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Un avertissement de l’ancienne responsable de la supervision bancaire américaine

28 mars 2018

Une semaine avant la hausse prévue des taux d’intérêt de la Réserve fédérale (Fed) américaine, Sheila Bair, l’ancienne responsable de la FDIC (l’organisme fédéral de garantie des dépôts aux Etats-Unis), a lancé un avertissement énergique contre la mauvaise santé du système bancaire du pays et la nature explosive de la bulle des dettes d’entreprises et des ménages. En présentant un entretien avec elle, le magazine Barron’s revient sur son différend avec Alan Greenspan il y a 13 ans, lorsqu’elle l’avertissait du danger d’éclatement de la bulle des subprimes.

Aujourd’hui, les banques centrales se trouvent face à un dilemme : si elles maintiennent l’assouplissement quantitatif, l’inflation risque d’échapper à tout contrôle, mais si elles l’arrêtent progressivement (le tapering), la bulle financière risque d’exploser et les mégabanques avec elle. La Fed, qui a néanmoins pris sa décision il y a longtemps, a haussé le 22 mars les taux de 1,25-1,50 à 1,50-1,75%, prévoyant de les amener à 3 % en 2019.

Si personne ne sait avec précision quand le système explosera, Mme Bair précise qu’« une branche de recherches indépendante du Département du Trésor américain a conclu que le système serait encore en péril si une ou plusieurs grandes banques venaient à faillir ». Elle fait allusion au Treasury Office of Financial Research, que le Congrès cherche à supprimer. On « assiste à une montée en flèche de la dette d’entreprise, ajoute-t-elle, avec des collatéraux surévalués : des prêts qui financent les achats par effet de levier des entreprises, et la dette d’entreprise en général. Tout type de prêt sécurisé garanti par un actif surévalué devrait être source d’inquiétude. C’est ce qui est arrivé avec les hypothèques. »

Comme pour confirmer l’évaluation de Sheila Bair, le magazine American Banker rapportait le 19 mars que de plus en plus de prêteurs non institutionnels, exploitant le fort appétit pour des dettes à court terme et à taux flottants, regroupent les prêts sous forme de titres appelés « obligations collatéralisées de prêts immobiliers commerciaux » (ou CRE CLO). Ces titres « se vendent comme des petits pains ».

Bloomberg News rapportait le 14 mars qu’une étude réalisée par Thomson Reuters conclut que l’endettement des entreprises américaines (hors institutions financières) atteint actuellement 19 000 milliards de dollars, soit le PIB du pays, et ce pour la première fois depuis que de telles statistiques sont réalisées (soit depuis la Première Guerre mondiale).

Sheila Bair conclut l’entretien en mentionnant la Chine, où les banques et autorités de régulation se montrent de plus en plus préoccupées par la gestion du risque, de la qualité du crédit et des prêts non performants. « Prudence et croissance durable sont deux mots de plus en plus cités. Je suis frappée par la différence de ton entre les autorités des deux pays. Xi parle de réduction de l’endettement, de la volonté d’instaurer un équilibre entre la croissance et la stabilité à long terme. A comparer avec les Etats-Unis, où nous cherchons à déréguler et à emprunter toujours plus. »

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