« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Conférence de l’Institut Schiller à Lima, Pérou

Un message d’Helga Zepp-LaRouche

2 juin 2015


C’est au centre militaire de Lima que le général Juan Luis Autero Villagarcia, président des anciens élèves de la Haute école de défense nationale (ADECAEM), a organisé le 28 mai un séminaire sur l’alternative des BRICS.

« Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud ont relevé un défi historique pour l’avenir du monde », a lancé le général. « Ils bâtissent un nouvel ordre économique mondial de progrès. Ils démontrent également les nouvelles capacités dont disposent les pays lorsqu’ils s’unissent avec énergie. L’Asie, l’Amérique du Sud et l’Afrique y participent et le Pérou a la capacité d’intervenir dans le développement de l’infrastructure », a-t-il affirmé en citant le projet d’une liaison ferroviaire reliant le Brésil au Pérou (5300 km), véritable colonne vertébrale du « couloir bi-océanique » dont on discute depuis des lustres et qui pourra bientôt voir le jour grâce à l’engagement de la Chine.

La conférence a eu lieu au bon moment, c’est-à-dire à peine deux jours après la visite du Premier ministre chinois Li Keqiang, qui s’est précisément rendu dans la région pour discuter de ce grand projet. Avant de se rendre en Colombie, au Pérou et au Chili, Li Keqiang a conclu un accord avec le Brésil pour financer une étude de faisabilité pour ce chemin de fer bi-océanique dont les contours finaux restent à spécifier.

Après l’intervention du diplomate chinois, le Dr Liu Youfa, ancien vice-président de l’Institut chinois des études internationales (CIIS), c’est la présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, qui a fait le point sur la situation.

Voici la transcription intégrale de son intervention.

Le 28 mai 2015
Chers amis,

Laissez-moi commencer avec mes félicitations les plus sincères pour la décision récente de construire une ligne ferroviaire transcontinentale, suite à la visite du Premier ministre chinois Li Keqiang. Un protocole d’entente a été signé entre le Pérou, le Brésil et la Chine, pour la réalisation d’une étude de faisabilité concernant cette ligne de 3000 km.

Elle reliera la côte pacifique à la côte atlantique, au Brésil, et cela implique une transformation de tout le continent sud-américain, un accroissement de la productivité dans tout le processus de production, une progression du niveau de vie ainsi qu’un avenir meilleur. Et ce n’est là que le premier pas.

Ainsi, le Pérou sera relié à cet incroyable processus de transformation, à cette vague d’optimisme au sein de grandes parties de l’économie mondiale, qui a débuté lorsque le Président Xi Jinping a annoncé sa politique de Nouvelle route de la soie en septembre 2013, au Kazakhstan, et qui s’est véritablement mis en branle avec le Sommet des BRICS de Fortaleza au Brésil, en juillet dernier.

A partir de ce moment, une économie et un système financier complètement parallèles ont émergé, fondés sur des principes complètement différents de ceux qui dominent actuellement au sein du système financier transatlantique associé au FMI, à la Banque mondiale, à Wall Street et à la Cité de Londres. La Nouvelle route de la soie, ou la Route de la soie maritime du 21e siècle, sont devenues synonymes de ce pour quoi s’était mobilisé le Mouvement des Non-alignés il y a de cela de nombreuses années : un nouvel ordre économique mondial plus juste où les êtres humains, tout comme l’intérêt général des peuples, seront replacés au centre de l’économie, et non pas le profit de quelques privilégiés.

Cette nouvelle évolution est réellement très importante. Après tout, les principaux médias occidentaux ont complètement ignoré cette situation pendant presque deux ans, et soudainement on reconnaît que ceci devient la nouvelle réalité mondiale, avec une nuée d’articles comme celui récemment publié dans la revue Time. Ce dernier révèle bien la panique des élites avec son titre « La Nouvelle route de la soie pourrait changer l’économie mondiale pour toujours » ; « La Chine et une grande partie du monde entendent mettre en œuvre le plus grand projet de développement de l’histoire ». C’est bien de cela qu’il s’agit.

