« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Westphalie, pas Versailles ! Le monde a besoin d’un « Plan Oasis » au Moyen-Orient

24 octobre 2023

Appel urgent de l’Institut Schiller

« Le choix n’est plus entre la violence et la non-violence.
Il est entre la non-violence et la non-existence. »
Martin Luther King, Riverside Church, 4 avril 1967.

17 octobre 2023 - La rapporteuse spéciale des Nations unies, Francesca Albanese, a lancé un avertissement le 14 octobre : « Au nom de l’autodéfense, Israël cherche à justifier ce qui équivaudrait à un nettoyage ethnique. (...) Israël a déjà procédé à un nettoyage ethnique massif des Palestiniens dans le brouillard de la guerre. »

L’Asie du Sud-Ouest est aujourd’hui le théâtre de la dernière phase de la Troisième Guerre mondiale menée contre la Russie et la Chine. Cette guerre est parfois appelée « Ukraine/Russie », autrefois elle s’appelait « Afghanistan », aujourd’hui elle s’appelle « Moyen-Orient ». Rares sont ceux qui osent l’appeler par son vrai nom. Selon l’expression de Robert Oppenheimer : « Maintenant, je suis devenu la Mort, le destructeur de mondes. » [1]

La vie de millions de personnes (2 millions à Gaza et des millions d’autres, de différentes confessions et de nations voisines) est en jeu. L’humanité doit agir ; il est déjà presque trop tard. La semaine dernière, la Chine, qui accueille actuellement 140 pays dans le cadre du Forum de la ceinture et de la route, a exprimé un point de vue avec lequel tous les individus sains d’esprit devraient être d’accord : « Les Nations unies ont la responsabilité et l’obligation de jouer le rôle qui leur revient sur la question palestinienne », et la Chine « soutient le Conseil de sécurité dans la tenue d’une réunion d’urgence sur le conflit israélo-palestinien, elle convient que la réunion devrait se concentrer sur les préoccupations humanitaires, exiger un cessez-le-feu, la fin de la violence et la protection des civils, former un consensus international contraignant et prendre des mesures concrètes pour l’avenir. »

Cette approche prévaudra-t-elle ? Ou ne verra-t-on pas plutôt l’alliance entre finance et parti de la guerre anglo-américain et de l’OTAN, par leur folie complotiste et arrogante, se détruire eux-mêmes, ainsi que presque toute vie sur la planète, dans une guerre thermonucléaire « involontairement » déclenchée par le fanatisme religieux et l’éruption d’une orgie de violence revancharde en Asie du Sud-Ouest, jadis connue sous son nom colonial britannique de « Moyen-Orient » ? La crédibilité et même la survie des Nations unies sont désormais en jeu.

Le cycle de la violence perpétuelle, qui consume génération après génération, pollue et profane une fois de plus les lieux de culte et les monuments sacrés du lieu de rencontre commun du judaïsme, du christianisme et de l’islam. Des publications de référence ont fait largement état d’un accord entre le Premier ministre Benjamin Netanyahou et des éléments du Hamas pour saper la paix. Le quotidien israélien Haaretz rapportait le 9 octobre qu’« entre 2012 et 2018, Netanyahou a donné au Qatar le feu vert pour transférer une somme cumulée d’environ un milliard de dollars à Gaza, dont la moitié au moins est parvenue au Hamas, notamment à son aile militaire ». Le journal reprend la déclaration, citée par le Jerusalem Post, de Netanyahou le 11 mars 2019 à la Knesset, devant les membres de son parti, le Likoud, où il affirmait que « quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et le transfert d’argent au Hamas (…) Cela fait partie de notre stratégie ».

On n’a pas encore enquêté sur ce qu’il s’est réellement passé le 7 octobre. Le moment de l’attaque n’aurait pu tomber plus mal (ou mieux…). En effet, des discussions sont en cours entre plusieurs pays de la région, notamment entre l’Arabie saoudite et Israël, ainsi qu’avec la Chine et d’autres pays extérieurs à la région, visant à remplacer un conflit profond et durable par une nouvelle ère de coopération économique internationale, grâce à des projets tels que l’initiative « la Ceinture et la Route » (ICR). Quelle que soit la motivation des auteurs de l’attentat perpétré par le Hamas, il a eu pour effet d’entraver la progression de ce processus très sensible. Ces initiatives sont aujourd’hui menacées. Comme pour les événements du 7 octobre, beaucoup de choses restent troubles.

