« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

Accueil > Notre action

_

Conférence internationale des 7 et 8 décembre 2024

7 novembre 2024

Les 7 et 8 décembre, l’Insitut Schiller a tenu une visioconférence internationale, suivie par plusieurs milliers de personnes et réunissant des personnalités de renom.
En hommage au 40ème anniversaire de l’Institut Schiller, elle a été placée sous le double tutelle de la poésie et de la musique telle que concrétisée par l’Hymne à la joie de Beethoven sur un poème de Schiller, dont les vers fameux devraient inspirer toute recherche authentique de la paix.

Dans l’esprit de Schiller et Beethoven :
« Tous les hommes deviennent frères » !

Les temps forts de la conférence

Le 7 décembre, Helga Zepp-LaRouche a ouvert la conférence de l’Institut Schiller en ces termes : « Nous sommes réunis ici afin de lancer un appel urgent au monde pour dire non seulement que nous sommes à quelques semaines, voire quelques jours ou heures, de la plus grande catastrophe potentielle de l’histoire de l’humanité, à savoir son anéantissement dans une guerre thermonucléaire, mais aussi qu’il existe une solution, un moyen d’échapper à ce danger, si les individus de bonne volonté s’unissent dans le monde entier pour en imposer la mise en œuvre. »

Mme LaRouche a salué les personnalités devant intervenir lors de ces deux journées, venues de nombreux points du monde, parmi lesquels d’anciens chefs d’Etat, dirigeants politiques, ambassadeurs et responsables militaires, ainsi que des économistes, agriculteurs, scientifiques, etc. Conscients du danger d’une nouvelle guerre mondiale, tous ont appelé, à leur manière, l’Ouest à comprendre que l’évolution vers l’égalité entre nations souveraines et le droit de tous au développement n’était pas une menace mais un grand bien, et la seule voie pour faire avancer tous les pays.

Cette année marque également le 40ème anniversaire de la fondation de l’Institut Schiller par Helga Zepp-LaRouche, qui lutte depuis lors pour instaurer un nouvel ordre économique mondial plus juste. Toute la conférence était imprégnée par les idées, souvent controversées et toujours stimulantes, développées par l’économiste Lyndon LaRouche au cours des nombreuses décennies de sa vie très productive, que ce soit dans le domaine de l’économie physique, de la science et la technologie, ou de la culture classique, et qui se sont traduites par des programmes concrets de développement pour diverses régions du monde.

Helga Zepp-LaRouche a ainsi défini l’objectif essentiel de la conférence : « Rejetons l’idée que les relations entre les nations sont un jeu à somme nulle, où il y a forcément un gagnant et un perdant. Nous sommes des êtres humains, pas des animaux sauvages ! La sortie de cette crise existentielle est en fait relativement simple : nous devons convaincre les nations de l’Occident collectif d’abandonner leur arrogance eurocentrique et de coopérer avec les nations du Sud, qui constituent la majorité mondiale, soit 85 % de la population humaine, pour construire un nouvel ordre économique mondial juste, fondé sur les Cinq principes de la coexistence pacifique et la Charte des Nations unies. Pour cela, nous devons éliminer définitivement de notre façon de penser tous les axiomes oligarchiques et les remplacer par la philosophie de la coincidentia oppositorum, la coïncidence des opposés développée par Nicolas de Cues, qui nous permet d’appréhender l’humanité comme un tout, un ‘Un supérieur’, doté d’une puissance plus élevée que celle de ses multiples composants. »

La parole est donnée à la Majorité globale

Naledi Pandor, ancienne ministre sud-africaine des Affaires intérieures, qui devait initialement s’exprimer après le discours d’ouverture d’Helga Zepp-LaRouche, a dû reporter sa participation au lendemain. Vous retrouverez son intervention ci-dessous, après un avant-goût des présentations des intervenants successifs, que nous invitons nos lecteurs à suivre en intégralité sur Internet.

