aurait empêché d’être mis à l’index par les conditionneurs.

Je lui ai demandé pourquoi il n’appliquait pas la loi, et il m’a répondu : « Eh bien, tu sais Mike, en ces temps modernes de mondialisation, nous avons besoin de grandes entreprises capables de faire des affaires à l’échelle mondiale. »

Un juge dans l’affaire judiciaire dans laquelle j’étais demandeur, qui a été déposée en 1996, et qui a conduit à mon éviction par les grands conditionneurs, ce juge a saboté le but du Packers and Stockyard Act de 1921 qui était de protéger les producteurs contre le pouvoir abusif des conditionneurs de viande.

Ce juge Strom a créé un très mauvais précédent lorsqu’il a annulé la décision et la sentence du jury de 2004, estimant que Tyson-IBP avait violé le Packers and Stockyards Act (la loi sur le conditionnement et le stock de la viande). La Cour suprême a par la suite refusé d’entendre l’affaire, de sorte que le juge Strom a privé les éleveurs plaignants de 1,28 milliard de dollars de dommages-intérêts accordés par le jury et a refusé tout espoir d’obtenir une injonction empêchant les conditionneurs de viande d’agir de manière anticoncurrentielle.

« JBS offre un poste de haut niveau à un politicien américain de premier plan. Sao Paulo, Brésil — L’ancien représentant américain John Boehner, 53e président de la Chambre des représentants des États-Unis, a été nommé au conseil d’administration de JBS Foods International, une filiale de JBS, SA, basée à Sao Paulo, au Brésil. »

Nous avons donc ici un autre exemple des portes tournantes, en fait, du gouvernement vers les entreprises et vice-versa.

Après avoir payé 3 milliards de dollars pour régler les accusations de pots-de-vin et de corruption, les Batistas sont toujours aux commandes de JBS — août 2017. Toujours en 2017, JBS engage l’ancien chef de la sécurité alimentaire de l’USDA, Al Almanza.

Al Almanza travaillait à l’USDA depuis près de 40 ans, et avait contribué à mettre hors d’état de nuire de petites usines avec des réglementations et des règles onéreuses, Il a autorisé l’entrée de la viande avariée en provenance du Brésil pendant une période de 80 jours, alors que tous les autres pays avaient bloqué le passage de cette viande à leurs frontières. Al Almanza va ensuite travailler pour JBS, évidemment.

Le monopole qui s’interpose entre les agriculteurs et les éleveurs et les consommateurs, et qui contrôle les coûts des intrants et les prix des productions, est la principale menace pour les agriculteurs et les éleveurs, ainsi que pour les consommateurs qui veulent avoir accès à une alimentation de qualité. Le monopole extrait la richesse de cette entreprise appelée agriculture, laissant derrière lui la pauvreté, des gens affamés, de la mauvaise nourriture, des aliments hautement transformés, et aggravant la crise mondiale de la faim et du manque de nourriture. Quatre grands conditionneurs de viande écrasent les petits éleveurs.

La cyberattaque de JBS n’a été qu’un contretemps dans les opérations de conditionnement de la viande, mais pour les législateurs, cette alerte à la sécurité est le signe qu’il est peut-être temps de démanteler l’industrie.

Encore une fois, à l’instar du problème COVID et de la rupture de la chaîne d’approvisionnement, nous cherchons à construire des systèmes alimentaires meilleurs, plus résilients et plus sûrs qui sortent les gens de la pauvreté, non seulement dans l’agriculture, mais aussi chez ceux qui mangent, tout simplement. Les monopoles sont très mauvais. Plusieurs auteurs en ont parlé, et Barry Lynn (Open Markets Institute) a dit : « Combattre ce qui est mauvais, tout en construisant quelque chose de mieux. »

Alors, construisons quelque chose de mieux. À quoi cela ressemblera-t-il ?

Abraham Lincoln et son conseiller Henry Carey ont dit : « Nous devons adopter les mesures nécessaires pour réunir les producteurs et les consommateurs de nourriture et de laine, et ainsi augmenter leur pouvoir de faire du commerce entre eux. »

A quoi cela va-t-il ressembler ? Les grandes entreprises alimentaires s’interposent entre les consommateurs d’une part et les agriculteurs et les éleveurs d’autre part. Construisons un système qui contourne les cartels des grands monopoles alimentaires. C’est ce que nous avons fait avec Ranch Food Direct. Nous soutenons les fermes et les ranchs familiaux. Nous croyons que la ferme idéale est détenue et exploitée par la famille, diversifiée et axée sur le bétail. Le pâturage et l’alimentation de la production de la ferme sont responsables, et le fumier animal retourne à la terre. Un moyen plus direct pour les producteurs d’entrer en contact avec les consommateurs désireux de savoir d’où vient leur nourriture pourrait être une unité d’abattage mobile placée dans une exploitation d’élevage :les animaux sont traités là où ils se trouvent, ce qui élimine le stress du transport et améliore la qualité de la viande en réduisant également le stress et les coûts.

En 1921, l’unité d’abattage mobile a déménagé dans le Montana pour faire partie d’un programme d’enseignement au Northern Montana College. Elle est aujourd’hui remplacée par un plancher d’abattage construit à cet effet à St Francis, au Kansas. Les carcasses parcourent 200 miles jusqu’à Colorado Springs, avec des œufs et d’autres produits alimentaires de la région, et sont livrées au centre alimentaire de Colorado Springs, qui abrite Ranch Foods Direct.

Quelle devrait être l’étape finale, à mon avis, pour redonner un peu de bien-être à l’agriculture, ainsi qu’une meilleure alimentation aux consommateurs, en gardant l’argent dans les communautés au lieu de l’extraire vers les sociétés mondiales et les élites riches du monde entier ?

Je pense que nous devons construire des marchés , qu’ils soient publics, privés ou en copropriété avec les vendeurs qui s’y trouvent. Ma description du marché est la suivante : le marché nourrit la ville.

Les entreprises gérées par leurs propriétaires transforment et emballent les aliments de la région, des viandes aux céréales en passant par les produits de saison. Une brasserie utilisant des céréales et du houblon locaux, ainsi que de nombreux autres fabricants d’aliments préparés, vendent directement aux consommateurs et aux restaurants. Les marchés saisonniers s’étendent à partir du marché principal, accueillant les producteurs et les cultivateurs des zones urbaines et rurales, Voilà comment, aujourd’hui, le marché devrait fonctionner.

Merci.

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