Ce qui est bien réel, ce sont les atrocités qui ont été commises ce jour-là et depuis, et celles à venir. Le monde va-t-il rester les bras croisés, comme en 1991, lors de la première guerre d’Irak et au lendemain, assistant ainsi au massacre impitoyable d’enfants, comme il l’a fait alors, durant ces cinq années où 500 000 enfants irakiens ont été assassinés par la guerre et les sanctions ? Le 12 mai 1996, répondant à la correspondante Lesley Stahl qui lui faisait remarquer que « cela fait plus d’enfants que ceux qui sont morts à Hiroshima », la secrétaire d’État américaine Madeleine Albright a déclaré : « Je pense qu’il s’agit d’un choix très difficile. Mais nous pensons que le prix à payer en vaut la peine. »

Qui est ce « nous » dont parlait Albright à l’époque ? S’agissait-il des citoyens des États-Unis ou de l’Europe ? En faites-vous partie aujourd’hui ? Croyez-vous vraiment, ou l’acceptez-vous, que la population civile de Gaza ou d’ailleurs doive être déplacée et envoyée dans un autre pays, à la suite d’une attaque de type « 11 septembre » contre Israël par des forces dont on nous dit qu’elles ont été soutenues, financièrement et autrement, par Netanyahou et consorts ?

Par un macabre « coup du sort », près de 2 millions de personnes vont être déplacées par les armées de la nation dont les ancêtres ont eux-mêmes été déplacés, et leurs communautés entières éradiquées, à maintes reprises, pratiquement partout dans le monde. Les colonialistes britanniques des XIXe et XXe siècles, qui ont tracé les lignes de ce conflit sur des cartes en 1916 et 1917, ne pourraient s’en réjouir davantage. Cependant, le colonialisme est révolu - ou devrait l’être. Les migrations forcées de populations, par des moyens militaires, doivent être vigoureusement combattues partout dans le monde, quelle qu’en soit la justification apparente. Une atrocité ne doit pas répondre à une autre. Si la « violence punitive » barbare à laquelle le Hamas s’est livré le 7 octobre doit être dénoncée par tous, tuer des milliers de malades, de vieillards et de jeunes en tant que « dommages collatéraux au service d’un juste châtiment » est un antidote pire que le mal. C’est la garantie que la maladie non seulement ne sera pas guérie, mais qu’elle se propagera.

Lorsque Yitzhak Rabin, qui, en tant que ministre de la Défense israélien, combattait les Palestiniens lors de l’Intifada de 1987-1993, se rendit compte, comme l’a rapporté l’un de ses officiers supérieurs, qu’« au fond de mon cœur, je sais que ce que nous faisons incitera d’autres personnes à réagir violemment contre nous pour se venger », il changea d’approche. Dans son discours de juillet 1992, alors qu’il venait d’être nommé Premier ministre un mois plus tôt, il déclara : « La sécurité n’est pas un char d’assaut, un avion ou un missile. La sécurité, c’est aussi l’éducation de l’homme, son logement, ses écoles, sa rue et son quartier, la société dans laquelle il a grandi. Et la sécurité, c’est aussi l’espoir de cet homme. »

Ayant entamé le processus secret des accords de paix d’Oslo avec l’Organisation de libération de la Palestine, le Premier ministre Rabin et le ministre des Affaires étrangères Shimon Peres ont signé une déclaration à la Maison Blanche le 13 septembre 1993. Rabin y déclarait : « Nous qui venons d’un pays où les parents enterrent leurs enfants, nous qui nous sommes battus contre vous, les Palestiniens, nous vous disons aujourd’hui d’une voix forte et claire : Assez de sang et de larmes, assez ! » Les paroles les plus durables de Rabin seront prononcées plus tard, dans son célèbre toast à l’humanité tout entière : Portons un toast à « ceux qui ont le courage de changer leurs axiomes ».

Rabin a été assassiné par des extrémistes religieux israéliens - ou ne s’agissait-il pas plutôt du « Bureau international des assassinats », ces réseaux qui ont tué Mahatma Gandhi, John F. Kennedy, Martin Luther King et tant d’autres ? La mémoire d’Yitzhak Rabin devrait inspirer l’enquête sur les événements du 7 octobre.

Mais il y a une autre chose à faire, au nom du martyr Rabin et du processus de paix pour lequel il a donné sa vie. Il faut mettre en œuvre un plan d’ensemble, un « Plan Oasis » qui, au lieu de répandre les armes, apporte l’eau et la stabilité économique, et même la prospérité, aux peuples de l’Asie du Sud-Ouest, y compris aux Palestiniens. À moins de mettre non pas des « bottes sur le terrain », mais d’y ouvrir des chantiers, vous n’éradiquerez jamais les racines de la haine et de la division dans cette région. Construire des infrastructures avancées dans les domaines de l’énergie, de l’eau et des transports pour l’ensemble de l’Asie du Sud-Ouest constituera l’élément central autour duquel l’espoir pourra se cristalliser.