La Nouvelle route de la soie et la Route de la soie maritime ne sont effectivement pas limitées à l’Asie. L’Institut Schiller, ainsi que la revue EIR, ont récemment publié un rapport de 370 pages, intitulé « La Nouvelle route de la soie devient le Pont terrestre mondial ». Ce rapport est de fait une feuille de route pour les prochaines décennies, avec de nombreux couloirs de développement reliant tous les continents. Ainsi vous serez très bientôt en mesure de voyager par maglev ou par des trains à grande vitesse traditionnels, de Punta Arenas au Chili, ou Ushuaia en Argentine, vers le nord, le long d’une ligne ferroviaire inter-américaine, passant par l’Amérique centrale et du Nord, puis par le détroit de Bering jusqu’en Eurasie et en Espagne et enfin, par un tunnel sous le détroit de Gibraltar, jusqu’au Cap de Bonne Espérance en Afrique du Sud.

Je crois que la plupart d’entre nous aimerait faire un tel voyage très bientôt.

Déjà, parmi les dirigeants chinois et ceux des pays des BRICS, il y a une puissante dynamique pour la construction de couloirs de développement, de nouveaux canaux comme celui qui passera par le Nicaragua, de nouveaux tunnels, ponts et projets de transfert d’eau. Il y a aussi une coopération grandissante dans les domaines du nucléaire et de l’espace. Tout cela est accompagné de l’émergence d’un nouveau système financier, telles la Nouvelle banque de développement des BRICS (NBD) et la BAII, qui compte déjà 58 membres fondateurs, parmi lesquels douze membres de l’OTAN ; il y a ensuite le Fonds de développement de la Nouvelle route de la soie ; la Banque de coopération de Shanghaï ; la Banque SAARC, qui s’occupe du développement des pays d’Asie du Sud.

Et comme l’a récemment déclaré Sergeï Glaziev, le conseiller du président Poutine, au 7e Forum académique des BRICS qui vient tout juste de se terminer à Moscou :

La Nouvelle banque de développement des BRICS n’est pas une alternative au FMI et à la Banque mondiale mais un complément, car elle répond aux défis qui ont été ignorés par les institutions financières internationales. Le FMI n’a fait que travailler dans l’intérêt des spéculateurs et les énormes quantités de dollars, d’euros, de livres et de yens sortant des planches à billets arrivent aujourd’hui par vagues dans les pays des BRICS, déstabilisant leurs économies. Il est par conséquent nécessaire pour les BRICS de développer leur propres institutions financières, pour financer des projets de développement à long terme. Faisant partie de ce nouveau système, il y a le Système de réserve en devise, qui prend essentiellement en compte les leçons de la crise de 1997 en Asie, au cours de laquelle les devises des pays asiatiques ont chuté, à cause de la spéculation, de 80 % en une seule semaine. Il répond également aux attaques vicieuses lancées récemment par les fonds spéculatifs à l’encontre des pays d’Amérique latine.

Ce système parallèle pourrait bien devenir très rapidement la bouée de sauvetage suite à l’effondrement du système financier transatlantique : car un krach pourrait survenir à tout moment, plus gros que celui de 2008, qui a suivi la faillite de Lehman Brothers. Un tel krach pourrait être provoqué par le « Grexit », l’expulsion de la Grèce de l’euro par le FMI et la Troïka. Tout le système bancaire européen et probablement américain s’effondrerait dans la foulée ; un tel krach pourrait aussi être provoqué par la faillite de l’Ukraine ; ou par une simple explosion de la bulle des produits dérivés qui se monte actuellement à 2 millions de milliards de dollars, une somme qui ne pourra jamais être payée. Les pays des BRICS devront cependant rester vigilants. Même s’il est intéressant de voir que la BAII a rallié 58 pays fondateurs, je pense qu’il faut prendre garde à ne pas laisser la spéculation à haut risque ou une bulle de dérivés se développer au sein du nouveau système.

