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Vaincre le Covid-19 ou rester dans le casino financier, il faut choisir

27 mars 2020

Les ravages de la Peste noire à Marseille en 1347-48
La Peste noire arrive à Marseille en novembre 1347 et provoque des ravages.

Il est déjà arrivé dans l’histoire qu’un effondrement financier conduise à une pandémie qui décime la population européenne. Ainsi, la désintégration du système bancaire en 1345 et la dévastation économique qu’elle entraîna ouvrirent la voie à la peste noire qui élimina 30 % de la population européenne. A contrario, c’est bien la première fois qu’une désintégration financière coïncide avec une pandémie mondiale aussi grave et avec la décision délibérée des gouvernements de suspendre l’activité économique. Telle est la situation aujourd’hui avec le krach financier, la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement rendues indispensables pour arrêter le virus.

Dans ces conditions, tenter de sauver le système financier en faillite condamnera la lutte contre la pandémie de coronavirus ainsi que la relance de l’économie réelle. C’est pourtant ce que font précisément les banques centrales, en mettant à disposition des milliers de milliards de dollars et d’euros pour refinancer la bulle, tandis que les gouvernements n’accordent que des sommes dérisoires à l’économie réelle.

Le 17 mars, la Réserve fédérale a annoncé une réédition de la « Facilité de crédit de primary dealer » (PDCF), soit le plus vaste programme par lequel la Fed avait renfloué Wall Street en 2008. La PDCF permet à la Réserve fédérale de New York de fournir des prêts à 90 jours directement aux 24 banques figurant dans la catégorie de « négociant principal » (primary dealer), celles qui fournissent des liquidités au marché interbancaire (du moins jusqu’à récemment). Mais le véritable objectif de ces prêts est de permettre d’attribuer aux titres que les banques présentent en nantissement, une valeur fixe dans les livres, alors que leur valeur marchande est en chute libre. Signalons que les « primary dealers » ont perdu en moyenne 45 % de leur capital lors de l’effondrement du marché boursier des cinq dernières semaines.

En Europe, la BCE a annoncé son intention d’acheter pour 750 milliards d’euros d’obligations d’État et d’entreprises en 2020 - et ce n’est qu’un début.

En d’autres termes, les banques centrales font allégrement tourner la planche à billets pour tenter de maintenir le système sous perfusion. Mais compte tenu de la contraction accélérée de l’économie physique, c’est l’hyperinflation garantie.

Sans oublier l’indécence inouïe consistant à renflouer des établissements financiers qui font du profit en pariant contre leurs clients et accordent des bonus astronomiques à leurs directeurs responsables de la débâcle. (L’un d’entre eux a d’ailleurs été pris en flagrant délit la semaine dernière : selon Finanz-szene.de, le chef du département des risques de la Commerzbank, Marcus Chromik, avait parié contre l’indice DAX allemand et le S&P 500, tout en conseillant à ses clients d’acheter des actions alors que le marché boursier baissait.)

En 1933, une commission du Sénat américain, présidée par le procureur de New York Ferdinand Pecora, braqua les projecteurs sur les fraudes et les délits commis par les « banksters  » de Wall Street, ouvrant ainsi la voie à la réforme bancaire de Franklin Roosevelt, le célèbre Glass-Steagall Act qui sépara les banques d’affaires des banques commerciales. Il est temps d’en faire de même aujourd’hui.


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