« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
Accueil > Notre action > Conférences > Afghanistan : un moment charnière après l’ère des changements de régime ratés
Visioconférence internationale du 31 juillet 2021
1ère session
17 août 2021
Pino Arlacchi (Italie), ancien consultant de la Direzione Investigativa Anti-mafia (Direction de la lutte anti-mafia), président de l’IASOC (Association internationale pour l’étude du crime organisé) et président honoraire de la fondation Giovanni Falcone, du nom du juge palermitain (dont il était l’ami), assassiné par la mafia en 1992.
.
Claudio Celani (modérateur) : bonjour, nous allons maintenant entendre Pino Arlacchi, qui est une légende vivante dans le combat contre la grande criminalité. Je rappelle qu’il a été secrétaire général adjoint des Nations unies, en charge de la lutte internationale contre les narcotiques. Il a poursuivi sa mission en tant que membre du Parlement italien et du Parlement européen, en tant que rapporteur sur l’Afghanistan. Il fut également conseiller auprès de nombreux gouvernements sur ces questions.
Bonjour, Pino. Dans votre livre, Contre la peur Contro la paura : La violenza diminuisce. I veri pericoli che minacciano la pace mondiale, vous abordez notamment le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, l’Afghanistan. La plupart de nos auditeurs ne savent probablement pas que, lorsque vous étiez à l’ONU, vous avez réussi à éradiquer la quasi-totalité de la production d’opium en Afghanistan. Comment êtes-vous parvenu à ce résultat ?
— Ce sont les Talibans eux-mêmes qui l’ont fait, sous notre contrôle et notre pression. Dès le début de mon mandat, je me suis immédiatement rendu en Afghanistan et j’ai essayé de négocier avec les Talibans, qui contrôlaient pratiquement tout le pays, l’éradication de la culture du pavot, en échange d’un programme à long terme pour développer des cultures de remplacement pour les cultivateurs afghans. Mon programme portait sur dix ans. Les Talibans proposèrent de le réaliser en un an, en échange de tout l’argent alloué au plan de développement.
Nous avons alors entamé de longues négociations entre partenaires, marquées par différentes étapes. A un moment donné, j’en ai eu assez de leur comportement, parce qu’au départ, les Talibans avaient accepté l’interdiction formelle de la production de stupéfiants (ou de pavot) dans le pays. Puis ils ont commencé à rechigner un peu, et ainsi de suite. C’est alors que j’ai demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de prendre des sanctions et que nous avons commencé à faire pression sur eux plus sérieusement. Fondamentalement, nous avions une bonne relation avec eux. Ils étaient beaucoup plus raisonnables que ne le décrivait la presse.
Après un travail intense, les aidant d’une main et les pressant de l’autre, nous sommes arrivés à ce résultat. Au cours de l’été 2001, la production d’opium était pratiquement nulle dans le pays, parce qu’ils avaient décidé d’appliquer l’interdiction décrétée auparavant sur nos conseils. Malheureusement, en octobre de la même année, les Etats-Unis envahirent l’Afghanistan, après les attentats du 11 septembre 2001. Et la première chose qu’ils ont faite, au lieu de continuer à appliquer notre plan et d’étendre l’accord sur les cultures de remplacement, c’est de s’engager dans une autre voie.
M. Rumsfeld, qui était à l’époque le secrétaire américain à la Défense, négocia personnellement, non pas avec les Talibans, mais avec les seigneurs de guerre soutenus par les États-Unis. Il fut convenu que les États-Unis ne s’occuperaient pas de la production de stupéfiants, en échange d’un soutien des seigneurs de guerre à leur prétendue « guerre contre le terrorisme », sans se rendre compte que ces gens-là soutenaient le terrorisme là où eux-mêmes cherchaient à le combattre.
Ainsi, notre plan a disparu, et en seulement deux ans, la production de pavot en Afghanistan a explosé pour atteindre un niveau très élevé, qui perdure encore aujourd’hui.
— Le plan que vous avez mis en œuvre avec le gouvernement taliban a-t-il été efficace ?
— La première mesure consista à promulguer l’interdiction formelle du pavot à opium. Du fait que les Talibans se livraient à une interprétation particulière du Coran, nous avons fait appel à un expert, un théologien islamique, qui prononça un verdict clair contre la production de pavot.
