« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Visioconférence internationale du 9 avril
1ere session
27 avril 2022
Par Sam Pitroda, ancien ministre et conseiller de Rajiv Gandhi, conseiller auprès d’autres ministres de l’Inde.
Mesdames et Messieurs, Salutations de Chicago !
La guerre en Ukraine, comme toute autre guerre, suscite une grande inquiétude au sein de l’humanité. Elle nous concerne tous, car elle rend nos semblables malheureux en raison des morts, des destructions, des déplacements, de la pauvreté, de la faim, de la haine et de la propagande mensongère. Il n’y a aucune raison de faire la guerre en 2022. Rien ne peut justifier toutes les destructions qui ont lieu. Je ne suis pas ici pour prendre parti. Je suis ici essentiellement pour parler d’un besoin de redessiner le monde.
L’ordre global de sécurité d’aujourd’hui est basé sur le commandement et le contrôle, par opposition à la collaboration, la coopération, la co-création et la communication. L’ordre mondial actuel est également fondé sur un engagement total envers le pouvoir et les profits, par opposition à ce qui est bon pour la planète et pour les personnes. J’ai écrit un livre intitulé Redesign the World (Redessiner le monde) principalement parce que je crois que dans le monde hyperconnecté d’aujourd’hui et de demain, où les 8 milliards de personnes sont essentiellement connectées, nous avons besoin d’un nouveau paradigme.
Qu’est-ce que cela signifie d’avoir un monde connecté ? Comment pouvons-nous utiliser cette connectivité pour faire passer la civilisation humaine à un niveau supérieur ? Le monde a été réorganisé pour la dernière fois après la Seconde Guerre mondiale, ce qui a donné naissance à l’ONU, à la Banque mondiale, au FMI, à l’OTAN, à l’OMC, à l’OMS et à de nombreuses organisations. Cette conception a également donné naissance au PIB, au PNB, au revenu par habitant, à la balance des paiements et à diverses jauges. On pourrait dire que cette conception a plutôt bien fonctionné en matière de croissance, de prospérité, de reconstruction de l’Europe, de reconstruction du Japon.
Mais en même temps, cette conception n’a pas résolu les problèmes liés à la pauvreté, la faim, la violence et la guerre. Elle était basée sur la démocratie, les droits de l’homme, le capitalisme, la consommation et l’armée. Juste après, le monde a été décolonisé. Personne n’avait jamais pensé que le monde serait décolonisé en si peu de temps.
Ensuite, personne ne pensait que la Chine serait capable de s’élever comme elle l’a fait. L’Union soviétique s’est effondrée sans une goutte de sang et, pendant un certain temps, le monde est devenu unipolaire. Dans ce processus, la technologie est devenue omniprésente, les inégalités se sont accrues, puis le 11 septembre a tout changé.
Enfin, la pandémie de COVID-19 nous rappelle que nous sommes tous interconnectés, entrelacés, interdépendants, interreliés. Ce qui compte au bout du compte, ce sont deux choses : la planète et les gens. Nous avons vraiment fait d’énormes gaffes avec notre environnement, le réchauffement climatique, et nous n’avons pas pris soin de nos peuples.. Ce dont nous avons vraiment besoin maintenant, c’est d’un tout nouveau paradigme.
Nous devons amener nos démocraties, ou toute autre forme de gouvernement que nous avons, à l’inclusion. Nous devons assurer la dignité des personnes, le respect de tous les autres êtres humains, et nous ne pouvons pas continuer à accepter des pertes de vies humaines parce qu’il y a une lutte de pouvoir au sommet. Nous devons vraiment nous concentrer sur les besoins humains ; les droits de l’homme ne suffisent pas.
Nous vivons dans un environnement où nous pouvons produire tout ce qu’on décidera. Malheureusement, nous pensons encore à une économie de pénurie alors que nous avons une économie de surplus. Pourquoi nous battons-nous ? Il y a assez pour tout le monde et même plus, car la technologie nous a offert une opportunité unique en matière de production, de gestion, de distribution, de livraison, de marchés et de commerce. Mais nous devons penser différemment. Je dis souvent que nous avons une mentalité du 19e siècle, des processus du 20e siècle et des besoins du 21e siècle.
