« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
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25 avril 2022
Par Alessia Ruggeri, porte-parole du Comitato per la Repubblica, syndicaliste (Italie)
Actuellement, le monde souffre d’un grave manque de démocratie, de confiance et d’une confusion croissante. Les citoyens ne se reconnaissent plus dans les institutions politiques et il n’y a plus de confiance entre les États eux-mêmes. Dans un monde de plus en plus connecté, nous assistons à une fragmentation croissante des sociétés et à l’érosion de la démocratie en Occident.
En tant qu’Italienne, je vis le cauchemar d’être soumise à des choix politiques que je crois préjudiciables à la sécurité de mon pays et à la réalisation de la paix que nous souhaitons tous. J’ai été témoin d’appels à la paix, adressés à la Russie, par nos dirigeants politiques, alors qu’ils envoyaient en même temps des armes à l’Ukraine. Même parmi l’aide humanitaire, à l’aéroport de Pise, on a découvert des armes clandestines, et les syndicats de l’aéroport ont refusé de les charger dans les avions. Invoquer la paix, tout en envoyant des armes, c’est comme essayer d’éteindre un feu en y jetant de l’essence.
Le gouvernement Draghi a décidé d’allouer 2% du PIB à l’achat d’armes et de s’aligner totalement sur les choix de l’UE alors que dans notre pays les entreprises ferment et que depuis des années il n’y a pas d’investissements dans la recherche, dans les écoles, dans les hôpitaux et dans l’économie réelle. En tant que syndicaliste, je représente des milliers de petits entrepreneurs de tout le pays qui ont dû fermer leurs entreprises. Et tandis que le parlement italien approuve l’envoi d’armes en Ukraine, ce qui viole notre constitution, la grande majorité des Italiens, comme les sondages le montrent, sont contre le réarmement et espèrent plutôt une politique économique qui favorise l’emploi.
Il est nécessaire de faire une distinction entre l’économie réelle et l’économie financière. L’économie financière représente la bulle spéculative qui fait bouger les puissants de la terre, ce qui n’a rien à voir avec l’emploi des citoyens. Ce sont les entreprises de ce pays qui sont la véritable colonne vertébrale de l’économie.
En ce qui concerne la politique étrangère de notre gouvernement, et malheureusement aussi des autres gouvernements européens, il semble que tout le monde ait oublié la promesse faite par les États membres de l’OTAN, après la chute du mur de Berlin, au dirigeant soviétique de l’époque, Gorbatchev, dans laquelle ils s’engageaient à ne pas s’étendre, même d’un pouce, à l’est de l’Allemagne. Nous avons même dû constater que les dirigeants des pays membres de l’OTAN ont nié à plusieurs reprises cet accord. De même, l’accord trilatéral de Minsk n’a délibérément pas été respecté et a été enterré avant que Poutine ne reconnaisse les deux républiques séparatistes.
C’est avec un sentiment de honte que j’ai pu lire dans un quotidien italien la déclaration suivante : guerre Ukraine-Russie : quand tuer Poutine est la seule solution. Je n’ai pas vu de déclaration d’indignation pour cet appel à assassiner Poutine, ni même pour le massacre d’Odessa au cours duquel 48 personnes ont été brûlées vives, dont une femme enceinte.
J’ai accueilli avec beaucoup d’enthousiasme l’appel de l’Institut Schiller à établir une nouvelle architecture de sécurité et de développement pour toutes les nations, inspirée de la paix de Westphalie. La paix de Westphalie a mis fin à trente ans de guerre sanglante entre catholiques et protestants. Dans un moment où l’on court de graves périls, il est nécessaire de prendre comme référence le modèle de l’Europe des patries, de De Gaulle, et de la paix de Westphalie.
Quelqu’un a qualifié le général de « saboteur », lui attribuant la volonté d’entraver ceux qui œuvraient pour la construction européenne. Au contraire, De Gaulle avait foi en une Europe des patries, mais il rejetait la création de structures supranationales qui conduiraient au fédéralisme. En fait, on peut dire aujourd’hui que l’Union européenne a privé, au fil du temps, chaque État membre de sa souveraineté.
L’Europe des patries voulait être une force qui s’interpose de manière autonome entre les États-Unis et l’Union soviétique, et non une Europe résultant de la perte progressive de souveraineté des États. En bref, une Europe indépendante à la fois du bloc atlantique et du bloc soviétique, c’est-à-dire capable de prendre des décisions de manière autonome.
En ce jour, je veux me souvenir de deux Italiens, le maire de Florence [Giorgio] La Pira et le Pape Jean XXIII, qui ont contribué, dans les années 60, à créer un pont entre l’Est et l’Ouest pour préserver la paix. En invoquant cet esprit et l’encyclique Pacem in Terris, je m’adresse comme le Pontife à tous les hommes de bonne volonté, en invoquant un monde de paix sans blocs. Une Europe des patries avec la paix de Westphalie n’est pas une utopie, mais un projet qui doit inspirer tous ceux qui veulent vraiment la paix.
Je remercie encore une fois la présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche.