« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Visio-conférence internationale 25-26 avril 2020
Session 3
5 mai 2020
discours de Diane Sare, fondatrice et codirectrice du Schiller Institute NYC Chorus, et Leah deGruchy, membre de l’Institut Schiller, étudiante en théâtre
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Je pense que le but de cette conférence, c’est que l’on ne se retrouve plus jamais dans cette situation. En effet, le monde a été pris de court par la maladie et la mort d’une manière qui n’aurait jamais dû se produire.
Comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises, dès le début des années 1970, Lyndon LaRouche avait mis en garde contre la menace de telles pandémies. Or, rien n’a été fait pour les prévenir. Dans la grande et puissante nation américaine, nous déplorons déjà 50 000 morts, soit un quart du total mondial de 200 000.
Si vous savez qu’un événement qui va tuer tant de gens est sur le point de se produire, ne pensez-vous pas que ça vaut la peine d’agir pour l’empêcher ?
La question culturelle est celle qui explique pourquoi nous n’avons pas agi et comment on doit faire pour ne pas échouer la prochaine fois. Permettez-moi de vous poser quelques questions désagréables sur lesquelles nous allons devoir réfléchir, si nous voulons que le monde d’après soit meilleur que l’ancien.
1. Pourquoi la Chine a-t-elle eu un faible taux de décès par habitant, comparé aux États-Unis, à la France, à l’Italie et à la plupart des autres pays ?
2. Pourquoi, lorsque certains proposent de « prioritiser » les soins, c’est-à-dire de laisser mourir les plus faibles et les plus âgées, et ceci afin de maintenir des activités hautement lucratives, ne les enferment-on pas dans un asile psychiatrique pour démence criminelle ?
3. Pourquoi n’a-t-on rien fait concernant la situation dans les prisons et l’accueil d’urgence pour les sans-abri ?
4. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de mobilisation en faveur des 4,2 milliards de personnes sur la planète qui n’ont pas d’eau ou d’installation sanitaire adéquate, dont 2 millions d’Américains ?
Même après avoir vu le confinement à Wuhan, qui a commencé le 23 janvier, combien d’entre nous imaginaient que nous serions tous confinés à la maison au moment de cette conférence ? Nous aurions pu et aurions dû savoir. Beaucoup d’entre nous réunis ici étaient déjà sympathisants ou membres du mouvement de Lyndon LaRouche au moment où il a mis en garde contre l’émergence des pandémies. Et pourtant, nous sommes surpris aujourd’hui !
Tout le monde est prompt à blâmer quelqu’un d’autre pour cette crise, mais la recherche d’un bouc émissaire ne servira qu’à nous empêcher de la résoudre.
La Bible rapporte que le Christ, dans son « Sermon sur la montagne », aurait dit : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, mais ne considères-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » Il aurait aussi précisé que la norme de Dieu est la perfection. C’est un standard élevé que peu de personnes sont prêtes à s’appliquer à elles-mêmes, mais qu’elles ne se gênent pas pour exiger d’autrui.
Nous allons maintenant entendre un extrait du grand dramaturge anglais William Shakespeare sur une question qui est liée à ceci. Je voudrais vous présenter une des militantes de notre mouvement de jeunesse international en pleine croissance.
Leah DeGruchy :
Bonjour à tous. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
Gardant à l’esprit toutes ces questions et l’idée de perfection soulevée par Diane, je voudrais maintenant attirer votre attention sur la question de la miséricorde telle que la pose Shakespeare.
Dans sa tragédie Le Marchand de Venise, un riche armateur du nom d’Antonio se trouve dans une situation apparemment impossible. Afin d’aider son ami Bassanio à obtenir un prêt lui permettant d’obtenir la main de sa bien-aimée Portia, le marchand « chrétien » Antonio accepte de mettre en gage une livre de sa propre chair, pouvant littéralement être amputée de son corps s’il n’honore pas sa dette envers Shylock, un usurier « juif ».
