« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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3ème partie : une étude sur le courage
16 novembre 2020
une note de Fred Haight
. Un air d’opéra est comparable à un soliloque dans une pièce de théâtre. L’acteur partage directement avec vous, et avec l’audience, la lutte intérieure qui se livre au plus profond de lui, ou d’elle-même.
Ici, Leonore rassemble tout son courage. Pour comprendre ce dont il s’agit, il nous faut revenir à l’une des notes précédentes, où nous citions Schiller dans son texte « Du Pathétique ».
Il n’y a point de mérite à maîtriser des sentiments qui ne font qu’effleurer légèrement et passagèrement la surface de l’âme : mais pour résister à une tempête qui soulève toute la nature sensible, et pour y conserver la liberté de son âme, il faut une faculté de résistance, infiniment à toute force de la nature.
Il y aurait quelque chose d’anormal à ce que Leonore ne soit pas bouleversée. Le gardien de la prison, ne connaissant pas sa véritable identité, vient de lui révéler qu’il allait tuer son mari Florestan. Elle n’a aucune possibilité de s’opposer à lui. Dans la première section de l’Air, elle est sous le coup d’une grande colère. Il n’y a pas de mélodie et presqu’aucun rythme. A 1:09, dans cet enregistrement, l’image d’un arc en ciel lui apparaît, calme son désespoir et lui permet de retrouver le contrôle d’elle même.
Ah ! Monstre abominable ! Où vas-tu, si pressé ? Que peut bien préparer cette fureur sauvage ? Le cri de la pitié, les sentiments humains n’émouvront-ils jamais tes appétits de tigre ? C’est le mugissement des vagues de la mer qui vient emplir ton âme de colère et de rage, tandis qu’un arc-en-ciel s’illumine pour moi qui pose sa clarté sur les nuages sombres : l’éclat de son regard est tranquille et serein ; on y voit le reflet de temps déjà anciens et mon sang apaisé s’anime de nouveau.
La contemplation de cet arc-en-ciel l’aide à se reprendre elle-même.
La deuxième section de l’air, à partie de 2:15, fait place à un chant d’espoir, lent, beau, reflétant une paix intérieure retrouvée.
Oh ! Espoir, viens à moi, ne laisse pas s’éteindre cette dernière étoile, pour moi qui suis si lasse ! Eclaire mon chemin ! Si loin que soit le but, l’amour y parviendra.
Dans la troisième section, qui commence à 5:11, elle a pris sa résolution, elle est déterminée à agir, pour l’amour de son mari et plus largement pour la justice.
J’obéis à la voix de mon instinct secret sans jamais hésiter. Ma force je la dois au devoir que m’inspire la constance des liens de l’amour conjugal. O toi qui est celui pour qui j’ai tant souffert ! Puissè-je pénétrer jusque dans cet endroit où la méchanceté t’as jeté dans les fers, afin de t’apporter un tendre réconfort.
Beethoven donne à cette extraordinaire transformation de Leonore, qui passe du désespoir à une résolution que rien n’arrêtera, une puissance expressive hors du commun. Il ne s’agit pas ici d’une description et statique et extérieure du courage mais sa représentation sous une forme inspirant ce même courage chez l’auditeur.