« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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24 juin 2020
Après avoir remercié son conseiller à la sécurité nationale John Bolton en septembre dernier, le président Trump a tweeté que s’il ne l’avait pas fait, « nous en serions déjà à la sixième guerre mondiale ». Une boutade très perspicace.
Bolton est connu depuis longtemps pour son infaillible soutien à la solution militaire contre tout pays mettant en cause le consensus de Londres et Washington. Il n’hésite pas un instant à risquer la vie d’Américains et l’argent des contribuables pour démolir tout régime qui refuse de sacrifier sa population au profit de l’empire mondial de la City de Londres. C’est Bolton qui appuya auprès de l’administration Bush les mensonges sur le yellow cake (concentré d’uranium) transmis par Tony Blair et son chef du MI6, Sir Richard Dearlove, pour l’inciter à lancer la guerre contre l’Irak. C’est encore lui qui se rangea du côté des Moudjahidin-e-Khalq (MEK) contre le gouvernement iranien, bien que ce groupe figure sur la liste des organisations terroristes du département d’État, et qui continua à prôner un changement de régime à Téhéran, après avoir rejoint l’équipe de sécurité nationale du président Trump.
Il a également torpillé les efforts de Donald Trump pour obtenir la dénucléarisation de la Corée du Nord, en la menaçant d’un « traitement à la libyenne », lors du sommet Trump-Kim à Hanoi en février 2019, et en déclarant que les sanctions ne seraient pas levées avant une dénucléarisation complète et vérifiée, ce qui conduisit à la rupture des négociations. Aujourd’hui, suite à ce sabotage, la situation s’enflamme à nouveau entre les deux Corées.
Il n’est donc pas surprenant que John Bolton tente, dans son nouveau livre, de se venger de Donald Trump, au moment où la campagne électorale de 2020 se met en place. S’il existe de bonnes raisons de critiquer les politiques de Trump, ce ne sont sûrement pas celles citées par son ex-conseiller. Il affirme que Donald Trump n’a pas « les compétences nécessaires pour exercer la fonction » présidentielle, qu’il se laisse « mener par le bout du nez » par le président Poutine et qu’il était « prêt à brader nos valeurs démocratiques les plus chères contre la vaine promesse d’un accord commercial précaire avec la Chine », tout en priant le président Xi de l’aider à gagner les élections.
Ce qui est vraiment choquant dans tout cela, pour quiconque réfléchit un peu, c’est que l’on puisse s’intéresser aux dires de John Bolton. C’est un signe du dysfonctionnement de la politique américaine de voir les démocrates se rallier à un belliciste aussi notoire dans leurs efforts pour reconquérir la Maison-Blanche en novembre.
La parution du livre de Bolton ouvre donc la troisième phase de la campagne pour renverser le président Trump (après le Russiagate et le vote sur la destitution). Elle survient à un moment de grande déstabilisation du pays, marquée par la gestion de la Covid-19, qui a fait plus de 118 000 victimes américaines (au 21 juin), par la chute brutale de l’activité économique (entamée bien avant le coronavirus), et par les émeutes et la violence ayant suivi le meurtre de George Floyd par la police à Minneapolis.
De nombreux responsables démocrates qui, dans le passé, avaient dénoncé à juste titre les mensonges et la propagande de guerre de Bolton, sont aujourd’hui si soucieux de préserver la doctrine géopolitique (explicitement rejetée par Donald Trump), qu’ils en viennent à défendre la crédibilité de l’ancien conseiller à la sécurité nationale !