Je me permets de souligner ici leur spécificité, car Shakespeare l’utilise comme point de tension dans la pièce, chaque personnage s’y accrochant pour justifier en quelque sorte sa haine envers l’autre, un peu comme l’animosité qui existerait, selon certains, entre « le monde libre » et le « monde communiste », ou encore entre « le monde musulman » et « le monde judéo-chrétien ».
Dans un premier temps, l’armateur Antonio, ne doutant pas que ses navires reviendront et qu’il réalisera un bon profit, accepte ce qu’il considère comme un marché juteux, estimant hautement improbable l’hypothèse d’un recouvrement de sa dette avec une livre de chair. Cependant, apprenant qu’il a perdu tous ses navires en mer et avec eux, tout espoir de remboursement, Antonio doit comparaître devant la cour de Venise, où Shylock l’attend avec impatience pour récupérer son dû.
C’est à ce moment que Portia arrive, déguisée en homme et habillée comme un docteur en droit, pour délivrer un message que l’on pourrait imaginer venir de Shakespeare lui-même. A cette occasion, Portia assume le rôle d’un chœur grec antique pour s’adresser de façon universelle à nous tous, au sujet non seulement de cette affaire mais de tous les cas dans lesquels quelqu’un a mal agi et où l’autre est appelé à faire preuve de miséricorde.
PORTIA (parlant à Shylock) : « Il faut donc que le Juif se montre miséricordieux. » SHYLOCK : « Qui pourrait m’y forcer, dites-moi ? » PORTIA : « Le caractère de la clémence est de n’être point forcée. Elle tombe, comme la douce pluie du ciel sur le lieu placé au-dessous d’elle. Deux fois bénie, elle est bonne à celui qui donne et à celui qui reçoit. C’est la plus haute puissance du plus puissant. Elle sied au monarque sur le trône mieux que sa couronne. Son sceptre montre la force de son autorité temporelle ; c’est l’attribut du pouvoir qu’on révère et de la majesté ; mais la clémence est au-dessus de la domination du sceptre ; elle a son trône dans le cœur des rois. C’est un des attributs de Dieu lui-même, et les puissances de la terre se rapprochent d’autant plus de Dieu, qu’elles savent mieux mêler la clémence à la justice. Ainsi, Juif, quoique la justice soit l’argument que tu fais valoir, fais cette réflexion, qu’en ne suivant que la justice, nul de nous ne pourrait espérer de salut : nous prions pour obtenir miséricorde ; et cette prière nous enseigne à tous en même temps à pratiquer la miséricorde. Je me suis étendu sur ce sujet, dans le dessein de tempérer la rigueur de tes poursuites, qui, si tu les continues, forceront le tribunal de Venise à rendre d’après la loi un arrêt contre ce marchand. »
(Source : Le marchand de Venise, Acte 4, scène 1, de William Shakespeare,
Sans se livrer à une analyse littéraire approfondie de ce discours, que pouvons-nous en tirer ?
Premièrement, la qualité de la miséricorde ne s’obtient pas par la contrainte. Personne ne peut vous forcer à être miséricordieux. Aucune loi sur terre ne peut vous forcer à aimer. Ce doit être votre choix. Deuxièmement, que nous devenons plus semblables à notre créateur lorsque nous sommes miséricordieux, nous bénissant à la fois nous-mêmes et nos débiteurs. Et troisièmement, qu’il n’y a pas un seul d’entre nous qui n’ait besoin de miséricorde, et que sans elle, il n’est pas de salut.
Il convient également de noter que tout au long de cette scène, Portia reconnaît que dans ce cas barbare, la possibilité pour un homme d’exiger qu’on lui fournisse une livre de chair humaine en remboursement d’un prêt, était parfaitement légale dans le droit vénitien. La créance était légitime. Aucune loi humaine ne s’y opposait. Mais par sa nature barbare, elle violait la loi naturelle. Ainsi, ce que Shakespeare semble souligner, comme le faisait Martin Luther King dans ses écrits depuis sa prison de Birmingham, c’est que des choses horribles, des choses barbares, peuvent être faites en toute légalité sous les auspices d’un système judiciaire créé par l’homme. Comme de démanteler le système de santé publique, pratiquer le triage des personnes les plus vulnérables, ou encore refuser d’aider les pays en développement à développer leur infrastructure, et la nôtre aussi d’ailleurs, pour renflouer Wall Street à la place. Ou, que Dieu nous en protège, lancer une guerre thermonucléaire contre la Chine. Tout cela est « légal » mais moralement abject.
