« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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Visioconférence internationale du 8 mai 2021
Première session
17 mai 2021
Bouthaina Shaaban, conseillère politique et médiatique auprès de la présidence syrienne
Bonjour à vous tous. Je voudrais tout d’abord remercier mon amie Helga LaRouche et l’Institut Schiller, ainsi que chacun d’entre vous, pour m’avoir invitée parmi vous ce matin, sur un sujet qui me touche au cœur. Je voudrais parler de la Syrie et de l’ordre mondial, en réfléchissant à ce qui s’est passé au cours de ces dix dernières années et en quoi cela est pertinent, à mon avis, avec le sujet que traite votre respectable conférence. Dès le premier jour de la guerre contre la Syrie, le 15 mars 2011, nous avons eu l’impression d’affronter deux guerres en parallèle : l’une se déroulant dans les rues, avec des gens en chair et en os, commandés par des forces secrètes bien organisées qui leur donnent des instructions sur ce qu’ils doivent faire et comment le faire ; et une seconde, portant sur des concepts et des récits, visant à embrouiller le peuple syrien sur ce qui se passe dans son pays et sur l’objectif ultime de ces mouvements extraordinaires, tant dans les rues que dans les médias occidentaux. Je me souviens que le 24 mars, les responsables locaux syriens se sont réunis avec le gouvernement syrien et ont pris de grandes décisions, censées répondre aux revendications de la rue. Le même jour, je convoquai une conférence de presse pour les médias présents à Damas. Et le peuple syrien était si heureux ce soir-là que certains sont sortis faire la fête, croyant que tous les problèmes étaient résolus. Loin de là ! La protestation des rues et la guerre médiatique contre la Syrie semblaient avoir trouvé du nouveau carburant et gagner d’autres régions du pays. Depuis, après avoir eu accès à différentes sources, des fuites émanant de documents britanniques nous ont appris, par exemple, que le Royaume-Uni avait déniché, par l’intermédiaire de ses agents, des hommes et des femmes syriens qui furent qualifiés officiellement de « témoins oculaires ». Après le retrait de tous les médias occidentaux et du Golfe présents sur place, dès le début des hostilités, les correspondants occidentaux durent se contenter d’informations recueillies auprès de ces « témoins oculaires », et d’un homme en particulier, résidant à Coventry, au Royaume-Uni : Rami Abdul Rahman, qui mis sur pied, pour son propre usage, une plateforme baptisée « Observatoire syrien des droits de l’homme ». Les gouvernements occidentaux et du Golfe firent pression sur les fonctionnaires syriens pour qu’ils fassent dissidence, soudoyant certains d’entre eux pour qu’ils rejoignent l’opposition au gouvernement syrien, en leur assurant que le système politique allait tomber et disparaître d’ici une semaine ou deux. En avril 2011, j’avais l’habitude de rencontrer les ambassadeurs américains, britanniques et français, et je leur disais que ce qu’ils étaient en train de fomenter en Syrie n’améliorerait pas la vie de la population. Au contraire, cela la rendrait bien pire, et l’Irak en est un exemple vivant. Aujourd’hui, après la destruction qui s’est abattue sur la Syrie, tous les morts, les effusions de sang et toutes ces vies perdues, la disparition des institutions, de notre écologie et d’une partie de notre identité civilisée, il est évident pour nous que les gouvernements occidentaux, en particulier leurs services militaires et de renseignement, ont planifié, formé et envoyé des milliers de terroristes, avec l’argent des Qataris et des Émirats et le soutien de la Turquie, pour détruire la Syrie. Ils voulaient la transformer en État satellite, détruit, obéissant à leurs ordres et dont ils pourraient piller les ressources, comme ils l’ont fait avec l’Irak, la Libye et le Yémen. En réfléchissant plus profondément sur ce point, les puissances occidentales nous ont toujours traités comme des colonisés, tirant leur opinion sur nous de ces orientalistes qui nous regardaient de haut, plutôt qu’à partir de notre réalité, de notre histoire et de nos valeurs. Pour les forces occidentales, il était important de soumettre la Syrie car, comme tout le monde le sait, c’est le « joyau de la couronne » dans le monde arabe. C’est pourquoi ils ont consacré des milliards d’argent du pétrole, aux armes et aux terroristes chargés de faire le travail à leur place. S’étant rendus à l’évidence que c’était « mission impossible », à cause des sacrifices consentis par le