« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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La révolution mozartienne

12 mars 2012

par Lyndon LaRouche
juillet 1992

Contrairement à un usage aussi répandu qu’inculte, l’adjectif « classique », quand il est employé au sens épistémologique le plus strict, désigne tout genre de composition artistique cohérent avec les principes esthétiques de Platon [1]. Tous les développements de la polyphonie classique moderne, depuis ceux de la Florence italienne du début du XVe siècle jusqu’aux Quatre chants sérieux de Johannes Brahms, en 1896, définissent – comme nous l’avons remarqué en d’autres articles – une phase de progrès musical de type cantorien [2]. Dans cet article, qui complète les conceptions élaborées dans un manuel de musique récemment paru, nous nous en tiendrons à une période encore plus restreinte de l’histoire : ce siècle de développement de la polyphonie classique qui constitue le sommet du progrès musical accompli jusqu’à présent et qui commença avec les six quatuors à cordes « russes » op. 33 composés en 1781 par Joseph Haydn. Nous porterons notre attention sur un aspect crucial de la triple révolution musicale de Haydn et Mozart, qui fit de la période de 1781 à 1786 le point de départ de ce siècle de progrès. [3]

Cette révolution de 1781-1786 en combine trois à la fois. Chacune d’entre elles se définit comme une « révolution » à part entière, tout comme en physique nous parlons de révolution à propos de la découverte authentique d’un nouveau principe scientifique [4]. Considérées en fonction de leur impact successif sur l’oeuvre de W.A. Mozart, ces trois révolutions sont les suivantes : premièrement, la découverte par Haydn du principe de composition appelé motif-générateur (Motivfkhrung), tel qu’on le rencontre dans les quatuors de l’opus 33 [5]. Deuxièmement, l’Offrande musicale de Jean-Sébastien Bach [6], écrite en 1747. Troisièmement, celle de Mozart lui-même quand, avec une profonde acuité d’esprit, il intégra les découvertes et de Bach et de Haydn. Cette découverte de Mozart se signale immédiatement dans une série d’oeuvres qu’il composa entre 1782 et 1786. Parmi les plus remarquables, notons les six quatuors à cordes K. 387, 421, 428, 458, 464, 465 – dits Quatuors Haydn – la messe en do mineur K. 427, la fantaisie-sonate pour piano K. 475/457, et les célèbres concerti pour piano en ré mineur K. 466 et en do mineur K. 491.

Ce qui caractérise la révolution de Haydn et Mozart de 1781/1782, c’est le développement d’une nouvelle approche conceptuelle de la composition classique, une approche permettant à une oeuvre dans son intégralité – par exemple un thème avec variations et fugue, une sonate, une symphonie, un concerto ou un quatuor à cordes – de parvenir à cette singulière perfection de l’unité d’action qui est le sujet même du Parménide, le dialogue de Platon sur la question de « l’Un et du Multiple » [7]. C’est la relation entre ces découvertes et le principe des « idées platoniciennes » qui constitue l’aspect crucial de la triple révolution de 1781-1786. Cet aspect, que nous identifions par le terme « d’objets-intellectifs musicaux », constitue le sujet de cet article.

La révolution de Haydn, Bach et Mozart sera le thème fondamental et unificateur du second et dernier volume de notre manuel musical intitulé : Manuel sur les rudiments de l’accord musical et de la science des registres [8]. Le premier volume, paru en langue anglaise à l’automne 1992, traite principalement de l’accord et de l’utilisation des registres par les différents types de voix éduquées dans la tradition de la polyphonie vocale du bel canto. Le second volume traitera de la période autour de 1815-1849, au moment où les jeux d’instruments orchestraux et à claviers atteignirent une perfection inégalée [9]. Le travail d’intégration entre voix de soliste, choeurs et orchestre réalisé par Beethoven dans la Messe solennelle et la Neuvième symphonie sera pris comme référence illustrant l’ensemble du développement du véhicule d’interprétation classique dans la période allant de Haendel et Bach à Brahms [10].

A partir du moment où la révolution du motif-générateur avait été menée à bien par Haydn, Mozart puis Beethoven, il devenait nécessaire que le véhicule polyphonique d’interprétation se plie, tant dans sa forme que dans son application, aux exigences de ce nouveau principe de composition. La forme évoluée du quatuor à cordes de Haydn, Mozart et Beethoven : deux violons, un alto et un violoncelle, est le type d’arrangement qui a répondu à ces exigences. Cette combinaison est non seulement un véhicule musical à part entière mais constitue également le noyau de l’ensemble instrumental de l’orchestre classique.

Dans le but d’expliquer ce lien aux lecteurs non avertis, il convient de savoir que chaque type de voix (soprano, mezzo-soprano, contralto, ténor, baryton, basse) se distingue des autres par son propre ensemble spectroscopique de fréquences associé à des registres qui lui sont également propres (voir figure 1).

Figure 1.

A chaque corde de chaque type d’instrument à cordes correspond un registre particulier d’un certain type de voix (voir figure 2). C’est ainsi que, si le compositeur confie la voix de soprano au premier violon, celle de mezzo-soprano au second violon, celle de ténor à l’alto et celle de basse au violoncelle, l’interprète devra effectuer son passage de registre en changeant de corde sur la note idoine (voir tableau 1 plus loin).

Figure 2.
La famille instrumentale des violons a été développée afin d’imiter puis d’étendre les principes de la voix appliquant le bel canto. Chaque membre de cette famille possède quatre cordes accordées en quintes (la contrebasse formant un cas à part tant à cause du nombre de cordes, qui peut parfois être de cinq, que de l’accord, en quartes).
(a) Dans le plus simple des cas, chaque corde à vide (quand le musicien n’a pas de doigt posé sur cette corde) peut tenir lieu de note la plus grave de tel ou tel registre « vocal » que l« on cherche à imiter. Le musicien, posant les doigts sur cette corde, jouera une succession de notes plus aigües restant ainsi dans le même »registre" aussi longtemps quil ne changera pas de corde. Par exemple on peut simuler un changement de registre en passent du do dièse, sur la corde de sol, à la corde de ré à vide. On aura ainsi une imitation du changement du premier au deuxième registre de la contralto.
(b) Le même principe s’applique aux cordes à vide de l’alto, do, sol, ré, la. La tessiture de l’alto se trouvant « à califourchon » sur les clefs usuellement utilisées pour les basses et celles utilisées pour les sopranos, nous montrons ici l’accord de l’alko écrit dans quatre clefs différentes : la clef de sol (b1) utilisée par les voix de soprano, la clef de sol à l’octave inférieure, utilisée au1ourd’hui pour la voix de ténor (b2), la clef d’ut troisième utilisée pur les voix d’alto (b3) et dans laquelle quasiment toute la musique pour l’alto (instrument) est écrite, et la clef de fa pour les voix de basse (b4).
(c) Les cordes à vide du violoncelle.

Toutefois – afin d’illustrer notre propos plus avant – en variant de manière adéquate l’endroit où il change de registre, l’instrumentiste peut imiter les caractéristiques spectroscopiques et « registrales » de n’importe quel type de voix – bien que, souvent, à une hauteur différente de celle-ci (voir figure 3).

Figure 3.
Le violon joue le passage chanté par la soprano, mais un octave plus bas. Ce décalage d’un octave permet au violoniste d’imiter le changement entre le 2ème et le 3ème registre en changeant de la corde de sol à la corde de ré, puis d’imiter le changement entre le 3ème et le 4ème registre en passant à la corde de la.

Par contraste avec cette souplesse des instruments à cordes, les instruments à vent se caractérisent par des registres généralement fixes, correspondant chacun à un type déterminé de voix (voir figure 4).

Figure 4.
De par leur construction, les instruments à vent ont des registres qui, pour l’essentiel, sont fixes, même s’ils peuvent être modifiés dans une certaine mesure en choisissant un doigté différent pour une même note. De ce fait, l’on peut avoir tendance à concevoir et à produire les instruments par ensemble ou « jeux » dont chaque membre correspond à un type particulier de voix. Ici, une gravure sur bois montrant différents instruments à vent utilisés au début du XVIIème siècle.

On voit donc que l’application du principe polyphonique perfectionné par Haendel, Bach, Haydn, Mozart et d’autres exige, implicitement, que l’accent soit mis sur la forme hautement évoluée de l’ensemble à cordes, extension du quatuor, comme clef de voûte de l’orchestre classique. Le principe du motif-générateur de Haydn, tel que Mozart l’a compris, nous met au défi de développer une approche appropriée de la composition orchestrale.

A titre d’illustration, prenons la Messe en do mineur K. 427 de Mozart, composée en 1782 (voir encadré). Dans cet exemple, le [premier] violon imite la voix de soprano, mais à l’octave supérieure [à partir de la cinquième mesure]. Le même point se trouve illustré, sous un autre angle, par les transcriptions pour cordes que Mozart et Beethoven ont faites de certaines de leurs compositions de jeunesse pour instruments à vent. Le quatuor à cordes, enrichi d’une contrebasse, donne naissance à un ensemble orchestral de cordes qui couvre de manière très dense l’intégralité du spectre vocal polyphonique et étend librement celui-ci pour chaque type spectroscopique de voix existant ou imaginable. La relation entre ces « choeurs de cordes » et les vents, qui jouent un rôle de soliste au registre fixe, représente (en particulier à partir de 1781-1782) le facteur clef dans l’évolution vers un orchestre adapté aux exigences et possibilités qu’implique la révolution du motif-générateur.

Tableau 1.
On peux utiliser pour chaque instrument de la famille des violons un doigté imitant les changements de registre de n’importe quelle voix dans les limites de la tessiture propre à l’instrument concerné. Ici, on voit des exemples du violon imitant :
(a) un changement de la voix de soprano. Par exemple, le changement entre le 1et et le 2ème registre du soprano est imité par un fa sur la corde de sol à un fa dièse sur la corde voisine de ré ;
(b) de la voix de mezzosoprano, toujours pour le violon ;
(c) l’alto imite ici la voix de ténor ;
(d) et le violoncelle la voix de basse.
Ces changements pouvant se faire à des endroits divers, bien d’autres imitations sont possibles. Les quatre exemples montrés ici ne sont pas nécessairement les plus fréquemment utilisés ; le lecteur peut s’essayer à en trouver d’autres.

Imitation instrumentale de la voix chantée

Dans ce passage de la Grande messe en do mineur, K. 427, de Mozart, la soprano solo introduit une phrase servant de transition vers la section conclusive du Kyrie avec la réintroduction du chœur. La soliste est accompagnée à l’unisson par les premiers violons pendant que les deuxièmes violons jouent sur la pédale, un si bémol. Le chœur entre à la 5ème mesure de notre exemple avec les sopranos qui reprennent à l’identique le motif de la soliste. Les premiers violons reprennent également ce motif, mais une octave plus haut. Quant aux deuxièmes violons, ils jouent maintenant à l’unisson avec les sopranos, alors que les hautbois s’emparent du si bémol sur la pédale, mais une et deux octaves plus haut que ne l’avaient fait les deuxièmes violons.

I. L’origine du motif-générateur

D’une manière générale, toute personne familière avec le répertoire polyphonique classique devrait reconnaître, pour ainsi dire par réflexe spontané, la plupart des points les plus importants soulevés dans cet article. Même sans connaître les détails cruciaux et les circonstances qui ont accompagné la naissance de l’Opus 33 de Haydn, le bien-fondé de certains de ces points lui sera abondamment démontré par la simple observation. Ainsi, elle aurait certainement conscience que, comparé aux compositions de Scarlatti, Haendel, Bach et ses fils, un certain type de supériorité de cohérence apparaît progressivement dans les derniers quatuors, sonates, symphonies et concerti de Joseph Haydn et de Mozart. On voit dans les compositions de Haydn, à commencer par l’Opus 33, s’opérer un changement révolutionnaire menant, de manière saisissante, à une cohérence bien plus grande. Il suffit d’étudier les œuvres composées par Haydn entre 1762 et 1763, et de les comparer avec celles de Mozart entre 1773 et 1786, pour que ce point apparaisse clairement.

L’un des auteurs ayant contribué au deuxième volume du Manuel propose que les travaux suivants soient effectués : compléter l’étude comparative, évidente, entre l’Opus 33 de Haydn et les six quatuors « du Soleil » Opus 20 de 1771 par celle de ses symphonies n° 52, de 1771-1773, et n° 78, de 1782, au caractère plus « bachien », puis, ensuite, revenir au quatrième mouvement de sa symphonie n° 13 de 1765 et de le comparer non seulement avec ses symphonies n° 52 et 78, mais aussi avec le final de la symphonie Jupiter n°41 de Mozart, composée en 1787.

Ces comparaisons font ressortir, dans les compositions antérieures à 1781, un effort continu, croissant, pour maîtriser un paradoxe tenace. Et soudain, avec l’Opus 33, la découverte, la solution jaillit, comme dans toute découverte sérieuse et fondamentale en physique. A partir de cette découverte, Mozart est amené à reconnaître la signification particulière d’une autre découverte, plus ancienne, l’Offrande musicale de Bach, dont nous avons identifié l’importance plus haut. Ce processus s’apparente étrangement à une découverte cruciale entre toutes qui, permit l’enfantement de la physique moderne par la Renaissance, donnera naissance à la physique moderne : la solution « isopérimétrique » [11] trouvée par Nicolas de Cuse au fameux paradoxe d’Archimède consistant à définir un carré dont la surface est égale à celle d’un cercle déterminé [12]. Le rapport entre la découverte de Cuse et la révolution du motif-générateur est tel que la maîtrise des principaux éléments de la première nous amène à reconnaître les aspects les plus décisifs de la deuxième.

La musique classique est une forme de langage, dérivée de la vocalisation polyphonique des formes classiques de poésie (sanscrit). Dans la mesure où la vocalisation respecte la physiologie de la voix éduquée dans la tradition du bel canto florentin et de la polyphonie bien tempérée accordée au do à 256 hertz de la voix de soprano de l’enfant, les rudiments formels de la philologie musicale se trouvent établis correctement et peuvent donc être étudiés. Nous nous trouvons alors face à la question cruciale : « Si la musique est un langage, à quelle sorte d’objets cette forme de langage se réfère-t-elle ? Quel est le sujet propre de ce langage appelé musique ? »

Le sujet de la polyphonie classique ne se situe pas dans les particularités sensuelles (par ex : « érotiques ») du langage musical en tant que véhicule (par ex : les « harmoniques ») mais, plutôt, dans une autre sorte d’objet, différente du véhicule musical en tant que tel. Prétendre le contraire reviendrait à suggérer que l’exposé d’un professeur de mathématiques devant sa classe a pour but de provoquer des sensations agréables dans l’appareil auditif de ses étudiants, ou encore, que l’objet premier de l’alimentation est, pour un affamé, le divertissement de ses papilles gustatives.