Maintenant, Shylock avait-il des raisons d’être mécontent ? Absolument ! Les soi-disant « chrétiens » lui avaient craché dessus, l’avaient maltraité, calomnié, ils l’avaient traité en ennemi.
Dans le célèbre discours de l’acte 3, scène 1, Shylock s’interroge : « Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ? et si vous nous outragez, ne nous vengerons-nous pas ? si nous sommes semblables à vous dans tout le reste, nous vous ressemblerons aussi en ce point. Si un Juif outrage un chrétien, quelle est la modération de celui-ci ? La vengeance. Si un chrétien outrage un Juif, comment doit-il le supporter, d’après l’exemple du chrétien ? En se vengeant. Je mettrai en pratique les scélératesses que vous m’apprenez ; et il y aura malheur si je ne surpasse pas mes maîtres. »
En revanche, qu’est-ce que Dieu nous commande ? D’être parfaits. D’aimer nos ennemis, de pardonner, de servir malgré les mauvais traitements et d’obéir, afin de montrer à nos opposants qu’ils sont des fraudeurs et des menteurs, et aussi des hypocrites. Mais Shylock, au moment où on lui demande de faire preuve d’humanité, est si aveuglé par la haine et le désir de vengeance qu’il ne se montre pas meilleur que les soi-disant chrétiens qu’il méprise. Ayant refusé de pardonner, il ne se verra accorder à lui-même aucune pitié, et perdra finalement beaucoup plus qu’il ne l’imaginait.
Je suppose que vous pourriez dire : « D’accord, mais ce truc de miséricorde est uniquement pour les chrétiens », ou encore « mais cela ne s’applique qu’aux individus, et non à la politique, n’est-ce pas ? » A votre avis, c’est quoi, un gouvernement ? Acceptons-nous que le gouvernement soit simplement un mal nécessaire avec lequel nous devons vivre, mais qui nous porterait tort en toutes circonstances ? Si nous avons une république constitutionnelle « du peuple, par le peuple et pour le peuple », cela n’implique-t-il pas que nous, bien que sans bureau officiel, fassions partie de ce gouvernement ? Et donc, que si le gouvernement ne fonctionne pas correctement, il en va de même pour nous, et inversement ? Qu’est-ce qui fait que cela fonctionne bien ? Quelle est la mission, ou l’intention, qui nous pousse à fonctionner correctement ? Ce n’est pas seulement une Constitution. Nous en avons effectivement une, elle existe, du moins sur le papier, alors que notre pays a totalement dégénéré. Si nous espérons faire renaître ce pays, chacun de nous doit donc assumer cette responsabilité. Et c’est précisément là que la culture classique entre en jeu. Non pas pour nous forcer à aimer, ce qui est de toute façon impossible, mais en nous incitant et en nous encourageant à poursuivre le chemin de l’agape.
Diane Sare :
Revenons au sujet précédent. Qu’est-ce qui nous a empêchés d’agir de façon à éviter cette tragédie, qui a déjà coûté la vie à tant de gens et en prend toujours davantage à l’heure où nous parlons ? Ce qui me paraît en cause, ce n’est pas uniquement l’incapacité d’agir au nom de l’avenir, mais une identification erronée de la relation entre l’individu et l’humanité, et entre l’humanité et l’univers.
En y pensant, il m’est venue une idée assez ironique : même l’individu le plus égoïste doit penser aux autres. Il a besoin d’eux, en fait, parce que l’ego ne peut être nourri qu’en se souciant de ce que les autres pensent de soi.
