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Conférence internationale de Strasbourg - 8 et 9 juillet 2023

Planifier l’intégration, la coopération et la croissance avec les BRICS : les faux pas et les risques

2ème session

20 juillet 2023

Discours de Julio De Vido, ancien ministre de la Planification fédérale, des Investissements publics et des Services ; (Argentine)

Je voudrais commencer cette présentation, que j’ai intitulée Planifier l’intégration, la coopération et la croissance avec les BRICS : les faux-pas et les risques, en remerciant tout d’abord l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche et Dennis Small pour l’honneur qu’ils m’ont fait en m’invitant à cette conférence.

J’ai pu réfléchir au document de travail de Dennis Small et Mary Jane Freeman intitulé Some LaRouche Essentials for the Transition to a New International Financial System (Quelques principes essentiels de LaRouche pour la transition vers un nouveau système financier international). Voici ma contribution à cette réflexion :

La disparition du système financier mondial tel que nous le connaissons aujourd’hui, dépend du succès des BRICS, conçus comme la possibilité de mettre en place une plateforme d’intégration intercontinentale d’économies qui ont paradoxalement comme avantage de grandes réserves de ressources naturelles et un rôle déterminant dans la chaîne d’approvisionnement mondiale (énergie, alimentation, eau et biodiversité), et comme inconvénient de rassembler des économies réelles ou potentielles très puissantes, mais très inégales. Un simple examen du paysage social de bon nombre de ces pays témoigne de ces asymétries.

Par conséquent, je pense qu’en plus de l’ordre du jour consistant à parler honnêtement de la guerre entre l’Ukraine et la Russie et à prendre position à ce sujet, et de l’ordre du jour de la domination elle-même qui perpétue la dépendance à l’égard du système financier mondial (grâce à des organisations telles que l’OTAN), il est nécessaire de construire cette plateforme d’intégration que sont les BRICS en tenant compte et en respectant les opinions souveraines de ces pays, en reliant leur volonté de coopérer, de nouer des liens commerciaux et de définir les questions de politique étrangère qui vont de pair.

La situation actuelle est celle d’un « équilibre précaire ». Nous sommes nombreux à reconnaître la nécessité d’une nouvelle façon de participer aux institutions de la gouvernance mondiale, en particulier parmi les pays qui partagent une histoire commune de lutte contre l’impérialisme, le colonialisme, l’exploitation et le sous-développement.

Mais il peut y avoir beaucoup de faux pas et de risques si la politique étrangère et les stratégies d’insertion ne sont pas claires dans leur caractérisation et si elles sont erratiques. En outre, les accords et les engagements visant à représenter le soi-disant « Sud global » doivent être équilibrés et affirmés au sein de chacun des pays - ceux qui constituent aujourd’hui les BRICS et ceux qui, comme l’Argentine, cherchent à rejoindre ce bloc.

Le moment historique et le contexte doivent nous encourager aujourd’hui.

Dennis Small écrit que « la seule façon de résoudre l’énigme Argentine-BRICS contre FMI, c’est que l’initiative chinoise Belt and Road (Initiative une Ceinture une Route) se mette activement en place dans la région - pour ‘poser la première pierre’ et commencer à construire les corridors ferroviaires bi-océaniques tant attendus à travers le continent, en particulier, grâce à des lignes de crédit de plusieurs milliards de non-dollars. »

Je voudrais rappeler ici que l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, l’Équateur, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela - respectivement dirigés à l’époque par Néstor Kirchner, Evo Morales, Lula da Silva, Rafael Correa, Nicanor Duarte Frutos, Tabaré Vázquez et Hugo Chávez - ont signé en 2007 la Charte fondatrice de la Banque du Sud, guidée par l’objectif de développer, promouvoir et favoriser l’intégration économique et sociale des nations membres de l’UNASUR (Union des nations sud-américaines).

Le processus de création de la Banque du Sud s’inscrivait dans le cadre de l’engagement commun de créer une nouvelle architecture financière régionale. C’était un moyen d’éviter que l’épargne nationale ne se dirige vers des économies plus développées, au lieu d’être investie dans des projets régionaux.

D’une certaine manière, il s’agissait pour nous d’un premier pas pour sortir de la mondialisation financière et commerciale de l’époque, et pour pouvoir revitaliser l’investissement, corriger les asymétries et développer des infrastructures intégratrices. En bref, l’objectif était d’atténuer la vulnérabilité extérieure de notre région.

