« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Visioconférence internationale du 14 août 2021

L’annonce de Nixon en août 1971 : l’aveu de John Connally

2ème session

18 septembre 2021

Harley Schlanger (Etats-Unis), analyste, commentateur, Institut Schiller

John Connally : le 15 août 1971, c’était Schultz !

Selon la grande majorité des comptes rendus journalistiques et historiques du processus ayant conduit à la décision du 15 août 1971 de suspendre la convertibilité du dollar en or, le plus ardent défenseur de cette action aurait été le secrétaire au Trésor John Connally. Wikipedia, par exemple, indique que c’est lui qui « a présidé à la fin de l’étalon-or » et rapporte que le président Richard Nixon « s’est fortement appuyé sur les conseils de Connally » pour prendre cette décision. Dans son livre Secrets of the Temple, l’historien de l’économie, William Greider, écrit que c’est Connally, avec Paul Volcker, qui a mis en place le changement le plus fondamental du système monétaire international depuis la Seconde Guerre mondiale. Cet ancien gouverneur du Texas, qui s’était forgé une réputation de dur à cuire, de négociant sans état d’âme dans la meilleure tradition des Texans « indépendants » et rudes, venait d’être nommé secrétaire au Trésor par Nixon, alors que la crise du dollar atteignait son apogée. Bien que n’ayant qu’une expérience et une connaissance limitées de la politique financière internationale, on dit que Nixon l’admirait beaucoup et le respectait surtout pour sa confiance en soi et sa prestance. George Shultz avait la même opinion de Connally, ce qui constituait un facteur négatif, mais il n’était manifestement pas aussi entiché de lui que Nixon. Dans son livre Economic Policy Beyond the Headlines (La politique économique au-delà des gros titres), Shultz, qui faisait partie de l’équipe chargée de conseiller Nixon, rapporte que Connally adopta « une ligne extrêmement dure à l’égard des gouvernements européens » dans les négociations sur les taux de change du dollar, et affichait une « posture agressive ». Il a donné le signal [de la défense du dollar] dans le vrai style texan, avec ses deux flingues crachant le feu dans les couloirs de la finance internationale , ajoute-t-il. J’ai eu l’occasion de rencontrer Connally dans des circonstances un peu moins glorieuses pour lui et d’avoir une longue conversation avec lui sur le processus ayant conduit à l’événement de ce 15 août 1971.Ce qui suit est le compte rendu de cette conversation, qui a été publié dans l’Executive Intelligence Review.
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Loin de l’agitation provoquée par un public de plus de 500 personnes, au fond des Hart Galleries de Houston, John Connally, fatigué, observe la scène. C’est le 23 janvier 1988, le deuxième jour d’une vente aux enchères pour cause de faillite, portant sur les biens que lui et sa femme ont accumulés au cours de leur vie. Avec des millions de dollars de dettes et peu de liquidités, il ne peut que regarder le commissaire-priseur renchérir sur ses biens matériels, le produit de la vente devant être reversé à ses créanciers. Connally est seul. Bien que la presse ait parlé de sa force de caractère, de sa fermeté face à l’adversité, il semble fatigué... Je m’approche de lui et lui demande si je peux lui poser quelques questions. Se redressant, il me répond : « Seulement si elles ne concernent pas la faillite. » Je lui demande alors quels souvenirs il garde de ce 15 août 1971 et de l’annonce par le président Nixon de la fin du système de taux de change fixes de l’après-guerre. Son visage s’illumine aussitôt : Oui, c’était mon idée. J’en avais fait part au président deux nuits plus tôt. Nous étions confrontés à une crise terrible, poursuit-il, et personne d’autre n’aurait pu y faire face. Ce fut sa décision la plus difficile en tant que secrétaire au Trésor, dit-il, mais les événements des seize années suivantes ont prouvé que c’était la bonne décision. Je lui dis alors que je n’étais pas d’accord, que l’abandon des changes fixes avait conduit à une série de crises dévastatrices. Je mentionnai la crise de la dette du Mexique d’août-septembre 1982, avec la vulnérabilité du système bancaire américain à un défaut de paiement ou à un moratoire, et l’effondrement des actions d’octobre 1987, résultat du passage de l’économie de la production à la spéculation, passage rendu inévitable par cette décision du 15 août 1971. Alors qu’il écoute attentivement, je lui dis que je travaille avec Lyndon LaRouche, qui avait prévu que l’initiative de Nixon du 15 août 1971 allait déclencher ce qui deviendrait le pire krach financier de l’histoire. Eh bien, je n’en suis pas sûr, me répond-il. Bien entendu, la crise était déjà en cours avant mon arrivée. Il me confie qu’il était peu familier avec la finance internationale avant sa nomination par Nixon, et qu’il prit conscience du problème lors des briefings réguliers de William McChesney Martin [alors président de la Réserve fédérale].

