« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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17 février 2015
Histoire d’une campagne hors du commun
Le 9 avril 1988, à l’initiative de l’Institut Schiller, avait lieu dans le bâtiment historique de la Maison de Giuseppe Verdi la première conférence internationale consacrée au diapason et à son importance pour la musique classique. Pour entrer dans le vif du sujet, elle s’ouvrit sur les accords de la sonate n°3 en la majeur de Beethoven, interprété par la violoncelliste française Eliane Magnan et la pianiste japonaise Marie-Pierre Soma.
Marie-Pierre Soma, Éliane Magnan.
Dans son discours introductif, la présidente de l’Institut Schiller en Italie, Mme Operto, souligna combien le théâtre et la musique classiques, notamment avec Giuseppe Verdi, ont « fait les Italiens après avoir fait l’Italie » car il y a cohérence entre beauté et éthique et, en ce sens, le théâtre comme l’opéra classique ont cette capacité d’élever l’âme et d’éduquer le citoyen. Ce n’est pas sans raison que Verdi, grand compositeur et l’un des pères de la nation italienne, est si cher au cœur des Italiens !
Mme Helga Zepp-LaRouche, fondatrice et présidente internationale de l’Institut Schiller, commença ensuite son discours par les fameux vers de Friedrich Schiller tirés du poème Die Künstler, (Les Artistes) : « La dignité de l’homme est remise en vos mains, gardez-la ! » afin de rappeler les critères inhérents à l’art et où se situe la responsabilité de l’artiste.
Dans son intervention, Liliana Celani, la coordinatrice de la campagne en Italie, fit découvrir au public comment, en 1884, le ministre italien de la guerre promulgua un décret fixant le diapason à 256 cycles par seconde pour la note do (ut), soit 432 hz pour le la. C’était le « premier diapason scientifique officiel », concrétisant ainsi les recherches de scientifiques et de musiciens. Comme elle l’expliqua, c’est autour d’une discussion informelle que l’aventure qui allait mener à cette découverte commença : « En été 1986, j’étais aux Etats-Unis pour un séminaire de l’Institut Schiller sur l’opéra. Au cours d’un repas de travail, Lyndon LaRouche nous interpella, un rien provocateur : ’Ajoutez des viroles de métal, ou des morceaux de scotch si nécessaire aux instruments à vent, mais accordez l’orchestre sur l’ut à 256 sinon ce sera la fin des voix’ . Et c’est ce qui fut fait, y compris avec des morceaux de scotch sur le basson, pour mettre en place une interprétation de la Messe du Couronnement de Mozart !
Vous pouvez donc imaginer ma surprise, poursuivit Mme Celani, quand, de retour en Italie, je retrouvai au Conservatoire de Milan une lettre de Verdi et le décret gouvernemental de 1884 disant précisément la même chose, puis quand j’ai rencontré des dizaines de chanteurs qui voyaient la question exactement comme nous-mêmes et comme le grand compositeur.
Le public, en grande partie de professionnels, abonda spontanément dans ce sens avec des applaudissements nourris à la lecture de la lettre au ministère de la Guerre dans laquelle Verdi défendait « un son noble et majestueux » s’opposant aux « criaillements du diapason trop élevé ». Pour conclure, elle rappela combien « Le décret de Verdi est important en ce qu’il rétablit l’unité entre art et science, et s’opposait à une vision erronée de la liberté artistique.
Cette nécessaire unité entre art et science fut ensuite abordée par M. Tennenbaum, directeur européen de la Fondation pour l’énergie de fusion, qui démontra en quoi l’hypothèse de Kepler sur « l’harmonie des sphères » permet de comprendre légitimement le fondement de l’accord juste de la voix humaine, à l’opposé la théorie helmoltzienne du son.
Point fort de la conférence : la présence de la grande soprano, Renata Tebaldi. Celle qui a été surnommée La voce d’angelo (la voix d’ange) entra dans la salle et se dirigea vers la tribune saluée par une ovation de l’auditoire, avant d’être rejointe plus tard par le baryton Piero Cappuccilli, présent à la conférence malgré un programme particulièrement chargé. Les deux artistes déchaînèrent l’enthousiasme de l’auditoire par leurs interventions courageuses dans un dialogue entre eux et le public.
Je suis heureuse d’avoir été invitée à prendre la parole sur cette question, expliqua Tebaldi, parce que c’est une question importante. La hausse continuelle du diapason crée de terribles problèmes aux chanteurs, et je l’ai combattu, avec Mario del Monaco, pendant ma carrière.
