« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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23 juillet 2016
Déclaration de Helga Zepp-LaRouche, le 12 juillet 2016.
La menace imminente d’insolvabilité qui pèse sur Deutsche Bank n’est certainement pas le seul facteur, capable de déclencher une nouvelle crise systémique du système bancaire transatlantique,d’une ampleur plus dévastatrice encore que celle de 2008. Cependant, cette situation offre un levier unique pour empêcher le système de sombrer dans le chaos.
Derrière le message de détresse lancé par l’économiste en chef de la Deutsche Bank, David Folkerts-Landau, en faveur d’un programme européen de 150 milliards d’euros pour recapitaliser les banques, se dresse le danger, ouvertement abordé dans la presse financière mondiale, de voir tout le système bancaire européen devenir, de fait, totalement insolvable, face à une montagne d’au moins 2000 milliards d’euros de « prêts non-performants » (NPL). Avec un encours de 55 000 milliards d’euros de produits financiers dérivés et un effet de levier de 40, Deutsche Bank en vient à dépasser Lehman Brothers au moment de sa chute, incarnant ainsi le talon d’Achille du système. La moitié du bilan de DB, une banque dont la capitalisation boursière a chuté de 48 % depuis un an et dont l’action ne représente plus que 8 % de ce qu’elle valait en 2008, est constituée de créances de « niveau 3 », soit environ 800 milliards d’euros de produits dérivés dont on ignore la valeur sur le marché.
S’il peut paraître surprenant que l’économiste américain Lyndon LaRouche ait lancé un appel à sauver la Deutsche Bank par une injection ponctuelle visant à relever ses capitaux propres, cette option se justifie par les conséquences systémiques qu’aurait sa faillite incontrôlée. Ni le gouvernement allemand, avec son PIB de 4000 milliards, ni l’UE avec un PIB cumulé de 18 000 milliards, ne seraient en mesure de contrôler l’effet domino d’une faillite désordonnée.
Cette injection ponctuelle de capitaux, a précisé LaRouche, n’est qu’une mesure d’urgence qui doit être immédiatement suivie d’une réorganisation de la banque, revenant à la tradition en vigueur avant 1989 sous la direction d’Alfred Herrhausen (voir l’encadré ci-dessous). Pour superviser une telle opération, un comité de gestion doit être mis en place afin de vérifier la légitimité des engagements de la banque et mener avec succès cette réorganisation dans un délai donné. Ce comité aurait également la tâche de concevoir un nouveau plan d’affaires, s’inspirant de la philosophie bancaire de Herrhausen et exclusivement au service de l’économie réelle allemande.
Alfred Herrhausen fut, en vérité, le dernier banquier allemand réellement créatif et doté d’une certaine moralité. Il a défendu, entre autres, l’annulation de certaines dettes impayables des pays en voie de développement ainsi que le financement, à long terme, de projets de développement bien conçus.
En décembre 1989, il envisageait de présenter à New York un plan pour l’industrialisation de la Pologne, cohérent avec les critères utilisés par la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), la banque dédiée à la reconstruction de l’Allemagne après-guerre, ce qui représentait une perspective totalement différente de la politique dite de « réformes », la fameuse « thérapie de choc » prônée par Jeffrey Sachs.
Herrhausen fut assassiné le 30 novembre 1989 par la « troisième génération » de la Fraction armée rouge (« Bande à Baader »), dont l’existence reste encore à démontrer à ce jour. Deux jours avant l’attentat, le chancelier Helmut Kohl, dont Herrhausen était un proche conseiller, avait présenté un programme en dix points, prévoyant la réunification graduelle des deux Allemagnes. Savoir « à qui profite le crime », dans ce cas reste une des affaires les plus sombres de l’histoire allemande et une question à élucider d’urgence.
Le fait est que les successeurs de Herrhausen ont introduit un changement fondamental de paradigme dans la philosophie de la banque, la propulsant dans le monde sauvage de la maximalisation du profit à outrance, en commettant d’innombrables infractions à la législation (8000 litiges). Et seul le statut de banque systémique a permis aux auteurs de ces méfaits d’échapper aux poursuites judiciaires.
La transformation de Deutsche Bank en banque d’investissement et champion mondial des dérivés, de pair avec un resserrement du crédit au détriment des PME allemandes, est symptomatique de la folie qui a mené à la catastrophe actuelle.
Nous devons agir aujourd’hui avec détermination, mais pas de la façon que préconise l’économiste en chef de Deutsche Bank, Folkerts-Landau, car une dose plus forte du même remède achèverait sans nul doute le patient. Bien que, pour l’essentiel, Deutsche Bank ait été active sur les marchés de Londres et de New York, la banque est trop importante pour l’économie allemande et donc, in fine, pour le destin de toute l’Europe. Sa restructuration, respectant l’esprit de Herrhausen, est la clé, non seulement pour surmonter la crise bancaire, mais également pour prévenir le danger imminent de guerre.
Si l’assassinat de Herrhausen n’a jamais été puni, il reste cependant « la puissance redoutable qui juge ce qui est caché à la vue », sujet du poème de Friedrich Schiller, Les grues d’Ibykus.
En plus de sa famille, il nous incombe à nous tous, qui avons souffert de l’assassinat de Herrhausen, représentants du Mittelstand, de l’économie allemande et des institutions du peuple allemand, d’honorer cet héritage et de saisir l’occasion inouïe qui s’offre à nous de sauver l’Allemagne.