Comment la décision fut-elle prise ? Il y avait un comité de travail, m’explique-t-il, comprenant lui-même, Paul Volcker et George Shultz. Herb Stein y assiste parfois, de même qu’Arthur Burns. Dans ce groupe, seul Burns est opposé à la fermeture de la convertibilité en or. Ils se réunissent le 13 août. (...) Shultz se montre alors le plus énergique en insistant sur le fait que le système de change fixe doit prendre fin et que Connally doit en informer Nixon immédiatement. Avez-vous émis une objection ? demandé-je. « Non... C’étaient les hommes les plus intelligents du monde. Je me suis dit qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. » Il ajoute qu’il informa Nixon le lendemain même et que ce dernier ne posa qu’une seule question : avez-vous soumis cette idée à Shultz ? Lorsqu’il lui répond que Shultz est d’accord, Nixon lui demande de transmettre un projet à ses rédacteurs de discours, et le lendemain matin, on annonçait qu’il prononcerait un discours politique majeur. Je demande alors à Connally s’il regrette cette décision. Regardant la salle avec nostalgie, il soupire : « En ce moment, j’ai beaucoup de regrets sur beaucoup de choses. » A-t-il des regrets sur le 15 août ? Sur ce, il me quitte en disant qu’il ne veut pas y penser pour le moment.
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Ce qu’il n’a pas dit mais qu’il a peut-être compris, c’est que ses malheurs étaient le résultat direct de l’effondrement du milieu des années 1980, ayant entraîné le pillage des caisses d’épargne et de crédit, ainsi que l’effondrement des secteurs de l’immobilier et du pétrole, dans lesquels il avait investi massivement – suite aux mesures économiques de déréglementation et de marché libre imposées après cette transformation du 15 août qu’il avait soutenue. Lorsque j’informai Lyndon LaRouche des confidences de Connally, il déclara : Cela semble plausible. Connally était utilisé par Shultz et les libre-échangistes néolibéraux pour faire croire aux républicains et aux conservateurs que Nixon avait pris cette décision pour défendre le dollar contre les spéculateurs étrangers. L’ironie, dit-il, c’est que ni Nixon ni Connally n’ont réalisé que cela aboutirait à miner considérablement le dollar, en coulant l’économie productive américaine. L’évaluation de LaRouche se trouva confirmée dans un article publié dans le numéro de l’été 2021 de International Economy, signé par C. Fred Bergsten, un économiste monétariste néolibéral de premier plan, qui fut l’adjoint de Kissinger au Conseil national de sécurité et l’un des directeurs fondateurs du Peterson Institute of International Economics. Bergsten rapporte une réunion de six heures que lui et trois autres économistes de premier plan avaient eue avec Volcker et Connally le 18 août, pour discuter de ce qu’il fallait faire ensuite. Il en avait conclu que ce dernier ne manifestait aucun intérêt pour une réforme systémique du type de celle que lui et ses collègues préconisaient. Connally conclut la réunion par ces mots :Les étrangers veulent nous niquer. C’est à nous de les niquer en premier. Merci pour votre aide. Selon ses dires, Bergsten en sortit convaincu de devoir s’élever avec force contre la politique du 15 août,et décida de « monter une attaque contre Nixon et Connally ». Mais en y repensant maintenant, il conclut que les « résultats ultimes » de la décision du 15 août « se sont avérés très constructifs », car ils ont joué un rôle important dans les négociations au Tokyo Round du GATT, qui, écrit-il, servit à restaurer «  l’élan vers la libéralisation ».

C’est le Tokyo Round qui a sapé la souveraineté des nations sur la politique commerciale, en interdisant toute intervention gouvernementale visant à encourager la production et toute subvention aux exportations, deux facteurs ayant contribué de manière décisive à la désindustrialisation des États-Unis, qui s’est accélérée au cours des cinq dernières décennies.
Ainsi, la décision politique du 15 août fut un élément clé pour mettre en œuvre ce que Volcker a publiquement défendu plus tard, en 1978, dans un discours à l’Université de Warwick en Grande-Bretagne, comme la « désintégration contrôlée de l’économie mondiale » en tant qu’« objectif légitime pour les années 1980 ». Il n’est donc pas anodin que, lorsque Connally quitta son poste de secrétaire au Trésor, il ait été remplacé par George Shultz, qui fut un personnage clé dans l’avancement du Tokyo Round et officialisa en 1973 le système de taux de change flottants, qui avait été adopté comme « mesure temporaire » par Nixon.

Daisuke Kotegawa, ancien haut fonctionnaire au ministère japonais des Finances, ancien représentant du Japon au FMI

Comme Lyn [Lyndon LaRouche] l’a affirmé à plusieurs reprises, seule l’industrie manufacturière peut aider les êtres humains à se développer, et non l’industrie financière que soutiennent les monétaristes.

Or, la loi Glass-Steagall introduite en 1933 aux États-Unis pour séparer la banque d’investissement de la banque commerciale a été complètement abolie en 1999. Cela a conduit à un aléa moral, car les banquiers savent que le gouvernement sauvera toujours le secteur bancaire, qui comprend à la fois les banques commerciales et les banques d’investissement.

Le choc de Lehman a été provoqué par les investissements de type « pari financier » pratiqués après 1999 par les banques d’investissement britanniques et américaines. Sur la base de cette expérience, une nouvelle règle visant à imposer des exigences strictes aux banques en matière de prêts aux fonds spéculatifs a été introduite. Cette nouvelle règle a tué les prêts commerciaux de type capital-risque (venture fund).

Comme Lyn l’a toujours souligné, il est urgent de rétablir le Glass Steagall Act pour restaurer un secteur financier sain dans le monde.

C’est aussi le cas pour d’autres pays asiatiques qui se sont développés principalement grâce à l’industrie. Seule la Chine a pu échapper à l’application de la règle de Bâle et est devenue l’usine du monde.

On peut dire que l’économie mondiale est passée d’une économie dominée par la production à l’ère des paris financiers. Cette transition allait complètement à l’encontre de la proposition de Lyn, alors qu’elle était soutenue par les monétaristes anglo-américains. Le résultat de cette transition a été l’élargissement du fossé entre les riches et les pauvres, provoquant la révolte des électeurs à partir de 2016.