« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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17 décembre 2021
Malgré la volonté de réduire les tensions exprimée par les présidents Biden et Poutine lors de leur sommet du 7 décembre, la situation stratégique reste extrêmement tendue, les faucons anglo-américains des deux rives de l’Atlantique restant opposés à toute détente. Les centres de la géopolitique occidentale, dirigés par le ministère britannique des Affaires étrangères, sont particulièrement alarmés de la décision, annoncée par Joe Biden, d’engager un dialogue avec la Russie et « au moins quatre pays membres de l’OTAN ».
L’autre initiative issue du sommet, prévoyant la poursuite des négociations entre les États-Unis et la Russie, s’est traduite par la visite à Kiev, Moscou et Bruxelles à partir du 13 décembre de Karen Donfried, numéro deux du département d’État américain. Elle était censée, paraît-il, inciter le gouvernement ukrainien à respecter l’accord de Minsk. Une autre mesure de désescalade, se traduisant par un sommet franco-russo-ukrainien, a été annoncée par le président Emmanuel Macron le 9 décembre.
Un obstacle de taille à la politique de Biden reste le Congrès, comme l’a expliqué l’ancien ambassadeur américain Chas Freeman dans une interview accordée le 29 novembre à EIR. Le Congrès et même le gouvernement Biden, a-t-il dit, sont fortement influencés par « des gens qui ont bâti leur carrière sur la manipulation de l’opinion publique américaine plutôt que sur la diplomatie ».
Le problème que pose le Congrès a été illustré de manière choquante quelques jours plus tard, dans les propos incendiaires tenus le 7 décembre sur Fox TV par le sénateur républicain du Mississippi Roger Wicker. « Je n’exclurais pas une action militaire » concernant l’Ukraine, déclara-t-il. Les options militaires contre la Russie pourraient nous amener à « positionner nos navires en mer Noire et à faire pleuvoir la destruction sur la capacité militaire russe ». Pire encore, il estime que les Etats-Unis ne doivent pas « exclure de lancer les premiers une frappe nucléaire ». Signalons que le sénateur Wicker n’est pas n’importe qui, il est le numéro deux de la Commission des Forces armées du Sénat, côté républicain, et ses positions sont hélas partagées par bon nombre d’hommes politiques américains.
Ses propos délirants ont été fustigés le lendemain sur Fox TV par Tulsi Gabbard, ancienne députée d’Hawaï et colonel de l’Armée américaine : « Il faudrait être fou, sociopathe ou sadique pour proposer ou même envisager ce qu’il présente comme une option. Lancer une attaque nucléaire, déclenchant une guerre qui détruirait le peuple américain, notre pays et le monde – y compris les Ukrainiens, d’ailleurs – pour sauver la démocratie en Ukraine ? C’est littéralement fou. » Malheureusement, « on entend la même rhétorique à la fois chez les démocrates et les républicains au Congrès, aussi bien que dans l’administration et les médias ».
On ne peut qu’être d’accord avec Tulsi Gabbard, qui a connu de près la guerre, ayant servi à deux reprises en Irak entre 2003 et 2009. Outre les provocations contre la Russie, le risque d’un conflit majeur avec l’Iran s’accroît. Sans oublier le conflit artificiellement concocté avec la Chine autour de Taiwan et de la mer de Chine méridionale. Bien entendu, les Etats-Unis et l’OTAN ne pourraient jamais gagner de telles aventures militaires, mais elles serviraient à perpétuer indéfiniment la politique actuelle de « guerres permanentes sans fin ».
Espérons néanmoins que des voix plus rationnelles prévaudront dans l’administration Biden. Toutefois, sans changement radical de politique, les chances d’une désescalade à long terme sont faibles.