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A qui donc profitent les frappes en Syrie ?

18 avril 2018

Alors que le guerre en Syrie dure depuis sept ans déjà, quel est le but réel des frappes occidentales à Douma ? (Ici, à Kobané en 2014)

L’attaque effectuée contre la Syrie le 14 avril par les forces américaines, britanniques et françaises, en représailles à l’utilisation présumée par le gouvernement syrien de chlore à Douma, n’a que très peu, voire pas du tout, changé la réalité militaire sur le terrain mais elle a rapproché le monde d’un affrontement direct entre superpuissances. Le président russe Vladimir Poutine a noté à juste titre que l’exécution de frappes militaires en violation de la Charte des Nations unies serait nécessairement un facteur de chaos dans les relations internationales.

Si les gouvernements occidentaux prétendent disposer de preuves irréfutables quant à la responsabilité du gouvernement de Bachar al-Assad dans l’attaque, ils n’en ont présenté aucune. Pire, ils ont d’ailleurs que leurs renseignements venaient de « médias sociaux » (dont on sait à quel point ils sont fiables…) et de sources sur place dont on peut douter de la neutralité.

A minima, la date choisie pour mener cette opération soulève quelques interrogations puisqu’il s’agit du jour même où une équipe de l’Organisation pour l’interdiction de l’utilisation des armes chimiques (OIAC) arrivait à Damas avant de se rendre à Douma pour y mener une enquête déjà trop tardive. Le fait que centre de recherche scientifique, ciblé par les frappes, dans la capitale syrienne ait été inspecté à deux reprises en 2017 par des experts de l’OIAC, qui avaient certifié l’absence de toute substance suspecte, n’aidera pas à lever les doutes.

Ce qui est aujourd’hui connu c’est que de très fortes pressions ont été exercées sur Donald Trump par Theresa May et Emmanuel Macron (qui s’en est d’ailleurs vanté dans la très longue interview que lui a consacré BFMTV, dimanche 15 avril) pour qu’il se joigne à une action militaire, quelques jours seulement après avoir annoncé son intention de retirer les forces américaines dès la défaite finale de Daech. Le « parti de la guerre » aux Etats-Unis, y compris au sein même de la Maison Blanche, a incité de son côté le président américain à se livrer à une démonstration de force. Beaucoup y voient une tentative désespérée de l’élite transatlantique de montrer qu’elle se situe au-dessus du droit international et qu’elle est encore en mesure d’imposer son ordre mondial. Le Daily Telegraph avait précisé le but visé dans un article du rédacteur Allister Heath paru le 14 mars, au beau milieu de l’hystérie antirusse autour de l’« affaire Skripal ». Se faisant le porte-parole de l’Empire britannique, M. Heath écrivait que « la Grande-Bretagne a besoin d’un nouveau rôle dans le monde », qui est de construire une nouvelle alliance mondiale pour tenir tête au « totalitarisme » russe et chinois.

Par ailleurs, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair – celui-là même qui avait lancé les mensonges sur les armes de destruction massive de Sadddam Hussein – a été parmi les premiers à exhorter le gouvernement américain à bombarder la Syrie.

Bien qu’une escalade semble avoir été évitée cette fois-ci, l’action militaire de Washington, Londres et Paris et ses retombées auront deux conséquences : permettre aux forces terroristes encore actives de se regrouper et les encourager à mettre en scène des attentats à l’arme chimique, en Syrie ou ailleurs, afin de provoquer des interventions militaires étrangères contre les autorités légitimes.

En réalité et comme cela a été largement commenté, la Syrie avait déjà gagné la guerre, avec l’aide de la Russie, le grand défi consistant désormais à gagner la paix. Cela implique des entretiens sur la réconciliation nationale réunissant toutes les forces non terroristes, en vue d’élaborer et mettre en œuvre au plus vite des plans de reconstruction. Au-delà de la Syrie, on doit réaffirmer le droit international, bafoué depuis des décennies par les Etats-Unis et l’OTAN. A cet égard, il faut apporter la preuve de la culpabilité avant d’entamer des actions punitives et interdire toute intervention militaire à l’étranger à des fins de changement de régime.

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