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Politique énergétique : les conseils de Vladimir Poutine à l’Europe

13 octobre 2021

Pendant que les dirigeants européens s’enferment dans leurs fausses certitudes et leur vision à court terme, la population doit s’attendre à grelotter cet hiver.

Le 6 octobre, lors d’une visioconférence avec des dirigeants et entrepreneurs russes, le président russe Poutine a donné une leçon d’économie à l’Occident, attribuant la crise énergétique à la « transition climatique » et à la décision de remplacer les contrats à long terme par le marché spot. Il a également cité des chiffres montrant que la Russie n’a jamais réduit les livraisons de gaz vers l’Europe, si ce n’est en 2020, lorsque la demande était plus faible en raison de la baisse des activités due à la COVID.

« Le marché énergétique mondial ne supporte pas les mouvements agités et les revirements. Les projets d’investissements dans ce domaine portent sur le long terme, a-t-il déclaré. Par conséquent, toute action brutale et irréfléchie peut produire, et produit déjà, à en juger par la situation actuelle sur les marchés, de graves déséquilibres, comme ceux que nous observons aujourd’hui sur le marché européen, frappé en même temps, cette année, par plusieurs facteurs défavorables. »

En cause, selon Vladimir Poutine, « les pratiques de nos partenaires européens. Ces pratiques ont reconfirmé qu’ils avaient commis des erreurs. Nous avons discuté avec l’ancienne Commission européenne ; toute son action visait à mettre un frein aux contrats dits à long terme et à passer à la vente du gaz sur le marché boursier.

« Il s’est avéré - et aujourd’hui c’est absolument évident - que cette politique est erronée, parce qu’elle ne prend pas en compte les spécificités d’un marché du gaz dépendant d’un grand nombre de facteurs d’incertitude. Les consommateurs, y compris par exemple les producteurs d’engrais, perdent toutes références de prix. Tout ceci conduit à des échecs et, comme je l’ai dit, à des déséquilibres. »

Le président russe a également pointé du doigt l’influence des Britanniques sur les décisions européennes. La proposition de passer au système du marché spot pour le gaz naturel est venue, selon lui, « des experts de la Commission européenne sous le mandat précédent, principalement des experts britanniques. Où sont-ils maintenant, ces experts britanniques avec leurs propositions ? Nous savons où ils se trouvent, mais les consommateurs d’Europe continentale ont pâti de ces initiatives. »

Aujourd’hui, a-t-il noté, l’Allemagne brûle proportionnellement plus de charbon que la Russie. « Comment peuvent-ils se battre pour une neutralité carbone, si la part du charbon dans le bilan énergétique européen (et dans ce cas, nous parlons de l’Allemagne) est deux fois plus élevée qu’en Russie ? Eh bien, il se trouve qu’ils le peuvent. C’est ce qu’ils — les Européens — font et essaient de faire aux dépens de quelqu’un d’autre. Dans ce cas, c’est à nos dépens, aux dépens de la Fédération de Russie. »

Parlant de l’Allemagne, le PDG d’Inter RAO PJSC, Boris Kovalchuk, s’est étonné de voir que « les agences gouvernementales produisent des clips vidéo expliquant aux gens comment passer l’hiver sans éclairage ni chauffage, comment mettre des bougies dans des pots de fleur pour réchauffer une pièce, et comment faire en sorte que les fenêtres ne laissent pas passer les courants d’air avec du ruban adhésif et du film alimentaire. Il y a quelques années, cela aurait encore été imaginable, comme si l’âge de pierre était de retour. »

On notera aussi que le Premier ministre adjoint Alexandre Novak a demandé une enquête sur le rôle de la spéculation financière, sachant qu’« objectivement, le prix actuel ne reflète pas la situation ».

La transcription en anglais de la visioconférence est disponible sur le site du Kremlin : http://en.kremlin.ru/events/president/news/66866

Flambée des prix de l’énergie : le rôle de l’UE et des fonds spéculatifs

Bien que la « transition climatique » ait déclenché une forte spéculation sur les produits énergétiques et provoqué l’hyperinflation des prix du gaz naturel, promettant un hiver froid à des millions d’Européens, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a défendu la politique de l’UE : « Les prix du gaz explosent, mais le prix des renouvelables a diminué ces dernières années et reste stable, a-t-elle déclaré le 6 octobre au cours d’une visite en Slovénie. Il est donc très clair pour nous, en matière d’énergie à long terme, qu’il est important d’investir dans les renouvelables qui nous permettent de stabiliser les prix et d’être plus indépendants. »

wikimediacommons

Voilà une bonne nouvelle pour les fonds de pension qui engrangent des profits à deux chiffres en pariant sur la hausse des prix énergétiques.

« Les fonds spéculatifs qui se sont aventurés dans le gaz naturel britannique et l’électricité allemande ont fait de gros gains cette année, grâce à la crise énergétique européenne et aux fluctuations brusques des marchés spécialisés de marchandises, l’un des fonds ayant grimpé de plus de 40 % », écrivait le Financial Times le 24 septembre. Les fonds mentionnés sont Man Group, Systematica Investments (fondé par Leda Braga) et Florin Court Capital. « La plupart des hedge funds, dans le secteur dit des contrats à terme gérés, utilisent des algorithmes pour tenter de surfer sur les tendances des contrats à terme traditionnels sur les obligations, les devises, les actions et les denrées. Mais le secteur est passé de 30 milliards de dollars il y a deux décennies à plus de 300 milliards de dollars aujourd’hui, selon le fournisseur de données HFR. »

L’agence Bloomberg s’est intéressée pour sa part au plus performant des hedge funds appartenant à Pierre Andurand, ce mathématicien français formé à Oxford encensé parmi les négociants en pétrole (on le surnomme « le roi du pétrole »). Son Andurand Commodities Discretionary Enhanced Fund a engrangé l’an dernier des gains de 154 %, tandis que son Andurand Commodity Fund (plus ancien) a encaissé des gains de 68 % l’année dernière et enregistre une hausse de 33 % cette année. L’année dernière, Andurand a spéculé sur une baisse des prix de l’énergie en raison des confinements et d’un recul de la demande de carburant pour les transports, et il a vendu à découvert en conséquence. Cette année, il a spéculé sur la hausse du marché de carbone tout en se jetant sur l’ETS (système d’échange de quotas d’émission de CO2).

Andurand a déclaré, selon Bloomberg, qu’« il reste optimiste sur les marchés européens du gaz, du carbone et de l’énergie allemande, et prévoit une hausse des prix du pétrole alimentée par la diminution des stocks, le respect de la décision du groupe OPEP +, une réponse modérée de la part des producteurs de schiste américains et une augmentation inattendue de la demande déclenchée par une pénurie de gaz ».


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