Nous avons ensuite rédigé l’interdiction, puis nous avons commencé à faire pression pour qu’ils la mettent en œuvre, en utilisant des fonds disponibles pour les accompagner, d’abord dans une zone réduite, à Kandahar et dans les environs, juste pour tester leur capacité. Ce test n’a pas mal fonctionné. Nous avons donc poursuivi l’expérience et avons fait le même travail avec leurs ennemis, le groupe de milices, aidé par le grand commandant de l’Alliance du Nord. Et à notre grande surprise, parce qu’on pensait que jamais il n’allait coopérer, notre plan a été appliqué !
C’était donc la prémisse. Avec une aide internationale suffisante, cela aurait représenté un budget assez dérisoire, car mon plan initial prévoyait 100 millions de dollars, sur cinq ans, pour éliminer la culture du pavot, soit 20 millions de dollars par an. Si la communauté internationale s’était engagée, même modestement, à mettre en œuvre le plan de développement qui était au cœur de mon projet, il n’y aurait plus de production d’opium en Afghanistan aujourd’hui. Le marché aurait tout simplement disparu.
C’est ce qui s’est produit en partie la même année en Europe, qui était le principal marché cible du pavot. 90 % du pavot d’Afghanistan, servant à la production d’héroïne, est destiné à l’Europe. Initialement, cela a eu un effet sur les prix, mais cela n’a pas duré parce que les trafiquants ont installé des dépôts à la frontière entre l’Afghanistan et le Tadjikistan, abritant près de 100 tonnes de stupéfiants. Mais nous les avons découverts, grâce à notre coopération avec l’agence spatiale russe. Nous avons dressé une carte très détaillée de ces dépôts de stupéfiants, dispersés principalement au Tadjikistan. Et j’ai également impliqué le Conseil de sécurité afin qu’il autorise une action contre ces dépôts, autorisation qui n’a pas été accordée à cause de l’opposition ferme, en premier lieu, du gouvernement britannique.
La leçon à retenir est qu’il est possible d’éliminer la production d’opium. Ce n’est pas vraiment très coûteux. La situation actuelle n’est guère différente de celle d’il y a 20 ans : les Américains sont encore obligés de négocier et de passer des accords avec les Talibans, qui contrôlent à nouveau la majeure partie de l’Afghanistan, et la production de pavot est un peu plus importante qu’à l’époque.
— Pourrait-on mettre en œuvre votre plan tel quel aujourd’hui, ou l’avez-vous amélioré ? La situation est-elle meilleure ou pire que lorsque vous l’avez lancé ?
— La situation est fondamentalement la même, au niveau domestique. Les Talibans contrôlent, encore une fois, la majeure partie de l’Afghanistan. Sur le plan international, elle est peut-être un peu plus favorable. Davantage d’acteurs sont impliqués. Il y a vingt ans, le rôle et le poids de la Chine étaient tout à fait négligeables, alors qu’aujourd’hui, elle est devenue un acteur majeur dans la région. Par contre, le poids des Etats-Unis a été drastiquement réduit suite à l’échec total de leur invasion et au retrait de leurs troupes. On voit d’autres acteurs, comme les Russes, et aussi les autres acteurs de la région, les pays voisins de l’Afghanistan, élaborer des plans pour l’avenir de ce pays.
Avec les Russes, j’ai tenté de faire adopter ce projet et sa mise en œuvre par l’Union européenne, par mon travail auprès du Parlement européen. Les Russes ont été pleinement coopératifs. Avec Viktor Ivanov, qui était à l’époque le tsar de la drogue en Russie, j’avais élaboré une stratégie en ce sens. Les Russes avaient accepté d’appliquer ce plan et de le financer, même s’ils n’étaient pas enthousiasmés par le développement alternatif. Mais je les ai convaincus que c’était important. Ils voulaient simplement s’accorder avec l’UE pour le mettre en œuvre ensemble. Mais l’UE n’en avait tout simplement rien à faire. Ivanov s’est déplacé à Bruxelles, on a parlé avec la Commission européenne, le Parlement, etc. Le Parlement a eu une attitude plutôt positive, mais la Commission s’est tout simplement désintéressée de cette proposition qui aurait pu être efficace.