Nous devons nous inspirer du nouveau mouvement Colonialism Is Over (Le colonialisme, c’est fini), qui regroupe les nations des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ces nations d’Asie du Sud-Ouest et d’Afrique, Égypte, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Éthiopie et Iran, sont toutes sur le point de rejoindre la plateforme des BRICS. Cela permettra de faire entendre la voix du Sud planétaire, et non plus seulement celle de l’OTAN mondialisée, dominée par les anciens impérialismes européens et les politiques étrangères et financières autodestructrices des États-Unis.

Nous devons immédiatement faire ce que la Chine et d’autres pays nous suggèrent : arrêter l’exil forcé des habitants de Gaza, et même avant cela, mettre fin aux massacres quotidiens par un cessez-le-feu, avec tous les moyens disponibles. Les Nations unies doivent appliquer la résolution 242, adoptée le 22 novembre 1967 et confirmée par Israël le 1er mai 1968, qui consiste en deux propositions :

i) Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ; ii) fin de toute revendication ou de tout état de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les États de la région et de leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces ou d’actes de violence.

Soyons clairs : on ne résoudra pas cette « crise du Moyen-Orient » causée par l’impérialisme britannique sans recourir au type de délibérations à long terme, méticuleuses, voire fastidieuses, qui ont eu lieu en 1644-48 en Westphalie, en Allemagne, pour mettre fin à la meurtrière guerre de Trente Ans en Europe.

S’exprimant à la Central Connecticut State University en 2009, l’économiste et homme d’État Lyndon LaRouche déclarait :

« Il existe une solution, une solution de principe. C’est la suivante : mettez fin à ce fichu système impérialiste ! Et comprenez que nous, en tant que peuple, devons développer notre culture spirituelle, c’est-à-dire les pouvoirs créatifs de l’humanité, afin d’en poursuivre le développement, depuis le personnage brutal auprès d’un feu de camp, il y a environ un million d’années, jusqu’à l’humanité telle que nous souhaitons qu’elle se développe aujourd’hui. C’est toute la question. »

La solution de LaRouche nécessite un changement d’axiomes, comme le réaffirme le dernier des « Dix principes d’une nouvelle architecture internationale de sécurité et de développement » élaborés par la fondatrice de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, en novembre 2022, suite au déclenchement de la guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine. « L’hypothèse de base du nouveau paradigme est que l’homme est fondamentalement bon et capable de perfectionner à l’infini la créativité de son esprit et la beauté de son âme, et qu’il est la force géologique la plus avancée de l’univers, ce qui prouve que la légitimité de son esprit et celle de l’univers physique sont en correspondance et en cohésion, et que tout mal est le résultat d’un manque de développement et peut donc être surmonté. » C’est ce principe qui doit remplacer les axiomes suicidaires des combattants condamnés du « conflit israélo-palestinien ».

Mais Lyndon LaRouche a également mis en garde : « En attendant, nous allons nous battre. Nous ferons tout ce qui est possible pour tenter d’obtenir la paix dans cette région, parce que nous voulons arrêter les tueries. Mais nous n’allons pas proclamer que nous avons une solution qui sera acceptée et qui fonctionnera. Nous dirons que nous avons une cause désespérée et que nous allons continuer à nous battre pour elle. »

Cette cause désespérée est celle de la paix. Un autre guerrier de la paix, le président américain John F. Kennedy, l’a exprimé ainsi, à l’American University, le 10 juin 1963 :

Premièrement, examinons notre attitude envers la paix elle-même. Trop d’entre nous pensent qu’elle est impossible. Trop nombreux sont ceux qui pensent qu’elle est irréelle. Mais c’est une croyance dangereuse et défaitiste. Elle conduit à la conclusion que la guerre est inévitable, que l’humanité est condamnée, que nous sommes sous l’emprise de forces que nous ne pouvons pas contrôler.
 
Nous ne devons pas accepter ce point de vue. Nos problèmes sont le fait de l’homme, ils peuvent donc être résolus par l’homme. Et l’homme peut être aussi grand qu’il le souhaite. Aucun problème de la destinée humaine n’échappe aux êtres humains. La raison et l’esprit de l’homme ont souvent résolu des problèmes apparemment insolubles et nous pensons qu’ils peuvent le faire à nouveau.

L’alternative à la poursuite « insensée » de la paix entreprise par John F. Kennedy, Yitzhak Rabin, Martin Luther King, Mahatma Gandhi et d’autres, est la troisième guerre mondiale, une guerre qui a déjà commencé. Nous sommes déjà « devenus la Mort, le destructeur des mondes », comme le disait Oppenheimer. La question est la suivante : aurons-nous, comme Yitzhak Rabin, le courage de changer nos axiomes à temps pour inverser ce que nous avons déjà commencé ?


Notes

[1Citation de Robert Oppenheimer, tirée de la Bhagavad Gita, juste après l’explosion réussie de la bombe atomique lors du tout premier essai de celle-ci en 1945.

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