La Nouvelle route de la soie et la Route de la soie maritime ne sont pas cependant qu’un système économique et financier. Il s’agit en réalité d’une politique d’évitement de conflits armés, et ce à un moment où nous sommes très proches du danger de guerre, à cause de la crise ukrainienne et du déploiement des forces de l’OTAN toujours plus profondément en Europe de l’Est, jusqu’aux frontières de la Russie.

Le Président Xi Jinping a développé une politique visant à surmonter la géopolitique, par une politique d’inclusion générale, sans que personne ne soit laissé de côté : c’est ce qu’il appelle une politique « gagnant-gagnant ». Les critiques de la Chine prétendent : « La Chine ne vise, avec cette politique, qu’à remplacer l’impérialisme anglo-américain. Il s’agit d’un nouvel effort chinois pour prendre le contrôle du monde. Ils ont certainement un plan secret. Tout ce qu’ils cherchent, c’est de mettre la main sur les matières premières. »

Moi, je vous répond : « Non ! » Ce que l’on entend par « gagnant-gagnant », c’est que chaque côté pourra en bénéficier et, comme on peut le voir en Afrique – bien sûr la Chine pourra compter sur des approvisionnements à long terme en matières premières, pour s’assurer une certaine sécurité, ce dont elle besoin puisqu’elle compte un sixième de la population mondiale. Mais elle développe en échange l’infrastructure en Afrique, des ponts, des chemins de fer et autres choses. Et chaque Africain à qui j’ai parlé m’a confié qu’il préfére bien plus cette coopération « gagnant-gagnant » et d’en tirer profit, plutôt que de voir les représentants de l’Union européenne débarquer en Afrique pour faire des sermons et parler des droits de l’Homme, sans rien faire pour développer l’infrastructure.

On pose souvent la question suivante : « Peut-on faire confiance à la Chine ? » Jugez-en par vous même : comment la Chine a-t-elle pu faire, pensez-vous, pour réaliser un tel niveau de développement économique en 30 ans (le fameux miracle économique chinois), alors qu’il a fallu aux pays européens et aux Etats-Unis 150 à 200 ans pour y arriver ? Comment la Chine a-t-elle pu passer, pensez-vous, de la pauvreté extrême à l’époque de la Révolution culturelle, en transformant la vie de 600 ou même 800 millions de gens, pour arriver un niveau de vie relativement décent ? Avec la Nouvelle route de la soie, la Chine entend vaincre la pauvreté qui reste dans toutes les régions intérieures du pays.

L’importance de Confucius

La clé de ce succès réside dans la tradition confucéenne chinoise. Je peux faire en quelque sorte le lien avec ma propre vie, car je suis allée en Chine pour la première fois en 1971 et c’était en plein milieu de la Révolution culturelle. J’ai ainsi fait l’expérience et pris connaissance directement de la pauvreté dans laquelle se trouvaient alors les Chinois. Et au cours de cette période de Révolution culturelle, le confucianisme faisait l’objet d’attaques vicieuses.

J’y suis ensuite retournée 25 ans plus tard, en 1996, pour proposer le Pont terrestre eurasiatique et la Nouvelle route de la soie, et j’ai pris part à une grande conférence à Beijing. On pouvait déjà voir les résultats des réformes de Deng Xiaoping, qui avait commencé à réintroduire le confucianisme qui avait été, après tout, la philosophie officielle pendant 2500 ans. Lorsque je suis retournée, l’an dernier, à deux occasions, j’ai été frappée par cette dynamique de développement encore plus forte qu’au cours des 20 ou 30 dernières années, où les gens étaient tout simplement optimistes, et heureux, confiants en leur propre avenir.

L’idée principale du confucianisme, qui est aujourd’hui partagée je crois par tous les Chinois, est que la société doit se développer de manière harmonieuse. Ce développement doit reposer sur le concept de ren, que l’on pourrait traduire par « bienveillance » ou agapê, ce qui signifie que la société doit avoir pour objectif le bien-être général de toute la population. Il doit également reposer sur le concept de li, ce qui signifie que chaque pays ou chaque personne doit trouver sa place de la meilleure manière possible, et développer son plein potentiel. Si tous les pays et tous les peuples se développent au meilleur de leurs capacités, alors nous atteindrons l’harmonie dans la société en général.