« Je souscris entièrement à l’analyse » de Mme Zepp-LaRouche, a déclaré d’emblée le professeur Dmitri Trenin, superviseur académique de l’Institut d’économie militaire mondiale et de stratégie à l’École supérieure d’économie de Moscou. Pour lui, « la mondialisation dirigée par l’Occident est finie ». Son hégémonie, comme il se doit, « a commencé à se fissurer et à s’effondrer ». Il conteste le terme de « deuxième Guerre froide » car la dissuasion qui assurait à l’époque que cette guerre reste « froide » ne fonctionne plus. Le plus important aujourd’hui, selon lui, serait que les dirigeants américains se rendent compte « des dangers d’une extension impériale excessive » et placent les intérêts de la sécurité nationale des États-Unis au-dessus de la « sécurité » hégémonique du système mondial dirigé par les États-Unis ». Malgré les appels forts, en Russie même, à mobiliser toutes les ressources pour la guerre en Ukraine, « la Russie donne la priorité au développement économique, technologique et intellectuel ». En cela, les dirigeants russes ont tiré la leçon du passé soviétique, une leçon que d’autres feraient bien d’étudier aujourd’hui.

Donald Ramotar, ancien président du Guyana, a déploré tout d’abord le génocide à Gaza. Il a noté que l’objectif de certains dirigeants occidentaux « était, depuis le début des années 1990, de faire en sorte que la Russie soit faible et impuissante. Cette lutte a créé une situation effrayante », à savoir le risque imminent d’une guerre nucléaire. Il a appelé l’Occident à unir ses forces à celles des BRICS pour mettre fin à la pauvreté.

Ján Čarnogurský, ancien Premier ministre de Slovaquie (1991-92), a passé brièvement en revue la situation en Europe de l’Est depuis la chute de l’Union soviétique, notant qu’aujourd’hui, la majorité des Slovaques ne considèrent pas la Russie comme leur ennemi. Quant à affirmer que si l’Ukraine perdait la guerre, la Russie « avancerait plus encore vers l’Ouest », il y voit de la pure propagande. Rappelant que Joe Biden « n’est plus mentalement en mesure de décider seul », Ján Čarnogurský a déclaré qu’il semble que les États-Unis « ne soient pas dirigés par un président élu, mais par une sorte d’« État profond. Il est difficile d’entamer des négociations avec de telles élites ».

L’ambassadeur Chas W. Freeman Jr. (États-Unis), ancien secrétaire adjoint à la Défense pour les affaires de Sécurité internationale, a reconnu sans détours : « Je suis tout à fait conscient que le comportement récent de mon pays lui a coûté son autorité morale et a dressé contre lui une grande partie du monde ». Les traités de limitation des armements qui arrivent à échéance ne sont pas renouvelés et « il n’existe plus aucun mécanisme de contrôle de l’escalade entre belligérants dotés d’armes nucléaires ». Face à cet état de fait, il a offert des conseils aux diplomates en quête de solutions à divers conflits, dont celui de l’Ukraine.

Zhang Weiwei, professeur de Relations internationales à l’université Fudan de Shanghai (Chine), a pris acte de la disparition de l’optimisme de l’après-guerre froide en Europe, à la différence de ce qui se passe en Asie (voir ci-dessous un rapport sur ses remarques).

Le centre de gravité stratégique n’est plus en Occident

Retenu à Washington le 7 décembre pour une réunion importante qu’il avait organisée au National Press Club, sobrement intitulée « Non à la guerre nucléaire », l’ancien inspecteur en désarmement de l’ONU en Irak, Scott Ritter, avait néanmoins tenu à enregistrer une déclaration vidéo pour la conférence de l’Institut Schiller, dans laquelle il a dit et répété qu’il ne peut exister de « guerre nucléaire limitée ». Nous sommes dans la situation la plus dangereuse que l’humanité ait jamais connue, a-t-il montré. Par rapport à la crise des missiles de Cuba, la puissance destructrice et les moyens de la mettre en œuvre sont bien plus importants aujourd’hui, et alors qu’il y avait une communication directe entre les États-Unis et l’URSS à l’époque, cela n’existe plus du tout. Il a appelé la future administration Trump à retirer les ATACMS d’’Ukraine et à désamorcer le conflit.

