« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Sommet Russie-Afrique, la fin du néocolonialisme

8 août 2023

Bonjour à tous,

Je suis Sébastien Périmony, responsable du bureau Afrique de l’Institut Schiller, pour lequel j’ai eu la chance de participer la semaine dernière au sommet Russie-Afrique qui a eu lieu dans la belle ville de Saint-Pétersbourg, en Russie, les 27 et 28 juillet… Un sommet historique et symbole du changement d’époque que nous vivons.

Historique d’abord pour nous, l’Institut Schiller, car nous sommes la seule organisation occidentale à avoir été invitée à participer à ce sommet. Pourquoi ? Parce que depuis sa fondation par Helga Zepp-LaRouche en 1984, notre institut, l’institut Schiller, combat pour la paix dans le monde, le développement mutuel, le dialogue des civilisations dans la continuité de l’esprit de Bandung et du Mouvement des non-alignés pour émanciper les peuples de l’oligarchie financière, de l’impérialisme et du néocolonialisme.

J’en profite pour mettre en garde nos amis africains, car je vois depuis une semaine beaucoup d’analyses, d’experts faisant des vidéos sur internet annonçant la fin de la Françafrique, dénonçant le néocolonialisme qu’ils semblent avoir découvert la semaine dernière ! On le sait, la Françafrique va essayer de récupérer, avec sa cohorte d’agents et d’experts, ce mouvement d’émancipation des peuples africains, car elle sait que l’arrêt de mort du néocolonialisme a été d’ores et déjà signé et que rien ne pourra plus l’arrêter. Rappelons simplement le sommet Afrique-France de Montpellier, auquel j’avais également participé, organisé par Emmanuel Macron et son Conseil présidentiel pour l’Afrique, où l’on avait pu entendre, dans une magnifique séance de communication, des pseudos intellectuels africains venir soi-disant dire ses 4 vérités au président Macron sur la politique française en Afrique, et qui n’étaient en fait que les serviles laquais de cette institution néocoloniale !

Mais les Africains ne sont plus dupes, comme nous le voyons ces derniers jours au Niger. Après la Centrafrique, le Mali, le Burkina Faso, se manifeste la volonté très forte des peuples, et de la jeunesse en particulier, de se libérer de la politique criminelle menée par les institutions occidentales depuis les indépendances africaines, avec les accords militaires et monétaires imposés à ces pays qui aujourd’hui s’en libèrent. Je rappelle que tous les pays de la zone CFA, cette monnaie coloniale, ces 14 pays francophones sont classés parmi les 50 pays les plus pauvres du monde dans le rapport de l’ONU sur l’indice de développement humain publié pour les années 2021-2022 !

La présence de l’Institut Schiller à cette conférence est donc très importante car elle montre au monde que l’Afrique et la Russie ont des amis en Europe (c’est d’ailleurs pour cela que nous avions été invités) et que si la France a un avenir en dehors du néocolonialisme, en dehors de cet impérialisme, ce sera avec nous… Les Africains le savent, et c’est d’ailleurs pourquoi nous avions était invité au Mali en janvier 2021, entre les deux révolutions qui se déroulaient dans le pays à l’époque, pour montrer l’union des peuples, français et malien, contre la politique de l’oligarchie financière. Je le dis ici haut et fort : nous ne voulons plus d’intervention militaire de l’Occident en général et de la France en particulier sur le continent africain.

Historique ensuite par son importance dans le changement de paradigme mondial pour l’instauration d’un monde multipolaire, dédollarisé et basé sur le respect et le développement mutuel. Comme l’a déclaré Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse au sommet Russie-Afrique, « ce sommet confirme une fois de plus l’engagement ferme de la Russie et de l’Afrique à poursuivre le développement et la recherche de nouvelles formes de coopération mutuellement bénéfiques ». Et c’est tout cela que j’ai pu observer sur place.