Le capitalisme n’a pas apporté des fruits à tout le monde. Il a accru les inégalités, de sorte qu’une petite minorité a beaucoup de richesses et que beaucoup de gens n’ont rien. Nous avons besoin d’une nouvelle économie, de décentralisation, de développement ascendant, de mise en réseau des entreprises. Et nous devons nous concentrer sur la relocalisation alors que nous continuons à promouvoir la mondialisation. Il y a beaucoup de sagesse dans le talent local, les ressources locales, le sol local ; et nous devons en tirer parti. Nous ne pouvons pas nous lancer dans la mondialisation uniquement parce que nous pouvons optimiser les profits. Le PIB n’est peut-être pas la bonne façon de considérer l’économie ; nous avons besoin du produit environnemental brut, du produit du développement humain brut, et toute l’idée de la consommation est allée trop loin. Nous finissons par produire ce que les gens peuvent se permettre d’acheter, mais pas pour ceux qui en ont besoin. Nous devons nous concentrer sur la durabilité, sur la conservation.
Et enfin, mes racines viennent de Mahatma Gandhi. Je crois fermement en la non-violence. Dans ce monde, il n’y a pas de place pour la violence, et la violence commence à la maison, dans les rues, dans les villes. Et la réponse actuelle à la violence est de fournir plus de matériel de guerre, plus d’équipement militaire !
Aujourd’hui, nous produisons pour 2 000 milliards de dollars de matériel militaire ; nous dépensons 2 000 milliards de dollars, alors que nous savons que 200 milliards de dollars peuvent éliminer la faim dans le monde. Je pense qu’il est grand temps de commencer à se concentrer sur la non-violence partout. Mais que faisons-nous de cette idée ? L’idée est de passer de la démocratie à l’inclusion, des droits de l’homme aux besoins humains, du capitalisme à la nouvelle économie, de la consommation à la conservation et à la durabilité, et du militaire à la non-violence.
Comment pouvons-nous faire cela dans la mesure où ceux qui ont le désir de changer n’ont aucun pouvoir alors que ceux qui ont le pouvoir exploitent le système et n’ont aucun intérêt à changer ? En fait, nous devons vraiment échanger nos points de vue sur de nouvelles bases.. Nous devons commencer une conversation au bas de la pyramide économique. Nous avons besoin d’agents de changement, nous avons besoin de nouvelles institutions, et nous devons briser certaines des institutions existantes. Je crois que certaines institutions ont dépassé leur utilité.
Au cours des 75 dernières années, nous n’avons pas créé une seule nouvelle grande institution mondiale comme l’ONU, la Banque mondiale ou le FMI. Je pense qu’il est temps de penser à une nouvelle conception du monde. Et cette refonte doit placer les personnes et la planète au centre de la conception. Nous devons constamment nous demander si c’est bon pour la planète, et alors nous devons le faire. Si c’est bon pour les êtres humains, nous devons le faire. Malheureusement aujourd’hui, notre conception, comme je l’ai dit plus tôt, est axée sur le pouvoir et les profits. Tant que cet état d’esprit ne changera pas, passant du commandement et du contrôle à la coordination, à la coopération, à la mise en réseau et à la co-création, nous ne créerons pas un nouveau paradigme pour l’humanité.
Je crois fermement que l’hyper-connectivité, qui démocratise l’information, décentralise la prise de décision, démonétise les services avec du contenu, du contexte, de la durée, de la communication, est une opportunité unique pour l’humanité avec des innovations, de la créativité, pour faire passer l’humanité au niveau supérieur. Je crois dans cette refonte. Je ne suis pas ici pour mettre l’accent sur autre chose, mais je suis convaincu que nous devons tous nous donner la main pour créer un nouvel ordre mondial.
Merci.