Il serait juste, en résumé, de dire que la musique, comme toute forme d’art classique, a pour objet nécessaire de communiquer l’expérience conjuguée de la beauté artistique et naturelle [13]. Ceci provoque la question de principe : à quel objet correspondent ces idées de beauté ? La réponse correcte est : les « idées » de Platon [14], les monades de Gottfried Leibniz [15] ou les Geistesmassen de Bernard Riemann [16], ou encore le terme que j’ai moi-même choisi, les objets-intellectifs (thought-objects) [17]. Les sujets propres aux compositions polyphoniques classiques sont des objets-intellectifs musicaux.

On ne peut comprendre en profondeur la dimension psychologique essentielle que représente la révolution du motif-générateur sans le type suivant de référence directe à la monade, ou objet-intellectif. La musique étant une forme de langage émanant implicitement des différentes formes polyphoniques de vocalisation poétique (selon les principes physiologiquement naturels du bel canto), elle doit, comme véhicule de communication, choisir un sujet pour son expression. Il est dans la nature, dans l’essence, même du développement de la polyphonie bien tempérée que le sujet de la composition classique polyphonique ne puisse être le traitement symbolique d’objets sensuels. Il ne peut être qu’un type d’objet différent, un objet de l’intelligence et non des sens ; c’est-à-dire qu’il doit être un objet-intellectif.

Partant, nous devons momentanément quitter le domaine de la musique en tant que telle, pour aborder certains points déjà soulevés dans un article sur la « Métaphore » [18].

II. Qu’est-ce qu’un « objet-intellectif » ?

De toutes les créatures vivantes, les êtres humains forment la seule espèce capable d’augmenter, volontairement et indéfiniment, leur potentiel de densité démographique (par tête et par km2 de moyenne territoriale). Ces cultures avortées tant admirées par les anthropologues, sont des formes de sociétés qui, à un certain moment, n’ont pas su développer des modes de vie compatibles avec une croissance néguentropique suffisante du progrès scientifique et technologique. Si de nombreuses cultures ont ainsi échoué, d’autres par contre ont réussi à se hisser à la première place – au moins jusqu’à présent. C’est la raison pour laquelle l’humanité dans son ensemble a, malgré tout, effectué un progrès scientifique et technologique net, sans lequel la civilisation n’aurait pas survécu sur notre planète.

Cette faculté, qui donne à l’humanité la possibilité de générer, de transmettre et d’assimiler le progrès scientifique et technologique, est l’étincelle divine, potentiel unique de produire des formes rigoureuses de raison créatrice propre à tout individu humain. Cette étincelle constitue, pour l’individu humain, le fondement unique établissant la ressemblance de son espèce à l’image du Créateur ; cette étincelle correspond à la qualité appelée imago viva Dei. Cette agence créatrice, cette étincelle, est l’origine de l’objet-intellectif. A titre pédagogique, nous définirons cette capacité créatrice de la manière suivante.

A première vue, tout niveau de développement dans un domaine quelconque de la pratique scientifique peut être décrit en termes d’une série cohérente, ouverte, de théorèmes ; un ensemble de théorèmes dérivant formellement, tous et chacun, d’un ensemble unique, intégré et commun d’axiomes et de postulats interdépendants. Tout progrès scientifique « crucial » ou « fondamental » se présente, en termes formels, comme un changement radical dans l’ensemble intégré des axiomes et des postulats qui sous-tendent l’ensemble considéré de théorèmes cohérents entre
eux.

On pourrait prendre comme exemple un résultat anomal, ne correspondant pas à ce qui aurait dû légitimement se produire, d’une expérience (ou d’une observation analogue). En partant d’un corps existant de données scientifiques formelles, cohérentes et généralement tenues pour vraies, essayez de construire un théorème décrivant le dit résultat. Par exemple : répétez la fameuse expérience d’Ampère sur les solénoïdes ; tentez de définir un théorème valable pour chaque aspect important du résultat de l’expérience et qui, formellement, soit compatible avec la doctrine de James Clark Maxwell. On ne peut pas le faire ! [19] On ne peut parvenir à prouver un tel théorème que si l’on change radicalement les hypothèses axiomatiques sur lesquelles reposent les dogmes de Clausius, Kelvin, Helmholtz, Grassmann et Maxwell [20] Dans le cas où, comme antérieurement, la représentation exacte d’une expérience décisive par un théorème impose que les axiomes soient radicalement réexaminés, nous obtenons un exemple de ce qu’est une révolution scientifique menaçant le corps de savoir établi.

Sur ce point, considérons un cas pédagogique simple mais exemplaire [21].

Soit un système formel de connaissance scientifique avec son ensemble pertinent de théorèmes : c’est-à-dire une suite ouverte de théorèmes tous cohérents entre eux et compatible avec un ensemble sous-jacent d’axiomes et de postulats interdépendants. Appelons ceci un « réseau de théorèmes ». Commençons avec un réseau de théorèmes A. Introduisons une expérience cruciale, X1, empruntée à la vie réelle, et dont les résultats ne puissent s’expliquer par la construction de quelque théorème que ce soit cohérent avec A.

Il existe au moins une possibilité de corriger radicalement l’ensemble fondamental d’axiomes et de postulats sous-jacent à A, de manière à construire un théorème formellement cohérent avec X1 ; il peut aussi en exister plusieurs autres de nature à satisfaire cette condition minimum. Cependant, il nous faut le faire non seulement pour X1 mais aussi pour toute expérience critique portant sur n’importe quel autre théorème de A ; ce qui restreint les choix de corrections radicales à apporter à l’ensemble d’axiomes A. Dans le cas où cette condition est remplie, toutes les corrections pertinentes étant apportées, nous avons un nouveau réseau de théorèmes B.

Donc, de la même manière, définissons une suite de réseaux de théorèmes mutuellement incompatibles (non-cohérents), A, B, C, D, E,... Puisque chaque réseau de théorèmes est séparé du précédent par le fait que l’ensemble interdépendant d’axiomes et de postulats implicitement sous-jacent a été radicalement modifié, il n’y a pas deux réseaux qui soient compatibles entre eux, et pas un théorème d’un réseau qui soit compatible avec un quelconque théorème d’un quelconque autre réseau. Il s’agit ici d’une expression supérieure de ce que l’on appelle une « discontinuité mathématique » ; un gouffre formel infranchissable sépare chaque terme dans la série de tous les autres.

Dans l’univers réel, la réalité devant bien être différenciée des simples questions formelles, le critère déterminant pour juger de la validité de la série A, B, C, D, E,..., est de savoir si les changements successifs dans les modes de comportement productif (ou s’y rapportant) de la société – dans la mesure où ces changements résultent de la modification du savoir scientifique et de son application – se traduisent, ou non, par une progression du taux de croissance du potentiel de densité démographique de cette même société. Dans le cas affirmatif, la série dans son ensemble représente (et est représentée par) une méthode englobante, avec laquelle des améliorations révolutionnaires du progrès scientifique et technologique peuvent être générées.

Les augmentations de la productivité (et du potentiel de densité démographique) auxquelles la culture européenne est parvenue (en dépit d’oppositions à la croissance) depuis le Concile de Florence de 1439- 1440, sont, implicitement, le produit de changements axiomatiques radicaux dans la pensée scientifique créatrice. Ces changements peuvent être le plus efficacement et le plus intelligiblement représentés du point de vue de fonctions non-algébriques développées à partir d’une géométrie de type strictement constructif et synthétique. Considérée suivant la perspective de cette géométrie non-algébrique, l’histoire de ces changements offre l’approche méthodologique à la fois la plus aisée et la plus rigoureuse pour introduire la signification de l’objet-intellectif que ce soit en physique ou dans la musique.

Les découvertes les plus élémentaires et les plus importantes de l’histoire moderne peuvent se résumer à un petit nombre [22]. Dès la Grèce antique (y compris l’Italie du Sud), deux extraordinaires découvertes géométriques s’imposent : le théorème de Pythagore et les cinq polyèdres réguliers pouvant être inscrits dans une sphère (les solides platoniciens) [23]. La méthode associée à ces découvertes est la dialectique socratique, celle que Platon expose dans son Parménide et dont il a souligné la conformité avec la géométrie synthétique/constructive [24]. La science moderne, reposant sur l’héritage de Pythagore, Platon et Archimède, prit son essor il y a environ 550 ans, avec les découvertes du Cardinal Nicolas de Cuse et de ses collaborateurs, dont De Docta Ignorantia (De la docte ignorance) [25] rend le mieux compte.

Les plus grandes découvertes de la physique moderne se sont faites au cours d’un intervalle d’environ 250 ans, depuis 1440 approximativement jusqu’au début du XVIIIème siècle. La solution de Leibniz et des Bernoulli au problème de la courbe brachistochrone, dans les années 1696-1697, apporte l’une des « touches finales » typiques de ce premier quart de millénaire de progrès scientifique moderne [26]. Parmi les découvertes les plus décisives de cette époque, relevons : 1) la découverte du principe « isopérimétrique » (« maximum- minimum ») par Nicolas de Cuse dans les années 1430 ; racine du principe non-algébrique de « moindre-action » [27], 2) la reprise et l’extension par Léonard de Vinci et ses collaborateurs, des recherches sur la portée des « Solides platoniciens » [28], 3) la mise en place, par Johannes Kepler, du premier programme d’envergure en physique mathématique, principalement à partir des travaux de Nicolas de Cuse et de Léonard de Vinci [29] ; 4) le développement, au cours du XVIIème siècle, du calcul infinitésimal képlérien, non-algébrique, de la moindre action physique, par Pierre Fermat [30], Biaise Pascal [31], Christian Huyghens [32], Gottfried Leibniz et les Bernoulli [33]. C’est dans ce contexte de progrès scientifiques vigoureux, établi à la Renaissance, que s’est opéré le développement de la polyphonie classique par Léonard de Vinci [34], Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Brahms et d’autres.

A première vue, les découvertes géométriques ne sont apparemment que de pures formalisations mathématiques, dans le sens où l’algèbre n’est, en fait, qu’un formalisme creux. Nous avons déjà montré plus haut comment l’on mesure la validité d’une succession de découvertes révolutionnaires formelles à l’aune du potentiel de densité démographique. Pour des raisons évidentes, la physique, la chimie et la biologie, conjuguées comme un tout et pour autant qu’elles reflètent la domination croissante de l’homme sur la nature – par tête et par km2 – constituent une approximation implicite de l’accroissement du potentiel de densité démographique. Depuis le milieu du XVème siècle, la science des mathématiques nonalgébriques a vu son autorité empirique se développer sur la base du principe universel de moindre action physique : moindre action dans l’espace-temps physique, un concept enraciné dans le cercle isopérimétrique, « non-algébrique », de Nicolas de Cuse, dans lequel l’action périmétrique (circulaire) la plus petite englobe la surface relativement la plus grande. Au cours des 250 années que nous considérons ici, ce principe de moindre action (physique) a été identifié par rapport à deux phénomènes physiques interdépendants : le rayonnement électromagnétique et l’hydrodynamique. Aujourd’hui encore, toute physique expérimentale valable repose sur ce type non-algébrique de fonctions formelles dans lequel la réalité physique se trouve définie en termes de l’hydrodynamique de la moindre action électromagnétique.

C’est dans ce cadre, pensée géométrique et physique conjuguées, que l’on peut fournir la définition la plus simple de l’objet-intellectif. La nature de l’objet-intellectif musical s’ensuit aisément. Revenons à notre élaboration sur les séries de réseaux de théorèmes.

Soit la série, précédemment définie, de réseaux de théorèmes A, B, C, D, E,... Définissons une fonction englobant la génération des termes successifs de la série. Etant donné qu’aucun terme de la série ne peut être compatible avec un autre, on ne peut pas définir une fonction formelle de la série au moyen de termes propres à l’un quelconque des réseaux de théorèmes. Au contraire, même par simple définition, la génération de B à partir de A, de C à partir de B, etc., repose dans ce qui génère la qualité absolue de discontinuité formelle entre deux termes de la série. Cette génération implique le changement radical des axiomes, altérant ainsi l’ensemble implicitement sous-jacent d’axiomes et de postulats interdépendants.

Il y a une « correspondance topologique » entre cette opération de changement radical et les discontinuités séparant les termes de la série. Ces changements radicaux correspondent à des objets-intellectifs. C’est ce que nous devons définir avant de retourner aux objets-intellectifs musicaux.

Il y a deux espèces distinctes d’objets-intellectifs impliqués dans la série de réseaux de théorèmes donné comme exemple. Premièrement, au niveau relativement inférieur, il y a une qualité d’objet-intellectif caractérisée par la transformation de A pour générer B. Deuxièmement, il y a la qualité supérieure, l’espèce supérieure, d’objet-intellectif associée à la notion de choix d’un ordonnancement déterminée pour l’ensemble de la série, l’ordonnancement des objets-intellectifs de niveau inférieur correspondant aux discontinuités AB BC, CD, DE, etc.

Par exemple, à une science progressant avec succès correspondrait une succession de telles révolutions, chacune d’entre elles amenant toujours la société concernée à des niveaux (implicitement) plus élevés de potentiel de densité démographique. Ceci signifierait également que la génération de révolutions successives AB et BC doit aboutir à une révolution CD, qui, plus tard, accroît le potentiel de densité démographique plus rapidement que la moyenne de AB et de BC. Ces révolutions successives sont gouvernées par une méthode auto-développante, une méthode de découverte scientifique. Appelons cette qualité d’ordonnancement révolutionnaire une méthode d’évolution néguentropique dans l’augmentation du potentiel de densité démographique.

Il faut comprendre l’« évolution néguentropique » comme une conception introduite par Nicolas de Cuse [35]. L’évolution progressive de la biosphère est dominée par l’émergence d’espèces relativement plus évoluées – plus évoluées que toute autre existant auparavant. Pour autant, cela ne signifie pas (généralement) que les espèces inférieures, disparaissent parce qu’elles se trouvent dépassées. Au contraire, la prolifération des espèces existantes et leur interaction rendent possible l’existence émergente des espèces supérieures. De même, dans le cas de la Table périodique des éléments et de leurs isotopes établie par Mendeleïev, l’apparition de l’hélium, du lithium, etc., à partir de la fusion nucléaire de l’hydrogène, n’élimine pas les éléments et les isotopes inférieurs de cette table ; au contraire, ce développement est caractéristique d’un niveau d’organisation toujours plus élevé de la « table » en tant qu’ensemble interdépendant.

