« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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20 novembre 2020
note de Fred Haight
Dans deux épisodes récents, nous avons examiné le premier mouvement monumental de la Symphonie n° 3 « Héroïque » de Beethoven, qui aborde l’idée d’un héros, une figure historique mondiale. Nous avons également entendu son deuxième mouvement épique, une Marche funèbre, qui exprime la perte ressentie à la disparition d’un tel personnage héroïque. Comment Beethoven a-t-il réussi à combiner des contraires apparemment irréconciliables pour aboutir à une conclusion satisfaisante de sa symphonie ?
Aujourd’hui, nous présentons l’étonnant quatrième mouvement. Le grand poète français, François Rabelais, l’a bien exprimé en disant que « le rire est le propre de l’homme ». L’héroïsme implique toujours la créativité, et donc le rire et la joie !
Après une brève fanfare, nous entendons un thème simple, mais ludique, en 2/4, joué en pizzicato, avec de longs silences entre les notes.
Mi♭ /Si♭ /Si♭ /Mi♭ /Ré /Mi♭ /Mi /Fa /Ré /Mi♭ /A /Si♭ (répétition).
Mi♭ Si♭ Si♭/ /Si♭ /La /Sol /La /La /Si♭ /Si♭ /Mi♭ (répétition)
Lors de la première audition, le public a dû se demander si Beethoven était sérieux. Un thème aussi trivial pour mettre fin à une œuvre aussi titanesque ? Le thème, cependant, provenait du finale de l’unique ballet de Beethoven, Les créatures de Prométhée. Dans le drame grec ancien, Prométhée était un Dieu, un Titan, qui a défié le Dieu principal, Zeus, en faisant don du feu à l’homme - le feu de la connaissance de la science et de l’art à l’homme. Beethoven n’aurait jamais traité un tel concept de manière triviale. Il a vécu pour cela.
Toutefois, Beethoven proposait parfois un thème comme hypothèse, la « preuve » de cette hypothèse ne résidant pas en elle-même, mais dans son développement contrapuntique. Dans le cas présent, Beethoven a développé ce thème dans trois œuvres différentes, le Finale des Créatures de Prométhée, dans ses Variations et Fugue pour piano en Mi♭ major, op. 35 (également appelées Variations héroïques) et cette symphonie. Le thème commence simplement, puis se développe.
Cependant, si vous comparez l’ouverture du mouvement symphonique au Finale du ballet, vous risquez d’avoir du mal à trouver la ressemblance. C’est parce que Beethoven ne cite pas le thème principal mais la ligne de basse sous-jacente, que l’on entend à peine - la fondation de l’édifice - comme sa source.
Ce mouvement symphonique est un « Thème et Variations ». Deux de ces mouvements se retrouvent dans les Variations sur Dieu sauve le Roi, et le mouvement lent de son Trio avec piano en do mineur, op. 1 n° 3.
Si vous souhaitez entendre les progrès considérables de Beethoven en quelques années, il vous suffit de faire la comparaison. Les premières œuvres sont inventives, mais relativement linéaires par comparaison. Le Finale de la troisième symphonie est facile à suivre sous la forme d’un ensemble de variations pendant le début du mouvement (bien que la mélodie telle que présentée dans les versions précédentes n’entre pas avant 2:12). Puis, à 3:09, les variations font place à une fugue ! Difficile à suivre de façon linéaire !
À partir de là, Beethoven bouleverse la forme de ce mouvement, tout en restant fidèle à celle-ci. C’est la raison, et non la forme, qui doit guider, si vous souhaitez comprendre Beethoven.