« la plus parfaite de toutes les oeuvres d’art est l’édification d’une vraie liberté politique » Friedrich Schiller
Accueil > Veille stratégique
7 juillet 2022
Alors que les pays occidentaux s’enferrent dans leurs choix économiques désastreux, un nombre croissant de pays se tournent vers les perpectives offertes par les BRICS. Tel est le cas de l’Argentine.
Dans son discours par visioconférence le 24 juin lors du sommet « BRICS-Plus » organisé par le président chinois Xi Jinping le lendemain du sommet annuel des chefs d’état des cinq pays membres (Brésil, Russie, Inde, Chine Afrique du Sud), le président argentin Alberto Fernández a affirmé sans équivoque la nécessité urgente d’une nouvelle architecture financière mondiale, basée sur la compréhension qu’« une fois pour toutes, le développement doit être le nouveau nom de la paix » et « la paix doit aujourd’hui être le nouveau nom du développement ». C’est le thème qui a traversé tout son discours, alors qu’il décrivait ce qu’il disait être les « conséquences tragiques » du conflit militaire en Ukraine pour les nations du Sud, avec « le spectre de la faim qui traque impitoyablement les nations de l’hémisphère Sud. » S’exprimant en tant que président pro tempore de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), qui représente 650 millions de personnes, M. Fernández a averti que, dans les conditions désespérées actuelles de la région et, plus largement, de l’hémisphère Sud, il n’y a aucune chance que les objectifs de développement durable fixés par les Nations unies pour 2030 puissent être atteints si la paix ne règne pas et si des « politiques publiques adéquates » ne sont pas mises en place pour répondre aux besoins urgents. Il a appelé à la cessation des hostilités en Ukraine, au retour au dialogue et à une résolution pacifique du conflit. L’Argentine, a-t-il dit, veut « faire partie de la recherche d’une solution qui rassemble toutes les parties pour parvenir à une paix durable. » Et, a-t-il dit, pendant que « nous travaillons à faire taire le tonnerre des armes, nous devons concentrer nos efforts sur la conception d’une architecture financière mondiale qui tienne compte des besoins de la croissance, du commerce, de l’investissement et, fondamentalement, du bien-être que l’humanité exige. » Alors que la guerre est menée en Europe, a-t-il averti, « ses conséquences tragiques ont des répercussions en Amérique latine, dans les Caraïbes, en Afrique et dans tout l’hémisphère sud. Nous sommes la périphérie qui souffre ». Le président argentin a déclaré qu’il était honoré d’avoir été invité à participer au sommet des BRICS-Plus et que son pays souhaitait vivement devenir un membre à part entière des BRICS. Il a évoqué la manière dont l’Argentine, avec son énorme potentiel de production alimentaire et énergétique et son expertise technologique, peut très certainement aider d’autres nations à augmenter leur production alimentaire et à améliorer leur qualité de vie. M. Fernández a déclaré qu’il se souvenait de l’annonce faite par Xi Jinping en 2021, selon laquelle la Chine avait éliminé l’extrême pauvreté, et qu’il souhaitait faire de même pour son pays, mais que malheureusement, l’Argentine appartient à un continent qui « est le plus inégalitaire du monde. » Le « poids économique et institutionnel des BRICS peut devenir un facteur de stabilité financière », et l’expansion de la nouvelle banque de développement des BRICS peut contribuer à renforcer les infrastructures des nations, a-t-il souligné. Il a appelé à l’élargissement des accords d’échange de devises, comme celui que l’Argentine a conclu avec la Chine, et à la création d’une nouvelle agence de notation internationale (BRICS), pour remplacer celles gérées par des intérêts financiers privés. Les BRICS « constituent une plateforme dotée d’énormes capacités pour discuter et mettre en œuvre un programme pour l’avenir qui peut nous amener à une ère meilleure et plus juste. » « Personne ne m’a jamais convaincu », a déclaré Fernández en conclusion, « que toute l’histoire passée a été la meilleure ; le meilleur est dans le demain proche, un demain que nous pouvons construire. Le moment est venu, l’histoire est en train de s’écrire. Nous devons comprendre, une fois pour toutes, que le développement doit être le nouveau nom de la paix et que la paix doit être aujourd’hui le nouveau nom du développement. »
Entre les différentes rencontres au sommet qui se sont tenues ces dernières semaines, la divergence de vue fondamentale entre les pays occidentaux dits développés et la majorité des autres nations du monde ne pouvait être plus éclatante. D’un côté, le sommet annuel des BRICS, le 23 juin à Beijing, suivi de la réunion élargie « BRICS+ » à laquelle participait Alberto Fernandez, avec des rencontres marquées avant tout par le rejet de « l’ordre fondé sur les règles » - règles dictées par une poignée de nations occidentales -, et par un engagement ferme en faveur du multilatéralisme et de l’inclusion, respectant le droit de toutes les nations à poursuivre leur développement économique et social.
De l’autre côté, le sommet de l’Union européenne des 23 et 24 juin, au cours duquel il a été décidé d’intensifier le clash avec la Russie et de persister dans la voie suicidaire de l’inflation et de la flambée des prix de l’énergie. Par ailleurs, le statut de candidat à l’adhésion à l’UE a officiellement été accordé à l’Ukraine et à la Moldavie, afin de mieux combattre « l’impérialisme russe », selon Ursula von der Leyen.
Deux jours plus tard, les dirigeants du G7 se réunissaient au château d’Elmau, dans les Alpes bavaroises, où ils jurèrent d’écraser « l’agression russe » (tout en gaspillant à cet effet quelque 200 millions d’euros de l’argent des contribuables). Heureusement, les représentants des cinq pays en développement invités (Afrique du Sud, Argentine, Inde, Indonésie, Sénégal, qui venaient tous d’assister au BRICS+) ont ramené une forte dose de réalité dans les discussions. En revanche, le sommet de l’OTAN, du 28 juin au 30 juin à Madrid, a confirmé toutes les inquiétudes face à l’attitude agressive de l’OTAN, sa recherche permanente d’ennemis, la militarisation croissante du théâtre de guerre (plus de 300.000 militaires pour ses « forces à haut niveau de préparation ») que constitue de facto l’Europe, et le renforcement de sa domination, passant notamment par des prérogatives accrues pour son secrétaire général, sous prétexte, bien entendu, d’améliorer la sécurité et la stabilité du monde.