Le pouvoir doit être occupé par les plus sages et les personnes les plus morales. Il y a l’idée du Mandat du Ciel, qui signifie que le gouvernement doit suivre des règles supérieures à celles qui prévalent au quotidien, qu’il doit être guidé par une idée cosmique, en quelque sorte. Et si les personnes au pouvoir ne bénéficient plus du Mandat du Ciel, elles doivent alors être remplacées par les nobles sages, les Chun-Tzu.

Avec Xi Jinping, je crois que la Chine en particulier est dirigée par quelqu’un dont la politique repose entièrement sur le confucianisme, et je ne peux que vous encourager à lire ses discours, qui sont absolument fascinants, des discours qu’il a prononcés lors de séjours en Inde, en France et en Allemagne, où il évoque toujours non seulement la tradition confucéenne de la Chine, mais se réfère aussi aux meilleures traditions des pays dont il est l’hôte.

Certains extraits de ses discours traduisent un immense optimisme :

Les Peuples ont fait l’histoire et travaillent à créer le futur. Le travail est une force fondamentale, un moteur du progrès de la société. Le bonheur ne tombe pas du ciel et les rêves ne se réalisent pas automatiquement, mais cela se fait par le travail : un travail industrieux, honnête, et créateur. Le travail est ce qu’il y a de plus honorable, sublime, extraordinaire et beau. Il fait ressortir le potentiel créateur pour générer le progrès pour tous. L’innovation est l’âme du progrès d’un peuple. La science et la technologie est la première force productive. C’est pourquoi la Chine forme un si grand nombre de scientifiques et d’ingénieurs de haut calibre, créateurs. Nous sommes fiers d’avoir le plus grand nombre de scientifiques et d’ingénieurs du monde.

Ainsi, je pense que la notion chinoise de « Made in China » est en train d’être remplacée par « Créé en Chine », ce qui signifie que la Chine ne se contente pas de produire mais est en train d’innover. La Chine développe de nouvelle technologies, et les transforme en produits les plus innovants dans le monde. La Chine est en train d’entrer dans une économie entièrement fondée sur l’innovation, sur l’idée que la seule véritable source de richesse est la créativité de sa population. Le Rêve chinois repose sur l’idée de créer un meilleur futur pour toute la société, de développer au maximum le potentiel de créativité de chaque individu dans la société.

Ayant travaillé avec mon mari Lyndon LaRouche pendant plus de 40 ans, je peux dire que la Chine représente à l’heure actuelle ce qui se rapproche le plus de ce que M. LaRouche appelle « l’économie physique, fondée sur l’idée que l’humanité est la seule espèce créative ». La Nouvelle route de la soie signifie simplement que ce miracle économique chinois sera accessible à tous les autres peuples qui souhaiteront se joindre au Rêve chinois, en développant leur propre potentiel, dans l’intérêt mutuel et au bénéfice de tous.

Xi Jinping a déclaré à un certain moment : « Même s’il y a de vastes océans entre la Chine et l’Amérique latine, elles restent connectées par le cœur et l’âme, et elles devraient poursuivre ensemble leurs magnifiques rêves. » C’est exactement ce qui est en marche aujourd’hui, avec ce chemin de fer transcontinental. Et comme l’Amiral Zhou Man, qui avait probablement au 15e siècle conduit sa flotte jusqu’aux côtes du Pérou, et transmis d’importantes technologies à ce pays, faisons en sorte que le peuple péruvien soit aujourd’hui inspiré par la construction de ce chemin de fer transcontinental, et que débute la transformation de tout le continent sud-américain.

Laissez-moi terminer par cette citation de Confucius, qui encourageait toujours les jeunes à innover. Il a dit : « Les jeunes doivent avoir la volonté de tracer des chemins à travers les montagnes, et de construire des ponts sur les rivières et les fleuves. » C’est exactement l’esprit qui guide la construction de ce chemin de fer transcontinental, et qui sera la promesse d’une nouvelle ère pour toute l’humanité.

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