En réponse à la déclaration de Tebaldi, Liliana Celani donna une lecture du projet de loi préparé (copié sur le décret de 1884) par l’Institut Schiller pour le parlement et le gouvernement italiens et qui, finalement, fut examiné au sénat le 13 juillet 1988. Entre les chanteurs qui avaient déjà signé la pétition et ceux ayant promis de le faire (parmi lesquels Luciano Pavarotti et Fedora Barbieri, ainsi que des instrumentistes et deux chefs d’orchestre : Bruno Rigacci - titulaire du prix Giuseppe Verdi 1988 - et Gian Paolo Sanzogno), celle-ci avait déjà recueilli plus d’une centaine d’autres signatures.
Au moment où Piero Cappuccilli entrait dans la salle, sous un tonnerre d’applaudissements, le maestro Bruno Rigacci, pianiste et chef d’orchestre, donnait un premier exemple musical. Il joua simplement les premières mesures de la célèbre aria « Casta diva », tirée de l’opéra Norma de Bellini, d’abord sur un piano droit accordé sur ut à 256 hz, puis sur un piano de concert accordé sur la à 440 hz. il demanda à l’auditoire : « Avez-vous entendu quelque chose de bizarre ? » Tout l’auditoire l’avait trouvée agréable. Mais dès qu’il commença à jouer les mêmes notes sur le piano accordé plus haut, l’auditoire fut surpris et choqué, car c’était criard et totalement différent.
L’enregistrement historique de la démonstration :
Comme l’expliqua Piero Cappuccilli : « Le diapason à l’époque de Verdi était le la à 432 hz, et Verdi écrivit ses opéras pour ce diapason. Or Verdi était une personne très intelligente, il comprenait très bien les voix et écrivait pour elles. Le fait que le diapason ait été haussé aux sommets d’aujourd’hui impose un effort extraordinaire sur les cordes vocales. C’est la raison pour laquelle de nombreux chanteurs, après une carrière de deux, trois ou quatre ans, rencontrent de grandes difficultés, car ils tendent leurs cordes vocales d’une façon qui n’est pas naturelle. En cette époque où les bonnes voix deviennent rares, il est nécessaire de revenir au diapason normal, pour ne pas détruire les voix qui existent. Revenir au diapason normal signifie aussi restituer la couleur normale de la voix. »
Une autre question posée à Cappuccilli concernait son refus, il y a quelques années, de chanter le rôle titre de Rigoletto à Florence, sous la direction de Youri Lioublimov (connu pour ses mises en scène avec des mannequins à l’effigie de Hitler et Mussolini). Cappuccilli répondit en s’attaquant à ce genre de metteurs en scène qui placent des communistes et des fascistes partout et qui essaient de garder en vie la haine qui aurait dû être enterrée il y a quarante ans.
L’après-midi était consacrée aux dégâts causés par le diapason trop élevé aux voix et aux instruments. Le Pr Bruno Barosi, de l’école internationale de lutherie de Crémone, montra comment le diapason élevé perturbe l’équilibre statique du violon et lui fait subir des contraintes dangereuses à terme. Le maestro Ginevra, du Conservatoire de Milan, retraça un historique du diapason à travers les siècles, et montra comment il est devenu impossible d’interpréter de la musique ancienne avec des instruments accordés trop haut.
Gianni Mascioni, restaurateur d’orgues, rappela que les orgues anciennes sont généralement accordées sur le la à 435 hz, même s’il existe dans ce domaine des variations importantes. Quant au maestro Bruno Sacchetti, directeur du chœur de la RAI, la télévision nationale italienne, et organiste à Radio Vaticana, il fit part de son expérience lui ayant fait rencontrer nombre de directeurs de chœurs qui n’hésitaient pas à changer de diapason d’un jour à l’autre, portant ainsi un sérieux préjudice aux voix des choristes.
Bouquet final de cette conférence historique, la table ronde consacrée à « la musique et l’interprétation classique » avec le pianiste Günther Ludwig, Werner Thärichen, de l’Orchestre symphonique de Berlin, et la violoncelliste Éliane Magnan. Car le diapason à 432 hz n’est pas une fin en soi ; il n’est, après tout, qu’un moyen au service de la musique, permettant de ramener la transparence et l’intelligibilité de l’intention du compositeur. C’est pourquoi, outre un diapason juste, une conception élevée de la musique est nécessaire pour communiquer au public la véritable dimension des grandes œuvres classiques.
Une démonstration in vivo en fut présentée le soir même, lors du concert concluant la conférence : Norbert Brainin, le premier violon du quatuor Amadeus, et Günther Ludwig dans la sonate Op.100 en sol majeur de Brahms et la sonate N°7, Op.30 N°2, en ut mineur de Beethoven.