Le colonel Larry Wilkerson (cr), ancien chef de cabinet du secrétaire d’État américain Colin Powell, a applaudi l’« exposition de la perfidie de l’empire » faite par Chas Freeman. Nous assistons, selon lui, à un retour colossal vers une situation qui existait il y a 3000 ans, où le monde est centré sur l’Asie, avec la Chine comme source de vitalité. L’Amérique, par contre, en luttant contre ce retour inexorable vers l’Est, risque de nous amener au seuil de la destruction. Il avertit aussi qu’un conflit entre la Chine et les États-Unis au sujet de Taïwan impliquerait probablement l’utilisation de l’arme nucléaire.

L’ambassadeur Hossein Mousavian, ancien ambassadeur de la République iranienne en Allemagne, a spéculé sur les futures relations entre les États-Unis et l’Iran, rappelant que Donald Trump, pendant sa campagne, avait déclaré qu’il souhaitait le succès de l’Iran, mais qu’il ne pouvait pas lui permettre de disposer de l’arme nucléaire. Or, selon Mousavian, l’Iran veut avoir de l’énergie nucléaire, mais pas d’arme. Il a conclu en soulignant la nécessité d’initiatives majeures pour mettre fin aux guerres et au terrorisme, et pour réaliser des projets de développement tels que le « Plan Oasis » de l’Institut Schiller.

Un débat très animé a suivi les présentations, permettant à tous les intervenants de développer leurs propositions et de dialoguer entre eux et avec le public. La deuxième session était consacrée aux grands projets dont le monde a besoin, en particulier le Sud, pour assurer le développement économique et social. Les deux sessions du dimanche 9 décembre ont traité de deux aspects interdépendants qui doivent donner force et profondeur au nouvel ordre mondial émergent : les moteurs scientifiques de l’économie physique et une renaissance de la beauté des cultures du monde.

En quoi la Chine et l’Asie ont raison et l’Europe a tort

L’économiste Zhang Weiwei, professeur de relations internationales à l’université de Fudan, à Shanghai, a commencé sa présentation par une polémique, affirmant que « rien ne reflète plus exactement l’état d’esprit global aujourd’hui que le rapport de la Conférence de Munich sur la sécurité pour l’année 2024, intitulé « Perdant-perdant », qui suggère que l’optimisme de l’après-guerre froide en matière de sécurité et de développement s’est dissipé et qu’une grande partie du monde se trouve face à une situation de perdant-perdant pour tous. Est-il possible, au contraire, de parvenir à une situation gagnant-gagnant pour tous ? »

De là, le professeur Zhang a fait une comparaison succincte entre les méthodes de l’Europe et celles, qu’il qualifie de gagnantes, de l’Asie. La crise ukrainienne, a-t-il souligné, a suscité de profondes inquiétudes en Europe, allant « de l’inflation aux migrations humaines, de la crise énergétique à des récessions économiques », et même à la perspective réaliste d’une guerre nucléaire. En revanche, la région Chine-ASEAN (Asie du Sud-Est), avec ses deux milliards d’habitants (soit trois fois plus que l’Europe), « jouit depuis près de cinq décennies de la paix, du développement et de la prospérité ». Ceci soulève une question simple : « La Chine et l’espace Chine-ASEAN ont-ils eu raison, et par extrapolation, en quoi l’Europe s’est-elle trompée ? »

Sa réponse, fondée sur la perspective d’un Chinois, est fort intéressante pour les Européens. Il attribue la différence à trois grands facteurs. Premièrement, la structure de développement : « Contrairement à l’Europe, dont la structure économique est très politisée, l’espace Chine-ASEAN accorde une priorité absolue au développement en tant que tel, considéré comme une condition indispensable à la stabilité, à la sécurité et au développement. » Partant, l’espace Chine-ASEAN est devenu « un épicentre de la croissance économique mondiale », la Chine contribuant à elle seule pour plus de 30 % dans cette croissance depuis près d’une décennie. En outre, la Chine a « réalisé son Green Deal en une décennie grâce à son propre mode de développement terre-à-terre ».