Malgré une pression très forte des institutions occidentales sur les dirigeants et les gouvernements africains pour les dissuader de s’y rendre, le Forum Russie-Afrique a réuni des délégations officielles de 48 pays (dont 27 étaient représentés par leur chef de l’État ou leur Premier ministre). Les cinq plus grandes associations d’intégration du continent étaient également représentées, et pour ne citer que les deux plus importantes, l’Union africaine, par son président actuel Azali Assoumani, qui est le président de l’Union des Comores, et le président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat, ainsi que 17 chefs d’État présents en personne.

Ce sommet a permis d’aboutir à une révolution dans les affaires mondiales concernant la mise en place de ce monde multipolaire, [se manifestant à travers] la déclaration finale de ce sommet, où les participants affirment leur engagement « à construire ensemble une nouvelle architecture multipolaire plus juste de l’ordre mondial, basée sur l’égalité souveraine des États et une coopération mutuellement bénéfique », une déclaration sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique, une déclaration sur la coopération pour assurer la sécurité internationale de l’information (car vous savez que la guerre des fake news est partout), une déclaration sur le renforcement de la coopération dans la lutte contre le terrorisme, et enfin, tout un plan d’action Russie-Afrique pour 2023-2026 afin de préparer la mise en place des accords signés lors de ce sommet.

Selon Anton Kobyakov, conseiller du Président russe et Secrétaire exécutif du Comité d’organisation des événements Russie-Afrique, il y a eu plus de 9000 participants, dont un millier de représentants d’entreprises russes et africaines, des délégations officielles des différents pays bien sûr, mais aussi d’organisations de la société civile. Les entreprises africaines étaient présentes en nombre, avec des stands un peu partout présentant l’artisanat, la fabrication des différents produits africains, ainsi que les partenaires russes qui étaient sur place. 59 tables rondes ont été organisées avec 457 intervenants dans quatre domaines principaux : « La nouvelle économie mondiale », qui est le sujet, « la coopération dans le domaine de la science et de la technologie », « la sphère humanitaire et sociale : travailler ensemble pour une nouvelle qualité de vie » et « Sécurité intégrée et développement souverain de chaque nation dans le monde ».

Et bizarrement, parmi tout ça, personne de l’Occident ! A part l’Institut Schiller, et un journaliste de France 24 que j’ai rencontré.

Il est important de noter aussi la présence exceptionnelle de Dilma Roussef, ancienne présidente du Brésil, aujourd’hui à la tête de la nouvelle Banque de développement international, qui est la banque des BRICS. Lors de son échange avec elle, Vladimir Poutine a rappelé qu’en 2014, c’était lui et Dilma Roussef qui avaient initié la mise en place de cette structure financière, et que les membres des BRICS (je cite Vladimir Poutine) ne sont pas là pour s’allier contre quiconque, mais pour travailler dans l’intérêt de chacun, et que cela vaut également pour le secteur financier. Entendre : la dédollarisation de l’économie mondiale est en marche !

J’ai donc pu assister à un grand nombre de sessions, toutes plus passionnantes les unes que les autres. Je n’en mentionnerais ici que quelques-unes. Dans la première, en présence d’Emmerson Mnangagwa, le président du Zimbabwe, qui s’est livré à une mise au point très claire – là on n’était pas dans la broderie, c’était clair, net et précis – dénonçant la mainmise du colonialisme et de l’impérialisme, selon ses propres termes. Il a déclaré qu’il y avait un ordre mondialiste qui luttait contre le Sud Global, mais qu’avec des nations progressistes comme la Russie et la Chine, on allait gagner. Il a dénoncé l’Occident qui, je cite, depuis 100 ans nous empêche d’accéder à une réelle indépendance, mais qui vient nous donner des leçons de démocratie et financer des oppositions marionnettes !

Enfin, il a annoncé que le Zimbabwe allait faire un saut qualitatif dans tous les domaines de son économie physique avec la mise en place du programme Science et Technologie 2030. De plus, lors d’un échange avec le président russe (publié pendant le sommet), le président zimbabwéen a déclaré que « compte tenu des sanctions imposées à nos deux pays, Russie et Zimbabwe, et des difficultés qui en résultent pour entreprendre des transactions libellées en dollars américains, le Zimbabwe est d’accord pour rechercher des solutions alternatives autonomes et utiliser d’autres formes de paiement pour diverses transactions. Je suis heureux que la Fédération de Russie ait déjà accompli cela, grâce ou malgré les sanctions imposées. » Dédollarisation, nous revoilà !