Ce n’est pas le genre de relation que nous devrions aspirer à cultiver avec nos semblables. En fait, notre relation avec l’humanité devient plus saine quand elle se rapporte à des personnes qui ne sont plus, ou qui ne sont pas encore nées. Car cela nous permet d’échapper à la tentation de séduire l’opinion populaire de notre temps. Lyndon LaRouche se moquait des gens qui pensent que l’histoire commence le jour de leur naissance et se termine le jour de leur mort. Lui-même nous disait qu’il avait plus de 2000 ans, et par son sens de l’immortalité, je devrais probablement parler de lui au présent.
Lyn vivait simultanément dans le passé et dans l’avenir, c’est pourquoi il parlait avec tant de passion. Nous nous souvenons tous de la web-émission du 25 juillet 2007, au début de la crise financière, et du ton de sa voix lorsqu’il affirmait : « Il n’y a aucune possibilité d’échapper à l’effondrement [du système], aucune ! » Il voyait venir cet effondrement plus clairement qu’il ne voyait les gens en face de lui. Aujourd’hui, il ne serait pas surpris de nous voir parler entre nous depuis des lieux géographiquement éloignés les uns des autres. Il nous avait dit que cela arriverait.
Comment pouvons-nous développer en nous-mêmes cette passion éclairée – cette conscience qu’il nous faut ôter de notre propre vision la poutre qui nous empêche de voir ce que nous devons faire ?
Heureusement, Beethoven est là pour nous aider. Son intention est clairement exprimée à travers sa musique, mais juste pour écarter les rumeurs vicieuses selon lesquelles le génie serait aléatoire ou délimité par la folie, et non le produit de l’intention de l’auteur, je voudrais partager avec vous quelques propos de Beethoven lui-même. Dans une lettre au compositeur tchèque Johann Nepomuk Kanka, il écrivait : « Vous savez vous-même que l’esprit d’un homme, l’esprit créatif actif, ne doit pas être lié aux misérables nécessités de la vie. Et cette entreprise me prive de bien d’autres choses propices à une existence heureuse. J’ai été contraint, et je le suis toujours, de fixer des limites à mon inclination, et plus encore au devoir que je m’étais imposé, c’est-à-dire de travailler au moyen de mon art pour des êtres humains en détresse… »
Il écrivait à son amie la comtesse Anna-Marie Erdödy :« Je comprends de vos dernières lignes que vous, ma chère amie, souffrez toujours beaucoup. L’homme ne peut éviter la souffrance, et à cet égard, sa force doit résister à l’épreuve, c’est-à-dire qu’il doit endurer sans se plaindre et ressentir son inutilité et ensuite atteindre sa perfection, cette perfection que le Tout-Puissant lui accordera ensuite. »
Cela n’exprime-t-il pas exactement la qualité d’auto-transformation qui est exigée de nous aujourd’hui ? Lyn nous a dit un jour qu’avant de s’engager dans une bataille, il fallait d’abord se battre avec soi-même, car après tout, à moins d’en être physiquement empêchés (et Lyn ne s’est même pas laissé arrêter par cela), qu’est-ce qui nous empêche d’agir selon la vérité ? D’abord, il est évident que lorsqu’on s’engage à connaître la vérité, cela requiert une certaine humilité, et qu’après avoir eu le courage d’examiner nos propres fautes, nous pouvons trouver le courage de nous opposer à celles commises par les autres. Notre plus grand obstacle, c’est nous-mêmes.
La force d’examiner nos défaillances ne nous vient pas de notre personnalité ou d’une réflexion solitaire, mais vient d’un amour pour l’humanité, passée et future, qui nous amène à endurer l’inconfort d’admettre nos imperfections. Cela nécessite de la force, et bien que la rage et la dureté semblent être des émotions fortes parce qu’elles sont intimidantes, c’est parce qu’elles sont faibles et alimentées par la peur qu’elles cherchent à intimider. Souvent perçue comme une faiblesse, l’humilité est mal connue des gens mauvais, souvent détruits par leur propre arrogance.
