« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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16 mai 2019
Beaucoup se sont demandés pourquoi le président Donald Trump avait choisi son secrétaire d’Etat Mike Pompeo pour aller rencontrer, le 14 mai, le président russe Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères Serguei Lavrov, compte tenu des diatribes contre la Russie auxquelles se livre régulièrement le secrétaire d’Etat. Pour Trump, apparemment, Pompeo devrait représenter le Président – et non pas lui-même – dans ces entretiens décisifs. Lors d’un point presse officieux au département d’Etat consacré à la visite du secrétaire d’Etat à Sotchi, le porte-parole, resté anonyme, a déclaré explicitement qu’« un aspect de notre politique envers la Russie, c’est qu’il est dans notre intérêt d’avoir une meilleure relation avec elle ». Il a même cité Trump : « Un dialogue productif est positif non seulement pour les Etats-Unis et la Russie, mais aussi pour le monde. (...) Si nous voulons résoudre de nombreux problèmes dans le monde, nous allons devoir trouver les moyens de coopérer dans la poursuite d’intérêts partagés. »
En effet, le rôle du gouvernement russe est crucial pour résoudre différents points de crise dans le monde — Venezuela, Iran, Corée du Nord, Syrie, Afghanistan – dont chacun risque d’exploser. Cette réalité a été discutée par les présidents Poutine et Trump lors de leur entretien téléphonique surprise du 3 mai, qui a duré pas moins de 90 minutes. Puis la semaine dernière, le représentant de Trump pour la Corée du Nord, Stephen Biegun, a été envoyé à Moscou pour des entretiens, de même que le représentant spécial pour la réconciliation de l’Afghanistan, Zalmay Khalilzad.
Or, de nombreux néoconservateurs au sein du gouvernement Trump et autour, notamment Mike Pompeo, le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton et le vice-président Mike Pence, attisent les flammes, du moins verbalement, de toutes ces crises, avec pour cible ultime la Russie et la Chine.
La rhétorique entre Washington et Téhéran, par exemple, s’est considérablement intensifiée ces dernières semaines, y compris sous forme de menaces de nouvelles sanctions et d’opérations militaires. Mais selon le New York Times et d’autres sources, les chefs du Pentagone s’opposent à tout nouveau déploiement militaire dans la région. Les dirigeants iraniens sont conscients de l’influence du parti de la guerre et des néoconservateurs à Washington. Dans un entretien le 5 mai avec CBS News, le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif a déclaré : « Nous ne pensons pas que le président Trump recherche l’affrontement. Mais nous savons qu’il y a des gens qui y poussent. » Donald Trump, pour sa part, a invité les dirigeants iraniens le 10 mai à lui « passer un coup de fil » pour négocier « un accord juste », à condition qu’ils acceptent de ne pas développer d’armes nucléaires.
Lors du même briefing du 10 mai, on a demandé à Trump ce qu’il pense des conseils que lui profère John Bolton, notamment après le fiasco du coup d’Etat raté au Venezuela, qu’il avait tenté d’orchestrer avec Pompeo et Pence. Trump répondit que c’est lui qui détermine sa politique et pas ses conseillers. « John a des positions très dures sur certaines choses, mais c’est normal, a-t-il dit. En fait, c’est moi qui doit le modérer, ce qui est assez étonnant, n’est-ce pas ? » En plus de Bolton, a-t-il ajouté, « j’ai d’autres conseillers qui sont un peu plus ‘colombe’ qui lui. Et en fin de compte, c’est moi qui prends la décision. » Le danger, c’est que le Président américain sous-estime les conséquences des mesures prises par les néoconservateurs.