Nous combinons la perspective de tels processus révolutionnaires/évolutionnaires avec la notion d’accroissement de « l’énergie libre » du « système » entier subissant une telle évolution ordonnée. Cette combinaison d’états supérieurs d’organisation et d’accroissement relatif d’« énergie libre » est la définition que nous préconisons quant à notre utilisation du terme « néguentropie ».
Nous avons donc nos deux espèces d’objets-intellectifs par rapport à notre série de réseaux de théorèmes formels. La première espèce, relativement inférieure, est associée au Type [36] de discontinuités séparant A de B, etc. La deuxième espèce, cousine du principe de motif-générateur, est associée à la néguentropie évolutionnaire relative de la série complète comme série déterminée dans son ensemble.

Il n’existe pas de véhicule de communication dans les termes desquels il est possible de représenter explicitement l’une ou l’autre des différentes espèces d’objets-intellectifs. Aucune forme d’algèbre, ou d’autre sorte de véhicule-langage formel, ne pourrait représenter explicitement un tel objet-intellectif. Les objets-intellectifs appartiennent à une classe d’existences mentales distinctes n’ayant pas de correspondance fonctionnelle ou d’équivalence avec les images sensorielles représentables qui constituent le type d’objets explicites de la communication formelle.

La même chose est vraie bien sûr, des objets-intellectifs musicaux, tels que les objets-intellectifs correspondant à l’une des trois découvertes principales dont dépend la révolution du motif-générateur. Nous voulons souligner par là que cette faculté créatrice, grâce à laquelle Léonard de Vinci put effectuer ses découvertes scientifiques fondamentales, était ce même objet-intellectif supérieur, méthodologique (« néguentropique ») qui guidait ses compositions musicales [37] et plastiques. Dans les arts plastiques notamment, les découvertes de Léonard de Vinci se faisaient par le truchement de ce même ensemble de principes géométriques gouvernant ses découvertes fondamentales en physique.

Pourtant, dans les deux aspects de la production créatrice de Léonard, aucun expédient symbolique ne pourrait en aucun cas représenter l’objet-intellectif s’y rapportant. Il existe cependant des moyens indirects de communiquer, avec certitude, des objets-intellectifs d’un esprit à un autre. Ironiquement – « ironique » au meilleur double sens du terme – ces moyens indirects, connus comme la méthode « socratique » de Platon, ou méthode « dialectique », constituent les plus efficaces des moyens de communication, plus efficaces que ne pourraient l’être des moyens formels. Non seulement la dialectique socratique est plus efficace que le formalisme aristotélicien banal, mais la dialectique socratique transmet deux sortes de conceptions qui sont si puissantes, si profondes, que les aristotéliciens gnostiques, tels qu’Emmanuel Kant, affirment qu’elles sont intrinsèquement « inconnaissables » [38]. Ces objets-intellectifs sont autrement connus sous le nom d’« idées platoniciennes » [39].

La musique classique exige une méthode de composition polyphonique équivalant à la dialectique socratique. Cette méthode, appliquée à la forme développée du véhicule musical, est employée dans le but de communiquer, indirectement, une sous-classe d’« idées platoniciennes » autrement inexprimables, que l’on appelle à juste titre « idées musicales » ou, avec moins d’ambiguïté, « objets-intellectifs musicaux ».

Nous voici au point où il faut identifier le type de phénomène propre à l’expérience mentale intérieure portant les empreintes de l’objet-intellectif.

III. Le principe de moindre action

Reprenons ici en réexposant partiellement ce que nous avons développé plus haut. Le fait décisif ayant marqué les débuts de la science moderne pendant la Renaissance a été la découverte du principe isopérimétrique (principe du « maximum-minimum ») [40] par Cuse. Tout comme la Renaissance reprit le fil de la civilisation grecque là où il avait été rompu par le culte monstrueux de Gaïa-Python-Dionysos-Apollon [41] (le culte de Delphes), Nicolas de Cuse entreprit la révolution scientifique moderne en reprenant les travaux d’Archimède en l’état où les avaient laissés les exactions des légionnaires de la Rome païenne de Delphes [42]. Il s’agissait des théorèmes d’Archimède sur le paradoxe de la quadrature du cercle [43]. Cette découverte fondamentale de Cuse est, à juste titre, également qualifiée de principe physique unique de « moindre action », c’est ce qui apparaît plus clairement si l’on se situe à la fin du XVIIème siècle lorsque Fermât, Huygens, Leibniz et les Bernouilli appliquèrent ce principe isopérimétrique de moindre action à la propagation de la lumière. Cette comparaison de deux découvertes, présentées respectivement en 1440 et en 1697, nous fournit un exemple parfait de modèle d’objet-intellectif.

A l’examen, strict et minutieux, le terme « quadrature du cercle » se révèle ambigu. Son sens le plus fruste est, simplement : construire un carré dont la surface est presqu’égale à celle d’un cercle donné. Archimède et d’autres résolurent, implicitement, ce problème [44]. Il y a, cependant, un aspect plus subtil. Il s’agit, en l’occurrence, de construire le périmètre d’un cercle par une méthode linéaire, ou « algébrique », cette seconde tâche s’avère impossible pour des raisons que Nicolas de Cuse montre de manière probante dans sa solution. C’est à celle-ci que nous nous référons pour définir de manière constructive, indirectement mais rigoureusement, l’objet-intellectif.

Ces différents points se clarifient tous lorsque l’on examine attentivement les quatre théorèmes d’Archimède sur la quadrature du cercle ; c’est l’approche employée avec succès par Cuse [45]. Procédons maintenant à une description rapide de celle-ci. [46]

Inscrivez un carré dans un cercle. Circonscrivez ce dernier dans un second carré (figure 5). Doublez le nombre des côtés de chaque carré afin de former un couple d’octogones ayant le même rapport au cercle que le couple de carrés. Répétez ce même processus afin d’obtenir une valeur de 2n côtés.

Figure 5.
La « quadrature du cercle » : il s’agit d’estimer la surface d’un carré approximativement égale à celle d’un cercle, en le réduisant à la surface moyenne de deux polygones réguliers respectivement inscrits et circonscrits.

Regardez un segment du périmètre du cercle dans lequel vous aurez trois ou quatre côtés d’un polygone inscrit ayant d’innombrables côtés (figure 6).

Figure 6.
Un polygone inscrit possédant 216 côtés (65 536) peut paraître très proche d’un cercle. Mais le périmètre du polygone ne peut jamais devenir congruent avec le périmètre du cercle.

En établissant la surface du polygone inscrit et celle du polygone circonscrit et en en faisant la moyenne, nous obtenons une approximation de la surface du cercle ; cependant, ni l’un ni l’autre des périmètres des polygones ne pourrait jamais devenir congruent avec celui du cercle.

Supposons un cercle d’un mètre de diamètre. En divisant le périmètre estimé du cercle par un mètre [le diamètre] nous obtenons la valeur estimée du nombre π (pi). Cependant, en ce qui concerne l’un ou l’autre des polygones, même si l’on augmentait le nombre 2n de côtés du polygone à la valeur astronomique de n=256, il y aurait toujours une différence bien définie, distincte et fonctionnellement déterminée entre la surface du polygone et celle du cercle. Pire encore, le périmètre du polygone, formé d’angles croissant numériquement avec celui des côtés, est de moins en moins congruent en tant qu’espèce formelle avec un périmètre circulaire (un seul angle de 360°). Le cercle appartient à une espèce différente, supérieure au polygone – supérieure à toute figure dérivée d’un type euclidien basée ontologiquement sur des présupposés axiomatiques relatifs aux tracés linéaires produisant des points et des lignes droites.

Révolutionnaire en soi, la perspicacité dont a fait preuve Nicolas de Cuse pour trouver la preuve formelle reflète le fait qu’il était un disciple de Platon et d’Archimède et qu’il avait rejeté la gnose dogmatique d’Aristote [47]. Le principe platonicien de « négation socratique » a été crucial pour la découverte de Cuse. Le fait que le cercle ne soit pas seulement une espèce différente, mais également une espèce supérieure, est montré de manière négative. Il apparaît donc qu’un saut mental s’effectue vers la conclusion : la découverte d’une nouvelle définition du cercle, le concept d’isopérimétrie, ou, selon la définition de Cuse, le principe du « Minimum-Maximum » [48]. Toutefois, contrairement aux apparences, cette découverte n’est pas un acte de foi aveugle : Nicolas de Cuse maîtrisait la méthode socratique de Platon, il était familier avec les « idées platoniciennes ».

Ce qui s’est passé plus tard, pendant deux siècles et demi de progrès scientifique fondamental, n’a été qu’une élaboration du principe isopérimétrique de Nicolas de Cuse considéré comme l’émergence du principe universel de moindre action physique. A ce propos, quelques observations préliminaires s’avèrent nécessaires pour dégager notre prochain point.

Au cours du XIXème siècle, le professeur Jacob Steiner, auteur d’un programme d’étude de la géométrie synthétique destiné aux meilleurs établissements d’enseignement secondaires [49], démontra de manière scolaire la construction itérative, isopérimétrique du cercle. Bien que cette contribution soit utile, elle doit être utilisée comme une sorte de démonstration négative, et non comme une détermination positive du cercle en tant qu’espèce. Il n’y a aucun moyen formel par lequel le cercle isopérimétrique puisse être généré positivement à partir d’une conception euclidienne d’un réseau de théorème [50]. La notion de cercle isopérimétrique devient « pour ainsi dire » soi-évidente, remplaçant ainsi d’un point de vue axiomatique le point et la ligne, non plus soi-évidents, obtenus par dérivation. La construction de Steiner ne prouve pas le principe isopérimétrique de Nicolas de Cuse ; elle en illustre négativement le résultat, et ceci du point de vue d’un cours d’enseignement secondaire sérieux. Après Nicolas de Cuse, les penseurs les plus grands et les plus fertiles, à commencer par Léonard de Vinci, traitèrent le cercle (et la sphère) comme des espèces « auto-évidentes » et les autres formes comme des existences devant être dérivées, par construction, du point originel d’action circulaire (et sphérique, isopérimétrique, dans l’espace-temps physique). Ce travail s’est concentré sur les anomalies de la perspective et de la vision, en prenant comme point de départ le plus approprié l’isopérimétrie, ou la « moindre action ».

A partir de là, la première étape importante pour la science a été la recherche sur les implications des « solides platoniciens ». Elle s’est traduite par des percées, comme celles de Léonard de Vinci et de Képler, sur la distinction fonctionnelle entre les deux courbures (positives et négatives) du cercle et de la sphère [51]. L’étape suivante, cruciale, a été l’application, par Fermât, Huygens, Leibniz et les Bernouilli, d’un principe isopérimétrique de moindre action à la propagation de la lumière reposant, inclusivement, sur les principes d’hydrodynamique de Léonard de Vinci [52]. Au XVIIème siècle, un nouveau bond en avant était fait dans le domaine du principe de moindre action appliqué aux questions de réflexion et réfraction, avec l’étude des cycloïdes, ceci constituant la base explicite, essentielle, de l’élaboration des fonctions nonalgébriques.

Considérons le deuxième exemple de la génération de l’objet-intellectif avant d’étudier de plus près ses caractéristiques en tant que telles. Les cycloïdes se caractérisent essentiellement comme étant le résultat d’une action axiomatiquement circulaire sur une action axiomatiquement circulaire. Elles représentent la forme originale, primaire, de fonction développable dans le domaine physique ; elle font, ainsi, fonction de fondement axiomatique pour la représentation géométrique/synthétique de processus physiques comme phénomènes. Cette action circulaire est jugée axiomatique, donc, et remplace ainsi le point et la ligne dont l’existence est maintenant simplement dérivée [de l’action circulaire – NdlT]. Les conséquences ontologiques les plus élémentaires, relativement, de cette action circulaire sur une action circulaire, sont doubles : premièrement, la moindre action fonctionne comme caractéristique de toute action dans l’espace-temps physique (figure 7) ; et, deuxièmement, elle confirme la distinction faite par Képler entre fonctions déterminées, respectivement, par des courbures sphériques positives et négatives (figure 8) [53]. Il convient de situer dans ce contexte la façon dont Bernouilli traita en 1697 l’équivalence de moindre action entre la courbe brachistochrone et la courbe tautochrone de Huygens (figure 9) [54].

Figure 7.
Les fonctions cycloïdes, expression du principe de moindre action
Dans son ouvrage Horlogium oscillatotium, 1673, (Sur l’horloge à pendule), Hyguens démontra qu’un pendule à qui l’on fait décrire une cycloïde (courbe MPI sur l’image) aura la même période quelle que soit l’amplitude de l’oscillation — la courbe est « tautochrone ».
Une boule lâchée sur une rampe ayant la forme d’une courbe cycloïdale mettra le même temps à atteindre le point inférieur de cette courbe quel que soit le point d’où elle est lâchée.
Johann Bernouilli démontrera plus tard que la cycloïde est également « brachistochrone », c’est-à-dire qu’elle permet à la boule de suivre le chemin le plus rapide. En effet, on avait d’abord cru qu’une boule roulant sur un plan incliné d’un point à un autre y arriverait dans le temps le plus court, puisque le chemin parcouru était plus court que tous les autres ; mais l’expérience fit voir qu’il y avait une courbe, une portion de cycloïde qui, passant par les deux mêmes points, permettait à la boule d’arriver plus tôt au point inférieur, quoique parcourant un chemin plus long. (Modèle du Muséum de l’histoire des sciences de Florence, Italie)
Figure 8.
Les courbures positive et négative
(a) Les figures obtenues en roulant un petit cercle à l’intérieur d’un cercle de dimension supérieure (les hypoclycloïdes) sont d’une espèce différente de celles obtenues en roulant le même petit cercle autour du périmètre extérieur du grand cercle (les épicycloïdes).
(b) Amas de sphères, suivant les illustrations de l’ouvrage de Képler, Du flocon de neige à six branches.

Le résultat, la preuve que le rayonnement de la lumière se propage dans un univers relativement courbe, dans un espace-temps physique fondé, élémentairement et uniquement, sur une moindre action axiomatique, se trouve dans une solution élaborée, à la fin du XVIIème siècle, comme par l’effet d’un acte de foi, à partir d’un processus de raisonnement socratique « négatif » (mis entre guillemets par nous – NdlT) rigoureusement poussé dans ses derniers retranchements.

Pour chacune des découvertes précédemment mentionnées, il ressort trois considérations d’ordre général. Premièrement, chaque découverte – de Cuse, de Léonard de Vinci, de Képler, de Huygens, de Leibniz et des Bernouilli – se fait au travers du même type apparent d’« acte de foi » dans des circonstances analogues.

Figure 9.
En 1697, Johann Bernouilli démontra que la cycloïde AMK possédait non seulement la propriété autochrone montrée par Huygens mais aussi celle de brachistochrone, c’est-à-dire que cette courbe représente le chemin de moindre action et de moindre temps.