Je rappelle qu’en 2020, j’avais écrit un livre : Voir l’Afrique avec les yeux du futur, dont le premier chapitre était consacré à la souveraineté monétaire de chaque pays africain, le deuxième au développement des technologies spatiales en Afrique et le troisième au développement du nucléaire civil en Afrique, sujet ô combien tabou ! Eh bien, pas tabou du tout au sommet Russie-Afrique. Le thème du premier panel était on ne peut plus clair, c’était « Les atomes pour la paix et le développement » (Atoms for peace), qui était un programme historique.

Il faut savoir qu’actuellement, il n’y a qu’une seule centrale nucléaire en activité sur le continent africain, en Afrique du Sud, mais qu’une autre est en cours de construction, avec la société du nucléaire russe ROSATOM, à El Dabaa en Egypte. Et ROSATOM s’est engagée, et cela a été répété pendant cette première session, à :
- fournir du combustible nucléaire russe pendant toute la durée de vie de la centrale ;
- former le personnel. Une école a été construite en Egypte pour former les ingénieurs nucléaires afin qu’ils puissent gérer la centrale par eux-mêmes ;
- offrir un soutien aux partenaires égyptiens dans l’exploitation et l’entretien de la centrale pendant les 10 premières années de son exploitation. Et après avec le transfert des connaissances et des technologies, ils seront capables de gérer leur propre centrale nucléaire.

Un grand nombre de pays sont intéressés par le nucléaire civil : le Ghana, le Nigéria, le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, qui a annoncé que la première centrale nucléaire devrait être connectée au réseau d’ici 2031, donc un projet très ambitieux. Le Burkina Faso a également montré officiellement son intérêt pour le nucléaire sur le territoire burkinabé.

Egalement présente lors de ce premier panel, quelqu’un que vous connaissez, Princy Mthombeni, fondatrice de Africa4nuclear, qui avait déjà participé à une conférence de l’Institut Schiller en avril 2022. Elle a ainsi pu à nouveau dénoncer l’hypocrisie des politiques occidentales dites de développement durable, de transition énergétique, qui s’opposent au développement du nucléaire en Afrique. Evidemment, on ne jure ici que par des énergies de faible intensité. Ce à quoi a répondu dans ce même panel Ibrahim Uwizeye, ministre de l’Hydraulique, de l’Énergie et de l’Exploitation minière de la République du Burundi, qui a renchéri en disant que son pays veut accéder à l’énergie nucléaire, car c’est un petit territoire de peu de surface, et que les énergies solaires prennent beaucoup de place et sont donc inefficaces, a-t-il dit lui-même, pour un pays comme le sien. Voilà donc que les idées de Lyndon LaRouche sur le flux de densité énergétique sont défendues publiquement et de manière cohérente par des ministres de certains pays africains.

Comme cela a été dit dans cette première session : l’un des défis stratégiques auxquels chaque pays est confronté dans le monde d’aujourd’hui est la mise en œuvre de technologies aptes à assurer la sécurité énergétique, garantir le développement durable de secteurs divers de l’économie et renforcer les capacités scientifiques et humaines du pays.

En parallèle avait lieu un autre panel sur le spatial, auquel je n’ai pas pu assister car ils se tenaient en même temps, mais qui prônait le même type d’approche : accélérer le développement économique et l’amélioration du niveau de vie de la population. Et évidemment, former la jeunesse africaine au plus niveau technologique. De nombreux accords ont été signés en ce sens dans le cadre de ce forum Russie-Afrique.