— Vous avez mentionné la Chine, et nous aurons un intervenant qui abordera la perspective d’intégrer l’Afghanistan, son économie et son développement, dans l’initiative Une ceinture, une route (Belt and Road) lancée par la Chine. C’est également l’approche promue par l’Institut Schiller. Qu’en pensez-vous ?
Une ceinture, une route
— Je soutiens pleinement cette initiative. Je la suis avec intérêt car le plan chinois de Nouvelle Route de la soie est sérieux. Il est à l’œuvre depuis plusieurs années déjà. Et comme la philosophie de développement du plan est forte, je pense qu’il a aujourd’hui beaucoup plus de chances de succès que lorsque j’étais sur place. Cependant, il est primordial de se concentrer sur ce plan, de ne pas le diluer dans un plan global à grande échelle pour l’Afghanistan. C’est la principale condition de succès.
— Faut-il se concentrer sur un ou deux corridors de développement principaux, de façon à connecter le pays à ses voisins et à l’économie mondiale ? Dans votre livre, vous mentionnez l’initiative Une ceinture, une route et l’amélioration de la connectivité. Est-ce là votre concept ?
— Oui, car il ne s’agit pas seulement de connectivité. Développer les infrastructures signifie créer les bases pour cela, parallèlement aux projets de développement. C’est pourquoi ce plan ne doit pas être dilué. De meilleures routes peuvent fort bien fonctionner en Afghanistan, parce que c’est un pays de transit classique pour tout le commerce entre l’Est et l’Ouest. Mais la production de stupéfiants est un problème bien particulier, qui concerne des zones spécifiques. Donc, la Ceinture et la Route, c’est bien, mais cela doit s’accompagner d’un plan de développement très précis - l’élimination des stupéfiants, de la production d’opium, etc. dans la région de production. Cela concerne en particulier la région de Kandahar et la zone méridionale du centre de l’Afghanistan.
— Combien coûterait une version actualisée de votre plan ?
— J’estime que ce ne serait pas beaucoup plus qu’alors. Pour qu’il soit efficace, la question est de savoir quelle part de cet investissement parvient réellement aux zones concernées. C’est le point crucial. En effet, ce que j’ai appris en élaborant le plan selon la stratégie de l’UE, en regardant ce qui se passait des deux côtés, c’est qu’une grande partie de cet argent - disons 80 % - n’arrive jamais en Afghanistan ! La majeure partie de cette somme disparaît, perdu notamment à cause de l’énorme corruption du gouvernement afghan. C’est ce qu’on nous dit habituellement, et c’est vrai. Cependant, ce que l’on ne dit pas, ce que les gens ne savent pas (et j’ai essayé dans mon plan de faire preuve de prévoyance), c’est que 80 % de cet argent n’atteint même pas l’Afghanistan ! L’UE dépense environ 1 milliard d’euros par an pour l’aide au développement en Afghanistan, les États-Unis, un peu plus. Mais ce ne sont pas plus de 200 à 300 millions de dollars qui sont réellement consacrés à la construction d’écoles, de routes, d’installations, etc. Ensuite, il y a la corruption du gouvernement afghan, qui réduit encore ce chiffre de 40 à 50 %. Au final, la part qui arrive réellement là-bas est très faible. Ainsi, la réalisation de ce plan nécessiterait de créer une agence chargée de sa mise en œuvre responsable, afin d’éliminer ces pertes et abus.
— Dans votre livre, vous mentionnez comme principal obstacle à la paix et au développement « le Grand Mensonge », dont l’une des cibles est la Chine, l’autre étant la Russie.
— La principale idée fausse sur la Chine - le principal mensonge - est de la décrire comme une puissance agressive, une superpuissance, qui veut simplement faire le même boulot que ce qu’ont fait les États-Unis ces 60 dernières années. Donc, « la Chine, c’est les nouveaux États-Unis » en tant que nouvelle superpuissance dominante. Ce qui n’est pas du tout l’intention de la Chine, et qui est complètement étranger à sa culture, à sa politique et même à son profil économique.