Ces circonstances sont dues à ce qu’un paradoxe est conduit à ses limites, par une application rigoureuse et exhaustive de la négation dialectique socratique, une négation illustrée par la méthode de Platon dans Le Parménide. Deuxièmement, à l’exception de Nicolas de Cuse, qui dépendait de découvertes fondamentales anciennes, aucune des autres découvertes n’eût été possible sans toutes les précédentes de la même série. Troisièmement, chaque découverte, et bien plus encore l’ensemble de celles-ci, permit d’accroître considérablement la puissance transformatrice de l’homme sur la nature, c’est-à-dire son potentiel de densité démographique.

L’ouvrage écrit en 1890 par Georg Cantor [55], l’erreur formaliste de David Hilbert en ce qui concerne son fameux « Dixième » [56], et le cas de la célèbre « preuve » de Kurt Gödel, tout cela illustre les implications plus profondes de notre série apparemment simple de réseaux de théorèmes A, B, C, D, E, ...

Remplaçons les virgules de cette série A, B, C, D, E. par la lettre μ. de telle sorte que nous obtenions, dans un premier temps, comme nouvelle représentation de cette série, μab, μbc, μcd, ... Chacun des termes apparaît maintenant correspondre à un véritable « acte de foi » si l’on s’en tient à la théorie kantienne qui pose la source de la découverte comme inconnaissable. Ceci ne peut encore constituer une représentation suffisante : deux avertissements sont ici nécessaires. Premièrement, si le découvreur n’avait pas déjà reproduit en lui-même les nombreux autres « actes de foi » des personnes ayant fait des découvertes avant lui, son propre « acte de foi » eut été impossible. Deuxièmement, cet agencement fonctionnel (c’est-à-dire analysis situs) de la série formelle est corrélatif à un double accroissement du potentiel par-tête du pouvoir de l’humanité sur la nature : en raison de la découverte individuelle, en tant que telle, et aussi, en plus, en raison de la contribution à l’accroissement de la capacité de découverte de la société en général.

Tournons-nous, momentanément, vers les salles de classe de l’enseignement humaniste classique d’Europe, depuis l’ordre enseignant de Geert Groote, les Frères de la Vie commune, jusqu’au Gymnasium conçu par Guillaume de Humboldt en Allemagne. Ce qu’il faut retenir dans cet enseignement, c’est l’importance accordée à l’utilisation de sources originales dans la représentation des processus des plus grandes découvertes, poussant ainsi l’étudiant à revivre dans son propre esprit l’expérience mentale du découvreur.

Il n’existe aucune source originale dans laquelle l’acte de la découverte soit explicitement représenté. Cet acte n’est explicitement représentable par aucun véhicule de communication. Néanmoins, une reproduction fidèle peut en être évoquée à partir du potentiel créateur du processus mental de l’étudiant. En ce sens, l’aspect intellect créateur de Pythagore, Platon, Archimède, Cuse, Képler, etc., renaît en tant que partie intégrale de l’esprit de l’étudiant. On peut donc vraiment dire que l’esprit du noble disparu communique en quelque sorte directement, bien que par le biais d’une dialectique oblique, d’esprit à esprit avec les vivants. Voilà ce qu’est une véritable éducation, contrairement à ces manuels scolaires stériles avec lesquels on bourre le crâne des élèves et avec lesquels on leur apprend à répondre à des questionnaires à choix multiple qui pourraient tout aussi bien être corrigés et notés par des ordinateurs. Ainsi, les méthodes de l’éducation humaniste chrétienne enseignent la qualité qui fait le vrai « génie », en incorporant au processus créateur mental de l’individu une sélection de telle ou telle partie des processus mentaux de nombreux grands esprits de l’histoire de l’humanité, tels que Platon.

Prenons le cas exemplaire de l’un des plus grands penseurs de toute l’histoire connue, Nicolas de Cuse. Son éducation a été fortement influencée par les Frères de la Vie commune, l’ordre enseignant de Geert Groote. Il assimila ainsi l’esprit de Platon, d’Archimède et de bien d’autres. Ou encore, prenons le cas illustre du collaborateur de Leibniz, Christiaan Huygens [57]. Le père de Christiaan, Constantin, était un diplomate hollandais très connu, mécène du jeune Rembrandt van Rijn et pendant un temps ambassadeur à Londres. Là, Christiaan et son père eurent l’occasion d’accéder dans la collection royale aux documents originaux de Léonard de Vinci (rassemblées dans les collections royales), dont le contenu joua par la suite un rôle si important dans les recherches, tant de Huygens que de Leibniz [58]. Ces milieux connaissaient bien l’ceuvre de Nicolas de Cuse ; quant à celle de Képler, elle domina le dix-septième siècle, et forma par la suite le socle sur lequel Carl Friedrich Gauss édifia une part importante de ses travaux.

L’élaboration par Leibniz vers 1676 à Paris [59] du premier calcul différentiel véritable était, comme d’autres tentatives de cette période, explicitement inspirée par Képler et avait intégré le travail de Biaise Pascal dans ce domaine, comme Leibniz le mentionne dans l’étude qu’il consacra aux notes non publiées et aux ouvrages alors publiés du penseur français. Au sein de ce même mouvement d’idées, deux dialogues platoniciens ont été écrits par Leibniz dans l’intention explicite de démontrer que les questions cruciales de la science ont aujourd’hui besoin de recourir à la méthode dialectique de Platon.

La science n’est pas l’obsession stérile du pédagogue envers des manipulations statistiques permettant de procéder à des généralisations « inductives » à partir d’une agrégation de « faits » et de recettes, comme s’il s’agissait de larves dans leurs chrysalides. La science, historiquement, est le développement et l’interaction de ces espèces supérieures de vie mentale que nous désignons ici sous le nom d’objets-intellectifs, générées par l’activité créatrice, que Leibniz appelait monades.

Tous ceux d’entre nous qui sont parvenus à découvrir quelque principe naturel, comme ce fut mon cas il y a plus de dix ans en contribuant à la science de l’économie physique [60], savent que les objets-intellectifs sont totalement intelligibles, bien que non susceptibles d’une forme de représentation explicite, sensible, dans un quelconque mode formel de communication. Nous savons aussi que notre travail, quand il est couronné de succès, est façonné, comme « heuristiquement », dans l’effort que nous mettons à reproduire, à l’intérieur de nos propres processus mentaux de création, les objets-intellectifs correspondant à des découverte valides de principe fondamentaux, chez autant de grands penseurs que possible.

Ainsi, l’ensemble provisoire de ces objets-intellectifs μab, μbc, μcd, ..., est subsumée par une qualité générative et auto-évoluante d’objets-intellectifs encore plus élevée. Cette espèce supérieure d’objets-intellectifs est appelée méthode scientifique, un objet-intellectif dont les dimensionalités efficientes forment la notion de « néguentropie évolutionnaire », dont nous avons parlé plus haut.

IV. Les objets-intellectifs musicaux

Pour l’essentiel, ce que nous pouvons dire des objets-intellectifs, comme par exemple dans le travail scientifique, nous pouvons également le dire des objets-intellectifs musicaux. L’Offrande musicale de Jean-Sébastien Bach fait ressortir l’endroit où les modes majeurs et mineurs s’entrecroisent de manière à produire une dissonance – c’est-à-dire une discontinuité formelle – dans le processus de composition. L’intégration de plusieurs discontinuités résolues selon l’autorité d’un principe unique et bien défini d’agencement pour cette succession intégrale, nous montre, dans le cas de toute composition de ce type, un processus analogue à l’abstraction du réseau de théorèmes A, B , C , D , E,...

Tant que le compositeur respecte scrupuleusement la légitimité de la polyphonie classique bien tempérée, instrumentale et vocale, issue du bel canto, certaines dissonances – telles que le fa dièse dans la série de compositions en do majeur/do mineur à type motif-générateur évoquant le thème de l’Offrande musicale – sont significativement définies comme des discontinuités formelles devant être résolues comme telles. (Dans la musique strictement romantique ou atonale, une telle rationalité est plus ou moins hors de propos.) Ainsi, le choix par le compositeur du motif-générateur pour résoudre la négation représentée thématiquement (comme dans les citations de l’Offrande musicale par Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, etc.), engendre une espèce d’objets-intellectifs musicalement définis, ou, pour résumer, un objet-intellectif musical.

L’importance de définir un tel objet-intellectif comme musical plutôt que comme objet-intellectif tout court est la suivante. Premièrement, même les objets-intellectifs individuels d’une série, à l’intérieur d’une succession, naissent, dans le processus créateur souverain de la personne, de par la légitimité polyphonique du véhicule bien tempéré, classique. Deuxièmement, l’agencement d’une suite de tels objets-intellectifs, sous forme d’une composition ou partie de composition, constitue un objet-intellectif d’un ordre supérieur, lequel est déterminé, généré par un élément négatif d’un processus de composition. La base à partir de laquelle se définit une anomalie et donc à partir de laquelle s’engendre un objet-intellectif musical est constitué par les règles naturelles de la polyphonie découlant du chant sous sa forme la plus naturelle (c’est-à-dire le bel canto). En d’autres termes, l’objet-intellectif se trouve défini au sein du développement se produisant dans le véhicule musical de forme classique, puisque seul le mode classique de composition permet de le déterminer ainsi.

« Exposez-moi votre objet-intellectif, en m’expliquant comment ce passage [musical] doit être joué » : c’est ainsi que l’interprète classique tendra à aborder le sujet que nous allons traiter dans les paragraphes suivants. Bien souvent, chez les professionnels, c’est en quelque sorte l’ombre de l’objet-intellectif, et non l’objet en tant que tel à laquelle on se réfère. La rubrique formelle dans laquelle cet « acte de référence » [mis entre guillemets par nous – NdlTJ est classé, correspond, généralement, à celle de « perspicacité musicale », une qualité dont la communication exacte peut être suggérée par le biais d’une description habile, convenable, mais dont la conception se reconnaît seulement dans l’interprétation de tel passage ou composition musicaux particuliers. On peut parler, en se rapportant à ce passage ou à cette composition dans son ensemble, de la démonstration d’un jeu pénétrant le dessein [musical – NdlT] du passage ; nous qualifions ceci « d’éclair de perspicacité » musicale.

Le plaisir associé à ces idées musicales – objets-intellectifs musicaux – est semblable à celui que l’on prend à résoudre un problème scientifique : c’est la qualité d’émotion que l’on associe à l’« amour sacré » (agapé, caritas), en ce qu’il se distingue de l’« amour profane », sensuel et fixé sur les objets. En ce sens, toute la polyphonie classique, toutes les idées musicales classiques (objets-intellectifs), en ce qu’elles s’opposent aux fantaisies érotiques du « romantisme » d’un Wagner ou d’un Mahler, possèdent une qualité intrinsèque tenant du sentiment religieux exprimé dans l’évangile selon Saint-Jean ou l’épître I/13 aux Corinthiens de Saint-Paul.

Pour chaque série de découvertes scientifiques fondamentales auxquelles nous nous rapportons, l’application la plus rigoureuse des principes de construction géométrique, par laquelle un paradoxe est poussé à ses limites, a été nécessaire – comme dans le Parménide de Platon – pour montrer quelle est la question axiomatique ontologique sur la résolution de laquelle tout repose. C’est dans cette configuration, et dans cette configuration seule, que la fonction créatrice de l’esprit souverain et individuel génère un objet-intellectif valide. De même, dans la musique, une polyphonie rigoureusement légitime, elle-même ancrée dans la vocalisation rigoureusement bien tempérée du bel canto (florentin) [61], constitue la « géométrie constructive de l’audition », grâce à laquelle les questions axiomatiques se trouvent posées à la fonction créatrice.

Les problèmes suivants propres à l’interprétation musicale classique illustreront le caractère de cette exigence. Une interprétation musicale compétente se doit de respecter certains critères généraux qui, s’ils ne sont pas traités avec rigueur, peuvent nuire à la communication indirecte et nécessaire de l’objet-intellectif développé par le compositeur ou même l’empêcher (notons que ceci ne s’applique pas à l’interprétation des compositions romantiques ou atonales, dont le sujet n’a rien à voir avec les objets-intellectifs, mais plutôt avec les objets doucereux et érotiques d’un programme de notes dégénéré à la Rousseau.) En ce qui concerne les compositions classiques sérieuses, comme celles de Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Chopin, Schumann ou Brahms, l’expression des objets-intellectifs musicaux exige :

1. Une qualité chantante du son – inspirée du bel canto et de son vibrato – dans les parties vocales comme dans les parties instrumentales.

2. Une exposition soigneusement exécutée de ce qui, dans tel ou tel segment d’une partie [instrumentale – NdlTJ], équivaut aux différentes espèces de voix.

3. La transparence des voix polyphoniques : pas d’accords « écrasés ».

4. Que l’exécution tienne compte pour chaque partie [instrumentale – NdlT] des distinctions appropriées entre les registres et les passages de registres de chaque passage équivalant à une voix spécifique.

5. Un modelé propre et beau dans le phrasé et dans l’exécution de chaque ton.

6. De ne pas essayer de dissimuler, comme cela se fait de plus en plus souvent et avec insouciance aujourd’hui, l’absence de perspicacité musicale derrière un maniérisme exagéré dans l’usage des tempi, des rubati et de l’accord.

Le bien-fondé de ces précautions relativement aux objets-intellectifs musicaux, non un désir d’entrer dans les subtilités du jeu de l’interprète, nous oblige à considérer ici quelques points minimaux illustrant les qualités élémentaires d’interprétation polyphoniques pour, qu’en un éclair de perspicacité les objets-intellectifs musicaux du compositeur soient rendus intelligibles.

Certaines pratiques malheureusement banales dans le jeu du piano moderne illustrent parfaitement le type d’« instrumentalisme » anti-musical qui s’est développé jusque chez nombre d’interprètes connus. Une ceuvre classique pour pianoforte (ou, fortepiano) – comme les sonates pour piano de Mozart, de Beethoven ou de Schubert – ignore l’existence d’accords per se ; les accords n’y sont que le reflet fugitif d’une polyphonie vocale « bel-cantiste » parodiée par l’instrument. Chaque ton d’accords ainsi conçus opère comme un succédané de la ligne [mélodique – NdlT] de tel ou tel type vocal. L’interprète doit mettre en relief cette qualité chantante, en façonnant le phrasé et les tons individuels selon les indications propres aux registres relatifs et aux passages de registres.

