« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller

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Visioconférence internationale du 9 avril

 Qu’est-ce que l’Afrique peut attendre du reste du monde ? 

2ème session

18 avril 2022

Par Henda Diogène SENNY
Président de la Ligue Panafricaine - UMOJA Congo (LPU-C)
Président de la Coordination wa Partis Politiques Panafricanistes (UMOJA-wa-3P)

Remerciements

Chers Conférenciers, Chers Participants, Chers Invités,

Je voudrais remercier l’Institut Schiller de m’avoir invité, au nom de notre Parti, la Ligue Panafricaine–UMOJA Congo, et de la Coordination wa Partis Politiques Panafricanistes dont j’assure la présidence, à prendre la parole dans cette importante conférence internationale.

Je remercie également l’ensemble des conférenciers pour la qualité des interventions livrées avant ma prise de parole.

Introduction

Mesdames et Messieurs,

Le thème général de cette conférence est intitulé :
« Établir une nouvelle architecture de sécurité et de développement pour toutes les nations »

Et celui que je vais traiter dans cette communication est le suivant : « Qu’est-ce que l’Afrique peut attendre du reste du monde ? »

Thème que nous reformulons de la manière suivante :
« Panafricanisme et Géopolitique de la guerre »

Mesdames, Messieurs,

Le conflit russo-ukrainien qui déchire présentement l’Europe sur son flanc Est, est une véritable préoccupation à cause du drame humain, immédiat et direct qu’il génère, mais aussi par ses conséquences indirectes, sur le plan économique, bien au-delà de la zone de conflit.

Or, comme toute crise géopolitique, le plus souvent accompagnée de guerres, elle est d’abord et avant tout une conséquence des permanences géopolitiques propres à l’Occident, qui, pour la première fois depuis le Moyen-Âge, a connu l’une de ses plus longues périodes de stabilité, de 1945 à 2022, soit 77 ans.

L’on a tendance à oublier qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’hypocrisie des vainqueurs les a conduits à vouer aux gémonies la géopolitique, la qualifiant de « science nazie », ayant fourni à Hitler des justifications scientifiques et idéologiques de l’espace vital, de la volonté de conquête et de domination.

Même l’Union soviétique de Staline avait interdit l’enseignement de la géopolitique, la qualifiant de discipline maudite d’une Allemagne maléfique, et qui serait consubstantielle au nazisme.

Or, à y voir de près, en dehors des considérations idéologiques racistes du régime allemand, la deuxième guerre de Trente Ans (1914-1945) est une résultante des rivalités des géopolitiques des puissances européennes qui remontent aux siècles passés et qui n’ont, d’ailleurs, jamais cessé.

Périodiquement, chaque puissance européenne a tenté d’imposer son hégémonie sur les autres. On se rappelle de l’Espagne de Charles V puis de Philippe II, la France de Louis XIV puis de Napoléon, l’Allemagne de Guillaume II puis d’Hitler, etc.

Ainsi, chaque fois qu’une puissance européenne manifeste un excès d’appétit, la résistance des autres s’organise afin de la neutraliser. Par conséquent, chaque puissance européenne va bâtir une géopolitique à la fois de protection et de conquête, en recherchant un espace vital, en Europe et en dehors si possible.

C’est le début de ce que l’on appelle la course aux clochers, c’est-à-dire la transposition en Afrique des conflits géopolitiques européens en vue de la conquête d’espaces vitaux et du partage de l’Afrique.

Deux types de puissances impérialistes européennes s’affrontent sur l’Afrique. Il s’agit, d’une part, des vieilles puissances coloniales comme le Portugal, la France et l’Angleterre et, d’autre part, des jeunes impérialismes que sont l’Allemagne et la Belgique.

La Conférence de Berlin de 1884 -1885, sous la houlette de Bismarck, en vue d’établir des règles qui devaient organiser la colonisation, signe le premier acte moderne d’exploitation concertée et consciente des puissances européennes, en dépit de leurs conflits séculaires, d’une part, et des proclamations des droits de l’Homme, d’autre part.

Morcelée en zones d’influence des puissances européennes, l’Afrique ne cessera de servir, dès la fin du XIXe siècle, de pourvoyeuse en ressources naturelles et minières des ambitions géopolitiques à toutes les puissances occidentales.

Après la Seconde Guerre mondiale, les puissances gagnantes et régnantes d’alors, qui ont redessiné les contours des nouveaux rapports de force mondiaux, n’ont dû céder aux revendications de décolonisation que de façon formelle dans les années 1960.

Car, en dépit de l’accession de plusieurs pays africains à la souveraineté internationale, la plupart des dirigeants politiques qui souhaitaient donner aux indépendances une vraie réalité économique et culturelle ont été écartés ou assassinés.

