« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Conférence de Kiedrich
21 octobre 2007
par Hal Cooper
Hal Cooper, ingénieur-conseil, mène depuis des années des études approfondies sur le projet de tunnel sous le détroit de Béring, ainsi que sur la voie ferrée reliant l’Alaska et le Canada et, au-delà, la côte Ouest des Etats-Unis. A la conférence de l’Institut Schiller, il a fait une présentation détaillée de ce projet, réalisé par sa société (Cooper Consulting Co. de l’Etat de Washington), illustré de nombreuses images et cartes. Pour des raisons de place, nous n’en reproduisons que la conclusion. L’ensemble du document, avec les illustrations, est disponible en langue anglaise sur www.schillerinstitute.org.
La Canadian Arctic Railway a commandé une étude de faisabilité technique et économique sur un projet de construction d’une nouvelle voie ferrée de 3800 kilomètres, dans le nord-est de l’Amérique du Nord, qui permettrait de combler le « trou » de 1300 km entre l’Alaska et la Colombie britannique. (Figure 1) Cette nouvelle voie ferrée est destinée à transporter des biens et des machines en Alaska, dans le territoire du Yukon et dans le nord de la Colombie-Britannique, afin d’y encourager le développement économique et social, et aussi à acheminer les ressources naturelles depuis ces régions du Nord jusqu’au reste du Canada et aux 48 Etats inférieurs des Etats- Unis. La liaison ferroviaire Alaska-Canada est une composante primordiale du futur réseau ferroviaire mondial reliant l’Asie, l’Europe et l’Afrique aux Amériques du Nord et du Sud, au moyen d’un nouveau tunnel ferroviaire de 100 kilomètres sous le détroit de Béring, entre la Russie et l’Alaska.
La principale conclusion de cette étude de faisabilité, c’est que la liaison entre les réseaux ferroviaires alaskiens et canadiens est réalisable, tant sur le plan technique qu’économique. Il n’y a pas de problème technique sérieux ou insurmontable qui empêcherait la construction de cette liaison ferroviaire, puisqu’on pourrait y appliquer des technologies du rail déjà existantes. En outre, on constate l’absence de barrières physiques insurmontables (fleuves, océans ou montagnes), qui empêcheraient sa construction ou la rendraient trop onéreuse.
Par contre, un problème technique se pose en passant dans le tunnel du détroit de Béring jusqu’en Russie, à cause de la différence d’écartement de voies entre les rails standards occidentaux (1435 mm) et russes (1520 mm). Pour y faire face, il a été suggéré de construire, temporairement, deux voies parallèles en Russie, avec les deux écartements, en attendant que la norme standard soit introduite dans le système ferroviaire russe. Le projet de connexion ferroviaire Alaska- Canada est un projet techniquement et économiquement réalisable, sans obstacle apparent le condamnant.
Pour achever les 1280 à 2080 km de nouvelles voies ferrées, et pour moderniser quelque 1440 km de lignes, le coût est estimé entre 4 et 6 milliards de dollars. (…) En fin de compte, on aura un réseau ferroviaire intégré de quelque 3500 km, plus la ligne de la Fosse de Tintina. Ce projet peut alors servir de base pour la construction d’une première liaison ferroviaire électrique directe de 13 000 km entre l’Amérique du Nord et l’Eurasie, pour un coût en capital évalué à 65-75 milliards de dollars sur une période de dix ans. Par la suite, on en fera un réseau entièrement électrifié de 20 000 km, ce qui nécessitera une augmentation d’environ 10 000 mégawatts des capacités de production d’électricité.