Une excellente illustration de ce point, par rapport aux compositions classiques pour piano, nous est offerte par la coda finale de l’Opus 111 de Beethoven. Ce dernier y fait l’une des plus importantes citations de la sonate et fantaisie en do mineur pour piano Koechel 457 et 475 de Mozart, elle même dérivée, par l’entremise du motif-générateur, de l’Offrande musicale de Bach [62]. Le, ou la, pianiste devrait d’abord se jouer cette coda dans son esprit comme s’il s’agissait d’un choral, puis comme la parodie par un quatuor à cordes de ce choral ; puis, parodier au piano ce quatuor à cordes. Il, ou elle, devrait utiliser cette référence au bel canto choral pour définir les types vocaux en présence, leurs registrations et leurs passages de registres correspondants. Puis, exposer ces ironies avec une pleine transparence contrapuntique (figure 10).

Figure 10.
(en haut) Coda conclusive de la sonate op. 111 de Beethoven : le musicien devrait lire cette partition non comme de la « musique instrumentale pour piano », mais comme une version condensée d’un quatuor à cordes, reflétant lui-même un choeur « vocal » implicite.
(en bas) Le même passage est ici « éclaté » en un choral à quatre voix, chacune d’entre elles ayant sa propre portée. Le pianiste doit constamment se préoccuper d’observer les changements de registre implicites, comme on peut les voir dans la partition « vocale » (le lecteur trouvera en note 62 des explications concernant les conventions utilisées pour différencier les différents registres).
Figure 11.
Le début du premier mouvement de la sonate pour piano en si bémol mineur op. 35 de Chopin (en haut) est une citation directe du début de la sonate op. 111 de Beethoven (en bas).

Ensuite, toujours dans le même but, que le pianiste se tourne vers une ceuvre de même inspiration, le premier mouvement de la sonate de Chopin « Marche funèbre ». Il faut la comprendre, bien sûr, comme une citation de l’Opus 111 de Beethoven (figure 11). Chopin est un compositeur classique, non un romantique lisztien. Ses ceuvres doivent être jouées avec la transparence polyphonique classique, sans maniérisme, sans être massacrées comme s’il s’agissait d’un sacrifice humain sur l’autel de l’érotisme.

Enfin, considérons certaines ceuvres de Mozart composées après 1781. Doivent y figurer, au moins, la fantaisie sonate en do mineur pour piano K 457/475 composée en 1785/1784 et l’adagio et fugue en do mineur K 546/426 composé en 1788/83. Pour commencer, jouons mentalement la [fugue] pour deux claviers K 426, comme s’il s’agissait d’un écho au piano de la parodie d’un choral par un quatuor à cordes (figure 12).

Figure 12.
(en haut) En décembre 1783, Mozart composa la fugue en do mineur pour deux pianos K. 426. L’utilisation inhabituelle de la clef d’ut quatrième (clef de la voix de ténor) à la main gauche du piano I (à la place de la clef de fa) indique clairement la référence au quatuor à cordes ou au quatuor vocal. La main gauche du piano II débute avec la voix de basse tandis que les mains droites des pianos I et II entrent respectivement comme voix de soprano et mezzosoprano.
(en bas) Cinq ans plus tard, au cours de l’été 1788, Mozart transcrit la même fugue pour quatuor à cordes en y ajoutant et en l’appelant Adagio et fugue en do mineur K. 546. Les mêmes premières mesures de la fugue montrent les imitations standard entre le quatuor à cordes et le quatuor vocal : violon I (soprano), violon II (mezzosoprano), alto (ténor) et violoncelle (basse). Mozart prit soin de modifier le phrasé, notamment le staccato (note attaquée et séparée), afin de s’adapter aux exigences particulières des instruments à cordes et leur permettre de mieux imiter la voix.

Ensuite, examinons l’arrangement de [l’adagio et fugue] pour quatuor à cordes du même point de vue. Appliquons la même approche à la fantaisie K. 475, jusque (au moins) l’allegro (figure 13).

Figure 13.
Dans la Fantaisie pour clavier en do mineur K. 475, en particulier dans la section menant à l’allegro, on voit combien Mozart portait une attention rigoureuse à la registration « chorale » de ses œuvres pour piano. Les mesures 15 à 18 en sont une illustration. Si l’on compare cet exemple avec la Figure 10, on verra qu’en réalité, Beethoven fait une citation de ce passage.

Ces exercices mentaux que je propose, et d’autres similaires, doivent tendre à affiner cette qualité de perspicacité musicale menant à la reconnaissance de l’objet-intellectif [63]. Il s’avérera utile, à cet égard, d’ajouter à un tel programme pédagogique les fugues et fugatos composés après 1781 par Mozart, Beethoven et Brahms. Le travail de Bach, présenté par rapport à son oeuvre pivot l’Offrande musicale et l’Art de la fugue, devrait être considéré dans le contexte post-1781 ; l’oeuvre de Haydn d’après 1781 devrait être alors également inclue.

Une fois de plus, il convient de porter son attention sur un point crucial, à savoir que la génération d’un objet-intellectif musical se produit essentiellement de la même manière que la solution correcte au paradoxe central du Parménide de Platon : tous les aspects discrets, formels de l’existence, sont subsumés par un mode supérieur d’existence, le changement. La forme élémentaire, appropriée de cette qualité de changement est ce que nous avons décrit comme « néguentropie évolutionnaire ». Ce point est indispensable pour définir l’importance cruciale que revêt la fugue de Bach pour les travaux ultérieurs à 1781 de Mozart et des autres compositeurs de même tradition.

Le contrepoint bien tempéré de Jean-Sébastien Bach possède, comme les séries de réseau de théorèmes, trois caractéristiques notables. Premièrement, un grand raffinement est apporté dans la construction d’un réseau formel de théorèmes musicaux ; le côté académique propre à l’étude des fugues de Bach, par exemple. Deuxième, il y a le développement créateur, identique au réseau de théorèmes d’une découverte scientifique, qui génère les théories de résolutions de paradoxes, c’est-à- dire, la composition comme un tout. troisièmement, il y a l’effort pour atteindre une unité organique plus grande entre les séries de réseaux de théorèmes – l’unité de composition – comme un tout, afin de subsumer le multiple dans l’un, comme Haydn cherchait à faire dans son travail sur le motif- générateur.

Ainsi, s’il n’y avait pas eu les apports des principales ceuvres de maturité de Jean-sébastien Bach, Mozart n’aurait pas pu apporter les perfectionnements révolutionnaires au motif-générateur découvert par Haydn. Tout génie extraordinaire que Mozart était devenu en 1781, il n’aurait pas pu produire les six quatuors dits « Haydn » sans une étude assidue et approfondie des partitions de Bach, ce qu’il fit en participant aux salons que tenait tous le dimanches à Vienne le baron Gottfried von Swieten [64].

Il y a essentiellement deux aspects qu’il faut noter dans le perfectionnement apporté par Bach à la polyphonie (basée sur un do à 256hz) strictement bien tempérée et dérivée du bel canto. Il y a l’aspect formel de la méthode contrapuntique légitimement générées, comme les dissonances, un développement dont la maîtrise suppose une assise dans l’aspect formel, académique de la chose. En égard à ces différentes considérations, le Mozart de 1782-1786 était dans la même position vis-à-vis du Bach de 1747-1750 que Nicolas de Cuse l’était en 1440 vis-à vis d’Archimède dont les manuscrits arrivaient « tout frais » de Grèce.

Jonathan Tennenbaum, « The Fondations of Scientific Musical
Tuning », Fidelio, Vol.1, n°1.

C’est à partir du strict respect de conditions formelles provoquées légitimement, précondition pour amener un réseau de théorèmes au delà de ses limites, que vont être générées des paradoxes appropriés et que sera provoqué la percée créatrice de véritables découvertes. Ainsi, la notion de motif-générateur, comme les formes élémentaires de séries progressives de réseaux de théorèmes, nous présente une triple image du processus créatif de développement compositionnel unifié.

1. Stricte rigueur en ce qui concerne les paramètres formels de la polygonie, paramètres formels grosso modo analogues à la cohérence du réseau de théorèmes.

2. Le principe de ces singularités qui génèrent un formalisme nouveau et supérieur (par exemple un réseau de théorèmes à partir d’un paradoxe généré au sein de la forme d’origine. (Ces deux paradoxes sont parallèles à ceux de Platon dans le Parménide.

3. Le principe du motif-générateur, qui ordonne, ou subsume implicitement l’ordonnancement d’une succession de réseaux de théorèmes comme une unité de développement de « néguentropie évolutionnaire ».

L’étude de Mozart sur Bach, en particulier 1’Offrande musicale et ce que celle-ci représentait en tant que découverte, était nécessaire pour généraliser ce troisième et dernier aspect du processus intégré de composition. Seul un véhicule de communication, rigoureusement défini et ordonné, lettré – géométrie, musique, poésie ou prose – permet d’élaborer une anomalie de manière adéquate, c’est-à-dire de communiquer le sens du paradoxe qui se trouve associé à la génération de l’objet-intellectif par les processus mentaux créateurs.

La connaissance de la musique exige une seconde pré-condition, cruciale. L’absence, depuis les générations de Goethe, Schiller, Keats et Heine, de poètes contemporains de premier rang a créé une situation, où les élites de la civilisation européenne ont perdu la capacité de comprendre la polyphonie classique ou du moins ont de grandes difficultés à le faire. Non seulement la polyphonie classique est dérivée de la vocalisation en bel canto de la poésie classique [65], mais la relation entre les deux, l’interdépendance continue entre les deux formes est telle que perdre l’une revient virtuellement à perdre l’autre rapidement.

Ainsi que l’ont souligné Friedrich Schiller, Ludwig van Beethoven et Franz Schubert, dans leur récrimination commune à l’égard d’un Goethe qui refusait de tolérer les principes de la polyphonie classique [66], cette connexion, cette réciprocité essentielle existe entre les deux. Comme le souligne Schiller [67], la composition d’un poème classique commence dans l’imagination avec une idée de polyphonie classique sans paroles ; l’élaboration consécutive de cette image musicale, sous forme de vocalisation poétique définit le potentiel de germination du poème. Jusque là, Goethe est d’accord avec Schiller que la création de la poésie classique se passe bien ainsi ; la faille de Goethe a été son refus de comprendre l’idée platonicienne, que pour mettre sous forme musicale pleinement développée un poème, quelque chose comme un motif-générateur est indispensable. Quiconque ne peut suivre cette discussion, avec Goethe à la tête d’une faction et Schiller, Mozart, Beethoven et Schubert à la tête de la faction opposée, devient, en tant que musicien, semblable au linguiste amateur ignorant le sens profond de langues étrangères qu’il feint de parler couramment.

Compte tenu de ces considérations, non seulement le chanteur, mais l’instrumentiste devra maîtriser ce rapport entre la poésie classique et la musique, maîtrise dont il s’acquittera très bien par l’étude du chant italien, en commençant par Alessandro Scarlatti et en poursuivant ensuite par la nouvelle forme de Lied allemand introduite avec l’oeuvre révolutionnaire de Mozart, « Das Veilchen ». [68]

Ainsi que cette question, précédemment abordée, est illustrée dans le premier volume du Manuel sur les radiments de l’accord et de la registration [69], la pratique dont Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann et Brahms (notamment) usent pour la composition d’un Lied à partir d’un poème stancé [70] consiste en l’application du principe de motif-générateur, tel que Mozart, en particulier, l’avait affiné. C’est ce que Goethe et Reichardt [71] n’ont pas réussi à comprendre. Cet aspect du Lied – du « Das Veilchen » de Mozart aux « Quatre chants sérieux » de Brahms – représente également les caractéristiques essentielles du principe de Motif générateur, le principe propre à toute forme de composition classique, et donc, par voie de conséquence, le critère d’interprétation pour toute oeuvre de ce type dans cette période de l’histoire musicale.

Cet aperçu sur Bach et la poésie classique nous procure un avantage que nous ne pouvons passer sous silence.

Les principes de la polyphonie bien tempérée ont pour origine exclusive les caractéristiques naturelles de la voix chantée, telles que la pratique du bel canto les rend transparentes. Le fait de choisir le Do à 256 Hz et le La à 430 Hz comme valeurs approximatives déterminant le bon tempérament, ne relève pas du caprice ; ces valeurs sont dérivées de la spectroscopie biologiquement déterminée du « jeu » des types de voix chantées. Le système de polyphonie bien tempérée n’est pas quelque chose appliqué de l’extérieur à un poème, pour engendrer un chant ; la poésie classique est composée, à l’origine, dans chaque cas, sous l’autorité d’une idée littéralement musicale dans l’esprit du poète. La vocalisation de la ligne poétique est inhérente à l’idée par laquelle la ligne à été originalement engendrée.

De même, la définition et la résolution d’une dissonance se situent à l’intérieur de, et reposent sur, une cause naturellement déterminée par une polyphonie bien tempérée. La polyphonie bien tempérée, basée sur le Do à 256 Hz ou le La à 430 Hz, n’est rien d’autre que la beauté naturelle, naturellement déterminée. C’est à partir de cela que commence la beauté artistique, et c’est à cela qu’elle doit revenir. Ainsi, la perfection de la polyphonie bien tempérée atteinte par Bach, en tant que véhicule de composition, fournit le cadre rigoureux indispensable aux découvertes musicales de principes supérieurs – comme sa propre Offrande musicale et le perfectionnement révolutionnaire par Mozart du principe de motif-génératear de Haydn.

Pourtant, ce n’est pas suffisant ; les principes du développement polyphonique bien tempéré ne peuvent engendrer de grande musique par eux-mêmes. Tous les grands compositeurs sont revenus au texte poétique, ou à l’embryon d’idées poétiques, tant pour leurs oeuvres vocales que pour leurs oeuvres instrumentales. Toutes les idées thématiques de la musique classique sont tirées, soit de la poésie, d’idées poétiques originales du compositeur, soit du même type d’idée de vocalisation sans paroles qui est l’embryon de tout poème classique.

A moins de lire l’oeuvre de Mozart, Beethoven et autres, à la fois dans le contexte du développement apporté par Bach à la polyphonie bien tempérée et dans celui de la musique en tant que branche de la poésie classique, il ne peut y avoir aucune érudition authentique chez les professionnels ou dans le public. On pourrait qualifier l’érudition musicale authentique de perspicacité, au sens d’appréhender (saisir par l’esprit – NdlT) les ombres projetées par les caractéristiques essentielles des compositions classiques, c’est-à-dire les « Idées platoniciennes », également dénommées « objets-intellectifs musicaux ».