C’est la principale erreur qu’ils commettent. Ils croient que la Chine, qui sera bientôt la première économie du monde, va se doter d’une grande industrie militaire et commencer à refaire, en gros, ce que les États-Unis ont fait, instaurant le même type de relation basée sur la force militaire avec la plupart des pays du monde, étendant sa culture, ses installations, ses intérêts dans le monde entier - ce qui n’est nullement son plan. La Chine n’est pas une puissance expansive. Sa longue histoire montre qu’elle se concentre essentiellement sur elle-même et son environnement immédiat, à savoir l’Asie. Pour le reste du monde, elle veut vivre et coexister avec d’autres puissances mondiales dans un monde multipolaire.
La Chine a noué une solide alliance avec la Russie, qui est également victime de la même idée fausse. La Russie moderne est le produit de la dissolution de l’Union soviétique. La fin de l’URSS ne s’est pas accompagnée de tentatives d’expansion de l’ancien pouvoir, communiste, vers l’Europe de l’Est et les pays voisins. Elle s’est accompagnée d’un pacte informel de coexistence pacifique, selon lequel l’OTAN ne devait pas s’étendre à l’Est vers les frontières russes, et la Russie devait devenir progressivement un partenaire de l’UE et des pays européens.
Il y a à peine cinq ou six ans, la Russie aurait pu rejoindre l’OTAN en tant que pays ami. Mais à un moment donné, ce projet pacifique de construire une relation meilleure et permanente, pacifique et nouvelle entre l’Europe et la Russie, s’est transformé en son contraire !
Contrairement à tous les accords et aux erreurs commises par les Russes, après la chute du communisme, l’OTAN n’a pas abouti à un traité formel de non-agression et de coopération pacifique. C’est resté un accord informel. L’OTAN s’est étendue à l’Est, menaçant la Russie, qui, bien sûr, a réagi en conséquence. Le point culminant de cette tension fut la crise ukrainienne de 2012-2014, au cours de laquelle nous avons eu ce grave affrontement avec la Russie, totalement inutile, et injustifié en termes de droit international et de politique.
L’Ukraine est un pays qui était russe à l’origine et qui l’est resté pendant une longue période de son histoire. Débarquer là-bas, tenter d’interférer dans ce qui est une question régionale, monter un coup d’État contre la Russie, obligeant le président démocratiquement élu de l’Ukraine à fuir son pays, pour le remplacer par un gouvernement fortement influencé par des extrémistes de tendance nazie, fasciste, et continuer à provoquer la Russie à sa frontière, à travers un grand pays comme l’Ukraine, fut vraiment une énorme erreur politique, dans laquelle l’UE persiste sous la pression des États-Unis.
L’accord de Minsk a gelé cette situation, mais nous sommes toujours dans un équilibre extrêmement précaire. L’UE n’a pourtant aucun intérêt à poursuivre une politique irresponsable de conflit avec la Russie et de déni de la réalité, au lieu d’agir dans l’intérêt à long terme de l’UE et de l’Europe, en réalisant une unification, un espace unifié commercial et peut-être aussi, à l’avenir, politique ! Beaucoup pensaient qu’un jour la Russie devrait faire partie d’une union plus large, incluant l’Europe et la Russie (nous parlons ici de politique). Ce sont des rêves du passé, qu’on devrait peut-être raviver et qui pourraient renverser complètement la politique envers la Russie.
— Je me souviens de notre première rencontre au Parlement européen, lorsque je vous ai rendu visite en compagnie de Natalia Vitrenko, chef du Parti socialiste progressiste d’Ukraine, et que, le jour même, elle vous a fait part de ses prévisions concernant le prochain gouvernement de Kiev, qui serait truffé d’éléments fascistes. Ce qui fut confirmé le jour même, dans l’après-midi. Je me souviens encore de votre réaction. Mais nous saluons maintenant Natalia, qui vient de nous rejoindre. Je pense qu’elle regardera ceci avec intérêt : la matrice du Grand Mensonge que vous avez identifiée dans la géopolitique, britannique en particulier. Vous avez mentionné Mackinder. Pourriez-vous nous en dire plus ?
— C’était un grand érudit issu du milieu colonial, donc le principal intérêt était de préserver la domination britannique et occidentale sur le monde. Extrêmement fin et intelligent, il avait identifié le principal obstacle au maintien de la domination par la puissance anglo-saxonne et occidentale. Et pour l’éviter, il fallait donc dresser une division très ferme entre l’Europe occidentale et la Russie. Il disait : « Qui contrôle l’Europe de l’Est contrôle le monde », ce qui était une métaphore, signifiant que l’unification ou l’intégration de cette partie de l’Eurasie devait être empêchée à tout prix, par la puissance anglo-américaine en particulier. Pourquoi ? Parce que cela marginaliserait les États-Unis et le Royaume-Uni, mettant au premier plan une tendance à long terme, à savoir l’intégration eurasiatique.