peuple syrien, ils passèrent d’une guerre militaire à des mesures horribles, criminelles, coercitives et unilatérales contre le peuple syrien, illégales sur tous les plans car elles constituent une forme de punition collective contre le peuple syrien. Une fois les principaux terroristes vaincus, les États-Unis envoyèrent leurs propres militaires pour affamer le peuple syrien et briser sa volonté. Il apparaît désormais évident, au vu de ce qui s’est passé en Irak, en Syrie, en Libye et au Yémen, que les puissances occidentales ont l’intention de détruire notre pays et de piller nos ressources. La seule bonne retombée de la guerre contre la Syrie, s’il en est une, est que la Chine et la Russie se sont unies, à plus de dix reprises, pour exercer leur double veto au Conseil de sécurité, afin d’empêcher toute nouvelle agression militaire des forces occidentales contre la Syrie. Le cas de la Syrie a été déterminant pour mettre en évidence la nécessité d’un nouveau paradigme. Les impertinentes sanctions adoptées par les Etats-Unis contre la Russie et la Chine, et leur ingérence flagrante dans les affaires intérieures chinoises, à travers le prétendu cas de Taïwan, de Hong Kong ou du Xinjiang, précipitent la naissance de ce nouveau paradigme. Je pense que l’une des raisons pour lesquelles le président Biden a été élu tient à la perspective de restaurer la relation transatlantique, qui a beaucoup souffert sous l’administration précédente. Mais leurs efforts n’atteindront pas le résultat souhaité, pour plus d’une raison : d’abord, la Chine est une force économique, technologique et morale ascendante, et il est certain que son alliance avec la Russie et d’autres pays permettra d’établir un système multipolaire. Mais l’autre raison est que la guerre contre la Syrie a contribué à prouver, sans l’ombre d’un doute, que les politiques occidentales à l’égard de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie, de la Libye et du Yémen ont été un échec. Le récit dont leurs décrets et leurs articles étaient inondés n’est plus crédible, et je le dis du point de vue de notre peuple : nous ne croyons plus au récit occidental. Beaucoup de mes amis, et moi-même, étions de fervents adeptes des médias occidentaux. Aujourd’hui, plus aucun d’entre nous ne perd son temps à prendre connaissance de ce qu’ils racontent, ni quelle vérité ils tentent de dissimuler. La crédibilité est primordiale, qu’il s’agisse d’individus, d’États ou de systèmes, et dès lors qu’elle est perdue, c’en est fini pour eux. Le dernier exemple en date est ce que l’OIAC [Organisation pour l’interdiction des armes chimiques] a fait à l’égard de la Syrie. Ceux qui s’étaient rendus sur place pour enquêter sur l’affaire [l’emploi des armes chimiques] ont donné la preuve indéniable qu’après avoir modifié les données recueillies par leur équipe, l’OIAC avait rédigé son propre rapport, mensonger, pour incriminer la Syrie. Malgré tout, ils n’en ont tenu aucun compte pour leur vote. Le perdant ici n’est pas la Syrie : c’est l’OIAC, car elle a perdu toute crédibilité aux yeux des personnes neutres et raisonnables. Par contre, la Chine et la Russie gagnent en crédibilité aux yeux du monde, et leur traitement de la COVID-19 et de ses vaccins est un exemple clair de l’efficacité de leur approche, comparé à l’inefficacité de la plupart des pays occidentaux dans la gestion de ce fléau. Pour nos peuples et nos pays, il est clair que le monde transatlantique est une puissance coloniale, mais ce qu’il est réellement, son mépris pour la vie humaine, la cupidité de sa classe dirigeante et la fortune détenue par quelques-uns, ainsi que les mensonges que ses médias publient pour vendre ses politiques criminelles dans le monde entier, n’ont jamais été aussi exposées qu’aujourd’hui. Je pense que nous assistons à l’effondrement progressif de ces empires coloniaux occidentaux vieux de 500 ans, et à la montée en puissance de la destinée de l’Orient. Cependant, nous devons tous être des partenaires actifs dans la fondation de ce nouveau système mondial, en veillant à ce qu’il reflète l’ambition de l’humanité et l’espoir d’un avenir meilleur, plus sûr, plus pacifique et plus prospère. Les efforts constants déployés par l’Institut Schiller et par chacun d’entre vous sur différentes plateformes, sont des contributions importantes à ce destin, que nous, nos enfants et nos petits-enfants attendons. Merci beaucoup, je suis très heureuse de me joindre à vous, et merci encore de m’avoir invitée à prendre la parole dans ce forum très important.