L’art contre le « matérialisme »

Les descriptions et les exemples présentés ci-dessus, nous ont permis de montrer la nature de ce que créativités scientifique et artistique ont en commun. Le produit immédiat de ce type d’activité est « l’objet-intellectif », ou monade dont nous traitons ici. Comme nous l’avons montré en d’autres endroits, cette activité mentale créatrice de l’individu ne peut être qu’une expérience souveraine de l’esprit individuel dans les limites duquel elle s’inscrit ; ce n’est en aucun cas une réalisation sociale « collective » [72]. Dans le cas de la découverte valide d’un principe de science physique, l’objet-intellectif créé subsume une forme définie de pratique humaine. Cette pratique est immédiatement énoncée comme concept approprié d’une expérience cruciale. Ce concept expérimental (par exemple de laboratoire) correspond à et subsume un principe qui engendre un nouveau concept de machine-outil. Ces machines-outils accroissent la domination de l’homme sur la nature, par tête et par kilomètre carré. Ainsi, un acte « spirituel », la création d’un « objet-intellectif » est une cause efficiente dans le domaine (supposément) « matériel » [73].

Dans la composition de la polyphonie classique, le résultat est dans son principe le même. Un problème – un paradoxe – fait naître par l’extension de principes, apparemment logiques, de la polyphonie bien tempérée, provoque un « objet-intellectif » musical. Ce processus est parallèle à la découverte par Cuse du principe isopérimétrique de moindre action. La génération de la solution, comme objet-intellectif, est rejouée sur le médium polyphonique. La résolution ainsi effectuée est immédiatement analogue à la conceptualisation d’une expérience cruciale. La découverte et la conceptualisation du nouveau principe de résolution révolutionnent alors le pouvoir de la composition polyphonique pour les oeuvres à venir.

Par contraste, une référence au dogme gnostique de Descartes, le deus ex machina, illustrera parfaitement le point que nous soulevons ici [74].

Du point de vue de la simple perception des sens, un paradoxe dans le domaine sensoriel de la physique expérimentale conduit à un changement de pratique, à une amélioration, dans le domaine de la physique expérimentale. De même, un paradoxe musical dans le domaine de la perception tonale des sens conduit à une résolution dans le même domaine de la perception tonale des sens. C’est ainsi la physique mathématique (en grande partie erronée) de Descartes, commence dans le domaine matériel et y reste, sans jamais s’en écarter ; c’est ainsi que la musicologie la plus formelle situe la théorie musicale. Dans les deux cas, le point de vue mécaniste, ou « matérialiste », soit nie l’existence d’un processus créateur, soit insiste que les causes et les effets – problème, solution, résultat – doivent tous pouvoir s’expliquer intégralement à l’intérieur du domaine de perception des sens, en ne mentionnant jamais les processus mentaux créateurs qui permettent de parvenir à une découverte par questionnement systématique, qu’une telle découverte existe ou non. C’est ainsi qu’une majorité parmi les candidats les plus prometteurs aux carrières scientifiques se trouve paralysée par le dogme gnostique qui veut que la science – problème, solution, résultat – doive s’expliquer (ou, supposément s’expliquer) uniquement au travers des « mathématiques scolaires généralement admises », par application des règles préexistantes. La même façon pathologique de penser, officiellement canonisée en musicologie, a ruiné le potentiel des musiciens comme du public.

Les domaines matériel ou polyphonique, respectivement, constituent chacun un domaine de perception, de perception directe des sens et de caractéristiques perceptibles reflétant des formes de pratiques sociales. Par conséquent, ils sont également les domaines auxquels renvoient explicitement toutes les formes de communication, y compris l’algèbre et la géométrie. Toutefois, la causalité ne se produit pas à l’intérieur du domaine de la simple perception ; la perception n’est pas la réalité ; elle est l’ombre déformée de la réalité. « Causalité » ne devrait pas signifier « corrélations mécaniques ou statistiques » mais la cause derrière les types de changement d’état qu’illustre la transformation perceptiblement efficiente d’un réseau de théorèmes en un autre réseau de théorèmes totalement incompatible.

La causalité se présente paradoxalement à la perception, ainsi que Platon l’expose dans le Parménide : comme un changement de « dimensionalité » transfinie ; de la sorte, l’efficience, la réalité, l’actualité ontologique du changement en tant que causalité se présente avec une incontestabilité cruciale aux facultés de perception des sens (et de la communication).

Cette causalité, ce changement, nous est connu par association à des rubriques telles que les « idées » (Platon), les « monades » (Leibniz), les Geistesmassen (Riemann), ou les « objets-intellectifs » dont nous avons parlé. Chacun de ces termes fait référence au même phénomène, mais avec une connotation légèrement différente. La différence, c’est que chacun d’entre eux a été introduit par un auteur distinct, chacun dans un contexte historique et intellectuel unique. Bien que, dans l’analyse finale, chacun de ces termes coïncide dans leur signification, leur équivalence ne peut être démontrée que par les esprits individuels, qui les ont tous expérimentés, un à un et à chaque fois dans leur contexte original.

En ce qui concerne les principes musicaux, trois de ces auteurs suffisent. Notre conception d’objet-intellectif musical de l’auteur renvoie principalement au précédent de l’esthétique de Platon et, de là, aux idées platoniciennes. Pour faire le lien avec la révolution de 1781-1786 de Haydn et Mozart, on devrait aussi y ajouter directement les définitions des « objets-intellectifs musicaux » [75] proposées par Friedrich Schiller.

Dans le travail scientifique, ou dans des travaux connexes, la distinction la plus profonde dont un individu peut faire l’expérience est celle existant entre deux qualités d’état mental. Le premier état consiste en l’application de principes connus et établis ; le deuxième dans l’acte de découverte d’un principe nouveau et valide, acte qui se produit dans le contexte de la résolution d’un paradoxe authentique. C’est la même chose en musique ; ici, l’état créateur de l’esprit correspond à la découverte, en un éclair de perspicacité, d’une perspective dans l’idée caractéristique du développement contrapuntique (polyphonique).

C’est le second des deux états d’activité mentale qui correspond à l’expérimentation d’un objet-intellectif pertinent, ou d’objets-intellectifs en tant que constituant une espèce de la vie mentale en général. En outre, dans la science et dans la polyphonie classique, ces objets-intellectifs sont la cause d’une avancée créatrice dont la génération d’un principe nouveau valide – la solution au problème – devient la conséquence manifeste.

Comment est-il donc possible, dès lors, que tant de personnes, même parmi celles parvenues aux plus hauts échelons d’accomplissement dans la science moderne et dans la profession musicale, formulent des objections si violentes aux « idées platoniciennes », ou bien insistent obstinément et stupidement que ces existences « spirituelles » ne sont pas la cause de nouveaux types de résultats recherchés et perceptibles par les sens ? Etant donné que, sans l’aide du progrès scientifique et technologique, il serait impossible d’assurer rien moins que la continuation de l’existence humaine elle-même, comment un scientifique ayant le moindre respect de soi peut-il nier le fait que ces « idées platoniciennes » sont la cause du progrès scientifique ?

Pourtant, les « idées platoniciennes » sont rejetées, non seulement par le « gnostique aristotélicien » René Descartes, mais par tous les « matérialistes » et les « empiristes ». Ce rejet insensé ne reflète pas une espèce d’ignorance naïve ; il est l’expression de cette forme de religion païenne, de gnosticisme moderne, qu’on appelle « les Lumières » françaises et anglaises, devenues dominantes dans l’Europe des XVIIème et XVIIIème siècles. Les dogmes anti-Renaissance défendus par les représentants des Lumières, tels que Robert Fludd – membre des Rose-Croix, co-fondateur de la Franc-maçonnerie britannique [76] – et René Descartes, ont gagné ensuite une certaine hégémonie dans l’enseignement d’aujourd’hui et dans l’opinion populaire par l’intermédiaire d’opérations (souvent soutenues par Londres) comme la terreur jacobine franc-maçonne de la Révolution française [77], le traité de Vienne de 1815 [78], le terrorisme mazzinien de Lord Palmerston de 1848-1849 [79] et le rôle de la Grande Bretagne dans la première guerre mondiale [80]. Tous ces événements, ou d’autres s’y rapportant, ont constitué autant de moyens visant à écraser la science leibnizienne et à écarter des arts la tradition classique de Léonard de Vinci, de Raphaël, Bach, Mozart, Schiller et Beethoven.

Afin de comprendre cet aspect des Lumières, il faut souligner deux points. Premièrement, que les racines du culte rosicrucien remontent au paganisme gnostique pré-chrétien et que les précurseurs de Fludd, Francis Bacon, Descartes, Ashmole, entre autres, étaient les héritiers de Mani (les manichéens) et des Cathares/Bogomiles (les « Bougres ») [81]. Deuxièmement, que le point commun entre les gnostiques de l’antiquité, du Moyen-Age et les Rosicruciens, comme Descartes et Emmanuel Kant, est leur insistance à nier l’existence efficiente, intelligible des « idées platoniciennes ».

La civilisation chrétienne définit un ordre séculaire dans lequel toutes les personnes, c’est-à-dire toute vie humaine individuelle, sont égales devant Dieu et la loi naturelle, ceci en vertu du principe suivant lequel tout individu humain est à l’image vivante de Dieu (imago viva Dei) [82]. Cette semblance au Créateur se situe dans l’« étincelle divine de la raison », les pouvoirs mentaux créateurs, inhérente à chaque personne humaine, qui la rendent à l’image du Créateur [83]. Ainsi, le domaine des « idées platoniciennes », des monades, ou des « objets-intellectifs » est le domaine spirituel, alors que les simples sensations et les moyens formels de communication sont le supposé domaine « matériel ».

Ce qui caractérise épistémologiquement tout gnosticisme, c’est l’insistance que le domaine spirituel n’a aucune forme souhaitable d’interaction efficiente (causale) avec le domaine en apparence « matériel ». La dichotomie gnostique divise l’univers en deux univers, l’un « spirituel », l’autre « matériel », de telle sorte que ce qui se passe dans chacun d’eux est entièrement défini par des lois (axiomes, postulats) qui lui sont « hermétiquement » propres, à lui et à lui seul comme « demi-univers ».

C’est ainsi que le néo-aristotélien et anti-leibnizien Emmanuel Kant déclare, tout au long de ses fameuses Critiques, que les monades sont « inconnaissables », et maintient avec force qu’il n’y a pas de principe de vérité dans les arts [84]. Le dogme de Kant fut adopté au XIXème siècle par les adversaires romantiques de Schiller et de la polyphonie classique, comme l’atteste la doctrine de séparation hermétique entre le Geistesnissenschaft (l’art) et les Naturwissenschaft (la science naturelle) [85].

Dans l’histoire de l’Europe médiévale et moderne, chaque progression importante du gnosticisme a toujours été liée à la promotion d’Aristote contre Platon [86]. Ceci vient du refus de reconnaître l’existence d’un Type d’activité [87] proprement créateur, et de la présomption axiomatique que l’ordonnancement interne du domaine « matériel » est algébrique (c’est-à- dire mécanique). En ce qui concerne la musique, cette conception mécaniste, aristotélicienne, ne fait que suivre la tactique pseudo-scientifique exposée par Helmholtz dans son ouvrage Théorie physiologique de la musique, fondée sur l’étude des sensations auditives, dans lequel il prétend expliquer la musique du point de vue d’un simple dogme mécaniste reposant sur la percussion et la vibration des cordes et de l’air [88].

Depuis le Moyen-Age jusqu’à l’époque de Paolo Sarpi [89], les foyers de propagation dans l’Europe occidentale et vers les Amériques des influences étroitement mêlées d’Aristote, du gnosticisme et de l’usure, se situaient dans les très vénitiennes universités de Padoue et de Rialto (ainsi que dans l’Ile de Capri de l’empereur païen Tibère). De cette influence émergea le « Parti vénitien », qui créa le libéralisme britannique et chercha à faire de sa colonie captive, la Grande Bretagne du XVIIIème siècle, une base maritime sur laquelle rebâtir un empire romain païen et mondial [90]. Ce « Parti vénitien », et ceux qu’il influençait sur le continent européen, employait et encourageait l’aristotélisme gnostique de Descartes, celui des Rosicruciens anglais du XVIIème siècle et bien d’autres formes syncrétiques encore.

Ainsi, ce que nous appelons jusqu’à ce jour la « Culture européenne » n’est pas une culture homogène, mais plutôt une guerre continue et toujours indécise entre le Christianisme, d’un côté, et de l’autre, le puissant parti de l’usure, c’est-à-dire la faction impériale païenne ayant encouragé des formes d’aristotélisme gnostique telles que les Rosicruciens, Descartes, l’empirisme, Emmanuel Kant ou, encore, les adversaires romantiques de Beethoven et Brahms.

La puissance de cette faction gnostique, ce « Parti vénitien », a donc été le moyen par lequel le matérialisme a été promu contre la science leibnizienne et l’art classique. Ce gnosticisme ayant progressivement acquis l’hégémonie politique dans les institutions scientifiques et artistiques, la capacité d’apprécier les arts classiques s’est trouvée paralysée. Dans l’art comme dans la science, le dualisme manichéen, la division imposée par le romantique Karl von Savigny entre Geisteswissenschaft et Naturwissenschaft, règne [91]. Les musiciens apprennent le langage de la musique, mais se voient refuser l’accès au sens, à la signification, à la matière même de ce langage artistique.

La question centrale se situe donc dans le fait que l’objet-intellectif musical, produit de la raison créatrice, se sert des implications paradoxales inhérentes à l’aspect sensoriel du langage polyphonique pour communiquer à l’esprit de l’autre la reconnaissance du même objet-intellectif musical. La précieuse essence de la polyphonie classique est en grand danger d’être perdue pour les prochaines générations. La mission adoptée par les artisans du Manuel sur les rudiments de l’accord et de la registration est de contribuer à garder en vie, pour les générations présentes et futures, ce savoir menacé de l’art classique.


Notes

[1Lyndon H. LaRouche, Jr., « The Classical Idea : Natural and Artistic Beauty », Fidelio, Vol. I, n° 2, Printemps 1992.

[2Lyndon H. LaRouche, Jr., « On the Subject of Metaphor », Fidelio, Vol I, n° 3, Automne 1992.

[3A Manual on the Rudiments of Tuning and Registration (Washington, D.C., Schiller Institute, 1992), Vol. I, pp. 229- 260.

[4LaRouche, « On the subject of Metaphor », op. Cit.

[5Joseph Haydn, Quatuors à corde Opus 20 et 33. A propos de l’influence qu’a eu le principe de Motivfuhrung de Haydn sur la méthode de composition de Mozart, voir Hermann Abert, W.A. Mozart, neubearbeitete und erweiterte Ausgabe von Otto Jahns Mozart, Leipzig, VEB Breitkopf und Hartel, 1983, Vol. Il, pp. 135-151.

[6J.S. Bach, l’Offrande musicale BWV 1079.