L’Eurasie est un méga-continent, qui n’en forma qu’un seul pendant des milliers d’années et fut complètement fracturé après la Seconde Guerre mondiale et même bien avant. Le temps est venu d’aller dans la direction de cette intégration eurasiatique, et je crois que les meilleurs esprits, tant en Russie qu’en Europe, seront d’accord avec cette idée, qui me tient à coeur.
— Permettez-moi de vous poser ma dernière question. Vous avez appelé à un renouveau de la pensée socratique dans les affaires internationales. L’un des plus grands esprits dans la lignée de la pensée socratique est Nicolas de Cues, le père d’une méthode pour surmonter les conflits politiques, qu’il baptisa « la coïncidence des opposés ». Elle part de l’idée qu’on ne peut jamais résoudre les conflits en restant au niveau où ils se posent, mais qu’il faut s’élever à un niveau supérieur. C’est devenu le concept fondateur d’un comité international créé par la présidente de l’Institut Schiller international, Helga Zepp-LaRouche, qui est parmi nous aujourd’hui. Que pensez-vous de cette approche ?
— Je suis d’accord, mais nous devons définir ce qu’est une opposition raisonnable. La plupart des oppositions exprimées actuellement sont fausses. Elles consistent à se créer des ennemis qui n’existent pas. Après la fin de la Guerre froide, c’est devenu notre problème le plus important en politique internationale — la fabrication d’inimitiés qui n’ont aucune raison d’être. Pourquoi y a-t-il cette hostilité contre la Chine et la Russie ? Dans le passé, ils étaient communistes. Il y avait une opposition des systèmes qui était totale, globale, etc.
Mais après la chute du communisme, et avec l’ouverture de la Chine au monde, économiquement, politiquement, etc., pourquoi continuer ? Pourquoi ? Parce que certaines forces ont besoin d’un ennemi. Il y a des intérêts très puissants qui inventent de grands ennemis - et j’ai identifié les deux principales concentrations de ce producteur d’inimitié : d’abord, le complexe et l’industrie militaire et de sécurité, en particulier aux États-Unis, mais aussi en Europe et ailleurs. Deuxièmement, le complexe médiatique, qui a besoin de la peur pour vendre ses journaux, faire de l’audience, etc. Ils vivent de la peur ; des peurs que l’on ravive, ou qui ramènent à la vie tous les problèmes.
Je donne dans mon livre plusieurs exemples de cette exagération des peurs sans fondement. La première est celle du terrorisme. L’impact réel des terroristes sur la politique nationale, ainsi que pour la sécurité personnelle et collective, est beaucoup plus faible qu’on le prétend. Mais c’est très bon pour l’industrie militaire et pour tous ceux qui spéculent politiquement sur la peur. La peur de l’immigration en Europe en est un autre exemple. Comparée aux vrais problèmes, l’immigration n’est rien. L’impact de l’immigration sur la criminalité n’est pas tel que le décrivent les journaux et le gouvernement, et c’est amplement prouvé. La petite criminalité est en baisse partout aux Etats-Unis et en Europe, malgré une énorme expansion de l’immigration. Je cite de nombreuses autres sources montrant qu’il y a un déclin général de la violence, non seulement de la violence internationale, de la guerre internationale, mais également des homicides.
Il y a donc un déclin historique, dû à la tendance au progrès de l’humanité sur un très long terme. Nous vivons donc dans un monde qui peut être changé pour le mieux, et ceux qui se battent pour cela sont du bon côté de l’histoire. Il ne s’agit pas de prêcher dans le désert ni de se comporter comme de « bien-pensants » qui se contentent de croire aux belles idées.
Non, nous sommes ceux qui croient qu’on peut bâtir un monde meilleur, plus décent. Nous sommes du bon côté de l’histoire. Mais ceci vient contrarier des intérêts très puissants - des intérêts qui veulent fabriquer des ennemis, et répandre la peur de ces ennemis.