Dans cette période où nous sommes tous astreints à un isolement relatif, nous ne devons cependant pas nous isoler de l’avenir de l’humanité, et le futur immédiat, c’est-à-dire la trajectoire de notre action à mesure que s’éloignera cette pandémie, déterminera l’avenir pour les siècles à venir.
Comme c’est l’année de Beethoven, le Schiller Institut NYC Chorus a choisi comme « projet Apollo » de travailler sur cette œuvre remarquable de la maturité de Beethoven, la Missa Solemnis.
C’est l’une des œuvres chorales les plus difficiles jamais composée, mais nous trouvons que cela en vaut la peine, même si dans nos répétitions virtuelles, nous ne pouvons jamais réellement entendre le son que nous produisons (cela me rappelle Keats, pour qui « les sons inouïs sont plus doux... »).
Comme l’a écrit Schiller sur le rôle du chœur dans la tragédie : « Pour rendre justice au chœur, il faut donc se transposer de l’état actuel à un état possible, mais il faut le faire partout où l’on a l’intention de réaliser quelque chose de plus élevé. »
Au milieu de l’horreur des cadavres, temporairement enterrés dans des fosses communes dans les parcs autour de New York, et des maisons de soins qui ont transformé en morgue un espace inutilisé, au milieu de la terreur et de la souffrance des infirmières et des médecins qui travaillent de longues heures sans sommeil ni équipement de protection, le chœur dans notre vie quotidienne sert exactement le but que Schiller lui attribue dans la tragédie :
« Autant le chœur donne vie au discours, autant il apporte le calme à l’action, mais le calme beau et élevé qui doit être la caractéristique d’une noble œuvre d’art. Car l’esprit du spectateur doit conserver sa liberté même au milieu de la passion la plus féroce ; il ne doit pas être la proie des impressions qu’il reçoit, mais plutôt prendre congé des émotions dont il souffre, restant toujours clair et lumineux. Le jugement habituel a tendance à reprocher au chœur qu’il dissout l’illusion, brise la force des émotions, ce qui est en fait sa plus haute recommandation, car c’est cette force aveugle des émotions que le véritable artiste évite ; c’est cette illusion qu’il dédaigne d’exciter. Si les coups dont la tragédie frappe notre cœur se succédaient sans interruption, la souffrance vaincrait l’activité. Nous serions plongés dans le matériau et ne pourrions plus planer au-dessus. En séparant les parties et en marchant entre les passions avec son reflet apaisant, le chœur nous restitue notre liberté qui autrement se perdrait dans la tempête des émotions. »
Les messes de Beethoven, que ce soit la Messe en do ou la Missa Solemnis, utilisent le principe du chœur de manière étonnante. Contrairement aux oratorios précédents, où le chœur est seul, et où les solistes le sont aussi dans de nombreuses sections, les solistes et le chœur sont complètement entrelacés dans leurs parties. Vous pouvez reconnaître clairement la distinction entre eux, mais la relation entre le soliste et le chœur permet à ce dernier de répondre aux solistes dans un développement continu de complexité et beauté.
L’intention de Beethoven dans ses messes, comme celle de Bach à travers l’utilisation du chœur sous forme de chorales dans ses Passions de Saint-Matthieu et Saint-Jean, est d’élever l’auditoire à une sorte d’identification à sa nature divine. Beethoven a mis quatre ans pour composer la Missa Solemnis, tant il était angoissé sur la meilleure façon de traduire en musique le sens de la messe.
Le texte de la soi-disant « messe latine » commence par les mots grecs « Kyrie Eleison » (Seigneur, prends pitié) parce qu’à travers ces mots, nous retirons de notre œil la poutre qui nous empêche de voir la vérité.
Le fait que Beethoven ait incorporé ces mots dans ses deux messes, et en particulier, bien sûr, dans la Missa Solemnis, nous suggère la qualité d’émotion que nous devons communiquer, comme des anges guerriers dans cette mission sacrée pour l’immortalité de l’humanité.