[7Lyndon H. LaRouche, Jr., « Solution to Plato’s Paradox : The « One » and the « Many » », Fidelio, Vol. I, n° 1, Hiver 1992, passim.

[8Voir note 3.

[9L’insurrection de la « Jeune Europe », liée à Lord Palmerston, coïncida avec un assaut contre Beethoven et la polyphonie classique en général par des personnes telles que Wagner et son « complice » Bakounine. L’un des angles de cet assaut a été la tentative d’éliminer le diapason de l’orchestre fixé à 256 Hz pour le do (environ la à 432 Hz), en redessinant les instruments à vent pour accord sur un la à 440 Hz ou même plus haut.

[10Pour ne citer que trois exemples : (a) En 1787, Mozart retravailla sa Sérénade n° 12 en do mineur pour deux cors, deux hautbois, deux clarinettes et deux bassons, K. 388 (1782), comme son quintette en do mineur pour deux violons, deux altos et violoncelle, K. 406. (b) En 1797, Beethoven retravailla sa partita en mi bémol pour octuor à vent, Op 103 (1792, publié après sa mort), comme son quintette pour deux violons, deux altos et violoncelle, Op. 4. (c) En 1801, la maison Mollo publia le quintette en mi bémol majeur pour piano et instruments à vent, Op. 16 qu’il avait composé en 1797 et, simultanément, publia l’arrangement qu’en avait fait Beethoven comme quatuor pour pianoforte et cordes (à ne pas confondre avec un arrangement publié par la suite pour quatuor à cordes seul, avec lequel l’auteur n’avait rien à voir).

[11Cardinal Nicolas de Cuse, De Docta Ignorantia, De la docte Ignorance, Paris, Ed. Guy Tredaniel, 1979.

[12Archimède, « Measurement of a circle », et « Quadrature of the parabola » in the Works of Archimedes, Ed. par T.L. Heath, New York, Dover Publications, pp.91-98, 233-252.

[13LaRouche, « Classical Idea », op. cit.

[14Tout au long de ses dialogues, Platon discute sa théorie des « idées » (eidé). Le dialogue Le Parménide est entièrement consacré à ses recherches. Parmi les principaux dialogues où cette recherche est traitée, on notera également, par ordre chronologique de composition : le Ménon, le Phédon, la République, Théétète et le Sophiste.

[15Gottfried Wilhelm Leibniz, La Monadologie, Librairie générale française, le Livre de Poche, Paris, 1991.

[16Voir Bernhard Riemann, « Zür Psychologie und Methaphysik » en ce qui concerne les cours de Herbart à Gettingen. Pour la référence de Riemann aux Geistesmassen, voir dans Mathematische Werk, 2ème Ed. 1892, œuvres posthumes, ed. par LL weber en collaboration avec R. Dedekind et, pour l’édition française, Oeuvres mathématiques, Sceaux, Ed. Jacques Gabay, 1990.

[17LaRouche, « On the Subject of Metaphor » op. Cit.

[18Ibid.

[19L’aspect topologique du phénomène électromagnétique est déjà évident dès les premières recherches d’Ampère dans son expérience sur le solénoïde simple : A. M. Ampère, Théorie mathématique des phénomènes électro-dynamiques uniquement déduite de l’expérience, Paris, Blanchard, 1958.
Dans l’appareil figuré ci-dessous, on verra l’aiguille du compas magnétique pivoter 360 degrés dans une révolution de 180 degrés du compas autour du solénoïde électrifié, suggérant une topologie d’action multiplement connectée.

Les recherches de Bernhard Riemann sur les topologies d’espèce supérieure et toroïdales en connexion avec les « courants » électriques sont rapportés dans l’ouvrage de Félix Klein (Sur la théorie des fonctions algébriques de Riemann et de leurs intégrales.)

James Clerk Maxwell insista que de tels éléments topologiques pouvaient être ignorés dans le but d’une analyse, et que les régions d’espèce supérieure de l’espace pourraient être réduites à des régions simplement connexes par des coupures (« diaphragmes »), J.C. Maxwell (New York : Dover, 1954).

Eugenio Beltrami, dans « Sull’ equazioni generali dell’ elasticitá », Annali di Matematica pura ed applicata, serie II, tomo X, (1880-82), p. 188-211, apporta une réfutation dévastatrice de toute la théorie de l’élasticité sur laquelle la théorie de l’électromagnétisme de Maxwell était basée.

[20On doit au mathématicien Hermann Grassmann la supposée preuve mathématique sur laquelle repose cette concoction produite par Ruppert Clausius et Lord Kelvin sous le nom de « Seconde loi de la Thermodynamique ». Cette preuve a également été employée par Clausius pour élaborer une critique incompétente des travaux de Bernhard Riemann sur l’électrodynamique.

Dans un document de 1858 intitulé A Contribution to Eletrodynamics (Une contribution à l’électrodynamique), Riemann affirma la cohérence entre la théorie de l’électricité et du magnétisme, et celle de la lumière et de la chaleur rayonnante, suggérant que les effets électrodynamiques ne sont pas instantanés, mais sont propagés avec une vélocité constante égale à la vélocité de la lumière. Ce document fut publié après sa mort, puis critiqué par Clausius, qui objecta à l’apparence d’une intégrale exprimant la valeur du potentiel, qu’il interpréta comme pouvant prendre une valeur infinitésimalement petite.

Helmholtz fit le même genre de critique contre le travail d’un collaborateur de Riemann, Wilhelm Weber, le maître reconnu dans la recherche électrodynamique fondamentale. Helmholtz argua sans réfléchir que la loi de Weber sur la force électrique contredisait la loi de la conservation de force, en permettant à deux particules chargées de réaliser théoriquement une vis viva (énergie) infinie.

Weber répondit à la critique dans son Sixième mémoire sur les mesures électrodynamiques, trad. dans The London, Endinburgh, and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science, Vol. XLIII-Quatrième série, janvier-juin 1872, pp. 120, 119-145. Il fit remarquer que l’objection n’était valable que si les particules chargées avaient une vélocité infinie. Ainsi, Weber en déduisit qu’il peut y avoir vélocité limitative finie pour deux particules électriques, de telle sorte que son carré ne dépasse pas c2. Bien que Maxwell renonça plus tard à l’attaque de Helmholtz dans une édition du Traité sur l’électricité et le magnétisme, la critique existe toujours aujourd’hui.

[21Lyndon LaRouche, « In Défense of Common Sense », dans The Science of Christian Economy and Other Prison Writings (Washington, D.C., Schiller Institute, 1991).

[22LaRouche, « Metaphor », op. cit., pp. 20-22.

[23Platon, Le Timée.

[24Pour Platon sur la géométrie comme dialectique, voir Platon, La République, op. cit., Livre 7.

[25Voir Nora Hamerman, « The Council of Florence : The Religious Event That Shaped the Era of Discovery », Fidelio, Vol.I, N° 2, spring 1992, pp. 23-26.

[26Gottfried Wilhelm Leibniz, « Specimen Dynamicum » (1695), in Leibniz Selections, réd. par Philip P. Wiener (New York, C.S. Sons, 1951) ; Johann Bernoulli, « Curvatura Radü », in Diaphonous Nonformabus Acta Erudictorum, mai 1697.

[27Nicolas de Cuse, De la docte ignorance.

[28Luca Pacioli, De Divina Proportione (1497), pour lequel Léonard de Vinci dessina les diagrammes géométriques. On trouvera des reproductions de ceux-ci dans The Unknown Leonardo, ed. par Ladislao Reti, New York, McGraw-Hill Company, 1974, pp. 70-71. Pour l’édition française, Divine proportion, Paris, Librairie du Compagnonage, 1988.

[29Voir par exemple Johannes Kepler, Le secret du monde, Paris, Ed. Gallimard, 1954.

[30Pierre de Fermat, Oeuvres Ferrnat, ed. 1891, epistl. xiii, xliii.

[31Biaise Pascal, L’oeuvre de Pascal, de Jacques Chevalier, Paris, Gallimard, 1954.

[32Christian Huygens. L’horloge oscillante, Paris, Ed. Albert Blanchard, 1981.

[33Voir note 26.

[34Au cours de sa vie, Léonard de Vinci était aussi réputé comme musicien que comme artiste ou ingénieur. Bien que le livre De Voce (De la voix), écrit semble-t-il par lui, soit perdu, les manuscrits existants fournissent des exemples importants de sa pensée, sa pratique, et de sa grande influence sur le développement subséquent de la composition et le dessin des instruments à cordes.

La référence la plus complète se trouve dans le livre Leonardo da Vinci as a Musician d’Emmanuel Winternitz (New Haven, Yale University Press, 1982). Non seulement Léonard de Vinci était étroitement associé aux grands fabricants d’instruments de l’époque, mais il était célébré comme un virtuose de la lira da braccio, un instrument à cordes et archet qui est universellement considéré comme un des plus proches précurseurs du violon. Dans sa forme la plus développée, la lira da braccio avait un corps plat, un dos rond, et cinq cordes sur lesquelles on jouait normalement (en pinçant les cordes sur la touche) et deux cordes libres qui avaient la particularité d’être tendues à l’« air libre » (sans toucher le manche) de telle sorte que quand elles étaient mises en vibration par le plectre ou l’archet, elles ne pouvaient donner qu’un seul son, celui de la corde à vide sonnant dans sa pleine longueur. Elle reposait sur l’avant-bras, avait un son plus doux que le violon moderne, et était utilisé pour un accompagnement polyphonique (généralement improvisé) de la poésie chantée.

L’invention d’une viola organista, un instrument à clavier analogue à l’orgue, montre tout l’intérêt que portait de Vinci à la création d’instruments qui pouvaient imiter et amplifier la polyphonie chorale vocale. Au lieu de produire des notes au moyen du vent, la viola organista utilisait un arrangement par lequel les touches pourraient activer un archet continu à travers les cordes, imitant ainsi un ensemble de violes.

Une des inventions les plus précoces de Léonard de Vinci est une « lira » (probablement, une lira da braccio) dans une forme inhabituelle de tête de cheval, qu’il a présentée au duc de Milan, Ludovico Sforza, en 1482. Cette tentative de créer un instrument à cordes plus résonnant en utilisant les cavités du crâne, bien que ce soit un crâne d’animal, indique bien la perception qu’avait de Vinci de la relation entre la production de sons dans la voix et dans les instruments à cordes – notamment depuis que de Vinci fut le premier à identifier, dans ses dessins du crâne humain à partir de 1490, les cavités du sinus qui jouent un rôle clé dans la définition des registres et l’amplification de la voix.

Le violon lui-même apparut dans la première moitié du XVIème siècle. Les deux cordes libres qui existaient dans la lira da bracio disparurent et le nombre de cordes mélodiques fut réduit à quatre. Par ailleurs, on donna au fond de la caisse de résonance cette fameuse forme courbe qui permet au violon de reproduire la voix de bel canto. Dans un essai réimprimé dans son livre de 1967, Musical Instrument and their Symbolism in Western Art, Winternitz émit l’hypothèse que le premier véritable violon pourrait avoir été inventé par le peintre Gaudenzio Ferrari, qui représente un violon clairement identifiable sur lequel joue un ange, dans une fresque de cave à Saronno, près de Milan. Si Gaudenzio ne fut pas un élève direct de Léonard de Vinci, il faisait partie de l’école lombarde qui avait été influencée par de Vinci lors de ses deux longs séjours à Milan, et il partageait l’intérêt qu’éprouvait de Vinci pour la peinture, le chant et le développement des instruments de musique.

Crémone, où la famille des instruments à cordes a été perfectionnée à partir de la fin du XVIème siècle jusqu’au XVIIIème siècle, est dans cette même région lombarde influencée par de Vinci. L’empreinte de l’influence de de Vinci sur les arts visuels a marqué la région, et il n’y a aucune raison de croire que ce serait différent pour les autres instruments musicaux.

[35Dans La vision de Dieu (1464), Nicolas de Cuse développe la conception que chaque espèce, avec ses facultés naturelles ainsi qu’elles se développent, « aspire » à l’existence d’une espèce supérieure, comme l’homme le fait pour la connaissance de l’Absolu, de Dieu. Ici, l’idée de Cuse d’une évolution néguentropique des espèces comme la caractéristique de la Création, est exprimée par la conception poétique de terminus specie.
L’univers consiste en une croissance néguentropique d’ordre supérieur, dont le microcosme est la raison humaine. L’espèce reconnaît cet ordre divin de la Création, de sa propre manière, et devient une singularité dans la transition d’un ordre à l’autre. Ainsi, l’espèce a un terminus specie, l’actualisation de l’infini dans un point, qui permet d’autres développements.

[36LaRouche, « Metaphor », op. cit., pp. 26-32.

[37Voir note 34.

[38Emmanuel Kant, Critique du jugement. Pour la réfutation de Kant par Friedrich Schiller, voir Friedrich Schiller, Lettres sur l’éducation esthétique de l’Homme.

[39Formellement, l’eidos de Platon est correctement traduit par « idée », en d’autres termes, Platon entend par eidos ce que Leibniz identifie par monades, et LaRouche par « objet-intellectif ».

[40Nicolas de Cuse, De la Docte Ignorance, op.cit.

[41Bien que le temple de l’oracle de Delphes soit généralement associé au culte d’Apollon, même à l’époque de la Grèce classique, Apollon était seulement un des trois dieux païens auquel le temple était associé. Les dieux originaux du site étaient, au sens littéral, Satan et sa mère, connus respectivement sous les pseudonymes locaux de Python et Gaïa. En Phrygie, Python était nommé Dionysos. Selon le biographe Plutarque, à l’époque du fameux prêtre d’Apollon à Delphes, l’oracle était une prêtresse que l’on appelait la Pythie, ce qui signifiait prêtresse de Python. Elle faisait ses prophéties dans le site abritant le tombeau de Python-Dionysos. Une fois la cérémonie terminée, les prêtres d’Apollon se livraient alors au décryptage de ses énigmatiques messages. Python-Dionysos était l’équivalent de Shiva du sous-continent indien, du Satan sémitique, et de l’Osiris grec ; ce Dionysos était le Satan adoré par ce précurseur « New Age » d’Adolf Hitler, cet antéchrist auto-proclamé qu’était Friedrich Nietzsche, « Pourquoi je suis fatalité et passim », in Ecce Homo.

[42Grâce à l’intervention du culte de Delphes, protecteur de la ville de Rome, cette dernière gagnait en puissance chez les Latins puis en Italie. En 212 av. J.C. les légionnaires romains assassinaient Archimède.

[43Voir note 12. Nicolas de Cuse a probablement acquis son exemplaire des écrits d’Archimède à partir de la collection grecque que George Gemistos (« Plethon ») avait amenée à Florence.