On estime que la construction de la liaison Alaska-Canada prendra quatre à cinq ans, suivis par un programme d’expansion du système sur les 10 à 20 années suivantes. Quant au transport du fret, la quantité devrait en augmenter progressivement, depuis 10 jusqu’à 120 millions de tonnes par an sur la durée de vie du projet, avec un trafic voyageurs entre 1000 et 5000 par jour. Les principales marchandises transportées seraient le charbon, le pétrole, le gaz naturel, des minerais métalliques, de l’acier, des produits à base de bois, des produits chimiques et des biens de consommation entrant ou sortant d’Alaska, du territoire du Yukon et de Colombie- Britannique. Une fois achevé le tunnel ferroviaire sous le détroit de Béring, la quantité de fret transitant par là pourrait atteindre les 300 millions de tonnes par an. (...)
Par ailleurs, le taux de rendement sur investissement devrait se situer entre 10 et 20 % par an, avec une période d’amortissement allant de 5 à 20 ans. Lorsque toutes les opérations seront lancées, le trafic du fret devrait permettre des revenus se situant entre 50 et 75 milliards de dollars par an. (...)
La mise en place de la liaison ferroviaire Alaska-Canada devrait permettre de créer entre 3000 et 5000 emplois pour la construction même, puis 1000 à 1500 emplois permanents dès son achèvement. En outre, le projet permettrait un développement économique substantiel dans tout le nord-ouest de l’Amérique du Nord, assorti d’une augmentation des emplois, des affaires et du tourisme. Des avantages économiques similaires se feront sentir dans toute l’Eurasie. Pendant la phase de construction du réseau ferroviaire mondial, on prévoit la création sur 20 ans de 25 000 à 50 000 emplois, plus 5000 à 10 000 emplois liés à l’exploitation de la voie elle-même, sur 50 ans ou plus.
L’achèvement de cette liaison ferroviaire créera les conditions de l’intégration de tout le système ferroviaire mondial en un seul réseau, au bénéfice de la paix et de la prospérité. On estime à 175 000 minimum et jusqu’à 300 000 le nombre de nouveaux emplois qui seraient créés dans le nord-ouest de l’Amérique du Nord grâce à l’accroissement de l’activité économique découlant de la liaison Alaska-Canada. En outre, cette région verrait un afflux de nouveaux résidents pouvant atteindre 450 000 à 750 000 personnes.
L’ensemble du coût en capital pour relier le réseau ferroviaire mondial serait de l’ordre de 125 à 150 milliards de dollars, soit moins de la moitié du coût de la guerre en Irak à ce jour. Il est recommandé d’avoir recours à une combinaison de financements provenant aussi bien du secteur public que du privé, par des prêts ou des obligations à long terme et à faible taux d’intérêt. Comme nantissement pour l’investissement en capital total (125 à 150 milliards de dollars), on pourrait prendre de l’or, à la hauteur de 200 à 250 millions d’onces (6000 à 6500 tonnes), basé sur le prix actuel de 650 dollars l’once. Des revenus intérimaires pourraient aussi être générés par la vente de pétrole brut. (...)
Un aspect essentiel du projet est le soutien des gouvernements régionaux : le gouverneur d’Alaska Sarah Palin, le Premier ministre du Yukon, Dennis Fentie, et le Premier ministre de Colombie-Britannique, Gordon Campbell. De plus, le président américain George Bush, le Premier ministre canadien Stephen Harper, le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Hu Jintao devraient tous soutenir la mise en oeuvre de ces projets, au bénéfice mutuel de tous, en terme de création d’emplois à l’échelle mondiale par le biais de la Stratégie du nord pour l’énergie et le développement économique.
Par ailleurs, il serait particulièrement important d’impliquer les communautés aborigènes qui vivent le long de la route proposée pour la liaison ferroviaire Alaska-Canada, à cause de l’impact potentiel sur leurs terres et des bienfaits escomptés pour leurs populations, qui comprennent les Corporations natives de l’Alaska, les Premières nations du Canada et les tribus indiennes des 48 Etats plus au sud. L’on ne doit pas sous-estimer l’importance respective de ces groupes aborigènes le long du parcours de la liaison ferroviaire Alaska-Canada, si on veut créer une assise populaire pour la réalisation de ce projet.