Deuxièmement, la structure de sécurité politique : l’ASEAN a adopté le « principe de centralité » de ne pas rejoindre d’alliance (« ne pas choisir son camp »), en promouvant activement l’intégration régionale et en créant un ensemble de mécanismes de dialogue entre les principaux pays. La Chine soutient fermement ce principe de centralité de l’ASEAN.

Troisièmement, la structure culturelle et civilisationnelle :

« La Chine et l’ASEAN sont toutes deux attachées à la beauté ; la communauté de destin commun Chine-ASEAN met l’accent sur les échanges culturels et civilisationnels, ce que l’on appelle la sagesse de l’ASEAN ou de l’Asie, notamment la patience stratégique, des solutions négociées aux différends territoriaux et autres, la loi de la diplomatie informelle, deux pas en avant, un pas en arrière, l’adhésion aux Cinq principes de la coexistence pacifique, le respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, la non-agression, la non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autre, l’égalité, le bénéfice mutuel et la coexistence pacifique ». En outre, ils rejettent catégoriquement « la prétendue hégémonie libérale ou l’expansion de l’OTAN en Asie sous quelque forme que ce soit »

.

Naledi Pandor : quelle réponse le Sud doit donner au Nord

Ex ministre des Relations internationales et de la Coopération de la République d’Afrique du Sud, Naledi Pandor était l’invitée d’honneur de la troisième session de la conférence de l’Institut Schiller des 7 et 8 décembre. Bien que connaissant actuellement un « niveau élevé de politique toxique, dominée par des intérêts personnels agressifs et le rejet de la coopération mondiale », a-t-elle dit, on voit des signes prometteurs de l’émergence de nouvelles formations et de nouvelles perspectives politiques qui remettent l’être humain au premier plan. Dans ce contexte, elle a cité l’action intentée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice pour protester contre la guerre en cours contre les Palestiniens. Cette action, a-t-elle expliqué, s’inscrit dans la tradition établie par Nelson Mandela, selon laquelle la politique étrangère sud-africaine doit se fonder sur le souci de l’autre, exprimant ainsi l’ancienne philosophie africaine d’Ubuntu, qui signifie que « je suis humain parce que vous reconnaissez, dans l’action, mon humanité ».

Elle a également évoqué l’importance grandissante du forum des BRICS, avec sa Nouvelle Banque de développement, et les discussions sur de nouvelles institutions et pratiques innovantes. Au cours du débat qui s’ensuivit, Mme Pandor a réfuté l’idée que la Chine « entretient une relation coloniale avec le continent africain ». Ainsi que le propose l’Institut Schiller, nous devons « mettre à profit la capacité et l’ingéniosité humaines pour résoudre nos problèmes » et faire croître ensemble cette capacité afin de garantir la paix, a-t-elle conclu.

Suite à cela, une discussion fructueuse s’engagea entre Helga Zepp-LaRouche, Jacques Cheminade (principal orateur de cette session) et Naledi Pandor. A Mme LaRouche qui demandait comment faire pour que l’Europe et les États-Unis coopèrent avec les BRICS et les pays du Sud, Mme Pandor répondit qu’il faudrait pour cela des dirigeants matures et rationnels, capables de mener un dialogue sur ce sujet. C’est là que la société civile doit devenir plus active, estime-t-elle, et l’environnement actuel, quoique toxique, en offre l’opportunité.

Jacques Cheminade a évoqué le rôle que peut jouer, de son côté, la diaspora africaine en Europe pour aider à développer ce dialogue, ce que Mme Pandor a effectivement reconnu, rappelant que la fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud avait été rendu possible en partie grâce à la campagne de solidarité internationale menée en Europe et dans le Nord en général. « Lorsque nous travaillons ensemble, nous pouvons accomplir beaucoup », a-t-elle conclu.

Toute la conférence

Votre message