Enfin je mentionnerai un dernier panel, fort intéressant, celui sur l’Union économique eurasiatique-Afrique, intitulé « horizon pour la coopération ». Avec la participation exceptionnelle de Sergeï Glaziev, ami de longue date de l’institut Schiller, qui nous a fait l’honneur de nous accorder une interview (à retrouver sur le compte YouTube de l’Institut Schiller), dans laquelle il a abordé ce qui avait été développé dans ce panel sur les accords de partenariat par delà la Russie, c’est-à-dire l’Union économique eurasiatique, qui concerne plusieurs autres pays comme le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Arménie et d’autres, et l’élargissement de cette coopération entre ces pays et l’Afrique. Déjà des accords ont été signés avec l’Egypte et l’Angola, et beaucoup d’autres projets sont également en cours de signature. On voit donc un élargissement très grand. Je tiens ici à le remercier, personnellement, au nom de l’Institut Schiller, de nous avoir accordé cet interview lors de ce sommet Russie-Afrique, car je sais qu’il était très occupé.

Un des points forts de ce sommet fut la mise en place de nombreuses initiatives dans le domaine culturel et sportif, afin d’instaurer un véritable dialogue entre la jeunesse russe et africaine. C’était passionnant de voir tous ces échanges entre les deux pays, qui doivent encore apprendre, tout le monde l’admettait, à se connaître, à se découvrir. Ont ainsi été annoncés, parmi d’autres initiatives, les Jeux de l’Amitié, qui se tiendront en septembre 2024 à Moscou et à Ekaterinbourg pour rapprocher les peuples par la jeunesse et l’amitié, et se connaître mieux.

Un programme jeunesse a également été discuté lors d’une table ronde avec de jeunes dirigeants russes et africains sur l’éducation, la science et la technologie, tandis qu’un Festival mondial de la jeunesse a été annoncé pour 2024 en Russie, qui réunira les jeunes les plus progressistes de la planète.

Voilà donc énormément d’échanges dans les domaines scientifiques, technologiques, sportifs, culturels et intellectuels, qui sont absolument passionnants.

Sans parler des nombreux événements culturels qui ont eu lieu sur place. Je n’en mentionnerais que deux : le troisième festival international de ballet de l’école Innopraktika (si je prononce bien), pour faire découvrir la tradition des ballets russes à un public africain, et un festival de musique africaine qui a eu lieu le 29 juillet, avec des vedettes venues faire découvrir la musique africaine aux Russes. On voit donc là tout ce partage, ce bouillonnement d’échanges culturels…

Pour conclure, nous dirons que nous avons pu rencontrer et discuter avec un grand nombre de représentants politiques, d’activistes panafricanistes d’organisations de la société civile. J’ai été interviewé par de nombreux médias, Sputnik Afrique, des médias algériens, Afrique Média et bien d’autres auxquels nous avons pu donner la vision de l’Institut Schiller dans ce nouveau dialogue, ce concert des nations, loin des politiques criminelles du néocolonialisme de l’OTAN, de la City de Londres et de Wall Street.

Et à aucun moment, il faut le dire, il n’y a eu d’animosité à notre endroit, malgré les politiques de sanctions menées par l’Occident contre la Russie et l’Afrique. En témoigne, par exemple, les premiers mots de Nathalie Yamb, qui m’a accordé une interview lors de ce sommet et que je vous passe ici pour vous montrer l’état d’esprit qui régnait à ce sommet :

Sébastien Périmony : « Bonjour Nathalie, très content de te rencontrer. Nous sommes tous deux au sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, et il y a un petit paradoxe dans notre interview car je suis français, et je sais que tu es interdite de territoire dans mon pays. Peux-tu nous dire d’où vient cette animosité de la France à ton endroit ? »

Nathalie Yamb : « Il faudrait peut-être le demander à ceux qui éprouvent cette animosité, moi je n’en éprouve aucune envers la France. J’éprouve de la résistance face à la politique française en Afrique (…). »

Comme je le disais au début, il était très important que nous ayons été présent à ce sommet, car l’Institut Schiller s’est toujours battu pour la paix par le développement mutuel et le dialogue des civilisations, et c’était bien tout l’objectif de ce deuxième sommet Russie-Afrique. Nous soutenons les révolutions populaires actuellement en cours en Afrique, car il en va de l’avenir de ce continent, mais aussi de l’honneur de la France, de mettre fin au néocolonialisme. Nous vivons un moment historique, à nous d’en être à la hauteur.

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