Le cas le plus emblématique est l’assassinat de Patrice Emery Lumumba par une coalition belgo-américaine en janvier 1961, dès l’accession de la République démocratique du Congo à l’indépendance le 30 juin 1960. Lumumba ouvrira une longue liste de patriotes africains victimes de l’impérialisme occidental.

Aussi, à la chute du mur de Berlin, précisément à la fin des années 1980, les puissances occidentales ont indiqué qu’il n’y avait plus de raison de soutenir des dictatures en Afrique, que l’heure était à la démocratie. Là aussi, la désillusion africaine est grande.

Les zones d’influence et les pré-carrés, en dépit des mutations mineures, sont restés branchés aux géopolitiques de chaque puissance extra-africaine. Même l’arrivée des nouvelles puissances émergentes, telle que la Chine, n’y change pas grand-chose.

Pour nous résumer, l’Afrique, engluée et morcelée en zones d’influence et espaces vitaux, est le sous-produit des géopolitiques principales des puissances impérialistes occidentales, structurées et organisées depuis le XIXe siècle.

Ces géopolitiques occidentales s’appuient sur une frange de l’élite africaine, appâtée par le gain individuel, qui sert d’écran aux véritables maîtres. C’est ce qu’on appelle le néocolonialisme, qui n’a jamais été aussi vivace qu’aujourd’hui, à travers toute une série de mécanisme : accords secrets de défense justifiant la présence de bases militaires, contrôle monétaire tel que le franc CFA, accords commerciaux léonins, maintien des économies extraverties, dettes odieuses, etc.

Or, ces zones d’influence sont des espaces de chaos organisés, dans lesquels pullulent des dictatures crapuleuses de toute sorte. Par conséquent, ceci ne favorise aucun développement viable.

Ainsi, entre les années 1960 et la fin des années 1980, la veille de la chute du mur de Berlin, l’instabilité et le chaos organisés en Afrique se sont matérialisés par 71 coups d’Etat militaires aboutis pour 118 tentatives de coups d’Etat.

Depuis le retour du multipartisme, si les coups d’Etat militaires ont diminué, on assiste néanmoins à une nouvelle catégorie de coups d’Etat civils : violation et manipulation des Constitutions en vue de conserver le pouvoir d’Etat, trucage des élections à travers le contrôle des commissions en charge de les organiser, etc.

Qu’est-ce que l’Afrique peut attendre du reste du monde ?

Elle attend que l’Occident cesse avec ses ambiguïtés et son hypocrisie. En réalité, les traditions géopolitiques occidentales ont certes muté à bien des égards, mais leur structure reste la même.

Les géopolitiques de la mer (Angleterre, Etats-Unis, Japon), les géopolitiques continentales (Allemagne), les géopolitiques de la forteresse (Russie), les géopolitiques de la défaite (France, Italie) ont fait leur aggiornamento au regard des différentes révolutions qui se sont produites au fil du temps, mais elles ont besoin d’espaces vitaux pour continuer à maintenir des positions de puissance dans le concert des nations.

Car sans la double révolution de l’atome et du missile, la guerre russo-ukrainienne allait embraser toute l’Europe et entraîner le monde entier avec, comme l’Occident sait le faire.

C’est pourquoi, nous réitérons cet appel à la fin de l’hypocrisie occidentale. L’Occident doit cesser avec la géopolitique afin de se débarrasser des complexes de puissance nuisible.

Les Africains savent que personne ne les libérera de cette longue servitude imposée par l’impérialisme occidental, à travers des roitelets africains.

La libération de l’Afrique sera fille de l’insurrection des consciences qui gagne chaque jour la jeunesse africaine, à travers le Panafricanisme.

Car pour nous, la paix dans le monde passe par la reprise en main et le contrôle des zones d’influence africaines qui nourrissent les ambitions des puissances extra-africaines.

Le Panafricanisme se propose de priver toute puissance ambiguë des ressources africaines, afin de s’en servir exclusivement au bien-être des populations africaines.

En créant les Etats-Unis d’Afrique, l’Afrique morcelée ne sera plus cette proie au service des puissances extra-africaines.

En réunifiant le continent africain, le Panafricanisme permet aux Africains, en toute souveraineté, de réaliser leur Renaissance en reposant le problème des frontières dans un cadre apaisé et réconcilié.

Quoi qu’il en soit, en ces temps inquiétants, le Panafricanisme demeure fidèle à l’esprit de Bandung ou de l’Afro-asiatisme, exprimé en 1955, où, face à l’axe de la puissance de Washington à Moscou, un autre axe fut tracé d’Accra à Djakarta, basé sur la non-violence et le non-alignement !

Umoja Ni Nguvu

Je vous remercie !

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