Malheureusement, nous reconnaissons aujourd’hui que ce fut une expérience ratée pour le bloc régional de l’UNASUR.

Avec leurs atermoiements, les superstructures technico-administratives non collaboratives des premières années d’existence de l’UNASUR, ont ouvert la porte à une reconfiguration des forces qui, en 2011, a eu un impact sur le processus d’intégration et, bien sûr, sur le projet de la Banque, en raison des changements politiques survenus dans la région.

L’effort et la volonté politique de beaucoup d’entre nous ayant une expérience de l’administration gouvernementale, pour briser l’hégémonie des États-Unis et entrer pleinement dans le multilatéralisme et dans un changement de l’ordre international, doivent viser :

1) à définir ce que nous entendons par le « Sud global ». Je pense qu’il est nécessaire de définir le sujet. Nous connaissons aujourd’hui le potentiel du G7, avec une faible représentation en termes de population mondiale (10 %) et une taille économique de 31 % du PIB mondial. Nous connaissons le potentiel des BRICS, avec une forte représentation de la population (40 % de la population mondiale) et une taille économique de 24 % (en termes de PIB mondial).
La question ouverte est d’évaluer son poids géopolitique afin d’établir des positions communes concernant le fonctionnement politique et économique mondial, pour contrebalancer un G7 composé aujourd’hui des pays industrialisés, avec les BRICS composés de pays qui semblent en crise politique et économique à cause de leur soumission aux « prescriptions » des institutions de crédit multilatérales.

2) à s’attaquer d’urgence aux vulnérabilités communes des économies du Sud. Nous avons vu que l’évaluation du soi-disant Agenda 2030 dans ces pays, que l’ONU a imposé comme faisant partie de l’ordre mondial, est un échec. Je veux parler de la pauvreté, des inégalités, du changement climatique. Tel qu’il est présenté dans l’Agenda, le « développement durable » est passé à la trappe.

Par conséquent, et à titre d’exemple : l’extractivisme, en tant qu’outil fondamental pour la concentration des richesses qui limite le développement, et également pour l’exportation des ressources naturelles, qui, pour mon pays, est un moyen d’obtenir des dollars pour payer sa dette au FMI, est clairement un moyen très dangereux d’agir, au mépris du développement durable (environnemental et social).

Cette reconnaissance de la réalité au sein des pays devrait être la plate-forme à partir de laquelle les BRICS travaillent à la reprise économique mondiale que nous cherchons à mener, pour positionner ces économies émergentes sur la voie du développement et de l’autosuffisance, ce qui, avec le type de propositions analysées dans ce forum, nous permettra de définir un nouvel ordre mondial.

L’une de ces propositions, pour citer Small et Freeman lorsqu’ils évoquent la nécessité d’une nouvelle monnaie : « Des crédits productifs doivent être émis dans cette nouvelle monnaie pour financer de grands projets de développement, en mettant fortement l’accent sur la science et les technologies avancées, dans et entre les nations participantes, afin de stimuler rapidement les économies physiques et de fournir ainsi le seul soutien solide possible à la valeur et à la stabilité de la nouvelle monnaie. »

Dans cette optique, nous devons donner naissance à un nouvel ordre international qui soit véritablement inclusif, équitable, juste et durable, qui permette de convenir de réformes et de les planifier dans les domaines de l’énergie, des transports et des infrastructures, mais aussi le plus gros investissement possible des BRICS dans les économies de ses nations partenaires pour permettre la croissance de l’industrie locale dans chacune d’entre elles, ainsi que l’amélioration réelle des indicateurs des lignes directrices de l’Agenda 2030 et une amélioration continue du commerce extérieur et de l’accès au marché.

À court terme, la plateforme des BRICS doit aider les pays membres à résoudre leurs dettes auprès des institutions multilatérales de crédit, en soutenant la croissance de chacun d’entre eux, la création de véritables emplois et l’amélioration des conditions de vie de leurs habitants, et à long terme, à établir de nouveaux mécanismes de financement en dehors de ces institutions et des mandats des États-Unis et de leurs alliés.

Je crois comprendre que c’est la voie à suivre pour lancer le nouvel agenda économique mondial, afin que le système financier mondial, tel que nous le connaissons aujourd’hui, disparaisse, et que les BRICS puissent créer un contrepoids dans la géopolitique mondiale, afin que l’Occident respecte ce que l’on appelle le « Sud global ».

Je vous remercie de votre attention.

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