[44Pour l’oeuvre d’Archimède, voir la note 12. En ce qui concerne la méthode égyptienne de la quadrature du cercle, on pourra consulter l’ouvrage de Cari B. Boyer, History of Mathematics, New York, John Wiley & Sons, 1991.

[45Nicolas de Cuse, « De Circulii Quatradura », op. Cit.

[46LaRouche, « Metaphor », op. cit. pp. 18-20.

[47Voir plus loin, la partie IV sur les objets-intellectifs.

[48Voir note 27.

[49Jacob Steiner, Die geometrischen Konstruktionen ausgefuhrt mittels der geraden Linie une eines festen Kreises, als Lehrgegenstand auf höheren Unterrichtsanstalten und zur praktischen Benutzung. Steiner était le professeur de géométrie de Bernhard Riemann.

[50Euclide, Les treize livres des éléments d’Euclide, Paris, Ed. du C.N.R.S.

[51Lyndon LaRouche, A Concrète Approach to U.S. Science Policy, Washington D.C., Schiller Institute, 1921.

[52Voir Carlo Zammattio, « The Mechanics of Water and Stone », in The Unknown Leonardo, op.cit. pp. 190-207, pour les différents diagrammes et citations relatifs aux manuscrits et codex de Léonard de Vinci ; voir aussi Dino de Paoli, « Leonardo : Father of Modem Science », in Campaigner, Vol. XV, n°1 d’octobre 1985, pp. 34-37, pour un compte rendu des travaux de Léonard de Vinci sur la mécanique des fluides d’un point de vue riemannien. Les recherches de Léonard de Vinci sur l’hydrodynamique ont été regroupées par F.L. Arconati in Del moto e misura dell’acqua (1643).

[53Johannes Kepler, L’Etrenne ou la neige sexangulaire, Ed. du C.N.R.S., Vrin, 1975.

[54Voir note 25.

[55Georg Cantor, Sur les fondements de la théorie des ensembles transfinis, Sceaux, Ed. Jacques Gabay, 1989.

[56En 1931, le mathématicien autrichien Kurt Gödel démontra, de manière formelle, que l’on peut formuler des propositions à l’intérieur d’un système logique formel, dont la vérité ne peut être déterminée à l’intérieur des règles de ce système. La preuve de Gödel apporte la réponse, en négatif, au « Deuxième » des 23 fameux problèmes non résolus que le mathématicien David Hilbert de l’université de Göttingen avait proposés en 1900 au deuxième Congrès international de mathématiques à Paris. Dans le « Deuxième problème » d’Hilbert, il fallait déterminer s’il peut être prouvé que les axiomes de l’arithmétique sont cohérents, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent jamais mener à des résultats contradictoires. La même prémisse formelle se trouve derrière plusieurs questions d’Hilbert, dont le « Dixième problème » qui concerne la solvabilité des équations de Diophantine (équations algébriques où les coefficients et les solutions doivent être entiers). Pour le « Dixième problème » d’Hilbert, voir Cari B. Boyer, A History of Mathematics, op cit. pp. 610-614. Voir également Ernest Nagel et James R. Newman, Gödel’s Proof, New York, Dover Publications, 1962, p. 127.

[57En 1672, Gottfried Leibniz fut nommé « membre honoraire » de l’Académie royale des sciences à Paris par Jean-Baptiste Colbert, où il débuta sa longue collaboration avec Christiaan Huygens.

[58Par exemple, Huygens utilisa la construction de Léonard de Vinci sur l’aberration de la lumière dans un miroir sphérique, dans les dernières pages de son Traité de la lumière, Montrouge, Ed. Michel Blay, Dunod, 1992.

[59Gottfried Wilhelm Leibniz, « Naissance du calcul différentiel : 26 articles des Acta Eruditorum », Paris, Ed. Vrin, 1995.

[60Les caractéristiques essentielles des découvertes de l’auteur entre 1948 et 1952, sont expliquées dans « On the subject of Metaphor », op. Cit.

[61Il est prouvé qu’à Florence, dès avant les années 1430, le bel canto était enseigné aux choeurs des églises. Les sculptures de Luca della Robbia, dans les stalles de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, représentent des enfants chantant de la manière que nous appelons aujourd’hui le bel canto florentin. Malheureusement, au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, un pseudo-bel canto apparut à Venise et ailleurs, un « bel canto vénitien » destiné aux castrats, qui n’est pas recommandé pour les éventuels ténors aujourd’hui. Voir Nora Hamerman, op. Cit.

[62L’Offrande musicale de J.S. Bach se compose de deux études approfondies sur la fugue à partir du « thème royal » (ainsi nommé car écrit par le roi Frédéric « le Grand » de Prusse), de plusieurs démonstrations canoniques, et d’une sonate complète à trois instruments. Dans la première étude, le « Ricercare à trois voix » (le mot italien « ricercar » signifie rechercher), Bach présente le thème à la voix de soprano :

Pour indiquer les registres vocaux, nous reprenons la convention établie dans A Manual on Tuning, op. cit. Le troisième registre (III) est indiqué par un encadré non rempli au contour renforcé, le deuxième registre (II) n’est pas marqué, et le premier registre (I) est noté soit par un encadré au fond gris (pour les voix de femmes), soit par un encadré au contour fin (pour les voix d’hommes).

Le thème s’ouvre sur deux notes dans le deuxième registre, s’élève dans le troisième registre avant de retourner brusquement au deuxième registre avec le si bécarre. La quatrième mesure accentue fortement le changement entre le IIIème et le IIème registre par la présence d’un fa dièse sur le premier temps – le temps fort – immédiatement suivi par un fa bécarre. La phrase se développe au fil d’une descente vers le deuxième registre qui sera atteint à « petits pas », par une succession de demi-tons (l’intervalle le plus petit) avant de conclure par un saut vers la cadence finale. A la différence du « Ricercare à trois voix », dans le « Ricercare à six voix », Bach introduit le thème à la voix de mezzosoprano :

L’utilisation des registres dans les cinq premières notes du thème est semblable à celle de la soprano ; mais dans la seconde phrase – également descendante –, les registres sont utilisés de manière à attirer l’attention sur une ambiguïté propre au thème qui oscille entre do majeur (mi bécarre sur le troisième degré) et do mineur (mi bémol sur le troisième degré). Cette ambiguïté, engendrée par cet « entrecroisement » des modes majeur et mineur, nous donne un aperçu de l’objet-intellectif rudimentaire sous-tendant le développement de l’ensemble de l’Offrande musicale.

Ici, les mesures d’ouverture de la Sonate pour piano en Do mineur K. 457 de Mozart, témoignent de l’avancée de Mozart dans le traitement de la même idée thématique :

Seules – dans ces premières mesures de la sonate pour piano – sont exposées les voix de « soprano » et de « mezzosoprano ». Les cinq premières notes sont « chantées » à l’unisson par les deux voix, et l’on retrouve certaines caractéristiques d’utilisation des registres déjà rencontrées dans l’Offrande musicale. Ce n’est qu’à partir des mesures 9 à 13 que Mozart introduit l’ambiguïté majeur/mineur. A la phrase descendante de la mezzosoprano répond, transposée à l’octave supérieure, la même phrase descendante à la voix de soprano.

Ultérieurement, Mozart a composé sa Fantaisie en do, K. 475, dans le but exprès d’expliquer les principes de sa composition de la Sonate K. 457. L’ouverture expose les ambiguïtés du « thème royal » dans une forme plus concentrée :

Ici encore, seules les voix de « soprano » et de « mezzosoprano » se font entendre. Nous trouvons dans l’unisson de la première phrase, un mi bémol et un fa dièse lesquels, pris ensemble, constituent une « limite » au-delà de laquelle la « registration » cesserait d’être la même. La deuxième mesure est dominée par une « registration » de soprano avec son fa dièse aigu caractéristique. Les troisième et quatrième mesures sont, quant à elles, plutôt dominées par une registration de mezzosoprano, avec le changement de registre au mi bécarre. L’évolution poétique entre les deux premières mesures et les deux suivantes, est souligné par des indications de phrasé dans la troisième mesure, qui diffère de celle de la première mesure. (Plusieurs éditions modernes des oeuvres pour piano de Mozart indiquent, de manière tout-à-fait erronée, des phrasés identiques pour les mesures 1 et 3.)

[63L’auteur estime que l’object-intellectif correct apparaît d’autant plus clairement que l’on s’efforce de reproduire, de se jouer mentalement, le morceau et ses différentes variations et ce, de manière répétée.

[64Sur le baron Gottfried von Swieten et son salon, voir David Shavin, « Mozart and the American Revolutionary Upsurge », paru dans Fidelio de l’hiver 1992 ; voir également Bernhard Paumgartner, Mozart (München, 1991).

[65Jonathan Tennenbaum, « The Fondations of Scientific Musical Tuning », Fidelio, Vol.1, n°1.

[66Voir A Manual on Tuning, op. cit., ch. 11, passim.

[67Ibid., p. 201, notes 2-5.

[68Ibid., pp. 202-208.

[69Ibid., pp. 208-220.

[70Voir Gustav Jenner, Johannes Brahms als Mensch, Lehrer und Künstler, Studien und Erlebnisse, Marburg an der Lahn, N.G. Elwert’sche Verlagsbuchhandling, G. Braun, 1930. Quelques passages sont reproduits dans A Manual on Tuning, op. cit., ch 9-12, passim.

[71Voir A Manual on Tuning, op. cit., ch. 11, passim.

[72LaRouche, « Metaphor », op. cit., p. 41 ; voir aussi « The Science of Christian Economy » dans Christian Economy op. cit., pp. 229-240.

[73LaRouche, « Metaphor », op. cit., pp. 36-37.

[74LaRouche, « Metaphor » op. cit., pp.37-39 ; voir aussi US Science Policy, op. cit., Chap. IV, pp. 108-111 et note 3.

[75Voir A Manual on Tuning, op. cit., ch. 11, passim.

[76LaRouche, « The Science of Christian Economy », dans Christian Economy, op. cit., p. 482.

[77Les démagogues de la Terreur, Danton et Marat, furent formés et déployés par Londres, sous la supervision immédiate de Jeremy Bentham, qui était au service de Lord Shelbourne (de la Compagnie des Indes orientales). Les cercles proches de Robespierre furent parrainés à la fois par deux alliés de Londres : Philippe « Egalité », Duc d’Orléans et dirigeant franc-maçon, et le banquier suisse Jacques Necker, qui avait ruiné financièrement le gouvernement de la monarchie française. La fille de Necker, Mme de Staël, une prétendue amie de Marie Antoinette, dirigeait le salon à la mode par l’intermédiaire duquel la cause politique des bouchers jacobins fut encouragée.

[78Avec la Restauration des Bourbon, survenue à la suite du Traité de Vienne, le gouvernement britannique réussit à « purger » l’Ecole Polytechnique (institution scientifique la plus importante de France) de son fondateur Gaspard Monge et du remarquable programme d’éducation et de travail que celui-ci avait mis sur pied en se basant sur la méthode leibnizienne. Par la suite, la science française sombra rapidement avant de s’effacer devant l’Allemagne, vers 1827, et celle-ci, jusqu’à la période d’Hitler, garda la première place.

[79Lord Palmerston, premier ministre britannique aida Napoléon III à prendre le pouvoir en France dans le cadre d’une stratégie d’influence utilisant le cheval de Troie mazzinien dans toute l’Europe, afin de la déstabiliser par le chaos. Giuseppe Mazzini était affilié aux carbonari, un mouvement considéré en raison de ses actions comme le prédécesseur du terrorisme international moderne.

[80LaRouche, US Science Policy, op. cit., chap.IV, pp. 103-107.

[81Ibid., chap.IV, pp. 93-97.

[82LaRouche, « The Science of Christian Economy », dans Christian Economy, op.cit., pp. 224-236, 301-303, 432-439.

[83Philon d’Alexandrie, « Du récit de la création du monde donné par Moïse ».

[84Immanuel Kant, Kritik der Urteilskraft. Voir aussi LaRouche, « The Science of Christian Economy », dans Christian Economy, op. cit., pp. 333-334.

[85Karl Savigny, professeur de Droit de l’université de Berlin et
précurseur de la doctrine juridique nazie, fut l’un des principaux porte-parole, au XIXème siècle, de la conception irrationnelle des Romantiques envers l’art et la science. Il diffusa la notion néo-kantienne couramment enseignée aujourd’hui, selon laquelle il y a une séparation « hermétique » entre sciences de l’esprit et sciences exactes.

[86Cette tendance remonte à la hiérarchie orientale de l’Eglise,
sous l’influence des empereurs byzantins ; en Orient, Platon fut abandonné en faveur d’Aristote plusieurs siècles avant que le dogme gnostique ne fût exporté en Europe occidentale via l’Espagne mauresque et Venise. Les prétendues sectes néo-platoniciennes, créées à Byzance et infiltrées en Europe occidentale, étaient en vérité des produits de l’aristotélisme et n’avaient pas grand chose à voir avec Platon.

[87Le terme « type » est utilisé au sens de Georg Cantor.

[88Hermann Helmholtz, Théorie physiologique de la musique fondée sur l’étude des sensations auditives, Sceaux, Ed. J.
Gabay, 1990.

[89Paolo Sarpi (1550-1623), un ancien procureur général de l’ordre religieux Servite, fut nommé théologien d’Etat à Venise en 1606, à la veille d’une âpre lutte entre le pouvoir vénitien et l’Eglise catholique. Il avait été théoricien des « nouvelles maisons » de l’aristocratie vénitienne (i nuovi), qui s’imposa contre les « vieilles maisons » (i vecchi) en 1582, à l’issue d’une des plus dramatiques luttes de pouvoir de l’histoire vénitienne.

I nuovi préconisaient : 1) une attaque généralisée contre l’Eglise de Rome et ses alliés comme l’Espagne et la dynastie des Habsbourg ; et 2) le redéploiement du pouvoir financier vénitien vers le Nord, en Angleterre et aux Pays-Bas, en raison de la découverte du Nouveau Monde et de l’ouverture de nouvelles routes commerciales. Bien qu’il fût lui-même matérialiste convaincu et apologue des grandes fortunes vénitiennes qui se réorganisaient, Sarpi, en tant qu’agent idéologique de Venise, accusait l’Eglise catholique d’être « trop terrestre », « corrompue », et dirigée par une « monarchie papale ».

[90Graham Lowry, How the Nation Was Won : America’s Untold Story, 1630-1754, Washington, Executive Intelligence Review, 1987, pp. 74-76, 158-201.

[91Voir Andreas Buck, « Das Elend der deutschen Jurisprudenz : Karl von Savigny », Ibykus, Vol. III, N°11, 1984, pp. 47-54.

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